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Le Portugal
La grande aventure d'un petit État ibérique

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« Détonateur, selon la belle formule de Fernand Braudel, de l’énorme bouleversement cosmique introduit par l’expansion géographique de l’Europe à la fin du XVe siècle », le petit Portugal joue dans l’histoire du monde occidental un rôle sans commune mesure avec l’exiguïté de son territoire et la faiblesse de sa population et de ses ressources. Constituée à l’ouest de la péninsule Ibérique dans les combats de la Reconquista, cette petite principauté née de la volonté d’un roi de Castille verra ses comtes et ses rois affirmer leur autonomie par rapport à leur puissant voisin. Une séparation politique qui correspond pour l’essentiel à celle des parlers gallego-portugais et du castillan et qui finira par s‘imposer malgré les périodes au cours desquelles des dynamiques unitaires ont rapproché les dynasties ibériques. Vassal du Saint-Siège, le petit Portugal – dont le nom vient de celui de Portus Cale, l’ancienne Porto – parvient à affirmer très tôt sa volonté d’indépendance et termine, dès le milieu du XIIIe siècle, la Reconquête qui fixe, dès ce moment, les limites de son extension territoriale. La poursuite au Maroc de la croisade d’Espagne et l’aventure atlantique déterminent ensuite les destinées impériales de ce petit Finisterre européen ouvert sur le grand large. Avec le contournement de l’Afrique, l’ouverture de la route des Indes et la main mise sur le Brésil, ce qui n’était qu’un petit royaume périphérique au sein de la chrétienté occidentale devient l’un des « centres » de la nouvelle « économie-monde » née des grandes découvertes. Maîtres de l’un des deux premiers « empires mondiaux », les souverains de Lisbonne tirent alors un profit considérable des fonctions redistributrices assumées par leurs marins et leurs négociants, au moment où, de Sofala aux Moluques, l’océan Indien apparaît comme un « lac portugais ». Cette situation des plus favorables est largement compromise par l’union avec l’Espagne, qui fournit aux rivaux hollandais l’occasion d’en finir, ou à peu près, avec l’empire portugais d’Asie privé de ses îles à épices. Le Brésil, son or et ses denrées tropicales prennent ensuite le relais pour garantir au royaume une nouvelle prospérité mais les guerres napoléoniennes, les indépendances latino-américaines et une trop grande subordination vis-à-vis de « l’allié » britannique marquent le début d’une déchéance dont le cours ne peut être inversé par les rêves d’un nouvel empire africain allant de l’Angola au Mozambique. Resté à l’écart de la révolution industrielle et demeuré attaché à un héritage colonial devenu anachronique, le Portugal du XXe siècle accumulait de lourds retards quand l’intégration à la Communauté économique européenne lui fournit les moyens d’une renaissance appelée à trouver son complet développement dans le rôle spécifique que peut jouer ce « petit » État européen comme moteur d’une communauté lusophone de deux cents millions d’âmes actuellement en cours d’organisation.

Un Finistère atlantique

Dans ses limites actuelles – fixées pour l’essentiel depuis le Moyen Âge (il est l’État européen qui dispose des frontières les plus anciennement établies) – le Portugal s’étend sur 91 971 km2 (88 419 km2 pour le seul Portugal continental si l’on exclut les îles de Madère et des Açores). Il est peuplé de 10,4 millions d’habitants, soit une densité de 113 habitants au km2, ce qui le range, pour son étendue et sa population parmi les « petits » États européens. Occupant un cinquième de la péninsule Ibérique, il est séparé de l’Espagne par 1 200 km de frontières continentales et s’ouvre sur la mer par un littoral étendu sur 848 km de côtes, généralement peu accueillantes. Pur produit de l’histoire dans la mesure où ses frontières n’ont rien de « naturel », il présente cependant des caractéristiques physiques originales qui tiennent à son relief et, surtout, à son climat « atlantique », à l’ouest d’une péninsule largement dominée par des conditions méditerranéennes. Le territoire portugais appartient à l’ensemble constitué par la Meseta ibérique, socle ancien pénéplané puis soulevé et fracturé à l’ère tertiaire, qui s’abaisse progressivement vers l’ouest, ce que montrent les altitudes moyennes, plus faibles qu’en Espagne (71 % du territoire portugais s’étendent au-dessous de 400 m). Le relief révèle un contraste nord-sud opposant les hauts plateaux et les montagnes se trouvant au nord du Tage (régions du Tras os Montes et de la Haute Beira où se dresse la Serra da Estrela, le point culminant du pays, à 1 991 m d’altitude) aux plaines et aux collines qui s’étendent au sud, dans l’Alentejo et l’Algarve. Les différences nées du climat jouent sans doute un rôle encore plus important que celles issues du relief. Le Nord profite pleinement des influences atlantiques qui limitent à deux mois la sécheresse estivale et lui assurent des précipitations supérieures à un mètre alors que le Sud, notamment l’Algarve, appartient pleinement au domaine méditerranéen, marqué par de fortes chaleurs et de longues sécheresses. Un autre contraste oppose le littoral à l’intérieur, plus continental, plus sec et beaucoup moins peuplé, la majeure partie des habitants se trouvant concentrés dans les régions côtières. Les grands fleuves qui traversent le pays et y trouvent leur embouchure (le Minho, le Douro, le Tage et le Guadiana) ont leurs sources en Espagne et seuls le Mondego et le Sado, cours d’eau exclusivement portugais, revêtent par ailleurs une certaine importance. Les conditionnements étroitement « géopolitiques » tendaient naturellement à la réalisation de l’unité péninsulaire – qui fut effective de 1580 à 1640 – mais l’ouverture sur l’Atlantique, en orientant le pays vers l’aventure impériale ou en déterminant sa vocation commerciale de redistributeur des produits coloniaux a contribué au maintien de son autonomie par rapport à l’Espagne voisine.  

Des origines à la Lusitanie romaine et à l’occupation germanique et musulmane


L’histoire des territoires qui formeront à partir du XIe siècle le Portugal se confond pendant des millénaires avec celle de la péninsule Ibérique considérée dans son ensemble. Préhistoire, protohistoire, périodes romaine, wisigothique ou musulmane ne voient pas se dégager une identité particulière, annonciatrice de ce que sera ensuite celle du Portugal dont l’histoire ne commence réellement qu’au tournant de l’an mil, dans le contexte bien particulier d’une Reconquista péninsulaire créatrice de royaumes nouveaux que l’histoire ultérieure réunira dans le cadre « espagnol » ou maintiendra à l’écart de celui-ci dans le cas du Portugal. Les temps obscurs de la préhistoire voient se succéder des cultures – identifiées surtout par leurs industries lithiques – qui apparaissent en cohérence avec l’évolution observée dans le reste de l’Europe, du Paléolithique aux âges du bronze et du fer. Le Paléolithique fut identifié dès les années 1860, à l’initiative de Carlos Ribeiro, pionnier de l’archéologie préhistorique portugaise. Dans la région de Lisbonne et sur les terrasses fluviatiles du Haut Alentejo, les sites de Casal do Monte, d’Amadora et de Monte Real ont livré des objets contemporains de l’Abbevillien. Le Paléolithique inférieur est également représenté par des industries acheuléennes retrouvées dans les régions du Minho et du Douro, et de l’Algarve méridional, avec des faciès spécifiques « littoral » dans la région de Cascais, « péninsulaire » dans celle de Setubal. La basse vallée du Tage et celle du Minho ont livré des outils clactoniens alors que le Paléolithique moyen correspond aux industries levalloisiennes (région d’Elvas et littoral atlantique de Nazaré à l’estuaire du Tage) et moustériennes (grottes de Furninha, de Colombeira et de Salemas, dans la province d’Estremadura). Le Paléolithique supérieur est surtout représenté par l’Aurignacien (Casal do Monte, Serra de Monsanto) et le Solutréen (grotte de Casa da Moura et « feuilles de laurier » classiques de cette période dans les grottes de Salemas). Alors que les industries magdaléniennes n’ont laissé que très peu de vestiges, l’art rupestre du Paléolithique supérieur est en revanche très riche. On connaissait l’abri du Vale de Junco dans le Haut Alentejo et surtout la grotte ornée de Santiago do Escoural mais c’est la découverte des gravures rupestres du grand sanctuaire de plein air de Foz Coa, identifié et étudié dans les années 1990 – plusieurs centaines de chevaux, aurochs, cervidés et bouquetins gravés dans le schiste – qui constitue la plus spectaculaire avancée de la recherche préhistorique au Portugal dans la mesure où ce sanctuaire est l’un des quatre sites paléolithiques de ce type connu en Europe, avec celui de Siega Verde, sur les rives du Rio Agueda, en Espagne, à cinquante kilomètres de là. La découverte de ces gravures vieilles de vingt mille ans a constitué, au cours de la même décennie, un événement comparable à celle des grottes Cosquer et Chauvet. La fin de la dernière période glaciaire voit s’affirmer des cultures « mésolithiques » caractérisées par leurs amas coquilliers – les concheiros portugais – nombreux dans les basses vallées du Tage et du Sado (gisement de Muge). Pratiques funéraires (squelettes enduits d’ocre), outillage en quartz ou en os et utilisation de coquillages comme parures caractérisent ces cultures proches de toutes celles qui se sont développées alors sur les littoraux atlantiques de l’Europe. Identifié par sa céramique « cardiale » (qui tire son nom de celui du coquillage utilisé pour la décorer) le Néolithique ancien apparaît à partir du deuxième tiers du Ve millénaire avant J.-C. Il se développe ensuite jusque vers – 2700, avec l’apogée d’une belle culture mégalithique caractérisée par l’érection de menhirs et par celle de grandes sépultures collectives (le dolmen de Zambujeiro dans le Haut Alentejo) et de tombes individuelles « à ciste ». Contemporaine du IIIe millénaire avant J.-C., la période chalcolithique voit se développer les relations avec l’aire de la culture espagnole de Los Millares. La métallurgie du cuivre et la construction sur des éperons et des collines de comptoirs fortifiés protégés d’épaisses murailles indiquent le passage à une époque différente. De l’embouchure du Mondego à celle du Sado, l’apparition de la culture dite du « vase campaniforme » révèle l’arrivée de nouveaux occupants qui sont sans doute à l’origine du développement de l’âge du bronze entamé à partir de -1500 et caractérisé par la production de poignards et de haches à talons qui sont par ailleurs figurés sur des stèles gravées. L’âge du fer voit l’arrivée, dans la seconde moitié du premier millénaire avant J.-C., de nouveaux envahisseurs, ceux qui se sont vu attribuer, faute de mieux, l’identité ambiguë de Celtibères. Leur installation correspond au développement d’une « civilisation des sommets fortifiés » (comparables aux oppida gaulois) dont les sites les plus connus sont la Citânia de Briteiros (Guimaraes), Conimbriga (le suffixe traduit l’origine indo-européenne du toponyme) et Sao Miguel (Amendoa). Les guerriers lusitains que vont affronter les Romains à partir du début du IIe siècle avant J.-C. appartiennent à ce monde aristocratique et guerrier. Venus par la mer après avoir franchi les Colonnes d’Hercule, les marins phéniciens, qui entretiennent alors des rapports réguliers avec la civilisation tartesssienne qui fleurit en Basse Andalousie, sont actifs sur les côtes occidentales de la péninsule Ibérique au cours du premier millénaire avant J.-C.. Sur la rive droite de l’estuaire du Sado, Abul (Alcacer do Sal) semble avoir été leur premier établissement mais ils sont aussi présents dans la région de Lisbonne, à Santa Olaia, à Santarem et à Setubal. Ils ont sans doute contribué à la formation de l’écriture prélatine alors utilisée dans la région, en liaison avec certaines pratiques funéraires. Le Portugal tel que le définira l’histoire du dernier millénaire ne correspond pas à un territoire déjà grossièrement établi au temps de l’occupation romaine. À cette époque, la future Braga (Bracara Augusta) dépend de la Callaecia (créée au début du IIIe siècle sous le règne de Caracalla et qui donnera son nom à la Galice) alors que la Lusitanie (qui, selon la tradition, tire son nom de celui de Lusus, un fils de Bacchus honoré au Promontorium Sacrum du cap Saint Vincent où s’installera plus tard « l’académie » de Sagres) s’étend largement sur le sud-ouest de l’Espagne actuelle, où se trouve Mérida (Emerita Augusta) qui était alors sa capitale. C’est au début du IIe siècle avant J.-C. que commence la pénétration romaine sur la Meseta ibérique. Dès 191-189 avant J.-C., Scipion Nasica et le proconsul Aemilius Paulus doivent défendre la région de la vallée du Baetis (le futur Guadalquivir) contre les incursions des Lusitains venus de l’ouest. Au milieu du siècle, les Romains subissent plusieurs échecs sanglants contre ces adversaires redoutables dont un chef, Viriathe, inquiète sérieusement la puissance romaine jusqu’à son assassinat en -139. C’est en -138 -137 que Junius Brutus soumet tout le sud-ouest de la péninsule jusqu’au cours du Douro avant de franchir le Minho pour s’emparer de la future Galice. Quand la troisième guerre Celtibère se termine avec la chute de Numance survenue en -133, l’ensemble de la péninsule paraît pacifié mais, au début du Ier siècle avant J.-C., Rome doit encore maintenir deux légions dans chacune des deux provinces d’Espagne Citérieure et d’Espagne Ultérieure. Quand, sous le règne d’Auguste, les Romains auront obtenu en -27-25 une victoire définitive contre les insurgés des montagnes cantabriques et basques, ils diviseront la péninsule en trois provinces, la Tarraconaise, la Bétique et la Lusitanie – celle-ci devenue dès le Ier siècle inermis, c’est-à-dire dépourvue de toute présence militaire. Elle est peuplée d’environ 700 000 habitants contre les deux millions d’âmes réparties dans chacune des deux autres provinces. La Lusitanie n’en compte pas moins une cinquantaine de cités à l’époque d’Auguste, dont les plus importantes sont Emerita Augusta (Mérida, fondée en – 25), Norba Caesarina (Caceres), Metellinum (Medellin), Caesarobriga (Talavera la Reina), Augustobriga (Talavera la Vieja), Salmanica (Salamanque) – qui sont aujourd’hui en Espagne – Scallabis (Santarem), Conimbriga, Aeminium (l’actuelle Coimbra qui, à l’époque suève et wisigothique prit le nom de Conimbriga après que celle-ci eut été désertée), Ebora Liberalitas Julia (Evora), Pax Julia (Beja) et le municipe romain d’Olisipo (Lisbonne). Profondément romanisée à la faveur de la paix imposée cinq siècles durant par l’Empire, la Lusitanie a conservé de nombreux vestiges de cette période, du temple « de Diane » (en réalité dédié au culte impérial) d’Evora au forum et au temple « flaviens » de Conimbriga, aux thermes et aux mosaïques retrouvés dans cette même ville, sans oublier des vestiges plus modestes mais non moins significatifs tels que ceux des manufactures de garum exhumés sur le site de Troia, à l’embouchure du Sado, ou des grandes villae de l’Alentejo telles que celle de Torre de Palma. Largement épargnées par les premières invasions des années 262-266, les régions occidentales de la péninsule Ibérique sont en revanche occupées à partir de 411 par les Suèves et les Vandales, surtout en Galice et dans le nord de l’actuel Portugal, et par les Alains en Lusitanie. En 469, ce sont les Wisigoths qui occupent l’ensemble de la Lusitanie. Ils sont bientôt en mesure de réaliser, avec l’Hispania dirigée depuis Tolède, l’unité péninsulaire mais celle-ci ne peut durer au-delà du début du VIIIe siècle qui voit s’effectuer, à partir de 711, la conquête musulmane. La majeure partie de l’actuel Portugal devient alors le Gharb al Andalus, la région la plus occidentale de l’Espagne musulmane qui a laissé son nom à la province de l’Algarve où prospère la riche cité de Silves (Silb). Ces régions participent alors à une histoire qui s’écrit à Cordoue sous les Ommeyades, à Marrakech ou à Séville sous les Almoravides et les Almohades, jusqu’à ce que la reconquête chrétienne chasse l’ennemi musulman du Portugal dès le milieu du XIIIe siècle.

La naissance du Portugal et la dynastie bourguignonne

1053 : Mort du comte de Portugal Menendo Nunez. 1064 : Reconquête définitive de Coimbra sur les musulmans. 1085 : Henri de Bourgogne, frère cadet des ducs Eudes et Hugues de Bourgogne et neveu de la reine Constance de Castille (sœur de son père Henri et épouse du roi Alphonse VI), arrive en Espagne pour participer à la lutte contre l’ennemi musulman. 1086 : Invasion almoravide de tout le sud de la péninsule Ibérique. Un an après la reconquête de Tolède par Alphonse VI, les envahisseurs battent les Castillans à Zallaca. 1093 : Teresa, fille bâtarde du roi de Castille Alphonse VI et épouse d’Henri de Bourgogne, reçoit le comté de Portugal. 1112 : Mort d’Henri de Bourgogne. Sa veuve assure la régence sur le comté jusqu’en 1128 au nom de son fils Alphonse Ier Henri né vers 1109 (Afonso Henriques). Septembre 1127 : Alphonse Henri est assiégé dans son château de Guimaraes par son cousin Alphonse VII, fils de Raymond de Bourgogne et de Urraca (la fille d’Alphonse VI de Castille) qui entend faire reconnaître son autorité sur tout l’ancien royaume de Ferdinand Ier et d’Alphonse VI et aspire même à se voir reconnu comme Totius Hispaniae Imperator. 1128 : Alphonse Henri, qui a dû reconnaître l’autorité d’Alphonse VII, se révolte contre sa mère et son favori galicien Fernando Perez et les met en fuite. 1128-1130 : Arrivée au Portugal des grands ordres religieux militaires apparus en Terre sainte. Les Hospitaliers installent leur prieuré à Crato, les Templiers – qui deviendront l’ordre du Christ après leur suppression intervenue en 1312 – à Tomar. Créés dans la seconde moitié du XIIe siècle en Castille, les ordres de Calatrava (qui deviendra plus tard l’ordre d’Avis) et de Santiago interviendront également au Portugal. La part qu’ils prendront à la reconquête du sud du pays explique l’importance des grands domaines qui leur seront alors accordés par la couronne et qui détermineront le contraste des structures sociales opposant un nord du Portugal où domine la petite propriété à un sud (l’Alentejo) qui deviendra latifundiaire. 1137 : Traité de Tui par lequel Alphonse Henri promet à Alphonse VII fidélité et aide contre ses ennemis. 27 juillet 1139 : Alphonse Henri, qui se dit « roi » depuis le mois de mars (mais ce titre signifie surtout sa filiation royale et n’implique pas une affirmation de souveraineté et d’indépendance), est proclamé par ses troupes après la victoire remportée le 25 sur les Maures à Ourique. Obtenue le jour de sa fête, cette victoire est due à l’intervention surnaturelle de saint Jacques le « Tueur de Maures » mais, quand la Castille fera son saint patron du saint de Compostelle, les Portugais attribueront au Christ lui-même, à partir du XVe siècle, le mérite de cette victoire fondatrice. 1140 : Alphonse Henri prend officiellement le titre de roi lors des Cortes de Lamego et il est couronné par l’archevêque de Braga. Son « royaume » ne représente alors que 34 000 km2, ne s’étend guère au sud de Braga et sa population ne dépasse pas 400 000 âmes. 1143 : Alphonse Henri se déclare « vassal et censier » du Pape mais celui-ci ne lui donnera par prudence (il ne veut pas s’aliéner le roi de Castille) que le titre de « dux ». Par le traité de Zamora, Alphonse VII reconnaît la même année l’autonomie du Portugal 1144 : Le pape Lucius II déclare Alphonse Henri « Dux Portugalensis », dans le souci de ne pas s’aliéner le roi de Castille. Alphonse Henri n’en est pas moins encouragé à pousser pour son propre compte la reconquête vers le sud. 1146 : Invasion des Almohades qui viennent se substituer aux Almoravides dans l’ensemble d’Al Andalus Octobre 1147 : Alphonse Henri s’empare de Lisbonne avec l’aide des chevaliers européens en route pour la deuxième croisade. Il conquiert également Santarem. Le souverain établit des colons et encourage l’installation des ordres militaires dans les régions reconquises. 1170 : Contre le paiement d’un tribut, Alphonse Henri accorde aux musulmans de Lisbonne et de sa région un certain nombre de garanties. Cette charte sera renouvelée en 1217 par son petit-fils Alphonse II. De nombreux musulmans gagnent alors le Dar al Islam d’Espagne ou l’Afrique du Nord non encore reconquis mais la communauté mudéjare demeurée sur place s’assimile progressivement au cours des trois siècles suivants. 23 mai 1179 : Bulle du pape Alexandre III déclarant roi Alphonse Henri. Cette reconnaissance est favorisée par le fait de la division des deux royaumes de Castille et de Leon. Le roi Alphonse VIII le délie de tout lien avec la Castille et le roi Ferdinand II de Leon renonce au titre de « roi des Espagnes ». Dans le nouveau royaume, la royauté est élective et héréditaire. Le roi a pour successeur son fils et son petit-fils ; s’il meurt sans postérité, son frère est proclamé roi mais le fils de ce frère n’est pas roi de droit de naissance, il n’est roi qu’en vertu d’un vote des Cortes dont les membres, nommés par le roi, représentent les trois ordres. À défaut d’héritiers mâles, les filles du souverain sont admises à la succession royale afin d’en exclure tout prince étranger. 1180 : Bataille de Badajoz. En lutte avec le roi de Leon pour la possession de cette ville, Alphonse est vaincu, capturé mais relâché peu après. 1184 : Alphonse bat les Maures à Santarem et les oblige à se replier au sud du Tage. 6 décembre 1185 : Mort d’Alphonse Ier, le fondateur du royaume portugais, à l’âge de soixante-dix-sept ans ; la durée de son règne, cinquante-sept ans, a favorisé l’établissement de l’indépendance portugaise. Il a bénéficié du soutien d’une partie de la chevalerie, soucieuse de préserver son indépendance par rapport à la monarchie léonaise, mais sut également s’appuyer sur les communautés d’habitants – qui disposaient d’une large autonomie et fournissaient les contingents de « chevaliers-villains » (cavaleiros-vilàos) nécessaires à l’entreprise de reconquête – et sur l’Église en favorisant les velléités d’indépendance de l’archevêque de Braga par rapport au siège de Saint-Jacques de Compostelle. 1185-1211 : Règne de Sanche Ier, fils d’Alphonse Ier et de Mathilde de Savoie. L’un de ses fils, Ferdinand (1188-1233) marié à la comtesse Jeanne de Hainaut fille du comte de Flandre Baudoin IX et devenu lui-même comte, sera le célèbre « Ferrand de Flandre » fait prisonnier par Philippe Auguste à Bouvines. 1189 : Sanche Ier prend Alvor et Silves. 1190-1191 : La contre-offensive almohade ramène la frontière portugaise sur la ligne du Tage. 27 mars 1211 : Levée, au jour de sa mort, de l’excommunication lancée par le Pape contre Sanche Ier pour avoir laissé ses représentants laïcs s’emparer des droits des évêques portugais. 1211-1223 : Règne d’Alphonse II, fils de Sanche Ier et de Douce d’Aragon. Il doit faire face, de 1211 à 1216, à une véritable guerre civile pour réussir à imposer ses volontés à la noblesse et affirmer l’autorité supérieure de la couronne. C’est lors de son avènement que se réunissent à Coimbra les premières Cortes dont la trace nous soit parvenue. 16 juillet 1212 : Victoire des souverains ibériques sur les Almohades à Las Navas de Tolosa 1214 : Alphonse II rédige son testament en gallaico-portugais dont l’usage se généralise même si la langue du pouvoir et de la culture demeure le latin. 1217 : Alphonse II s’empare d’Alcàcer do Sal. 1223-1245 : Règne de Sanche II, fils d’Alphonse II et d’Urraca de Castille. II fait poursuivre les enquêtes relatives aux usurpations des biens de la Couronne et n’hésite pas à s’en prendre à l’Église en s’appuyant sur la noblesse, ce qui conduit le pape Innocent IV à délier ses sujets de leur devoir d’obéissance et à cautionner le transfert du pouvoir au frère du roi, Alphonse, comte de Boulogne. 1245 : Sanche II doit abandonner le pouvoir au profit de son frère Alphonse qui lui succédera en 1248 sous le nom d’Alphonse III, après avoir exercé une régence jusqu’à la mort de son aîné réfugié en Castille. 1248-1279 : Règne d’Alphonse III qui s’appuie d’abord sur l’Église pour reprendre la politique centralisatrice de son père mais le clergé réagit de nouveau quand le souverain s’en prend aux usurpations ecclésiastiques et c’est la mort du roi qui permet d’éviter une nouvelle crise. 1249 : Avec l’aide des ordres militaires de Calatrava et de Santiago, les Portugais achèvent, avec la prise de Faro, la conquête de l’Algarve, complètement terminée l’année suivante. Pour le Portugal, la Reconquista est finie, près de deux siècles et demi avant la chute du royaume nasride de Grenade qui marque son terme en Espagne. 1254 : Réunies à Leiria, les Cortes accueillent pour la première fois des représentants du Tiers État. 1279-1325 : Règne de Denis Ier (Dinis), fils d’Alphonse III et de Béatrice de Castille. Il accède au trône à la place de son aîné Pierre-Robert, comte de Boulogne (1236-1267) qui fut considéré comme un bâtard de Mathilde (ou Mahaut) de Dammartin, la première épouse du futur Alphonse III qui s’en sépara en 1245. Ce Pierre Robert eut une fille comtesse de Boulogne mariée à Robert V comte d’Auvergne. La reine Catherine de Médicis descendait, à la onzième génération, de ce personnage et c’est sur cette ascendance qu’elle revendiqua des droits à la couronne portugaise à la mort du cardinal de Portugal en 1580. 1288 : Le roi Denis fonde l’Estado geral das ciencias (Université) à Lisbonne. L’institution est transférée à Coimbra en 1309 mais les relations difficiles avec les autorités locales font qu’elle revient à Lisbonne en 1338, est rétablie à Coimbra en 1354 et finalement ramenée à Lisbonne en 1337. 1297 : Traité d’Alcanizes entre la Castille et le Portugal. Il fixe les frontières méridionales des deux pays sur le cours du Guadiana. 1308 : Denis Ier transfère l’Université de Lisbonne à Coimbra. Elle y retournera en 1377 et ne sera rétablie qu’en 1377 à Lisbonne où elle formera de nombreux légistes chargés de formuler la théorie de l’autorité royale. 1319 : Création de l’Ordre du Christ. 1320-1325 : Révolte de l’infant Alphonse contre son père Denis Ier car il le soupçonne de vouloir l’écarter de sa succession au profit de l’un de ses bâtards. 1325-1357 : Règne d’Alphonse IV le Brave, fils de Denis Ier et d’Élizabeth d’Aragon. Il hérite d’un royaume dans lequel son père a réorganisé le gouvernement central et établi un système judiciaire cohérent. Des magistrats itinérants imposent partout la justice royale. 1348-1360 : Comme le reste de l’Europe le Portugal est affecté par la peste noire. 1353 : Après celui déjà conclu en 1308, un nouveau traité de commerce avec l’Angleterre contribue au développement rapide de la flotte marchande portugaise, très présente sur la côte atlantique de l’Europe. 1355 : Assassinat d’Inès de Castro que le prince héritier Pierre a épousée l’année précédente. L’infant se révolte alors contre son père 1357-1367 : Règne de Pierre Ier le Justicier (Pedro), fils d’Alphonse IV et de Béatrix de Castille. 1367-1383 : Règne de Ferdinand Ier (Fernando), fils de Pierre Ier et de Constance de Castille. 1369 : Mort du roi de Castille Pierre le Cruel. Ferdinand Ier de Portugal argue des droits de sa mère Constance pour réclamer le trône de Castille à Henri II de Trastamare. 17 mai 1383 : Mariage de Béatrix, fille de Ferdinand Ier – déclarée héritière du Portugal aux Cortes de Leira en 1373 – avec Jean Ier roi de Castille. Quand Ferdinand Ier meurt le 29 octobre 1383, sa veuve Éléonore Tellez – qu’il avait enlevée à son mari et épousé illégitimement en 1371 – tente d’exercer la régence (l’héritière n’a que onze ans) mais cette roturière fait l’unanimité contre elle et incite son gendre Jean Ier de Castille à venir à son secours et à se faire proclamer roi de Portugal. Fils naturel de Pierre Ier le Justicier et de Teresa Lorenzo, le grand maître de l’ordre d’Aviz, Jean, prend la tête des opposants au roi de Castille et fait reconnaître par les Cortes convoquées à Coimbra son droit à la couronne. Il est soutenu par Jean de Gand, duc de Lancastre, qui lui procure des unités d’archers car lui-même – époux de Constance, la fille du roi de Castille Pierre le Cruel –, revendique depuis 1369 le trône qu’avait conquis Henri II de Trastamare, un bâtard d’Alphonse XI de Castille. C’est donc tout naturellement que Jean de Gand s’allie au défenseur de l’indépendance du royaume portugais que Jean Ier de Castille avait l’intention d’annexer à son propre royaume. 15 août 1385 : Victoire des Portugais (commandés par Nuno Alvares Pereira) et du contingent anglais sur les Castilans à Aljubarrota. Cette victoire permet à Jean Ier d’Aviz de s’asseoir sur le trône portugais après avoir reçu l’approbation des Cortes. Il sera relevé des vœux prêtés au sein de son ordre par le pape Urbain VI en 1387.  

La dynastie d’Aviz et l’aventure impériale portugaise (1385-1640)

1385-1433 : Règne de Jean Ier d’Aviz, dit le Grand (Joao). Il a reçu la couronne des Cortes de Coimbra mais il reprend très vite la politique centralisatrice de la dynastie bourguignonne. 9 mai 1386 : Signature à Windsor du traité d’alliance anglo-portugais qui fait suite au soutien apporté par les Anglais aux Portugais contre la Castille. L’alliance anglaise va désormais constituer, au cours des siècles suivants, l’un des éléments fondamentaux de la politique extérieure du Portugal. 2 mars 1388 : Jean Ier épouse Philippa de Lancastre, fille de Jean de Gand qui avait été son allié à Aljubarrota. 1388 : Fondation du monastère de Santa Maria de Batalha, en commémoration de la victoire remportée contre les Castillans trois ans plus tôt à Aljubarrota. 1394 : Naissance de l’infant Henri, sixième enfant de Jean Ier et de Philippa de Lancastre, le futur Henri le Navigateur. 1411 : Conclusion de la paix entre le Portugal et la Castille qui renonce à faire valoir ses droits sur le royaume voisin. 1415 : Prise de Ceuta. Épidémie de peste à Lisbonne. 1416 : Mort de la reine Philippa de Lancastre, fille de Jean de Gand, duc de Lancastre et petite fille d’Édouard III d’Angleterre, épousée en 1388 par Jean Ier et victime de la peste. 1418 : Redécouverte de l’île Porto Santo (elle l’avait déjà été par Alphonse Fernandez) par Joao Gonçalvès Zarco et Tristan Vaz Teixeira, deux capitaines au service d’Henri le Navigateur, qui dirige depuis Sagres tout l’effort de découverte portugais. 1419 : Découverte de l’île de Madère par les mêmes. 1430 : Construction des premières caravelles, à l’initiative d’Henri le Navigateur. 1432 : Découverte des Açores (déjà reconnues sous Denis Ier par le Génois Pessagno) par Bartolomeo Perestrello, beau-père de Christophe Colomb. Gonzalo Coelho s’y rend à son tour l’année suivante. 1433-1438 : Règne d’Édouard Ier l’Éloquent (Duarte), fils de Jean Ier et de Philippa de Lancastre 1434 : Gil Eanes double le cap Bojador, qui est alors la limite de la côte ouest-africaine reconnue par les navigateurs portugais. Il avait été atteint dès 1346 par Jayme Ferrer. 1436 : Le pape Eugène IV reconnaît la possession des îles Canaries à la Castille. La même année, Gil Eanes et Afonso Gonçalves Baldaia atteignent le Rio de Oro, dépassé en 1441 par Antao Gonçalves et Nuno Tristao. 1437 : Échec de l’expédition de Tanger et mort l’année suivante d’Édouard Ier, victime de la peste. 1438-1481 : Règne d’Alphonse V l’Africain, fils d’Édouard Ier et d’Éléonore d’Aragon. Son oncle Pierre (1392-1449), fils de Jean Ier, exerce la régence jusqu’en 1446 car Alphonse n’avait que six ans à la mort de son père. Pierre, demeuré conseiller du souverain, s’oppose ensuite au duc de Bragance Alphonse (1370-1461), un bâtard de Jean Ier et d’Inès Perez, ce qui lui vaut d’être accusé de conspiration et de périr en 1449 au combat d’Alfarrobeira qui voit en fait s’affronter deux factions nobiliaires rivales. 1441 : Premières arrivées au Portugal d’esclaves noirs. 1443 : Mort à Fez, en captivité chez les Maures, de Ferdinand le Saint, fils de Jean Ier et grand-maître de l’ordre d’Aviz. 1444 : Découverte du Sénégal par Nuno Tristao. Début de la traite des Noirs. 1445 : Découverte du Cap Vert par Dinis Dias et Antonio Noli, un navigateur italien au service du Portugal. 1446 : Tristao découvre l’embouchure de la Gambie et Alvaro Fernandes atteint la côte de Guinée. 1452 : Introduction du premier moulin à sucre à Madère où se développe bientôt la culture de la canne en même temps que l’importation d’esclaves noirs. Des conditions climatiques différentes empêchèrent un développement analogue aux Açores où la culture des céréales demeura prédominante et qui ne connut pas le recours à la main-d’œuvre servile. 1455 : Mariage de Jeanne, fille d’Édouard Ier et d’Éléonore d’Aragon, avec Henri IV, roi de Castille. Elle sera la mère de Jeanne, dite la Beltraneja, qui sera une rivale d’Isabelle, la sœur d’Henri IV, pour l’accès au trône de Castille. Juana la Beltraneja sera suspectée d’être la fille de Beltran de La Cueva, le favori de sa mère, le roi Henri IV étant lui-même considéré comme impuissant. 1458 : Prise d’Alcacer Seguer, à l’ouest de Tanger. 1460 : L’expédition de Pedro da Cintra reconnaît les côtes de la Sierra Leone et de l’actuel Libéria. C’est la dernière expédition commanditée par Henri le Navigateur. 13 novembre 1460 : Mort à Sagres d’Henri le Navigateur, fils de Jean Ier et de Philippa de Lancastre, né en 1394 et principal artisan de la mise en œuvre du « programme » de découvertes maritimes réalisées par les Portugais. Il fut en réalité attaché avant tout à l‘idéal de la croisade. 1464 : Les Portugais ne parviennent pas à s’emparer de Tanger mais prennent leur revanche sept ans plus tard. 1464-1476 : Alphonse V défend les droits au trône de Castille de sa nièce Jeanne la Beltraneja, fille du roi Henri IV en lutte contre sa tante Isabelle. Les partisans de celle-ci sont finalement victorieux à Toro. 1471 : Alphonse V enlève aux Maures Tanger et Arzila. Sa fille Jeanne (1452-1490) exerce la régence pendant l’expédition. Religieuse en 1475, elle sera canonisée. 4 septembre 1479 : Traité d’Alcàçobas (confirmé par Isabelle de Castille à Trujillo le 27). Il confirme la réconciliation luso-castillane et apparaît comme un renouvellement du traité d’Almeirim de 1432. Il reconnaît à la Castille la possession des Canaries, le Portugal se voyant pour sa part reconnaître celle des terres situées au sud du cap Bojador, de Madère, de Porto Santo et des Açores. 6 mars 1480 : Traité de Tolède, qui confirme celui d’Alcàçobas et reconnaît à la Castille la possession des Canaries mais réserve au Portugal le commerce de la côte de Guinée. 1481-1495 : Règne de Jean II le Parfait, fils d’Alphonse V et d’Isabelle de Portugal-Coimbra. Il mourra sans successeur légitime direct. 1481 : Traité luso-castillan d’Alaçovas qui reconnaît au Portugal la possession des terres situées au-delà du cap Bojador. 1482 : Diego de Azambuja atteint Sao Jorge da Mina sur la Côte de l’Or. Les Portugais y construisent un fort pour mettre en œuvre leur politique de mare clausum, d’interdiction à tout navire étranger de pénétrer dans les eaux et sur les terres africaines qu’ils ont reconnues. 1483 : Exécution à Evora du duc de Bragance qui a conspiré contre Jean II et tenté de susciter une révolte nobiliaire en recherchant l’appui de la Castille. 1484 : Diogo Câo atteint l’embouchure du Congo et prend contact avec le Mani Congo, le souverain régnant sur la région, dont il obtient qu’il se convertisse. La même année le roi Jean II rejette le projet de Christophe Colomb de gagner les Indes par l’ouest et c’est en Castille que le navigateur génois sera entendu. 1488 : Bartolomé Dias double le cap de Bonne Espérance. 1492 : Le Portugal accueille une partie des juifs chassés d’Espagne après la victoire des Rois Catholiques pour avoir refusé de se convertir. 7 juin 1494 : Le traité de Tordesillas reprend l’arbitrage rendu l’année précédente par le pape Alexandre VI et partage les nouveaux mondes à découvrir entre l’Espagne et le Portugal. Une ligne passant à 370 lieues à l’ouest du cap Vert délimite les domaines respectifs des deux royaumes. 1495-1521 : Règne de Manuel Ier le Grand, fils de Ferdinand, duc de Viseu (un frère d’Alphonse V), et de Béatrix de Portugal. Il succède à son cousin germain et c’est avec lui une nouvelle branche de la maison d’Aviz, dite de Viseu, qui accède au trône. Il établit solidement la monarchie absolue préparée par Jean II. Les richesses tirées des colonies permettent au souverain de se passer de l’avis des Cortes. 1496 : Alors qu’il a d’abord accueilli ceux qui étaient chassés d’Espagne en 1492, le roi Manuel Ier expulse les juifs de son royaume. Il institue ensuite la conversion forcée tout en fermant les yeux sur le fait que beaucoup de ces « nouveaux chrétiens » continuent à pratiquer leur religion. 20 mai 1498 : Vasco de Gama, parti de Lisbonne le 8 juillet de l’année précédente, arrive sur la côte occidentale de l’Inde, à hauteur de Calicut. Sur les quatre navires de l’expédition, deux regagneront Lisbonne en septembre 1499. Avril 1500 : La flotte de Pedro Alvarez Cabral, déportée vers l’ouest par la tempête, découvre la « Terre de Santa Cruz » qui deviendra le Brésil. 1502 : Au cours d’une deuxième expédition en Inde Vasco de Gama y jette les bases de la puissance portugaise. Les îles Seychelles sont découvertes sur la route du retour. 1505 : Francisco d’Almeida est nommé vice-roi d’Inde. 3 février 1509 : Francisco d’Almeida anéantit une flotte égyptienne devant Diu. Les musulmans sont chassés de l’océan Indien. 1509 : Alphonse d’Albuquerque est nommé vice-roi des Indes portugaises, fonction qu’il exercera jusqu’en 1515. La Casa da India, qui coiffe le commerce des Indes est organisée la même année à Lisbonne. Elle sera le relais commandant l’introduction des épices en Europe, avec un centre de redistribution en Flandre, d’abord à Bruges puis à Anvers. Les Portugais se substituent ainsi aux Vénitiens pour satisfaire les besoins en épices de l’Europe du Nord. L’empire colonial établi par les Portugais grâce aux comptoirs installés sur les côtes d’Afrique, d’Inde ou d’Insulinde fournira à la couronne – grâce au commerce des épices, de l’or, du sucre et des esclaves – les deux tiers de ses recettes annuelles. Appuyés sur des fortalezas établies en des endroits revêtant une importance stratégique (Quiloa, Sofala, Socotora, Ormuz, Cochin, Goa, Cananor, Malacca, les Moluques) les Portugais font de l’océan Indien, durant tout le XVIe siècle, une mare clausum, un lac portugais. 1510 : Prise de Goa, qui devient la capitale de l’empire portugais en Asie et le point de départ des missions catholiques qui tenteront d’évangéliser la Chine, le Japon, l’Indochine et même le Tibet. 1511 : Prise de Malacca. 1515 : Prise d’Ormuz. 1518 : Les Portugais prennent possession de Ceylan. 1521-1557 : Règne de Jean III le Pieux, fils d’Emmanuel Ier et de Marie d’Aragon, qui épousera en 1525 Catherine d’Autriche fille de Jeanne la Folle et de Philippe le Beau. 1522 : Le Portugal renouvelle son alliance avec l’Éthiopie chrétienne. 1524 : Vasco de Gama est nommé vice-roi des Indes mais meurt avant d’avoir pu gagner son poste. 1530 : Début de la colonisation du Brésil avec l’expédition de Martim Afonso de Souza. 23 mai 1536 : L’Inquisition est introduite au Portugal par une bulle de Clément VII. Suspendue en 1544, elle est définitivement rétablie par le pape Paul III le 16 juillet 1547, tout en étant soumise de fait à l’autorité royale. La condition de limpeza de sangue, de « pureté du sang », est par ailleurs exigée pour l’accès aux offices. 1537 : L’Université de Lisbonne s’installe définitivement à Coimbra. 1541 : Les Portugais doivent évacuer la fortaleza de Santa Cruz do Cabo de Gué (près d’Agadir) et Safi, puis ce sera le tour d’Arzila en 1549 et d’Alcacer Ceguer l’année suivante. L’abandon des possessions marocaines sera définitivement confirmé avec la défaite du roi Sébastien en 1578. 1542 : Découverte du Japon par Mendes Pinto. 1548 : Création de la charge de gouverneur général du Brésil où sont installés les premiers moulins à sucre. 1557 : Les Portugais s’installent à Macao sur la côte méridionale de la Chine. 1557-1578 : Règne de Sébastien Ier, « le Roi Chevalier », petit-fils du roi Jean III. Sébastien est né en janvier 1554, quelques jours après la mort de son père Jean Manuel, le fils de Jean III marié à Jeanne d’Autriche, elle-même fille de Charles-Quint et d’Isabelle de Portugal. Le jeune souverain règne d’abord sous la tutelle de son grand-oncle, le cardinal Henri de Portugal, père de Jean III, jusqu’en 1569. 1562 : Levée du siège de Mazagan. 1572 : Publication des Lusiades de Luis de Camoens. 9 juillet 1578 : Débarquement du corps expéditionnaire portugais à Tanger. La tentative de Sébastien apparaît comme une ultime croisade. 4 août 1578 : Sébastien est tué en combattant le souverain marocain de Fez à la bataille d’Alcazarquivir (Ksar el Kébir). 1578-1580 : Règne d’Henri Ier, fils d’Emmanuel Ier et de Marie d’Aragon, cardinal et archevêque de Lisbonne, qui avait assuré la régence durant la minorité de Sébastien.  

L’union ibérique et son échec (1580-1640)

Âgé de soixante-six ans quand il accède au trône, Henri Ier ne gouverne guère et laisse Cristobal de Mouzam exercer la réalité du pouvoir. Son seul héritier mâle étant Antoine, fils naturel d’un frère de Jean III qu’il détestait, il meurt (le 31 janvier 1580) avant de l’avoir désigné pour le remplacer et sa disparition ouvre la question de la succession de la maison d’Aviz, réglée par des États Généraux réunis en 1579-1580 (à Lisbonne de mars à juin 1579, puis à Almeirim après la mort d’Henri d’octobre 1579 à janvier 1580, puis à Santarem). Six prétendants aspirent alors à la couronne portugaise : - Rainier Farnèse, fils de Marie de Portugal, une petite-fille d’Emmanuel Ier mariée à Alexandre Farnèse, duc de Parme ; - Catherine de Portugal. Elle est, comme Marie Farnèse, une fille d’Édouard, duc de Guimaraes, lui-même né du mariage d’Emmanuel Ier avec Marie d’Aragon ; - Antoine de Portugal, prieur de Crato (il appartenait à l’ordre des chevaliers de Saint Jean de Jérusalem), fils bâtard de Louis de Portugal duc de Beja, né lui aussi du mariage d’Emmanuel Ier avec Marie d’Aragon ; - Emmanuel Philibert, duc de Savoie, fils de Béatrice de Portugal elle-même née du mariage d’Emmanuel Ier et de Marie d’Aragon et mariée au duc de Savoie Charles III ; - Philippe II, roi d’Espagne, qui a épousé en 1543 Marie de Portugal, fille de Jean III et de Catherine d’Autriche (elle est morte en couches en 1545) et qui est aussi le fils d’Isabelle de Portugal, la sœur du roi Jean III mariée à Charles Quint en 1526 (et morte en 1539) ; - Catherine de Médicis, reine de France par son mariage avec Henri II, qui descendait au onzième degré, par sa mère, de Robert comte de Boulogne, fils du roi portugais Alphonse III. Les prétentions de Rainier Farnèse, de Catherine de Médicis et d’Emmanuel Philibert de Savoie furent aisément écartées. Catherine de Portugal, mariée au duc Jean de Bragance, ne disposait pas de moyens suffisants pour acheter les soutiens nécessaires et Antoine était un bâtard, ce qui ne pouvait que défavoriser sa candidature – son père Louis l’avait eu de sa maîtresse Yolande Gomez, dite « La Pélicane », devenue ensuite religieuse bernardine et il n’y avait plus de traces de la volonté de Sébastien Ier de faire légitimer cette naissance. Les origines en partie juives de sa mère constituaient un handicap supplémentaire. Dans ces conditions, ce fut Philippe II qui l’emporta en faisant occuper militairement le royaume : le duc d’Albe envahit l’Alentejo et le marquis de Santa Cruz pousse l’armada espagnole dans l’embouchure du Tage. Sachant qu’il avait l’appui du peuple et d’une partie de la noblesse Antoine ne s’avoua pas vaincu mais il ne put s’opposer au roi d’Espagne. Lisbonne fut prise le 26 août 1580 et le prétendant s’enfuit en Angleterre puis en France. Il n’abandonna pas pour autant ses droits, ceux de la dynastie dite de Portugal-Crato, et se fit appeler Antoine Ier jusqu’à sa mort, survenue à Paris en 1595. Sa descendance s’éteindra à la fin du XVIIIe siècle. 1580-1598 : Règne de Philippe I (Philippe II d’Espagne), élu roi par les Cortes de Tomar le 16 avril 1581. Le nouveau souverain peut faire son entrée à Lisbonne en juin. Les partisans d’Antoine, le prieur de Crato, entretiennent la résistance aux troupes espagnoles jusqu’en 1583 (notamment dans l’île de Terceira aux Açores où la flotte française envoyée par Henri III pour soutenir les rebelles subit un désastre complet en juillet 1582) mais le royaume finit par se soumettre, le roi d’Espagne laissant aux Portugais l’administration de leurs provinces et de leurs villes et leur permettant d’accéder auprès de lui aux mêmes emplois que les Espagnols. 1582 : Création d’un Conseil de Portugal auprès de Philippe II qui met en œuvre une « bonne administration » de son nouveau royaume. L’union est alors bien acceptée par les sujets portugais du roi, du fait de la solidarité catholique, de la complémentarité des deux économies et des liens dynastiques déjà anciens établis entre les deux monarchies. 1583-1593 : Gouvernement du cardinal-archiduc Albert, neveu de Philippe II et arrière-petit-fils du roi Emmanuel Ier. Après son rappel à Madrid, le gouvernement sera assuré par un conseil de régence formé de cinq gouverneurs et présidé par l’archevêque de Lisbonne. Août 1588 : Échec de l’Invincible Armada qui voit le Portugal perdre douze navires. Mai 1589 : Les Anglais débarquent sur les côtes portugaises Antoine, le prieur de Crato, qui espère soulever la population mais celle-ci ne peut supporter de le voir soutenu par les hérétiques et se mobilise contre lui pour le contraindre à rembarquer précipitamment Juillet 1596 : Mise à sac de Faro par les soudards anglais du comte d’Essex. Jusqu’à la conclusion de la paix de 1604 entre l’Espagne et l’Angleterre, les côtes portugaises sont menacées par les corsaires anglais. À partir de 1595, les Portugais doivent aussi compter avec l’hostilité des Hollandais révoltés contre Philippe II. Le Portugal perd bientôt le monopole du commerce des épices orientales et ne peut maintenir comme mare clausum l’océan Indien, au moment où les Hollandais s’installent en Indonésie. Entre 1580 et 1620, le trafic portugais avec l’Asie est ainsi réduit d’un tiers au profit des nouveaux concurrents néerlandais et anglais. 1597 : Les Portugais prennent possession de Ceylan. 1598-1621 : Règne de Philippe II (Philippe III d’Espagne). 1600 : Philippe III et son ministre le duc de Lerma envoient au Portugal comme vice-roi Cristovao de Moura, l’un des artisans de l’union ibérique, Portugais d’origine mais lié depuis trop longtemps à la couronne espagnole. Il sera écarté en 1603 quand Philippe III décidera, pour des raisons financières, un pardon général des « nouveaux chrétiens » refusé par la majorité de la nation portugaise, composée de « vieux chrétiens » qui exercèrent des violences contre les juifs libérés. 1603 : Publication d’un code de lois d’inspiration espagnole appelées Ordenaçoes Filipinas. 1603-1621 : Maintien d’une vice-royauté, remplacée ensuite, jusqu’en 1633, par un collège de gouverneurs choisis dans le clergé et la noblesse. 1617 : Philippe III d’Espagne nomme vice-roi du Portugal un Espagnol, le comte de Salinas. 1619 : Le roi Philippe se rend au Portugal, sa seule visite en vingt-trois ans de règne. vers 1620 : Avec 165 000 habitants Lisbonne est alors la ville la plus peuplée de la péninsule Ibérique et la quatrième en Europe après Londres, Paris et Naples. Le pays a vu sa population augmenter de manière spectaculaire : de 1 100 000 âmes vers 1520 à près de deux millions à la fin du XVIe siècle. 1621-1640 : Règne de Philippe III (Philippe IV d’Espagne). Le poids de la domination castillane se fait de plus en plus insupportable alors que, du fait de la guerre de Trente Ans et de la guerre contre les insurgés des Pays-Bas, l’empire colonial portugais est de plus en plus menacé. Le poids de la guerre conduit de plus le gouvernement de Madrid à augmenter, à l’initiative du duc d’Olivarés, la pression fiscale sur le Portugal, créant ainsi les conditions de la révolte que les perspectives d’annexion pure et simple à l’Espagne vont précipiter. 1622 : Perte d’Ormuz. 1624 : Prise de Bahia par les Hollandais. 1628 : Désastre de Matanzas. La flotte espagnole de l’or est prise par les Hollandais, ce qui entraîne des pertes financières très lourdes pour l’Espagne et le Portugal. 1628-1631 : Émeutes populaires à Lisbonne, Porto, Santarem et Setubal pour protester contre l’aggravation de la pression fiscale et contre le logement des gens de guerre. 1630 : Au Brésil, les Hollandais s’emparent d’Olinda et du Pernambouc. 1634 : Marguerite de Savoie, duchesse de Mantoue, reçoit la vice-royauté du Portugal. Elle est secondée par Miguel de Vasconcellos qui fait rapidement l’unanimité de l’opinion contre lui. C’est alors le Portugal qui fait surtout les frais, sur le plan colonial, des difficultés de la couronne espagnole dont les exigences fiscales augmentent, ce qui ne peut que réveiller le sentiment national alimenté par la rumeur selon laquelle le jeune roi Sébastien ne serait pas mort au Maroc en 1578 et pourrait réapparaître. 1637 : Révolte antifiscale d’Evora contre un nouvel impôt. Les Hollandais s’emparent de Sao Jorge de La Mina sur la côte du golfe de Guinée. 1er décembre 1640 : Les partisans du duc Jean de Bragance s’emparent du palais royal de Lisbonne et déclenchent une insurrection qui gagne rapidement les campagnes. 15 décembre 1640 : Le duc de Bragance reçoit l’acclamaçào et prend le nom de Jean IV de Portugal. Il prête serment devant les Cortes le 28 janvier 1641.

La dynastie de Bragance et l’empire luso-brésilien (1640-1807)

1640-1656 : Règne de Jean IV de Bragance, fils du duc Théodore II de Bragance qui descendait d’Alphonse, un bâtard du roi Jean Ier fait duc de Bragance en 1442 et dont la famille occupa ensuite la charge de connétable. 1641 : Jean IV brise brutalement une conspiration nobiliaire, à l’occasion de laquelle il fait emprisonner l’archevêque de Braga, primat du Portugal. 1641 : Les Hollandais s’emparent de Malacca, de Sao Tomé et de la côte d’Angola. 1642 : Création d’un Conselho Ultramarino chargé des affaires coloniales, à un moment où les Portugais entendent reconquérir, au moins partiellement leur empire d’outre-mer, sérieusement entamé pendant la période d’union avec l’Espagne. Sans renoncer à leur présence dans l’océan Indien et en Asie où ils doivent désormais compter avec les Hollandais et bientôt avec les Anglais, les Portugais donnent désormais la priorité au commerce atlantique et à leurs possessions africaines et brésilienne. 10 mars 1649 : Création de la Compagnie générale de commerce du Brésil. 1649-1654 : Troubles fomentés au Brésil par les Hollandais qui cherchent à s’y rétablir après les victoires remportées par les Portugais dans les monts Guarapes dans le Pernambouc (la région de Recife) occupé pendant un temps par l’ennemi calviniste néerlandais 6 janvier 1654 : Capitulation des Hollandais à Recife, désignée comme « La Rochelle d’Amérique ». 1656-1683 : Règne d’Alphonse VI Henri, fils du roi Jean IV. Sa mère espagnole Louise de Guzman (elle était fille du duc de Medina Sidonia) assure la régence durant sa minorité, jusqu’en 1662, C’est le ministre Castelo-Melhor qui dirige ensuite les affaires du royaume. Faible d’esprit, le roi sera écarté du pouvoir en 1667 et incarcéré dans l’île de Terceres puis au château de Cintra. Sur décision des Cortes, la régence est exercée de 1667 à 1683 par Pierre, le frère d’Alphonse VI, qui deviendra à la mort de ce dernier le roi Pierre II. 3 juin 1661 : Traité de White-Hall. Renouvellement de l’alliance anglaise par le mariage du roi Charles II Stuart avec l’infante Catherine de Bragance, sœur d’Alphonse VI. Outre une dot magnifique, la princesse apporte à la couronne anglaise Tanger, Bombay et des comptoirs aux Indes et au Brésil. En contrepartie, l’Angleterre s’engage à défendre le Portugal et ses territoires coloniaux contre toute agression d’un pays tiers. 6 août 1661 : Conclusion de la paix entre le Portugal et la Hollande. Les régions les plus intéressantes (les îles à épices) de l’empire portugais d’Asie sont perdues pour l’essentiel mais le Brésil est conservé. 1667 : Traité d’alliance franco-portugais. 5 janvier 1668 : Traité de Madrid qui rétablit la paix avec l’Espagne contre la remise à celle-ci de Ceuta. À plusieurs reprises – à Montijo le 26 mai 1644, aux Linhas de Elvas le 14 janvier 1659, à Ameixial le 8 juin 1663 et à Montes Claros le 17 juin 1665 – les tentatives espagnoles de reconquête du pays avaient été repoussées. 1683-1706 : Règne de Pierre II, dernier enfant de Jean IV et de Louise de Guzman. Il épouse en avril 1668 Marie de Nemours, fille du duc Charles Amédée de Savoie qui avait été mariée à son frère d’août 1666 à mars 1668. Quand Marie mourra en 1683, il se remariera en 1687 avec Marie Sophie de Bavière-Neubourg (dite aussi Élizabeth), disparue elle-même en 1699. 1699 : Arrivée à Lisbonne du premier chargement d’or en provenance du Brésil. L’or du Minas Gerais et du Goias va augmenter la circulation monétaire et engager ainsi en Europe un cycle de croissance mais va compromettre les efforts réalisés au Portugal en vue du développement d’une activité manufacturière locale engagée à partir de 1675 par le comte de Ericeira, sur le conseil du théoricien mercantiliste Duarte Ribeiro de Macedo. Les revenus de la couronne portugaise augmentent mais servent surtout à financer des dépenses somptuaires pendant que l’attrait de l’or brésilien conduit à l’abandon d’une partie des plantations de sucre et de tabac. 1703 : Traité de Methuen avec l’Angleterre. Il garantit l’entrée libre des lainages anglais au Portugal et celle du vin portugais en Angleterre. Mars 1704 : Le Portugal s’engage contre la France dans la guerre de Succession d’Espagne 1706-1750 : Règne de Jean V, fils de Pierre II et d’Élizabeth de Neubourg, marié en 1708 à Marie Anne Josèphe d’Autriche, fille de l’empereur Léopold Ier. 1711 : Le corsaire français Duguay-Trouin lance contre Rio de Janeiro un raid qui cause au Brésil de très lourdes pertes. 1713 : À Utrecht, le Portugal doit signer la paix avec la France et l’Espagne. 1720 : Jean V fonde l’Académie d’Histoire du Portugal. 1749 : Le pape Benoît XIV accorde au roi le qualificatif de « Roi très Fidèle » en raison de l’effort d’évangélisation accompli dans les colonies portugaises. 1750-1777 : Règne de Joseph Ier Emmanuel, fils de Jean V et de Marie Anne d’Autriche, marié en 1729 à Marie Anne Victoire de Bourbon, fille de Philippe V d’Espagne et d’Élizabeth Farnèse. Fiancée au roi de France Louis XV dès l’âge de quatre ans, elle a vécu à Versailles de 1722 à 1725 avant d’être renvoyée à ses parents : c‘est l’affaire du « mariage espagnol » finalement abandonné. Le règne de Joseph Ier voit en réalité le pouvoir exercé par Sébastien de Carvalho et Melo, marquis de Pombal (1699-1782), le grand ministre portugais de la deuxième moitié du XVIIIe siècle qui incarne, de 1751 à 1777, la tentative d’instauration dans le royaume d’un régime de despotisme éclairé. 1750 : Traité de Madrid fixant les frontières du Brésil. Jamais appliqué, il sera annulé par le traité du Pardo de 1761 et la question ne sera réglée qu’en 1777. 1er novembre 1755 : Lisbonne est frappée par un terrible tremblement de terre. La conception de la reconstruction de la ville est confiée à l’architecte Eugenio Santos. Septembre 1758 : Un attentat manqué contre le roi, monté par le duc d’Aveiro qui reprochait au souverain les pouvoirs laissés à Pombal permet à ce dernier d’impliquer contre toute évidence les jésuites dans ce complot et d’obtenir du roi en 1759 l’expulsion de l’ordre, mesure qui sera appliquée ensuite en France (1764) et en Espagne (1767). L’expulsion des jésuites (décret du 3 septembre 1759) allait de pair avec la rupture avec Rome, marquée par l’expulsion du nonce dès le 15 juin). 1761 : Poursuivi par la haine de Pombal, le jésuite Malagrida est brûlé vif sur le Rossio. Il est la dernière victime de l’Inquisition au Portugal. 1762 : À la faveur de la guerre de Sept Ans, la France promet à l’Espagne qu’elle pourra récupérer à la fin du conflit le Portugal qui vient de rallier le camp de l’Angleterre, mais l’issue malheureuse de la guerre, conclue par le désastreux traité de Paris, préserve l’indépendance portugaise. 1763 : Pombal et Joseph Ier font du Brésil une vice-royauté dont la capitale est établie à Rio de Janeiro. 1771 : Pombal met fin aux autodafés. Il n’a pas supprimé l’Inquisition mais l’a placée sous l’autorité du pouvoir royal. En 1773, une loi supprime toute distinction entre « vieux » et « nouveaux » chrétiens. Dans le même esprit, Pombal fait supprimer l’Université jésuite d’Evora et donne en 1772 de nouveaux statuts à l’Université de Coimbra, dans le but de mettre en œuvre une politique de formation des élites qui soit au service de la monarchie absolue, du « despotisme éclairé » que ses initiatives tendent à imposer au Portugal. Dans le domaine économique, le marquis est confronté à l’épuisement de la production de l’or brésilien et à la chute des marchés des produits coloniaux et recourt aux vieilles recettes mercantilistes et protectionnistes pour développer l’activité du pays, à un moment où ses principales ressources viennent toujours du Brésil ; l’économie de la métropole demeure largement rurale et arriérée, si l’on excepte l’activité de Lisbonne ou celle du vignoble de Porto dont les productions sont exportées vers l’Angleterre avec laquelle les échanges demeurent très déséquilibrés en valeur, celle-ci vendant au Portugal des produits fabriqués (près de la moitié des importations portugaises) alors qu’elle lui achète des produits comme le vin ou des produits coloniaux. Le Portugal s’installe ainsi dans une économie de rente peu propice à la réalisation d’un effort de développement national. 1774-1777 : Victime d’une attaque d’apoplexie, Joseph Ier, très diminué, abandonne la régence à sa femme la reine Victoire. 1776 : Conflit luso-espagnol à propos de la colonie du Sacramento. Il se termine en 1777 avec le traité de San Ildefonso. Le Portugal renonce à la colonie du Sacramento et reconnaît à l’Espagne les territoires s’étendant du Rio de la Plata à Rio Grande do Sul (correspondant à l’actuel Uruguay) ainsi que les territoires des Siete Misiones du Paraguay. 1777-1816 : Règne de Marie Ière, fille de Joseph Ier Emmanuel et de Marie Anne Victoire d’Espagne, mariée en 1760 à son oncle Pierre de Bragance, fils du roi Jean V, qui prendra à l’avènement de sa femme le titre de roi sous le nom de Pierre III. Très pieuse (elle sera la fondatrice de la plus célèbre institution charitable portugaise, la Real Casa Pia de Lisbonne), la reine écarte Pombal, exilé dans ses terres dès 1777. 1778 : Signature d’un concordat avec le Pape. 1779 : Création de l’Academia Real das Ciencias de Lisbonne. Contre les interprétations libérales du XIXe siècle, qui voyaient dans le règne de Marie un « Reino da Estupidez » caractérisé par un retour à « l‘obscurantisme », les grandes orientations fixées par Pombal en matière intellectuelle ou universitaire furent maintenues. 1780 : Conclusion d’un traité commercial avec la Russie, portant notamment sur l‘exportation du vin portugais. De manière générale, le règne de Marie correspond alors à un brillant essor du commerce maritime portugais. 1789-1792 : Le Portugal se déclare contre la Révolution française et en faveur du maintien de la monarchie absolue de Louis XVI. 1791 : La reine Marie devient folle. Janvier 1792 : Jean, prince des Algarves, fils aîné de la reine (trois autres sont morts avant lui, dont Joseph, prince du Brésil, en 1788) exerce le pouvoir de manière officieuse. Il ne prendra le titre de régent qu’en 1799. 1793 : Le Portugal rejoint la première coalition contre la France républicaine et engage des troupes aux côtés des forces espagnoles sur la frontière des Pyrénées où elles sont vaincues par les armées françaises. 1795 : Charles IV d’Espagne signe la paix avec la France lors du traité de Bâle, sans consulter son allié portugais. 1801 : Désormais alliée de la France républicaine, l’Espagne envahit l’Alentejo avec l’appui du corps expéditionnaire français du général Leclerc. Une intervention qui a surtout pour objectif d‘obliger Lisbonne à rompre ses liens privilégiés avec l’Angleterre. Après avoir subi les défaites d’Aronche et de Campo Mayor, le Portugal est contraint de demander la paix le 8 juin 1801. Cette guerre est surnommée la « guerre des oranges » parce que l’avant-garde espagnole victorieuse a offert à son chef, le Premier ministre et généralissime Manuel Godoy, deux branches d’orangers cueillies dans les jardins de la place d’Elvas demeurée au pouvoir des Portugais jusqu’à la fin du conflit. Par la paix de Badajoz (6 juin), le Portugal fut contraint de se fermer aux Anglais, dut payer une indemnité aux Français et accepter leurs tissus et céder aux Espagnols le district d’Olivenza qu’il ne récupérera jamais, même après les traités de 1815 qui prévoyaient pourtant sa rétrocession par l’Espagne. 1804 : Napoléon envoie à Lisbonne comme ambassadeur le général Andoche Junot, futur duc d’Abrantès, qui était davantage un homme de guerre qu’un diplomate et qui abandonna son poste dès 1805 pour aller servir dans la Grande Armée victorieuse à Austerlitz.  

Une transition difficile vers la modernité (1807-1974)

1807 : Le régent de Portugal Jean refuse l’adhésion au Blocus continental qu’entend lui imposer Napoléon. Cette perspective signifiait en effet la ruine économique du pays mais la France et l’Espagne n’attendaient que l’occasion de ce refus pour l’envahir. Par le traité de Fontainebleau conclu le 27 octobre 1807, l’Empereur des Français a promis à ses alliés espagnols de faire du roi d’Étrurie, petit-fils de Charles IV d’Espagne, le souverain d’un royaume de Lusitanie septentrionale, le premier ministre Godoy devenant pour sa part prince héréditaire de l’Alentejo et de l’Algarve, c’est-à-dire de tout le sud du pays. Jean ignorait ces clauses mais il n’en signa pas moins avec l’Angleterre un traité d’alliance par lequel son gouvernement se plaçait sous la protection de George III et prévoyait de se replier au Brésil en cas de d’invasion. Il s’engageait de plus à accorder à l’Angleterre dans cette colonie tous les avantages commerciaux que l’occupation du pays risquait de lui faire perdre au Portugal. 19 novembre 1807 : Les troupes françaises aux ordres de Junot franchissent la frontière portugaise et s’emparent le 24 d’Abrantès, origine du titre ducal que leur général recevra en 1809. 29 novembre 1807 : La famille royale quitte le Portugal et s’embarque pour le Brésil au moment de l’entrée de Junot à Lisbonne. 28 janvier 1808 : Rupture du pacte colonial avec l’ouverture du Brésil au commerce étranger, c‘est à dire, de fait, à celui de l’Angleterre. Juin 1808 : Constitution à Porto d’une Junte provisoire fidèle à la maison de Bragance. 1er juillet 1808 : Les autorités d’occupation françaises décident la dissolution de la régence et la déchéance de la maison de Bragance. Junot devient gouverneur général du Portugal au nom de l’Empereur et commandant en chef de l’Armée française du Portugal. Les forces d’occupation sont rapidement confrontées à des mouvements d’insurrection populaire encouragés par le débarquement le 1er août à Figueira da Foz d’un corps expéditionnaire anglais de 8 000 hommes commandé par Sir Arthur Wellesley, le futur duc de Wellington. 21 août 1808 : Victoire de Wellesley à Vimeiro. Junot doit capituler à Cintra mais signe une convention qui lui permet de ramener par mer ses troupes à Rochefort et Quiberon. Février 1809 : Commandant du 2e Corps de l’Armée d’Espagne, Soult envahit le Portugal où la population reproche aux souverains de l’avoir abandonnée et supporte mal l’occupation anglaise. Plus habile et plus diplomate que Junot, Soult se voit même proposer la couronne portugaise mais Napoléon le dissuade d’accepter. Mai 1809 : Wellesley et le nouveau maréchal commandant l’armée royale portugaise nommé par le prince Jean, Sir William Carr Beresford, parviennent à chasser Soult du Portugal. 1811 : Nommé par Napoléon commandant en chef de l’Armée du Portugal, Masséna attaque Wellesley sur la ligne du Tage mais ses assauts sont repoussés à Torres Vedras et il doit se replier en Espagne en octobre. Le Portugal va désormais servir de base arrière aux Anglais pour poursuivre la lutte en Espagne. 1815 : Le Portugal doit rétrocéder à la France la Guyane conquise par le prince Jean. 1815 : Proclamation d’un « Royaume-Uni du Portugal, du Brésil et des Algarves ». L’état de santé de la reine et l’intérêt porté au Brésil par le prince régnant font qu’ils ne rentrent pas immédiatement au Portugal une fois terminées les guerres de l’Empire. Le gouvernement est alors exercé à Lisbonne par une junte à laquelle le prince a délégué ses pouvoirs. 1816 : Mort de la reine Marie. Le prince Jean, devenu roi, nomme régent jusqu’à son retour en Europe le maréchal Beresford. 1816-1826 : Règne de Jean VI. 1817 : Une conspiration libérale organisée dans l’armée métropolitaine est sévèrement réprimée. Août-septembre 1820 : Révolution libérale à Porto et Lisbonne. Juillet 1821 : Jean VI regagne le Portugal (comme il s’y est engagé le 24 février précédent quand il a déclaré qu’il accepterait toute constitution établie par les Cortes formées à Lisbonne) en laissant son fils Pierre au Brésil avec le titre de régent. Il craint, dans le contexte de la révolution libérale qui l’a emporté en Espagne en 1820, d’être déposé par les Cortes de Lisbonne, qui ont aboli les privilèges d’ancien régime et le système seigneurial. 1821 : Révolte des Brésiliens mécontents du départ du roi. 1er août 1822 : Le Brésil se déclare indépendant du Portugal. Août 1822 : Les Cortes portugaises adoptent un texte constitutionnel jugé « jacobin » par ses adversaires ; il donne la primauté au pouvoir législatif et institue le suffrage universel. 7 septembre 1822 : Les Brésiliens nomment le prince Pierre, fils de Jean VI, « prince régent constitutionnel et défenseur perpétuel du Brésil ». 12 octobre 1822 : Les Chambres brésiliennes décrètent que le Brésil est devenu un empire dont l’empereur est le régent Pierre, sous le nom de Pierre Ier (dom Pedro Ier). 27 mai 1823 : Sous l’influence de la reine et de son fils dom Miguel, Jean VI abolit la constitution de 1822 ; c’est la même année qu’une expédition française conduite par le duc d’Angoulême, la « croisade des fils de saint Louis », vient rétablir l’absolutisme de Ferdinand VII dans l’Espagne voisine. 30 avril 1824 : Dom Miguel prend le pouvoir en s’appuyant sur l’armée et retient son père captif dans son palais 9 mai 1824 : Le roi Jean VI est libéré sur intervention de l’ambassadeur britannique. Il reprend le pouvoir, exile la reine qui a encouragé dom Miguel et éloigne celui-ci. Il charge une junte de la rédaction d’une charte constitutionnelle. Par testament, il écarte dom Miguel de la couronne et confie à sa fille Isabelle Marie la régence ainsi que le pouvoir de désigner « son héritier légitime » pour accéder au trône. Dans l’esprit du roi, il s’agissait de son autre fils, l’empereur du Brésil, ce qui aurait permis de rétablir l’union de la métropole avec sa riche colonie. Mars-mai 1826 : Règne de Pierre IV, roi de Portugal et empereur du Brésil (sous le nom de Pierre Ier). Nommé roi par sa sœur – la régente Isabelle-Marie – à la mort de leur père, il renonce au bout de deux mois au trône portugais en faveur de sa fille aînée Marie (2 mai 1826). Celle-ci n’a que sept ans et se voit placée sous la régence de dom Miguel. Juillet 1826 : La charte constitutionnelle proposée par Pierre IV est acceptée mais divise profondément l’opinion et la société portugaises entre libéraux « constitutionnels » d’une part et tenants de la monarchie traditionnelle d’autre part, une fracture analogue à celle qui opposera en Espagne libéraux et carlistes. 22 février 1828 : Le régent Miguel – qui incarne alors, contre les interventions de l’Angleterre dans la vie du pays, le sentiment patriotique portugais – rentre à Lisbonne et prête initialement serment à la charte constitutionnelle mais, dès le 28 juin, il décide de se proclamer roi et de déchoir Marie demeurée au Brésil. Deux jours plus tard, il rétablit la monarchie absolue. Le navire qui amenait Marie au Portugal est alors détourné vers l‘Angleterre où des Portugais loyalistes dirigés par l’ambassadeur à Londres Palmela l’accueillent et l’assurent de leur appui. Elle repart au Brésil en 1829 et son père établit aux Açores hostiles à Miguel une régence dirigée par le gouverneur de l’archipel. 7 avril 1831 : Pierre Ier abdique au Brésil en faveur de son fils et, prenant le titre de duc de Bragance, rentre en Europe pour rétablir sa fille sur le trône de Lisbonne, avec l’appui décisif de l’Angleterre et de la France de Louis-Philippe. (Dom Miguel n’a pas reconnu la Monarchie de Juillet née de l’émeute de 1830.) Le nouvel empereur du Brésil, Pierre II gouvernera ce pays jusqu’en 1889 – il abdiquera le 7 décembre et le général La Fonseca instituera l’État brésilien en république fédérale dont la constitution sera reconnue par un vote au suffrage universel le 15 novembre 1890. 26 juin 1832 : Pierre débarque des troupes à Porto et bat celles des miguelistes mais celles-ci se reprennent et bloquent ensuite pendant deux ans leurs adversaires dans le nord du pays. 28 juillet 1832 : Le comte de Villaflor, l’un des lieutenants de Pierre IV s’empare de Lisbonne où le roi fait son entrée le 24 juillet 1833 16 mai 1834 : Les miguelistes sont définitivement battus à Asseiceira ; par la convention d’Evora du 26 mai dom Miguel reconnaît sa défaite et part pour l‘exil ; il mourra en 1866 en Autriche. La personnalité réelle de ce prince n’a guère à voir avec la caricature qu’en présenta à l’époque la propagande des libéraux stipendiés par une Angleterre soucieuse de faire du Portugal un quasi protectorat. Nul fanatisme en effet chez ce souverain traditionnel attaché au petit peuple qui lui voua un véritable culte et consentit pour sa cause de lourds sacrifices. 1834-1853 : Deuxième partie du règne de Marie II rétablie sur le trône le 26 mai 1834. Son père exerce officiellement la régence en attendant son retour du 23 août au 12 septembre 1834. Il tente de remédier à la crise financière en dispersant les congrégations et en confisquant leurs biens. La reine vient à peine de rejoindre Lisbonne pour y être couronnée que son père meurt le 24 septembre 1834. 29 septembre 1834 : Mise en vigueur de la charte élaborée par Pierre IV en 1826, moins libérale que celle de 1822. Privé des ressources du Brésil, le Portugal ne dispose pas des moyens de s’engager dans la révolution industrielle ; la majorité des ruraux connaît des conditions de vie difficiles et ne profite en rien de la suppression des droits seigneuriaux et de la vente des biens du clergé à de nouveaux propriétaires beaucoup plus avides de profits. Le sort des ouvriers agricoles des grands domaines empire même durant cette période sans que cela soit compensé par des progrès techniques significatifs. 9 avril 1836 : Son premier époux Auguste de Leuchtenberg étant décédé en mars 1835, deux mois après leur mariage, Marie épouse Ferdinand – prince de Saxe-Cobourg et Gotha, duc de Saxe – qui recevra le titre honoraire de roi Ferdinand II de Portugal en septembre 1837. Septembre 1836 : Un mouvement favorable à la constitution de 1822 se développe et renverse le gouvernement tout en proclamant sa fidélité à la reine. Les nouveaux dirigeants entendent interdire la traite des Noirs et inaugurer un nouveau code pénal. Ils exilent les militaires attachés à la charte de 1826, en particulier José de Sousa, duc de Terceira, qui avait reçu son titre pour avoir contribué en 1832-1834 à la restauration de la souveraine légitime. Mars 1838 : Masacre du Rossio. Une révolte populaire est écrasée dans le sang à Lisbonne. Une nouvelle constitution est adoptée la même année mais elle ne durera que quatre ans. 1842 : Le gouvernement des « septembristes » est renversé à son tour par le coup d’État de Costa Cabral qui apparaît, avec Terceira, comme l’un des chefs de file des « chartistes » attachés aux textes de 1826 et 1834. 1842-1846 : Gouvernement dictatorial du « chartiste » Costa Cabral, marquis de Tomar. 1846 : Cabral est renversé par une insurrection de paysans et de prêtres du Minho. Cette révolte de la misère a des connotations légitimistes miguélistes évidentes. 1846-1849 : Dictature du maréchal Saldanha, un autre « chartiste » qui, renversé en 1849 au profit de Cabral, reprend rapidement le pouvoir en 1851 et fonde le mouvement Régénération (monarchiste libéral et conservateur, appuyé par les milieux financiers). En 1847, c’est l’intervention de la flotte anglaise et des troupes libérales espagnoles qui sauve la dynastie des Bragance-Cobourg confrontée à une insurrection populaire qui a pris le contrôle de Porto et qui unit la petite bourgeoisie aux paysans miguelistes. 1851 : Promulgation de la constitution qui demeurera en vigueur jusqu’à la chute de la monarchie. Le pouvoir législatif est exercé par deux chambres, celle des Pairs – 150 membres héréditaires nommés à vie par le souverain – et celle des députés élue au suffrage censitaire par tous les hommes propriétaires fonciers. Un Conseil d’État assiste le souverain. Le conseil des ministres gouverne avec l’accord des deux chambres et doit démissionner s’il n’a pas leur appui. 1851-1853 : Gouvernement des « régénérateurs » qui sont les héritiers des « chartistes ». Les anciens « septembristes » deviennent les « progressistes » et c’est autour de ces deux courants que se structure la vie politique. 1853-1861 : Règne de Pierre V, qui mourra à vingt-quatre ans d’une épidémie de fièvre typhoïde. Il était marié à Stéphanie de Hohenzollern. 1853-1855 : Régence du roi Ferdinand II de Saxe-Cobourg, veuf de la reine Marie II. 1856 : Le parti « Régénération » de Saldanha est écarté du pouvoir au profit des progressistes du marquis de Loule, un franc-maçon qui a la confiance du roi. 1858 : Loule décrète l’abolition de l’esclavage mais reporte l’application de cette mesure à 1878 pour ménager les colons des possessions africaines. C’est à cette époque qu’un puissant courant en faveur de la constitution d’un nouvel empire colonial – appelé à compenser la perte du Brésil – se développe rapidement dans les élites portugaises. On songe surtout alors à la formation d’une Afrique australe portugaise unissant les deux territoires de l’Angola et du Mozambique. 1861-1889 : Règne de Louis Ier (Luis), frère du défunt Pierre V, marié à Maria Pia d’Italie en 1862. 1866 : Exposition Universelle de Porto. 1867 : Adoption du système métrique et promulgation d’un nouveau code civil qui impose les valeurs de la bourgeoisie libérale. 20 mai 1870 : Coup d’État militaire qui porte au pouvoir le maréchal Saldanha. 1875 : Création de la Société de Géographie de Lisbonne. 1876 : Le Portugal n’est pas invité à la conférence de la Société de Géographie de Bruxelles qui porte sur l’avenir de l’Afrique centrale, au moment où le roi des Belges Léopold II s’apprête à mettre en œuvre son entreprise d’exploration et de colonisation du bassin du Congo. 1877 : Exploration de l’arrière-pays de la côte d‘Angola. 1884-1885 : Lors de la conférence coloniale de Berlin, les grandes puissances reconnaissent au Portugal le droit d’occuper l’arrière-pays des côtes de l’Angola et du Mozambique. L’Angleterre préfère alors qu’un petit pays s’intéresse à ces régions plutôt que devoir compter avec des initiatives françaises ou allemandes dans une partie de l’Afrique où elle compte établir à terme l’axe Le Caire-Le Cap. 1886 : La constitution est remaniée dans un sens plus libéral (fin de la pairie héréditaire). 1886 : Traité avec la France fixant les frontières de la Guinée portugaise avec les territoires de l’Afrique Occidentale Française. 1889-1908 : Règne de Charles Ier (Carlos) 1889 : Serpa Pinto bat les tribus indigènes mobilisées contre la présence portugaise par les Anglais soucieux de réaliser l’axe Le Caire-Le Cap, mais Londres exige le 11 janvier 1890 l’évacuation des territoires concernés ; le Portugal doit renoncer à bâtir un ensemble territorial cohérent allant de l’Angola au Mozambique et coupant ainsi d’ouest en est l’Afrique australe. Les deux Rhodésies et le Nyassaland empêchent désormais la réalisation de ce projet. L’opinion publique portugaise se déchaîne alors contre l’allié traditionnel britannique et de grandes manifestations sont organisées, notamment à Porto, pour dénoncer le diktat anglais. 6 novembre 1895 : Le haut-commissaire portugais au Mozambique, Antonio Enez, brise lors de la bataille du lac Coolela une grande révolte indigène. 1898 : Traité anglo-allemand envisageant un partage des colonies portugaises au cas où le pays ne pourrait honorer le nouvel emprunt que l’état des finances l’oblige à contracter. Au début du XXe siècle, les structures de l’économie portugaise demeurent largement archaïques mais l’action de l’ingénieur Fontes Pereira de Melo a tout de même permis de doter le pays d’un réseau de voies de communication modernes (routes et voies ferrées). Le Portugal compte alors près de 200 000 ouvriers et une petite classe moyenne paysanne commence à émerger du fait du développement du commerce intérieur. Cela n’est cependant pas suffisant pour établir la base sociale d’une évolution politique comparable à celle qui s’est affirmée en Europe du Nord. L’essor démographique et l’exode rural ont permis la croissance rapide des deux plus grandes villes : Lisbonne double sa population (jusqu’à 435 000 habitants) entre 1820 et 1911 alors que Porto passe dans le même temps de 50 000 habitants à près de 200 000. Le XIXe siècle a vu passer la population globale du pays de trois à cinq millions et demi d’habitants et l’émigration, surtout en direction du Brésil, constitue la soupape de sécurité nécessaire avec près de 50 000 départs pour la seule année 1911. 1907 : Le roi confie le gouvernement à Joao Franco qui tente de rétablir par des mesures autoritaires la situation financière. 1er février 1908 : Le roi Charles et son fils Louis-Philippe sont assassinés à Lisbonne. 1908-1910 : Règne de Emmanuel II (Manoel), fils de Charles Ier et de Marie-Amélie de Bourbon-Orléans. 4 octobre 1910 : Emmanuel II est renversé par une insurrection populaire. Elle fait suite à des élections qui ont vu les villes basculer en faveur des républicains (onze élus à Lisbonne) alors que les campagnes demeuraient monarchistes. L’instabilité ministérielle et les difficultés financières encouragent Antonio Machado dos Santos à déclencher la révolte, appuyée par des unités insurgées de la Marine. Indécis, le roi prend le chemin de l’exil vers l’Angleterre ; un Gouvernement provisoire de la République est proclamé et confié au professeur Theophile Braga. Costa, le ministre de la Justice, remet en vigueur les lois contre les congrégations religieuses datant de Pombal et de Pierre IV, légalise le divorce et le mariage civil, donne un statut aux enfants nés hors mariage. Le nouveau régime procède également à la séparation de l’Église et de l’État. 1911 : Élaboration d’une nouvelle constitution républicaine. Le pouvoir législatif est exercé par deux chambres, le Sénat et la Chambre des députés ; le pouvoir exécutif appartient au président de la République assisté d’un ministère. Le président est élu pour quatre ans par les deux chambres réunies et n’est pas rééligible. Une nouvelle monnaie, l’escudo, remplace le réal. 1912 : Réconcilié en 1912 avec les descendants de Miguel Ier, Emmanuel II – qui n’a pas cautionné la tentative contre-révolutionnaire engagée par certains de ses partisans en octobre 1911 – leur reconnaît le droit de succession au trône s’il venait à disparaître sans postérité, ce qui sera le cas. 1911-1915 : Présidence de Manuel de Arriaga, un universitaire libéral. Janvier 1915 : Le général Pimenta de Castro profite des vacances des Chambres pour s’emparer du pouvoir et pour obtenir d’Arriaga qu’il le nomme dictateur et accepte un gouvernement militaire. Le général doit renoncer en mai devant l’opposition des Chambres. Arriaga démissionne et Theophile Braga exerce la présidence à titre provisoire de mai à août 1915. 1915-1917 : Présidence de Bernardino Machado, ancien président du Conseil. 9 mars 1916 : Le Portugal entre en guerre contre les Centraux aux côtés de l’Entente. Le gouvernement portugais a décidé, à la demande de l’Angleterre, la saisie des 72 navires allemands internés dans les ports portugais. L’Allemagne lui déclare donc logiquement la guerre. 13 mai 1917 : Apparition de la Vierge à Fatima. Décembre 1917 : Le mécontentement populaire conduit le major Sidonio Pais à prendre le pouvoir. Il oblige Machado à démissionner mais celui-ci redeviendra président du Conseil en 1921 et de nouveau président de la République en 1925-1926. Sidonio Pais fait également emprisonner l’ancien président du Conseil Afonso Costa. Devenu officiellement président de la République en 1918, cet officier conservateur est assassiné en gare de Lisbonne par un jeune anarchiste en octobre 1918. Avril 1918 : Les forces portugaises déployées sur le front des Flandres sont particulièrement éprouvées lors de la deuxième grande offensive lancée par Lüdendorf pour obtenir la décision sur le front ouest au printemps de 1918. 16 décembre 1918 – 5 octobre 1919 : Présidence provisoire de l’ancien ministre de la Marine Joao do Canto e Castro. Janvier 1919 : Une insurrection monarchiste dirigée par Paiva Couceiro s’empare de Porto, Viseu, Braga, Aveiro et Coimbra. Elle échoue mais révèle l’ampleur du mécontentement et du rejet du régime républicain. 1919-1923 : Présidence d’Antonio Joseph de Almeida, premier président à conserver son poste pendant toute la durée de son mandat. 1919 : L’ancien président du Conseil Costa obtient de la Conférence de la Paix une bande de territoires pris à l’Afrique orientale allemande et rattachés au nord du Mozambique, ainsi que le principe d’une indemnité allemande au Portugal. 1921 : Échec de la tentative de putsch du colonel Coelho au cours de laquelle le ministre Antonio Granjo est assassiné. 1922 : Premier vol en hydravion réalisé entre Lisbonne et Rio par Sacadura Cabral et Gago Coutinho. 1922 : Soulèvement révolutionnaire qui contraint le président Almeida à a se réfugier à Cascais. Septembre 1922 : Le président Almeida assiste à Rio aux fêtes organisées pour le centenaire de l’indépendance du Brésil. 1923-1925 : Présidence de Manuel Teixeira Gomez, ancien ambassadeur à Londres, puis délégué du Portugal à la SDN. Il démissionne le 11 décembre 1925 dans un contexte difficile, marqué par la multiplication des grèves et des mutineries et par la dépréciation continue de l’escudo. 1925-1926 : Nouvelle présidence de Bernardino Machado, marquée par la poursuite des désordres et par le scandale financier de la Banque métropolitaine d’Angola. 28 mai 1926 : Le général Manuel Gomez da Costa, commandant de la garnison de Braga et ancien chef du corps expéditionnaire portugais en France entre en dissidence, s’empare de Lisbonne, contraint le président Machado à la démission et forme un triumvirat comprenant, outre lui-même, le général Antonio Oscar de Fagoso Carmona, gouverneur d’Evora, et du commandant Mendes Cabecedas. Gomez da Costa révèle rapidement ses limites et c’est le général Carmona qui, après l’avoir fait exiler aux Açores, s’impose comme l’homme fort à la tête du pays lassé d’un régime républicain incapable qui a vu défiler cinquante gouvernements en seize ans… 25 mars 1928 : Carmona est élu président de la République et entre en fonction en avril. 1928 : Pour juguler l’inflation, Antonio de Oliveira Salazar, professeur d’économie à l’Université de Coimbra, est nommé ministre des Finances. 1932 : Salazar, ministre des Finances, devient président du Conseil. 1933 : La République devient l’État Nouveau (Estado Novo). Une nouvelle constitution est promulguée et largement approuvée par plébiscite – avec cependant 40 % d’abstentions. Le président est élu pour sept ans au suffrage direct par tous les chefs de famille (le suffrage universel est ainsi supprimé dans un système qui donne aux communautés « naturelles » telles que la famille ou la profession la priorité sur l’individu abstrait issu de la pensée des Lumières) et nomme les ministres qui ne sont responsables que devant lui. Le pouvoir législatif appartient à l’Assemblée législative nationale élue par les chefs de famille alors qu’une Chambre corporative représentant les métiers s’occupe des questions économiques et sociales. 1933-1951 : Présidence du maréchal Carmona, élu à ce poste à quatre reprises et qui mourra en fonctions. 1934 : Abolition du droit de grève et création du Conseil corporatif. Décembre 1937 : Après avoir proclamé sa neutralité dans la guerre civile qui ravage l’Espagne depuis juillet 1936, le Portugal prend parti pour le camp nationaliste et signe en mars 1939 un traité de non-agression avec l’Espagne franquiste victorieuse. 1939-1945 : Le Portugal maintient sa neutralité tout au long de la seconde guerre mondiale. 7 mai 1940 : Signature d’un concordat entre le Portugal et le Saint-Siège. Février 1942 : Les Japonais occupent l’île portugaise de Timor. 6 avril 1943 : Réorganisation de l’éducation nationale et ouverture de 12 500 écoles primaires. 12 octobre 1943 : Le Portugal autorise les Anglais à installer des bases aux Açores. 1944-1947 : Salazar adjoint à ses fonctions de président du Conseil et de ministre des Finances celles de ministre des Affaires étrangères. 1947 : Les comptoirs portugais des Indes demeurent fidèles à la métropole malgré l’indépendance accordée par l’Angleterre à son empire des Indes. 1948 : Agitation sociale généralisée dans le pays. 4 avril 1949 : Le Portugal adhère à l’Alliance atlantique dont il est l’un des membres fondateurs. 4 avril 1950 : Révision de la loi d’exil contre la famille royale. 18 avril 1951 : Mort du maréchal Carmona. Salazar lui succède à titre provisoire jusqu’au 22 juillet. 1951-1958 : Présidence de Francisco Higino Craveiro Lopes. 6 septembre 1951 : Accord de Lisbonne d’assistance mutuelle avec les Etats-Unis. 1er novembre 1952 : L’instruction primaire devient obligatoire. 1955 : Le Portugal rejoint l’ONU. 1958-1974 : Présidence d’Americo Deus Rodrigues Tomas. Il a été l’élu de l’Union nationale contre le général républicain Delgado qui, depuis son exil brésilien cherche à affaiblir le régime et a obtenu 25 % des suffrages. 1959 : Le Portugal adhère à l’Association européenne de libre échange mise en place par les Anglais pour contrer la Communauté économique européenne (l’Europe des Six) née du traité de Rome de 1957. 1960 : Début des troubles en Angola. Le soulèvement indépendantiste engagé par le Mouvement populaire de libération de l’Angola et le Front national de libération de l’Angola commence en février 1961. Février 1961 : Opposant à Salazar, le capitaine Galvâo, un partisan du général Delgado, s‘empare dans l’Atlantique d’un navire portugais, la Santa Maria, et menace de le saborder avec ses passagers pour dénoncer médiatiquement le régime autoritaire du président Salazar. 1961 : Goa et Diu, les derniers comptoirs portugais des Indes, sont annexés par les Indiens. 1961 : Échec d’une tentative de coup d’État du général Botelho Moniz. Janvier 1963 : La guerre d’indépendance commence en Guinée Bissau. Août 1964 : Début de l’insurrection du Front de libération du Mozambique dirigé par Samora Machel. 1965 : Assassinat du général Delgado, attribué par les opposants à la PIDE, la police politique du régime. 1968 : Le professeur Marcello Caetano succède au docteur Salazar empêché par la maladie qui mourra deux ans plus tard. 1973 : Parution du livre du général Spinola intitulé Le Portugal et son avenir. Régime autoritaire unanimement dénoncé comme une « dictature » après 1974 le système politique mis en place par le docteur Salazar a pourtant permis de réels progrès. La situation financière du pays a été rétablie et l’instabilité gouvernementale de l’époque républicaine a disparu. Les infrastructures ont été développées en matière de communication et la part des actifs du secteur primaire s’est réduite de moitié en même temps que progressait l’industrialisation et la scolarisation des jeunes générations. L’émergence d’une classe moyenne ne suffit cependant pas à sortir de la misère la majeure partie de la population et l’émigration (notamment en France) fut souvent la condition de l’accès à une vie meilleure. Une politique économique trop rigoureusement monétariste et la volonté de conserver les « provinces d’outre-mer » africaines en un temps qui voyait s’imposer partout le processus de décolonisation contribuaient également à fragiliser le régime qui n’eut jamais les moyens de transformer l’Angola en un nouveau Brésil.

De la révolution des Œillets à l’intégration européenne

Même s’ils demeurent d’intensité très limitée, les conflits interminables (environ 5 000 tués en quinze ans) qui mobilisent le Portugal en Angola, au Mozambique et, surtout, en Guinée Bissau vont se révéler fatals au régime ; les jeunes générations supportent mal la durée, portée à quatre ans en 1968, du service militaire et l’émigration qui permet d’y échapper prend des proportions très importantes. C’est de l’armée elle-même que va venir la « révolution des Œillets » du 25 avril 1974. Ce mouvement est dirigé par les majors Ernesto Melo Antunes et Otelo Saraiva de Carvalho et bénéficie de la caution du général Antonio de Spinola, ancien gouverneur de la Guinée Bissau, qui est placé, après le rapide succès de l’insurrection, à la tête d’une Junte de salut national. 15 mai 1974 : Antonio de Spinola devient président de la République. Marcello Caetano et Amerigo Tomas ont pris le chemin de l’exil pour le Brésil. 10 septembre 1974 : Indépendance de la Guinée Bissau, suivie le 25 juin 1975 par celle du Mozambique. Les îles du Cap Vert, de Principe et de Sao Tomé deviennent indépendantes à leur tour en juillet 1975, l’Angola et le Cabinda le 11 novembre 1975 ; l’indépendance de l’Angola et du Mozambique débouchent rapidement sur l’instauration de régimes pro soviétiques appuyés notamment en Angola par un corps expéditionnaire cubain ; la guerre civile née des affrontements ethniques va ravager pour de nombreuses années ces deux territoires, surtout l‘Angola, qui sera l’un des enjeux de la guerre froide au cours des années 1980. La « révolution des Œillets » a ainsi mis un terme à ce qui restait de l’empire portugais ; seules les Açores et Madère demeurent des territoires d’outre-mer portugais. La partie portugaise de l’île de Timor a été brutalement annexée par les Indonésiens qui devront lui accorder l’indépendance un quart de siècle plus tard et Macao est revenu à la Chine en 1999 en application d’un accord conclu ente Lisbonne et Pékin en 1987. 30 septembre 1974 : Le général de Spinola doit démissionner sous la pression des militaires d’extrême gauche conduits par le major de Carvalho et le général Vasco Conçalves alors que le Parti Communiste naguère clandestin d’Alvaro Cunhal semble en mesure de s’imposer. Spinola est remplacé par le général Costa Gomes. 11 mars 1975 : Prétextant une tentative de coup d’État, les militaires révolutionnaires exilent le général de Spinola et créent un Conseil suprême de la révolution qui remplace la Junte de salut national et prétend engager le Portugal dans la voie de la collectivisation : étatisation des banques, réforme agraire avec confiscation des grands domaines fonciers de l’Alentejo, remise de colonies africaines à des pouvoirs marxistes appuyés par Moscou et La Havane. Le désastre économique est naturellement au rendez-vous : énorme déficit de la balance des paiements, inflation à 26 %, 350 000 chômeurs, le tout aggravé par le retour de 700 000 retornados ou rapatriés d’outre-mer ; la situation géostratégique du Portugal, membre de l’OTAN dont les Açores paraissent alors sur le point de se séparer, empêchent cette évolution inquiétante d’aller jusqu’à son terme. La sagesse du socialiste Mario Soarés, fermement attaché à la démocratie parlementaire et qui ne peut être soupçonné d’être un nostalgique de l’ancien régime dont il a été l’un des plus fermes opposants, permet en effet au Portugal d’échapper à la dérive communisante. 25 avril 1975 : Élection d’une Assemblée constituante. Le Parti communiste n’obtient que 12,5 % des voix et c’est le Parti socialiste de Mario Soares (près de 38 % des voix) et le Parti populaire démocratique de Francisco Sa Carneiro (27 % des voix) qui sortent vainqueurs du scrutin. 29 août 1975 : Vasco Gonçalves doit démissionner de ses fonctions de chef du gouvernement. 25 novembre 1975 : Échec d’une tentative de coup d’État des militaires d’extrême gauche. 2 avril 1976 : Promulgation d’une nouvelle constitution prévoyant un président de la République élu au suffrage universel mais ne disposant que de pouvoirs limités. 25 avril 1976 : Élections législatives : 35 % des voix aux socialistes, 24 % au PPD, 16 % au CDS de centre-droit, 14,4 % au PC. Mario Soares devient chef du gouvernement. 27 juin 1976 : Un militaire modéré, Antonio Ramalho Eanes est élu président de la République, fonction qu’il exercera jusqu’en 1986. (Il est réélu le 7 décembre 1980) 21 septembre 1976 : Le Portugal est admis au sein du Conseil de l’Europe et pose sa candidature pour l’adhésion à la CEE le 28 mars 1977. 1979 : Le centre-droit obtient la majorité. Francisco Sa Carneiro devient chef du gouvernement jusqu’à sa disparition dans un accident d’avion en décembre 1980. Il est alors remplacé par Francisco Pinto Balsemao. 24 septembre 1982 : La révision de la Constitution fait disparaître le « Conseil de la révolution » qui, issu du Mouvement des forces armées de 1974 constituait le dernier vestige de la tentative révolutionnaire. 12 juin 1985 : Le Portugal rejoint la Communauté économique européenne pour former, avec l’Espagne et avec les membres précédents « l’Europe des Douze » (entrée officielle le 1er janvier 1986). 6 octobre 1985 : Victoire électorale du Parti social-démocrate (centre droit) qui met fin à un gouvernement d’Union nationale dirigé par Mario Soares et porte au pouvoir Anibal Cavaco Silva. 16 février 1986 : Mario Soares est élu président de la République. (Il sera réélu en janvier 1991.) 19 juillet 1987 : Les élections législatives anticipées donnent la majorité absolue au Parti social-démocrate ; de nouvelles élections confirment ce résultat le 6 octobre 1991 avec 50,4 % des voix contre 29,2 % au Parti socialiste. C’est également en 1987 que le major de Carvalho est condamné à quinze ans de prison pour sa participation au groupe d’extrême gauche FP25, responsable de plusieurs attentats. La page de la révolution des Œillets semble ainsi définitivement tournée. Dirigé par Anibal Cavaco Silva, le gouvernement bénéficie donc d‘une remarquable stabilité, propice à un développement économique rapide, favorisé par la manne européenne. Le chômage et l’inflation sont jugulés et l’escudo peut intégrer en 1992 le système monétaire européen ; les élections municipales de 1993 et les élections européennes témoignent cependant d’une certaine lassitude de l’électorat et voient le Parti socialiste reprendre l’avantage (36 % des voix contre 34 %). 13 mai 1991 : Visite du pape Jean Paul II à Fatima. 31 mai 1991 : Signature à Lisbonne d’un accord de paix entre le président angolais Dos Santos et son adversaire Jonas Savimbi, accord qui ne mettra pas fin à la guerre civile qui ravage le pays depuis 1975. 1994 : Lisbonne est proclamée capitale culturelle de l’Europe. 1995 : Le socialiste Antonio Guterres devient chef du gouvernement et se voit reconduit à ce poste en 1999. 1996 : Jorge Sampaio devient président de la République. (Il succède à Mario Soares.) 17 juillet 1996 : Création de la Communauté des pays lusophones qui regroupe le Portugal, l’Angola, le Brésil, la Guinée-Bissau, le Mozambique, le Cap Vert, Sao Tomé et Principe et le Timor oriental, soit un ensemble de plus de deux cents millions de lusophones. 1998 : Le pont Vasco de Gama, le plus long d’Europe, est inauguré sur le Tage au nord-est de Lisbonne. Exposition Universelle de Lisbonne pour le cinquième centenaire de l’expédition de Vasco de Gama. Juin 1998 : Le non l’emporte (50,9 %) lors du référendum sur l’avortement. Janvier 2001 : J. Sampaio est réélu président de la République pour cinq ans. Décembre 2001 : La déroute subie par les socialistes aux élections municipales contraint le premier ministre A. Gutteres à présenter sa démission. Mars 2002 : Victoire aux élections législatives du Parti social-démocrate (conservateur). José Manuel Durao Barroso forme le gouvernement et met en œuvre une politique énergique de redressement économique inspirée par le libéralisme ambiant. Les résultats obtenus font qu’en mars 2004 l’Union européenne abroge la procédure en déficit excessif lancée deux ans auparavant. 2003 : Contre une opinion publique majoritairement hostile, le gouvernement portugais se range aux côtés de l’Angleterre et de l’Espagne dans le soutien à l’intervention anglo-américaine contre l’Irak. Juin 2004 : J.-M. Durao Barroso devient président de la Commission européenne.2009 : La structure de l'économie portugaise s'est largement transformée depuis l'adhésion du pays à l'Union Européenne survenue en 1986. Le secteur tertiaire s'est développé alors que l'agriculture ne pèse plus qu'un dixième de la population active. Mais à partir de 2009, le pays doit affronter les effets de la crise financière survenue l'année précédente. Avec une dette antérieure à la crise atteignant 90 % du PIB et plusieurs décennies de mauvaise gestion des comptes publics, le Portugal devient la cible des spéculateurs et se voit obligé de solliciter l'aide du FMI et de l'Union Européenne, rejoignant ainsi la Grèce et l'Irlande dans le groupe des pays européens placés sous perfusion extérieure. Sous la pression de ses créanciers, le gouvernement portugais met en œuvre une sévère politique d'austérité.2014 : Quarante ans après la révolution des œillets, le Portugal sort en mai du plan d’aide financière apportée par l’Europe. A l’issue d’une période de rigueur sans précédent, le pays est sorti du programme sans avoir besoin d’une aide additionnelle. Alors que d’aucuns craignaient une évolution à la grecque, Lisbonne peut se prévaloir d’une sortie « propre » de la crise et le futur budget du pays échappera au contrôle de la troïka formée par la Banque Centrale Européenne, le Fonds Monétaire International et l’Union Européenne. Il doit s’engager cependant à rester vigilant quant au contrôle du déficit public.Divers scandales financiers fragilisent toutefois la reprise et la mise en examen en novembre de l’ancien premier ministre socialiste José Socrates pour corruption, fraude fiscale et blanchiment d’argent, ébranle la confiance dans les institutions démocratiques. Novembre 2015 : L’union des gauches portugaises permet le renversement du gouvernement de droite. Le socialiste Antonio Costa, ancien maire de Lisbonne, devient premier ministre avec pour programme la fin de l’austérité imposée depuis 2011.  2016 : L’accord de gouvernement passé entre les socialistes, les Verts, le Bloc de gauche et le Parti Communiste a tenu et Antonio Costa a su asseoir sa popularité. La bienveillance manifestée par la Commission européenne quant à l’endettement du pays lui a facilité la tâche. Le retour de la croissance, portée notamment par le dynamisme du tourisme, permet de faire reculer le chômage même si le système bancaire reste fragile. 2017 : Le pays connaît une année terrible sur le front des incendies survenus en juin et en octobre (une centaine de morts et 350 000 hectares partis en fumée). Les faiblesses des services de secours sont mises en cause et le ministre de l’Intérieur est contraint à la démission. Le Portugal peut se féliciter en revanche de la nomination d’Antonio Guterres au secrétariat général de l’ONU. C’est par ailleurs le ministre des finances, Mario Centeno, issu de la gauche, qui est désigné comme président de l’Eurogroupe, qui réunit les ministres des finances de la zone euro. Une nomination qui prend figure de symbole à la tête d’une institution si intransigeante lors de la crise de la dette apparue en Europe du Sud en 2010 (notamment en Grèce et au Portugal). 2018 : La crise de la dette de 2011 appartient au passé et le redressement du Portugal apparaît spectaculaire (chômage au plus bas, déficit réduit, croissance soutenue, immigration européenne de qualité, dynamisme du tourisme). Dans un climat où la social-démocratie est en crise partout en Europe, le gouvernement d’Antonio Costa fait figure d’exception. 2019 : Antonio Costa est crédité de ce qu’il est désormais convenu de désigner comme le « miracle portugais ». Il remporte les élections législatives d’octobre où son parti frise la majorité absolue, alors que la droite modérée dite « sociale-démocrate » a perdu 8% de ses voix. Le populisme se manifeste avec André Ventura du parti Chega. 2020 : La crise sanitaire du Covid 19 décourage près de dix millions de touristes étrangers de se rendre au Portugal (90% de moins pour les touristes anglais). Le chiffre d’affaires du secteur hôtelier chute de 64%. Le PIB devrait s’effondrer de 8,5%, la récession la plus sévère depuis l’après-guerre. Le gouvernement compte sur la relance de la croissance mais le temps de l’austérité est revenu. 2021 : Octobre a vu éclater une crise politique marquant la fin de l’alliance survenue cinq ans plus tôt entre le Parti Socialiste, le Bloc de Gauche et le Parti Communiste. Le président de la République Marcelo de Sousa dissout l’Assemblée nationale et convoque de nouvelles élections. Prévues fin janvier 2022, elles s’annoncent d’abord incertaines. Les sondages demeurent favorables pour le Parti Socialiste mais il existe une réelle dynamique en faveur de sociaux-démocrates "droite modérée" et du nouveau parti populiste Chega. Les résultats confirment les tendances révélées par les sondages : les socialistes gagnent avec une majorité absolue mais les populistes de Chega se sont installés, sans doute durablement, dans le nouveau paysage politique, avec plus de 10% des voix...