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L'Ukraine
Aux marches de la Russie, la permanence d'une identité incertaine

« Peuple fier et bon enfant parce que toujours proche de la terre… gai et rieur au milieu des pires tourmentes, qui tire du rythme des moissons au milieu desquelles il naît, grandit et meurt, une confiance inébranlable en sa puissance de résurrection… » C’est en ces termes que Jacques Benoist-Méchin présente en 1939 un peuple ukrainien terriblement malmené par l’histoire, au moment où il vient de subir les effets conjugués de la collectivisation agraire, de la terreur stalinienne et de la famine qu’elles ont engendrée. Ce peuple millénaire, qui se vit interdire pendant longtemps toute forme d’existence nationale indépendante, a connu, à la faveur de la disparition du système soviétique, une renaissance qu’il était impossible d’imaginer quelques années plus tôt. Étendue sur un peu plus de 600 000 km2, peuplée de près de soixante millions d’habitants, l’Ukraine indépendante issue, en 1991, de l’effondrement de l’URSS, se pose en héritière de la « première Russie » kiévienne ; mais sa partie occidentale a subi durablement l’empreinte de l’influence polonaise, et l’importance de la minorité russe, la dépendance économique étroite vis-à-vis du puissant voisin du Nord, les caractères communs qui unissent les deux grands peuples slaves orientaux et les pesanteurs qui commandent la géopolitique traditionnelle de Moscou rendent aléatoire l’affirmation d’une identité ukrainienne. Si elle a naturellement constitué, au sud de la Russie, une marche frontière – tel est le sens du mot Krajina –, l’Ukraine a aussi subi l’influence byzantine, et son ouverture sur le monde des steppes eurasiatiques en a fait, pour les envahisseurs venus de l’est, une proie facile, ce qui a contribué au déplacement vers le nord forestier, vers Moscou, du centre de gravité de l’espace russe. Si l’histoire de l’Ukraine s’est largement confondue avec celle de la Russie, il demeure légitime de rechercher ce qui, au fil du dernier millénaire, a contribué à la construction et à la formation d’une identité propre. Installés sur l’axe formé par les cours du Volkhov et du Dniepr, les Slaves orientaux, demeurés divisés en tribus ou en petites communautés indépendantes, sont rassemblés, à la fin du Xe siècle, par les Varègues scandinaves, créateurs de la principauté de Kiev. Plus proches de Byzance – d’où viennent les missionnaires évangélisateurs – et dominant une région connue depuis l’Antiquité pour la richesse agricole que lui valent ses fameuses « terres noires » (thernozioms), les princes de Kiev, héritiers de Rurik, qui imposent leur autorité du Dniepr moyen au lac Ilmen, apparaissent comme les premiers fondateurs de la puissance « russe ». Alors qu’Anne, la fille du grand-duc Iaroslav, épouse en 1051 le roi de France Henri Ier, Moscou n’est mentionnée pour la première fois qu’en 1147, ce qui donne à l’État kiévien une antériorité que les nationalistes ukrainiens chercheront à exploiter pour justifier leurs revendications indépendantistes. À l’inverse, les historiens « grands russes » affirmeront pour leur part la légitime continuité faisant des tsars de Moscou les héritiers naturels des princes de Kiev. La langue « vieille russe » de cette époque, dérivée du protoslave, ne connaissant pas encore les différenciations qui distingueront ultérieurement le russe de l’ukrainien et du biélorussien, on peut admettre qu’il est difficile, malgré tous les efforts consentis par les historiens nationalistes ukrainiens du XIXe siècle, de voir dans la principauté de Kiev le premier État ukrainien. C’est le déferlement des hordes mongoles qui renverse les rôles. Kiev est mise à sac en 1240, et toutes les steppes du Sud ne sont plus pour longtemps que ruines et désolation. Moscou est également frappée, mais les épaisses forêts du Nord sont un obstacle pour les cavaliers de Batou et un refuge pour les populations qui – dans le bassin formé par la haute Volga, l’Oka et la Moskowa (la « Mésopotamie russe ») constituent alors le noyau originel du peuple « grand russien ». Kiev détruite, c’est plus à l’ouest, dans la principauté de Halitsch-Volhynie, sur le territoire de ce qui deviendra la Galicie, que parviennent à survivre les populations qui ont fui devant l’apocalypse mongole, alors qu’une bonne partie des riches terres s’étendant du Dniepr au Don est retournée à la steppe. L’essor de la Lituanie, qui aboutit à l’annexion de Kiev en 1362, sépare durablement par la suite la Galicie de la principauté de Moscou ; c’est à ce moment, vers les XIIe-XIVe siècles, que se forme, autour de Lvov, un début d’identité ukrainienne, avec l’émergence d’une langue littéraire originale et l’assimilation des influences polonaise, lituanienne et catholique. La naissance de l’Union polono- lituanienne, entamée à la fin du XIVe siècle et confirmée à Lublin en 1569, accentue la séparation et soumet les populations galiciennes à l’arbitraire des grands propriétaires polonais, à un moment où la « Grande Pologne » englobe Lvov et s’étend même jusqu’à Kiev. À la même époque se développent, sur la rive gauche du Dniepr, les principautés cosaques constituées par les Zaporogues installés près des rapides du grand fleuve, mais aussi par ceux qui occupent les rives du Don, du Kouban et de l’Oural. Organisés en sotnias (centuries) et commandés par leurs atamans (ou hetmans), les Cosaques – dont le nom vient du terme turc kassak, qui signifie « bon soldat » – sont à la fois des guerriers et des colons d’origines diverses dont le particularisme s’est affirmé à travers une organisation militaire très stricte, imposée par les luttes les opposant de manière quasi permanente aux Tatars, aux Kirghizes, aux Turcs ou aux Polonais. Ce sont ces communautés cosaques et leurs chefs qui, à partir du XVIIe siècle, déterminent les destinées de l’Ukraine et l’évolution de ses rapports avec la Russie.

L'Ukraine devient la marche méridionale de la Russie (XVIe-XVIIIe siècles)

1240 : Prise de Kiev par les Mongols. 1415 : Des hiérarchies ecclésiastiques séparées sont établies en pays ukrainien et moscovite. 1434 : Introduction du droit polonais en Ukraine occidentale. 1491 : Première Bible en ukrainien imprimée à Cracovie. 1492 : Première mention des Cosaques ukrainiens. 1496-1532 : Lois d’asservissement des paysans polonais. 1502 : Fin de la Horde d’or. 1503 : Les Russes s’installent dans la région de Tchernigov. 1539 : Restauration d’un évêché orthodoxe à Lvov. 1569 : Union de Lublin. Formation de l’État polono-lituanien. 1585 : Expédition cosaque contre les Tatars de Crimée. 1584-1613 : « Temps des troubles » en Moscovie, conclu par l’accès au pouvoir de la dynastie des Romanov. 1589 : Moscou devient siège du patriarcat orthodoxe. 1596 : Concile de Brest-Litovsk. Union de l’Église ukrainienne à Rome – naissance du catholicisme ruthène « uniate ». Ceux qui restent fidèles à l’Église orthodoxe se tournent naturellement vers Moscou. 1648 : Révolte cosaque conduite par Bohdan Khmelnicki. Surnommé le « Cromwell cosaque », il inflige une défaite complète aux Polonais du roi Jean Casimir et vient même assiéger Lvov. Il rêve de rassembler en un État toutes les populations « ukrainiennes » dispersées de la Vistule au Don. 1649 : Traité de Zborov. Il sanctionne la victoire des Cosaques sur les Polonais, qui doivent reconnaître leur autonomie. 1654 : Traité de Perejaslav. Réunion de l’Ukraine à l’État russemarché de dupes pour Khmelnicki, dans la mesure où les Moscovites ne lui reconnaissent en fait d’autorité que sur ses troupes cosaques, en se réservant de gouverner les masses paysannes dont le tsar considère qu’elles font partie des populations russes sur lesquelles doit s’affirmer sa souveraineté. 1657 : Mort de Bohdan Khmelnicki. 1660 : Rupture avec Moscou. L’Ukraine se retrouve coupée en deux. 1667 : Traité d’Androussovo. L’Ukraine est partagée entre la Russie et la Pologne. La rive droite du Dniepr demeure sous domination polonaise, alors que le tsar de Moscou se voit reconnaître la possession de la rive gauche augmentée de la région de Kiev, ce qui va devenir l’Ukraine – terme qui signifie pour les Russes la « terre des confins », à savoir une simple marche de l’Empire qui se voit ainsi dénier toute identité particulière. 1667-1671 : Soulèvement de Stenka Razine entre Don et moyenne Volga. Le mouvement a des échos en Ukraine orientale. 1685 : L’Église ukrainienne passe sous l’autorité du patriarcat de Moscou, ce qui conforte « l’union » réalisée à Péréjaslav. 1686 : Conclusion de la paix entre Pologne et Russie. 1689 : Le collège de Mohila, fondé à Kiev en 1632, prend le rang d’académie. 1709 : Victoire de Pierre le Grand sur Charles XII de Suède à Poltava. Contre la promesse d’une Ukraine indépendante, l’ataman Mazeppa – que les nationalistes ukrainiens considéreront plus tard comme un héros, alors que les Russes verront en lui un traître – s’est allié avec le souverain scandinave et doit s’exiler. 1720 : Hostile à toute forme d’expression nationale, le gouvernement russe interdit l’usage de la langue littéraire ukrainienne. C’est à partir des dialectes populaires que se réalisera au siècle suivant la renaissance linguistique. 1734 : Mouvement haïdamak dans l’Ukraine de la rive droite. La monarchie polonaise ne jouit d’aucune autorité et ne contrôle pas les magnats qui exploitent les masses rurales dans ces régions périphériques du royaume, et les paysans se révoltent. 1755 : Suppression des droits de douane entre Ukraine et Russie. 1764 : Fin de l’hetmanat cosaque. L’aristocratie cosaque est désormais ralliée à l’État russe qui lui permet par ses règlements (1760) d’assujettir pleinement les paysans. 1768 : Révolte de la plèbe cosaque contre les chefs zaporogues. 1772 : Premier partage de la Pologne. 1774 : Traité de Kutchuk-Kaînardji conclu entre la Russie et l’Empire ottoman. Il ouvre à l’Empire les côtes de la mer Noire. 1775 : Annexion de la Bukovine par l’Autriche. À la faveur de la victoire remportée sur la révolte de Pougatchev, l’administration russe s’installe en Ukraine, assimilée à l’Empire. 1780 : Soumission des Cosaques zaporogues. Les communautés cosaques passent peu à peu sous l’autorité des tsars, et leurs chefs sont intégrés à la noblesse russe. 1783 : Annexion de la Crimée par la Russie. Création d’Ekaterinoslav, la future Dniepropetrovsk. Le servage est introduit par le pouvoir russe dans l’Ukraine de la rive gauche, afin de fixer au sol les populations paysannes nécessaires à la mise en valeur agricole des grands domaines que se partage, à la faveur de la conquête, l’aristocratie russe. 1784 : Création de l’université de Lvov où est enseigné le ruthène. 1793 : Deuxième partage de la Pologne, suivi du troisième, deux ans plus tard. La Pologne est rayée de la carte en tant qu’État souverain. L’Autriche a récupéré la Galicie mais plus des deux tiers du territoire ukrainien sont désormais sous la souveraineté russe.

L'éveil progressif d'un nationalisme ukrainien

1798 : Publication de L’Énéide travestie d’Ivan Kotljarevskij, vigoureuse satire écrite en langue populaire ukrainienne contre l’aristocratie et le servage. 1800 : Naissance d’Odessa, où un port a été aménagé à partir de 1794. Installation du premier haut-fourneau ukrainien à Lugansk. L’accès à la mer Noire facilite les exportations céréalières du pays et contribue à sa prospérité tout au long du XIXe siècle. 1804 : Création de l’université de Kharkov. 1812 : Entré à Moscou, Napoléon Ier songe à susciter une révolte de l’Ukraine susceptible d’affaiblir durablement le géant russe, mais le projet d’un État cosaque indépendant baptisé Napoléonide demeure sans suite. 1816-1818 : Naissance des premières organisations « décabristes » en Russie et en Ukraine. 1823 : Apparition du Cercle des Slaves unis en Ukraine. 1825 : Révolte du régiment de Tchernigov, réaction libérale contre l’autocratie ; mais les décabristes ne se préoccupent pas du problème des nationalités. 1833-1838 : Ismaïl Streznevski publie la Collection des Antiquités zaporogues. 1834 : Création de l’université de Kiev. Avec l’université de Kharkov et le lycée d’Odessa, devenu université en 1864, elle sera un foyer de renouveau culturel où historiens, philologues et poètes formaliseront, à partir des dialectes populaires demeurés très vivants, la langue ukrainienne contemporaine. L’œuvre d’intellectuels comme F. Miklosich ou Oleksander Potebnia s’inscrit dans le mouvement général qui pousse l’Europe romantique vers la redécouverte de l’histoire et le culte du passé. Le poète Ambrose Metlynski rassemble ainsi les contes et les ballades populaires, et l’historien Nicolas Kostomarov publie un Livre de la genèse du peuple ukrainien, bientôt suivi de la parution de la Légende historique de l’Ukraine que l’on peut comparer à nos Récits des temps mérovingiens d’Augustin Thierry. Pour tous ces auteurs, le passé cosaque – chanté alors par le grand romancier Nicolas Gogol – est identifié à une époque de liberté idéale, au moment où les opposants slavophiles au tsarisme s’affirment nostalgiques d’une Russie médiévale ignorant l’autocratie. 1835 : Installation en Ukraine des premières raffineries de sucre. 1840 : Publication du Kobzarde de Sevcenko, poète qui apparaît, pour les Ukrainiens, comme l’équivalent de ce que furent Adam Mickiewicz et Sandor Petöfi pour les Polonais et les Hongrois. Un responsable de la police écrit à son sujet « qu’il est le plus dangereux car, en tant que poète, il atteint directement les masses populaires… » 1846 : Naissance clandestine à Kiev de la Confrérie Cyrille et Méthode, qui vise à transformer la renaissance culturelle engagée en revendication politique d’autonomie de l’Ukraine au sein de l’Empire. Son but proclamé est de « répandre l’idéal d’une future fédération des peuples slaves sur la base d’une entière liberté et d’une complète autonomie des nationalités ». Tous les membres de la confrérie sont arrêtés dès décembre 1846 et lourdement condamnés. Le tsar Nicolas Ier réagit en interdisant le nom d’Ukraine auquel on substitue celui de « Petite Russie ». Les « écoles du dimanche », où les intellectuels populistes enseignaient en ukrainien aux pauvres et aux illettrés, sont fermées. 1853-1856 : Guerre contre l’Empire ottoman puis contre l’Angleterre et la France, connue sous le nom de guerre de Crimée. 1861 : Abolition du servage par le tsar Alexandre II. 1863 : À la faveur de la répression consécutive à l’insurrection polonaise, des restrictions sont imposées à l’usage de la langue ukrainienne. Toute publication en ukrainien est interdite dès 1866 – interdiction confirmée en 1875. 1870-1874 : « Polonisation » de l’université de Lvov. 1873 : Création à Lvov de la Société Sevcenko et, à Kiev, de la section du Sud-Ouest de la Société de géographie, laquelle accomplit rapidement un immense travail de recueil et de compilation des documents relatifs au folklore et à l’ethnographie de l’Ukraine. 1874 : Tenue à Kiev d’un Congrès archéologique qui réaffirme les spécificités de l’histoire ukrainienne. 1878 : Certains militants de la Hromada (société secrète) se réfugient à Genève. 1882-1907 : Publication de la Revue des Antiquités kiéviennes, tolérée parce que rédigée en russe. 1890 : Formation en Galicie du Parti radical ukrainien, d’inspiration socialiste. Apparition d’un groupe marxiste à Ekaterinoslav. 1894 : Création d’une chaire d’histoire de l’Ukraine à l’université de Lvov. Michel Drahomanov réclame le remplacement de l’Empire russe par une république fédérative, mais son influence demeure limitée à la Galicie autrichienne. 1895 : Installation d’une usine de machines à vapeur à Kharkov. L’Ukraine s’engage pleinement dans la révolution industrielle dont le développement est accéléré par la politique du comte de Witte. Elle dispose alors de nombreux atouts tels que la houille du Donetz ou le fer de Krivoï Rog, d’une main-d’œuvre nombreuse, d’une agriculture très prospère, de capitaux étrangers en abondance et, enfin, d’élites bourgeoises instruites. 1905 : Révolution dite de 1905. L’Ukraine est impliquée dans ces événements. C’est à proximité d’Odessa que se déroule le drame de la mutinerie du cuirassé Potemkine, et les terres des grands domaines sont occupées en de nombreux endroits, alors que les grèves se multiplient. La Constitution parlementaire octroyée par le tsar Nicolas II en 1905 permet aux Ukrainiens d’avoir dans la première Douma un groupe de quarante députés s’affirmant ukrainiens ; ils seront quarante-sept dans la deuxième Douma, avant que la réforme du code électoral ne fasse de la troisième Douma un Parlement croupion. 1906 : Lois agraires de Stolypine. 1907 : Création à Kiev d’une Société ukrainienne des sciences, mais des mesures hostiles au nationalisme ukrainien sont prises dès l’année suivante. 1914 : Affaire du jubilé Sevcenko : une campagne est menée contre la célébration du centenaire de la naissance du poète par le régime tsariste et par la presse et les mouvements nationalistes russes.

Le dramatique XXe siècle

1914 : Début de la première guerre mondiale. Avec ses capacités de production agricole et sa puissance industrielle, l’Ukraine est un élément décisif dans l’effort de guerre russe. 1917 : La Rada – assemblée constituée à Kiev à la faveur de la révolution qui a éclaté en mars (dans le calendrier grégorien) à Petrograd – n’obtient rien de Kerenski, alors que le gouvernement provisoire a promis qu’il reconnaîtrait le droit à l’autodétermination des peuples minoritaires de l’empire. Le 10 juin, la Rada proclame cependant l’autonomie de l’Ukraine et, le 7 novembre, au lendemain de la révolution d’Octobre, elle proclame une République démocratique ukrainienne immédiatement reconnue par la France et la Grande-Bretagne, qui envoient à Kiev des représentants. Les Bolcheviks réagissent et déclarent hors la loi les nationalistes ukrainiens ; ils installent en même temps à Kharkov un gouvernement de la République socialiste soviétique ukrainienne. En réponse, le pouvoir ukrainien installé à Kiev confirme l’indépendance complète du pays. 1918 : Les troupes rouges de Mouraviev marchent sur Kiev qui, défendue par Simon Petlioura, subit douze jours de bombardement avant de tomber, le 9 février, aux mains des communistes. Réfugié à Jitomir, le Directoire ukrainien nationaliste se tourne alors vers les Centraux, ce qui entraîne le départ immédiat des représentants français et anglais. La paix de Brest-Litovsk conclue le 3 mars contraint les Bolcheviks à la retraite. Rentrée à Kiev, la Rada ratifie le traité, mais elle est immédiatement dissoute par les Allemands qui préfèrent installer un protectorat militaire plutôt que d’avoir à négocier avec un État indépendant. Les occupants se contentent de susciter la création d’une République nationale ukrainienne, État fantoche placé sous la direction de l’ataman Skoropadski. L’occupation se révèle rapidement insupportable, et le général allemand von Eichorn est même assassiné par un socialiste révolutionnaire. La situation change encore après le 11 novembre, puisque toutes les forces allemandes évacuent le pays en emmenant Skoropadski dans leurs fourgons. La Rada se réinstalle à Kiev alors qu’au même moment les Ukrainiens de Galicie proclament à Lvov une république indépendante. 1919 : Le 22 janvier, la Rada de Kiev ratifie l’union des deux États ukrainiens nés de l’effondrement des Empires russe et austro-hongrois, mais cette union n’est qu’éphémère car, dès le 5 février, les Rouges reprennent Kiev alors qu’en Galicie les Polonais, d’abord repoussés, occupent finalement le pays avec l’accord des Alliés. La résistance ukrainienne n’est pas morte pour autant, puisque Petlioura reprend Kiev aux Bolcheviks en octobre. Il la reperd rapidement, car l’Armée blanche du général Denikine entend restaurer la Grande Russie et voit dans les nationalistes ukrainiens des ennemis qui ne valent guère mieux que les Bolcheviks. Replié en Podolie, Petlioura est finalement vaincu, mais Denikine doit faire face aux bandes anarchistes de Nestor Makhno dont le harcèlement compromet rapidement le projet de reconquête et contribue à la victoire finale des Rouges. Inquiets des développements de la Révolution bolchevique, les Français interviennent à Odessa, mais ils abandonnent dès avril 1919 la cause de l’Armée blanche, et les mutineries organisées dans les équipages de la flotte de la mer Noire par le communiste André Marty contribuent à un rapide désengagement. 1920 : Petlioura cherche un accord avec le général Pilsudski, l’homme fort de la Pologne ressuscitée, et promet de lui abandonner la Galicie s’il intervient aux côtés des nationalistes ukrainiens pour libérer Kiev. C’est l’occasion de reconstituer la « Grande Pologne » des Jagellons et, en mai 1920, alors que l’Armée blanche du général Wrangel vient de passer à l’offensive au cours du mois précédent, les forces polonaises entrent dans Kiev. La fulgurante réaction de l’Armée Rouge conduite par Toukhatchevski et Boudienny ramène les Polonais à Varsovie, où seul le « miracle de la Vistule » et l’intervention de la mission française commandée par Weygand leur permettent de barrer la route aux Russes. 1921 : Le traité polono-russe de Riga sacrifie totalement les espérances de Petlioura qui, réfugié à Paris, sera assassiné en mai 1926 par un militant révolutionnaire juif lui reprochant d’avoir organisé des pogroms – ce que les partisans du leader nationaliste ukrainien ont toujours contesté. Au cours de la même année, l’Armée rouge anéantit les bandes anarchistes de Makhno. Au sortir de la première guerre mondiale, l’Ukraine se trouve partagée entre quatre États : la Russie soviétique, la Pologne, la Tchécoslovaquie – qui a récupéré la Ruthénie subcarpatique – et la Roumanie – qui a annexé la Bukovine. 1921-1927 : La Nouvelle Politique Économique (NEP) mise en œuvre par Lénine est favorable au redressement rapide du pays, et les petits paysans propriétaires ou koulaks voient leur situation s’améliorer rapidement. Après les affres de la guerre civile et des réquisitions forcées, après la véritable guerre menée contre les paysans rétifs au « communisme de guerre », ce sont des années relativement favorables, à un moment où un certain nationalisme ukrainien et le communisme appliqué par le nouveau régime peuvent apparaître un temps compatibles. 1927 : La langue ukrainienne n’est plus interdite et le régime semble désireux, pendant quelques années, de mener une véritable politique des nationalités favorable à une authentique autonomie culturelle. Publication en ukrainien du premier tome du Kapital de Marx et du Manifeste du Parti communiste. Alors qu’une aile nationale s’est développée au sein du Parti communiste ukrainien, la politique stalinienne de centralisation « panunioniste » engendre rapidement une régression dramatique. 1929-1933 : La collectivisation forcée et la « dékoulakisation » qui l’accompagne, suivies de la famine méthodiquement mise en œuvre par Staline, coûtent au moins cinq millions de morts au peuple ukrainien, véritable martyr inconnu du XXe siècle. Désespérés, les communistes nationaux ukrainiens Skrypnyk et Khuyloyi se suicident ; les procès staliniens qui installent, à partir de 1935, la « grande terreur » anéantissent toute tentative d’expression d’un sentiment national ukrainien. 1934 : L’Organisation militaire ukrainienne, mise sur pied par les Ukrainiens de Pologne dirigés par Eugène Konovaletz, revendique l’assassinat du ministre de l’Intérieur polonais. Victime d’une volonté de polonisation systématique et brutale, les six millions d’Ukrainiens passés sous souveraineté polonaise se voient refuser toute autonomie, et leurs écoles sont fermées. 1938 : Assassinat de Konovaletz, remplacé par André Melnyk qui donne au mouvement ukrainien de Pologne une façade légale en organisant l’Union nationale démocratique ukrainienne. Au lendemain de la conférence de Munich du 30 septembre 1938, les Ukrainiens de Tchécoslovaquie regroupés en Ruthénie subcarpatique aspirent eux aussi à l’indépendance, et un prélat uniate, Monseigneur Volosyn, installe un gouvernement ukrainien à Chust ; mais les Hongrois envahissent la région en mars 1939 et font disparaître cet État éphémère, porteur des espoirs d’indépendance et de souveraineté de nombreux Ukrainiens. 1939 : En septembre, l’Armée rouge entre en Pologne en application des clauses du pacte germano-soviétique, s’empare de Lvov et annexe la partie polonaise de l’Ukraine. 1941 : Le déclenchement de la guerre germano-russe fait naître de nouveaux espoirs chez les nationalistes ukrainiens, mais ils sont rapidement déçus. Rentré en Ukraine, l’un des chefs de l’Organisation militaire ukrainienne, Stepan Bandera, est arrêté par les Allemands et placé en résidence surveillée en Allemagne alors qu’un Reichskommissariat est installé à Kiev. Les Allemands n’en sont pas moins accueillis favorablement, tant le pouvoir soviétique – responsable de la collectivisation, de la famine et des persécutions antireligieuses – est détesté des habitants. Dans ces conditions, les forces d’occupation trouvent naturellement sur place de nombreux collaborateurs et, en 1943, une division ukrainienne est formée au sein de la Waffen SS. Elle est baptisée « Galicie », ce qui est significatif de la méfiance des Allemands vis-à-vis des revendications nationales ukrainiennes sur des territoires qu’Hitler considérait comme le Lebensraum, l’espace vital nécessaire à l’expansion germanique. Dans le cadre de la Wehrmacht, une armée nationale ukrainienne – comparable à l’Armée russe du général Vlassov – combat également contre l’Armée Rouge mais, dès l’été 1943, les partisans de Bandera forment une Armée insurrectionnelle ukrainienne qui lutte à la fois contre les Rouges et contre les Allemands, spécialement en Volhynie où elle livre quarante-sept combats aux Allemands et cinquante-quatre aux partisans soviétiques. Une fois la guerre terminée, ce mouvement tiendra les forêts de l’Ukraine occidentale jusqu’en 1950. 1943 : Bataille de Koursk, puis franchissement du Dniepr par l’Armée rouge. 1944-1945 : Épuration en Ukraine, sous la direction de Nikita Khrouchtchev. Le bilan est terrible pour le pays, qui est le théâtre de combats acharnés. On évalue à quatre millions le nombre des pertes humaines. Les régions industrielles sont dévastées. La plupart des villes ne sont plus que des champs de ruines. 1945 : Réunification sous domination soviétique ; dès 1939, une assemblée réunie à Lvov a réclamé l’incorporation de la Galicie à l’Ukraine soviétique et, en juin 1940, la Bukovine du Nord a été reprise aux Roumains. En juin 1945, la Ruthénie subcarpatique est abandonnée par la Tchécoslovaquie à l’URSS ; ne reste à réaliser que le rattachement de la Crimée pour aboutir, en 1954, aux frontières actuelles. L’Ukraine est admise à l’ONU, avec la Russie et la Biélorussie – Staline ayant obtenu de Roosevelt que trois républiques soviétiques y soient représentées. 1951 : Installation d’un premier émetteur de télévision à Kiev. 1953 : Mort de Staline. 1973 : Piotr Chelest, Ukrainien devenu l’un des hommes forts de la direction soviétique, est écarté sur l’ordre de Leonid Brejnev pour « déviation nationaliste ». Celui qui lui succède à la tête du PC ukrainien, V. Chtcherbytsky, est totalement dévoué à la direction brejnevienne. 1986 : L’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, dont les effets affectent surtout l’Ukraine et la Biélorussie voisine, révèle l’ampleur de la crise structurelle que connaît le système soviétique, au moment où Mikhaïl Gorbatchev entame la mise en œuvre des réformes. 1988 : Manifestations nationalistes ukrainiennes à Lvov, conduites par Ivan Makar qui est incarcéré pour quelques mois, malgré la perestroïka gorbatchevienne. Tout un débat s’ouvre sur la réhabilitation des nationalistes de Stepan Bandera ; il est relancé par la publication du roman de Boris Khartchouk, Le Temps des cerises, qui met en scène une héroïne combattant au sein de la résistance ukrainienne contre les Soviétiques. 24 août 1991: Le Parlement de la République socialiste d'Ukraine proclame l'indépendance 1er décembre 1991: 90% des électeurs approuvent par référendum l'indépendance du pays. Leonid Kravtchouk remporte l'élection présidentielle avec  61% des voix. Le Canada et la Pologne sont les deux premiers Etats à reconnaître l'indépendance ukrainienne mais sont suivis par la plupart des Etats du monde au cours du mois de décembre.(la France le fait le 27 décembre). 8 décembre 1991 : La conférence réunie à Bielovejskaia Pouchtcha en Biélorussie donne naissance à la Communauté des États Indépendants (CEI), qui succède à l’URSS. L’Ukraine accède à une pleine souveraineté. 15 janvier 1992: Le Parlement ukrainien approuve l'adoption de l'hymne national et le choix du drapeau en deux bandes horizontales bleue et jaune. 4 mars 1992: Le Parlement engage la privatisation des entreprises d'Etat, première étape de la mise en place de l' économie de marché. juin 1992: Devant le refus opposé par l'Eglise orthodoxe russe de reconnaître l'indépendance réclamée par le Synode de l'Eglise orthodoxe ukrainienne, celle-ci se proclame autocéphale mais une partie de l'Eglise orthodoxe ukrainienne est restée sous tutelle du Patriarcat de Moscou tandis que l'Eglise orthodoxe d'Ukraine affirmait son autonomie autour du Patriarcat de Kiev. Dans le même temps, l'Eglise gréco-catholique ukrainienne, longtemps persécutée à l'époque soviétique, connaît une brillante renaissance qui ne va pas sans conflits avec la communauté orthodoxe. 22 août 1992: La République nationale ukrainienne en exil délègue ses pouvoirs au président de la nouvelle Ukraine. 4 septembre 1992: L'Ukraine adhère au Fonds Monétaire Intrenational octobre 1992 - septembre 1993: Leonid Koutchma est premier ministre. Ioukhym Zviahilsky lui succède jusqu'en juin 1994. 14 février 1993: Signature en Hongrie de l'accord de Debrecen entre Pologne Ukraine, et Hongrie juin 1993: Grève des mineurs du Donbass, causée par la fermeture de plus de de deux cents puits. 14 janvier 1994: Signture à Moscou d'un accord tripartite entre l'Ukraine, la Russie et les Etats-Unis en vue de la liquidation de l'arsenal nucléaire ukrainien. Le Parlement ratifiera en novembre le traité de non prolifération nucléaire. mars-avril 1994: Les élections législatives donnent la majorité des sièges à la gauche. 14 juin 1994: Signature d'un accord de partenariat et de coopération avec l'Union Européenne juin 1994-avril 1995: Vitaly Massol premier ministre 10 juillet 1994 : Leonid Koutchma, ancien apparatchik soviétique favorable au rapprochement avec la Russie – qui ne « cache pas son chaleureux respect envers le grand peuple russe » et considère « que tout homme politique ukrainien qui jouerait la carte antirusse serait condamné » – est élu au deuxième tour des élections présidentielles avec près de 53% des voix et succède au nationaliste Leonid Kravtchouk, premier président de l’Ukraine indépendante. novembre 1994: Visite aux Etats-Unis du président Koutchma. Bill Clinton se rendra en visite en Ukraine au mois de mai suivant juin 1995-mai 1996: Yehven Martchouk premier ministre 1995 : Le vote d’une constitution en Crimée à majorité russophone met un terme à la dispute entre Moscou et Kiev à propos de la péninsule. Au fil des années, les contentieux relatifs à l’avenir de la flotte de la mer Noire, aux fournitures de gaz et de pétrole russes indispensables à l’économie ukrainienne ou à la politique étrangère du gouvernement de Kiev, notamment vis-à-vis des USA et de l’Europe occidentale, sont progressivement surmontés ; et si les liens entre Kiev et Moscou ne sont pas aussi étroits que ceux entretenus par la Biélorussie avec le « grand frère » russe, le rapprochement est spectaculaire après les années de tension qui ont suivi immédiatement l’indépendance. 9 novembre 1995: L'Ukraine devient membre du Conseil de l'Europe mai 1996 - juillet 1997:Pavlo Lazarenko premier ministre 28 juin 1996: Le Parlement adopte la constitution. Un président  est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Composé d'une Chambre de 450 députés, le Parlement est élu pour quatre ans dans le cadre d'un scrutin combinant proportionnelle et vote uninominal. 1er septembre 1996: Adoption de la hryvnia comme unité monétaire de l'Ukraine 11 juillet 1997: Signature d'une charte de partenariat entre l'Ukraine et l'OTAN novembre 1998: Le président ukrainien institue une journée commémorative du Holodomor, pour rendre hommage aux millions d'Ukrainiens morts à la suite de la famine-génocide organisée par Staline en 1932-1933 14 novembre 1999: Leonid Koutchma est réélu lors du scrutin présidentiel avec 56% des voix. Il choisit en décembre Victor Iouchtchenko comme premier ministre 15 avril 2000: Visite en Ukraine de la secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright qui encouurage le gouvernement ukrainien à poursuivre sur la voie des réformes. Elle est suivie en juin par le président Clinton qui réaffirme aux Ukrainiens l'amitié américaine septembre 2000: Disparition du journaliste Gueorgui Gongadzé, directeur du journal en ligne Ukraïnska Pravda. Le président Koutchma est soupçonné dans cette affaire à partir de novembre janvier 2001: Le président Koutchma révoque la vice-premier ministre Ioulia Timochenko 28 avril 2001: Rendu responsable par les parlementaires du marasme économique, le premier ministre Victor Iouchtchenko est démis de ses fonctions 7 juin 2001: Réunis à Yalta, les présidents de Géorgie, d'Ukraine, d'Uzbekistan, d'Azerbaïdjan et de Moldavie s'allient au sein du GUUAM dont la création est encouragée par les Etats-Unis et interprétée à Moscou comme un moyen d'assurer le "roll back" de la Russie en l'écartant de l'ancienne périphérie  soviétique juin 2001: Visite du pape Jean Paul II en Ukraine juillet 2001: Victor Iouchtchenko annonce la formation du mouvement "Notre Ukraine" juin 2002: Accord entre Wladimir Poutine, Gerhard Schröder et Leonid Koutchma à propos du transport du gaz russe vers l'Europe occidentale novembre 2002: L. Koutchma nomme Victor Ianoukovitch premier ministre 25 avril 2003:Lancement du projet (l'accord sera signé en septembre)d'Espace économique commun entre Russie, Biélorussie, Ukraine et Kazakhstan juin 2003: Le Parlement ukrainien approuve l'intervention d'une force militaire ukrainienne en Irak aux côtés des Américains octobre 2003: Tension russo-ukrainienne à propos d'un projet de construction d'une digue  entre la péninsule russe de Taman et l'île de Touzla dont les Ukrainiens prétendent qu'elle violerait leur intégrité territoriale 27 septembre 2004: Candidat à l'élection présidentielle, Victor Ianoukovitch annonce que le russe devrait devenir seconde langue officielle du pays octobre 2004: Victor Iouchtchenko, candidat de l'opposition,  est soigné dans une clinique allemande et se dit victime d'une tentative d'empoisonnement. Une affaire qui marque le point de départ de la "révolution orange", du nom de la couleur choisie comme signe de ralliement par les partisans de Iouchtchenko 10 novembre 2004: Alors que les observateurs de l'OSCE dénoncent des fraudes, les résultats du premier tour de l'élection présidentielle donnent 39,8% des voix à Iouchtchenko et  39,3% à son adversaire. 24 novembre 2004: Au deuxième tour de l'élection présidentielle, Ianoukovitch l'emporte sur Iouchtchenko (49,46% contre 46,61%) mais de sérieux doutes sont exprimés sur la régularité du scrutin, qui confirme la polarisation électorale entre l'est du pays russophone, favorable à Ianoukovitch, et l'ouest traditionnellement nationaliste, qui s'est prononcé massivement en faveur de Iouchtchenko. Celui-ci, soutenu par des milliers de manifestants, se proclame vainqueur, avec le soutien de l'OTAN et de l'Union Européenne, alors que Washington conteste "la légitimité du scrutin". 3 décembre 2004: La Cour suprême dénonce les fraudes électorales et invalide le résultat des élections qui doivent être refaites le 26 décembre suivant. Les résultats de cette nouvelle consultation sont publiés le 10 janvier 2005 : Iouchtchenko l'emporte avec 51,9% des voix contre 44,2% à son rival 21 janvier 2005: Discours de Iouchtchenko au Parlement européen de Strasbourg. 24 janvier 2005: Rencontre de Iouchtchenko et de Wladimir Poutine 4 février 2005: Ioulia Timochenko devient premier ministre avril 2005: Visite de Victor Iouchtchenko aux Etats-Unis où il est reçu par George W. Bush, Richard Cheney, Condolezza Rice et où le Congrés lui réserve un accueil très chaleureux. L'Ukraine et les Etats-Unis inaugurent un "partenariat stratégique".Le président américain souhaite l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN et à l'Organisation Mondiale du Commerce 12 août 2005:Réunis dans la station thermale géorgienne de Borjomi, le Géorgien Mikhaïl Saakachvili et l'Ukrainien Victor Iouchtchenko appellent les autres Etats de l'espace post-soviétique à les rejoindre au sein d'une nouvelle alliance régionale, la Communauté de choix démocratique, supposée promouvoir la paix, la stabilité, la sécurité et la démocratie "de l'Atlantique à la Mer Caspienne". Cette annonce et celle - faite quelques jours plus tard par le ministre  ukrainien de l'économie, Serguei Teriokhine - d'une prochaine sortie de l'Ukraine de l'Espace écoomique commun (dont elle fait partie avec la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan) n'ont pas été du goût de Moscou qui a clairement fait savoir que la Russie pourrait remettre en cause les conditions tarifaires très favorables des exportations de pétrole et de gaz en direction de ses voisins.(le prix du gaz fourni à l'Ukraine est inférieur de moitié à celui fourni à l'Allemagne) 26 août 2005: Réunion à Kazan des dirigeants de la Communauté des Etats indépendants, dans une atmosphère tendue. Victor Iouchtchenko a dû démentir les déclarations de son ministre de l'économie et a souhaité la création d'une zone de libre échange à l'intérieur de la CEI. 8 septembre 2005: Victor Iouchtchenko limoge son alliée de la "révolution orange" Ioulia Timochenko, ainsi que le chef du Conseil national de sécurité Petro Porochenko. Il s'agit de mettre un terme aux divisions affectant l'équipe gouvernementale et de faire face aux accusations de corruption pesant sur elle (principalement sur Petro Porochenko) mais Ioulia Timochenko entend exploiter la situation en reprenant sa liberté et en se posant en porte-parole de l'opposition en vue des législatives prévues en mars 2006 septembre 2005: Une commission d'enquête parlementaire met clairement en cause l'ancien président Koutchma à propos de l'assassinat  du journaliste Gueorgui Gongadzé, enlevé en septembre 2000 et retrouvé mort deux mois plus tard . 20 septembre 2005: Le Parlement ukrainien refuse d'accorder sa confiance à Iouri Ekhanourov, qui était le candidat du président Iouchtchenko au poste de premier ministre. L'abstention des députés du groupe animé par Ioulia Timochenko a été décisive pour faire échouer le projet présidentiel.    Il apparaît à l'automne 2005, moins d'un an après le succès de la "révolution orange",que l'Ukraine est loin d'être sortie des difficultés. La croissance s'y est considérablement ralentie et l'Etat risque de se trouver rapidement en situation de cessation de paiement. L'incertitude politique domine, dans la perspective des élections du printemps 2006 et l'incontestable popularitéde Ioulia Timochenko risque de lui garantir des succès susceptibles de rendre le pays ingouvernable. Paradoxalement, c'est peut-être dans l'Est russophone du pays que Victor Iouchtchenko pourrait espérer trouver de nouveaux soutiens, apportés par Petro Porochenko que ses anciennes fonctions  au sein de de la nomenklatura économique ont mis en rapport étroit avec ces régions.. Sur le plan international, les tentatives ukrainiennes encouragées par les USA pour s'émanciper toujours davantage de la tutelle du "grand frère" russe n'auront connu qu'un succès limité. La Russie dispose en effet de puissants moyens de pression sur son voisin du sud-ouest. L'augmentation des prix du gaz et du pétrole, l'accord récemment conclu entre Moscou et Berlin en vue de réaliser un gazoduc passant sous les eaux de la Baltique et évitant ainsi les territoires polonais et ukrainien, au grand dam de ces deux pays qui y perdront le montant  de substantiels droits de transit, ont refroidi les ardeurs de Victor Iouchtchenko et de ses proches. Le coup d'arrêt donné à la construction européenne par les référendums français et néerlandais écarte également l'alternative toute trouvée que pouvait constituer, pour ceux désireux de s'émanciper de la Russie,l'intégration à terme dans un nouvel ensemble prospère et sécurisé. Décidés à soutenir l'Ukraine de manière prioritaire (elle reçoit la troisième aide dispensée par les Etats-Unis, après celles assurées à Israël et à l'Egypte), les Américains se soucient surtout, derrière le prétexte d'une politique de prosélytisme démocratique mise en oeuvre par l'intermédiaire de fondations et d'ONG (qui ont su rôder ces pratiques à Tbilissi,  à Kiev ou au Kirghizistan), de poursuivre leur politique de "roll back" de la Russie  visant à éloigner le plus possible cette dernière des périphéries qu'elle contrôlait naguère. L'Ukraine et d'autres pays (la Géorgie, la Moldavie, la Roumanie par exemple) se retrouvent, dans ce scénario, dans la situation d'être instrumentalisés au service d'une politique qui n'est pas forcément celle de leurs intérêts. Les frustrations d'une population à laquelle la révolution orange n'a guère apporté les changements espérés, le risque de blocage politique  et de "désenchantemet démocratique"  pésent tout autant que les manoeuvres géopolitiques de la Russie ou des Etats-Unis et de leurs relais régionaux sur l'avenir décidément bien incertain de la jeune Ukraine.