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Le Maroc
De l'ancienne Maurétanie au royaume chérifien

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Étendu sur 446 550 km2, superficie à laquelle il faut ajouter désormais les immenses étendues de l’ancien Sahara espagnol rattaché au Maroc depuis la « marche verte » de 1975, le royaume chérifien apparaît – au contact de la Méditerranée, de l’Atlantique et du Sahara, à proximité de l’Europe dont il n’est séparé que par le détroit de Gibraltar – comme l’un des plus anciens États d’Afrique qui, tout en conservant son identité traditionnelle, a déjà largement réussi son passage à la modernité. Né dès le VIIIe siècle avec la monarchie idrisside et confronté ensuite à de multiples vicissitudes, cet État est parvenu, tout au long des diverses dynasties qui l’ont dirigé, à organiser autour de lui la partie occidentale du Maghreb tout en connaissant, en ses époques de puissance, des extensions spectaculaires vers le Maghreb oriental ou vers l’Afrique Noire. Inscrit dans la longue durée de l’histoire méditerranéenne et africaine, le Maroc dispose ainsi d’un héritage qui a constitué pour lui un atout majeur depuis qu’il a accédé – voici près d’un demi-siècle, à l’issue d’une période de domination coloniale relativement très courte – à une complète indépendance. Bénéficiant d’une double façade maritime, ce qui l’ouvre sur la Méditerranée et l’Atlantique, le Maroc – le Maghreb el-Aqça des géographes arabes – présente au nord certaines similitudes avec les terres méridionales de l’Europe alors qu’il appartient pleinement, au sud, à l’Afrique saharienne. Vers l’est, les communications avec l’Algérie sont relativement malaisées alors que le pays apparaît davantage orienté vers la côte atlantique où la barre constitue cependant un obstacle au développement d’une vocation maritime. Le relief détermine un morcellement régional qui a eu de lourdes conséquences dans l’histoire d’un pays qui n’a jamais disposé d’un centre politique clairement déterminé par la géographie. Réservoir d’eau mais aussi refuge de toutes les dissidences, de toutes les oppositions aux pouvoirs établis sur les plaines, la montagne commande dans une large mesure les développements de l’histoire marocaine.

Un cadre géographique qui a largement commandé l’évolution historique

Né de la collision des deux plaques africaine et européenne, le relief marocain, très accidenté, a individualisé plusieurs grandes régions géographiques. Au nord, le Rif s’étend du détroit de Gibraltar au cours de la Moulouya. Contemporaine du plissement alpin, la chaîne s’élève jusqu’à 2 450 m et sa nature très accidentée en a fait une montagne refuge pour des populations farouchement attachées à leur indépendance, avec lesquelles les Espagnols auront fort à faire durant la période coloniale. Largement ouvert en direction de l’ouest, le bassin de l’oued Sebou se resserre nettement à l’est, à hauteur de la trouée de Taza, passage très important permettant les liaisons entre Maroc oriental et occidental. Les hautes plaines où se sont établies Fès et Meknès s’étendent plus au sud où elles portent des sols riches et bénéficient de l’eau abondante fournie par les sources vauclusiennes nées à la base des plateaux calcaires voisins. La « Meseta marocaine » s’étend au sud-ouest du bassin du Sebou, entre l’Atlas et l’Océan. La plaine littorale qui la borde à l’ouest, de Rabat à Mogador-Essaouira, constitue la principale région agricole du pays, surtout dans la Chaouïa et les Doukkala que sépare le cours de l’Oum-er-Rbia. Cette plaine permet également la liaison, par Rabat, entre Fès et Marrakech, les deux grandes capitales historiques du royaume. Les hauts plateaux qui se dressent à l’est, notamment celui du Tadla, apparaissent nettement moins accueillants en raison de leur sécheresse. Plus au sud et relativement isolée dans l’intérieur, la plaine de Marrakech, qui s’étend à une latitude déjà saharienne bénéficie de l’eau du Haut Atlas voisin. Coincée entre le Haut Atlas au nord et l’Anti-Atlas au sud, la plaine du Sous dispose d’un sol riche et, ouverte sur l’Atlantique, bénéficie d’un climat plutôt favorable. Le Haut Atlas, étendu sur huit cents kilomètres de l’Atlantique au Maroc oriental, apparaît comme une montagne majestueuse, qui s’élève jusqu’à 4 165 m au Djebel Toukbal. Formé d’un matériel rocheux très ancien resoulevé à la faveur des grands mouvements tectoniques nés du contact entre l’Afrique et l’Europe, il est la seule région du Maroc qui ait connu le phénomène des glaciations quaternaires alors que le reste du pays était soumis, à ces époques lointaines, aux périodes pluviales correspondant en Afrique aux phases glaciaires bien connues en Europe. La violence de l’érosion a engendré un relief tourmenté que l’on retrouve dans le Moyen Atlas calcaire étendu de l’oued El-Abid à la trouée de Taza qu’il domine du haut des 3 890 m du Djebel Bou Naceur. Au sud, l’Anti-Atlas, qui s’élève à plus de 2 500 m et se soude au Haut Atlas avec la masse volcanique du Djebel Siroua dressée à 3 300 m d’altitude, présente, du fait de la sécheresse grandissante, une allure assez désolée. Sur son versant méridional, le Djebel Bani domine la vallée de l’oued Draa. Au delà commencent les vastes plateaux pierreux du nord-ouest saharien. À l’est du pays, la vallée de la Moulouya est la frontière géographique et historique avec l’Algérie et les paysages de la région annoncent déjà ceux du Tell oranais. Le climat du pays est méditerranéen, marqué par un fort contraste entre un été très chaud et très sec – soumis à l’influence de l’anticyclone des Açores et aux effets du sirocco, vent chaud et sec venu du Sahara – et un hiver qui voit dominer les dépressions atlantiques et s’effectuer le gros des précipitations. La maîtrise de l’eau impose une irrigation méthodique qui seule permet de compenser dans certaines régions sa relative rareté ; en revanche, les hommes sont démunis face aux pluies torrentielles et aux inondations qui affectent souvent le pays, surtout en automne. Les données climatiques varient selon les régions. La proximité de l’Atlantique et du courant froid des Canaries garantissent au littoral une certaine fraîcheur et de faibles amplitudes thermiques du détroit de Gibraltar à Agadir où, malgré la latitude plus méridionale, les températures estivales sont plus fraîches qu’à Melilla ou Alhucemas sur la côte méditerranéenne. Le volume des précipitations décroît évidemment du nord au sud mais demeure supérieur à 300 mm annuels jusqu’au Sous. L’amplitude thermique s’accroît plus rapidement dans l’intérieur où l’hiver peut, à la faveur de l’altitude, s’avérer très rigoureux mais cette même altitude garantit aussi des précipitations suffisamment abondantes et parfois plus importantes que celles enregistrées sur la côte ; il pleut davantage à Fès qu’à Rabat et à Marrakech qu’à Mogador. Très arrosé, l’Atlas est un réservoir d’eau alors que le Maroc oriental appartient, dès le sud d’Oujda, au domaine du climat saharien. L’abondance de l’eau est un atout très important mais les fleuves présentent un régime trop souvent irrégulier. C’est surtout vrai dans le cas le la Moulouya dont les crues peuvent être d’une extrême brutalité alors que l’oued Sebou, orienté vers l’Atlantique, est beaucoup plus paisible. Le plus long des fleuves marocains, l’Oum-er-Rbia, bien alimenté depuis le Moyen Atlas, est toujours riche en eaux et peut atteindre un débit supérieur à celui de la Seine. Les cours d’eau sahariens comme l’oued Draa voient leur débit s’affaiblir au fur et à mesure qu’ils s’éloignent de leurs zones d’alimentation montagnarde. Alors que Tanger, gardienne méridionale du détroit de Gibraltar, capitale de la Maurétanie Tingitane et pointe avancée du Maghreb en direction de la péninsule ibérique a tiré son importance de cette situation particulière au cours de l’Antiquité, deux autres villes commandent l’histoire ultérieure du Maroc musulman. Héritière de l’antique Volubilis (Oualili), Fès a dû sa fortune à l’abondance des eaux qui caractérise cette région. Bénéficiant d’un site facile à défendre au carrefour des routes menant à la trouée de Taza vers l’est, vers Tanger au nord, vers Rabat et Marrakech au sud-ouest, elle a joué tout naturellement son rôle de capitale des Idrissides et des Mérinides et il en ira de même au XVIIe siècle, pour des raisons identiques, quand sa voisine Meknès deviendra la résidence de Moulay Ismaïl, le grand souverain Alaouite. Fondée au début des années 1060 par l’émir almoravide Ibn Tachfin, Marrakech, qui donnera son nom au royaume, est en situation de surveiller la montagne où se sont réfugiés, tout au long de l’histoire du pays, rébellions et dissidences, en même temps qu’elle constitue une base d’opérations idéale contre le Maroc des plaines et qu’elle contrôle, vers le sud, les points d’aboutissement du commerce transsaharien et les routes menant à Agadir, à Taroudant ou vers le cours du Draa. Il faudra la colonisation française pour que, s’ouvrant sur l’extérieur et se tournant vers l’océan, le Maroc voit le développement rapide de sa nouvelle capitale installée à Rabat et, davantage encore, l’essor impressionnant de Casablanca. On peut ainsi mesurer à quel point les contraintes de la géographie ont interagi avec les événements qui constituèrent le tissu du passé marocain pour déterminer les grandes étapes de l’histoire du royaume chérifien.

De la Préhistoire à la conquête musulmane

Les carrières de Sidi Abderrhamane proches de Casablanca et le site de Kébibat voisin de Rabat ont livré des restes d’archanthropiens contemporains de l’atlanthrope découvert par Camille Arambourg à Ternifine, en Algérie. Ces restes remontent à l’Interglaciaire Mindel-Riss et correspondent à une industrie acheuléenne. Ces différents vestiges datent d’environ 160 000 ans. Le Maroc a également livré des témoignages remontant à la période qui voit l’expansion dans tout l’Ancien Monde des Néandertaliens du Paléolithique moyen, au Djebel Irhoud, à Dar-es-Soltan et à Temara. Les hommes de cette époque apparaissent comme intermédiaires entre les atlanthropes et les hommes de Mechta-el-Arbi, variante nord-africaine des hommes de Cromagnon. Au cours de la période qui s’étend du Xe au IVe millénaire avant J.-C., ce sont des populations de culture « capsienne » analogues à celles qui occupent à l’époque le centre et l’est de l’Afrique du Nord qui semblent installées dans sa partie occidentale où l’on a retrouvé les escargotières – amas de déchets – caractéristiques de cette culture. Les ancêtres des Berbères qui formaient les populations de l’Épipaléolithique et du Néolithique descendent eux-mêmes de cet homme de Mechta-el-Arbi, l’Homo sapiens sapiens qui a occupé l’Afrique du Nord durant le Paléolithique supérieur. Fin du IIe millénaire avant J.-C. : Les Phéniciens fondent Lixus (Larache) et Mogador sur la côte atlantique, à peu près à la même époque que Gadès (Cadix) à l’extrémité méridionale de la péninsule ibérique. L’absence de tombes puniques antérieures au Ve siècle semble cependant montrer qu’il ne s’agit encore que de comptoirs où les marins venus d’Orient ne s’installent pas de manière durable. Il ne s’agit que d’avant-postes dont le personnel est régulièrement renouvelé. 814 avant J.-C. : Selon la tradition, ce sont des marins de Tyr qui fondent Qart Hadasht, au fond du golfe où se jettent la Medjerda et l’oued Miliane. La « Ville Neuve » ainsi créée au nord de l’actuelle Tunisie deviendra Carthage et exercera son influence jusqu’aux côtes marocaines. Milieu du Ve siècle avant J.-C. : Périple du Carthaginois Hannon le long des côtes de l’Afrique occidentale. Il fonde Cerné, sur la côte africaine, à la latitude des Canaries. Ce voyage a peut-être pour but d’assurer à Carthage le contrôle du commerce de l’or africain sans doute détenu jusque-là par d’autres comptoirs phéniciens tels que Lixus. Fin du IIIe siècle avant J.-C. : Un roi de Maurétanie du nom de Baga est l’allié du Numide Massinissa contre Carthage. Dès cette époque un suffète – ce qui témoigne de l’influence punique – semble diriger l’administration municipale à Volubilis. Fin du IIe siècle avant J.-C. : Un roi du nom de Bocchus règne en Maurétanie à l’époque de la guerre menée par les Romains contre le Numide Jugurtha et il s’entend avec le général romain Sylla contre ce dernier. Selon les historiens antiques, ce royaume de Maurétanie s’étendait des Colonnes d’Hercule – le détroit de Gibraltar – jusqu’à la Moulouya et il était limité par l’Atlantique à l’ouest et le désert au sud, ce qui correspond à peu près à ce que seront les frontières du Maroc historique. En récompense de l’aide fournie aux Romains, Bocchus avait pu étendre son royaume vers l’est et occuper une partie de la Numidie, peut-être jusqu’au Chélif, dans le centre de l’actuelle Algérie, ou jusqu’à l’Ampsaga (le Rummel) dans le Constantinois. Il semble que le royaume de Maurétanie était à cette époque doté d’un régime monarchique, sans doute tempéré par le pouvoir que conservaient les chefs de tribus. Sous l’influence punique, des villes existent sur la côte telles que Lixus, Melilla, Tingis (la future Tanger) ou, plus au sud Mogador. De vastes nécropoles, dont celle proche d’Azemmour, témoignent de l’existence d’habitats réalisés en matériaux fragiles dont les archéologues n’ont pas retrouvé de traces. À l’intérieur, plusieurs villes importantes ont pu également être identifiées. Il s’agit de Volubilis, de Tamuda et de Banasa qui devient colonie romaine en -25 avant J.-C. Vers 75 avant J.-C. : Mort de Bocchus. Son royaume est divisé entre deux princes. Bocchus le Jeune (ou Bocchus II) qui règne à l’est de la Moulouya, et Bogud qui règne à l’ouest. 38 avant J.-C. : Tanger reçoit le droit de cité romaine et devient la Colonia Julia Tingi 34 avant J.-C. : Mort de Bocchus II. Bogud s’étant rallié à Antoine à la faveur de la guerre civile, Bocchus, allié d’Octave, avait réunifié la Maurétanie à son profit dès -38 avant J.-C. Sa mort permet à Octave d’en reprendre le contrôle sans l’annexer encore à l’Empire, dans l’intention de l’attribuer à un allié des Romains. Plusieurs colonies romaines sont créées durant cette période, mais dans la partie orientale de la Maurétanie, notamment à Djidjelli, Bougie et au Cap Matifou. 25 avant J.-C. : Auguste confie la couronne au prince numide Juba II, fils de l’adversaire de César à Thapsus, lors de la guerre contre Pompée. Il installe sa capitale à Iol, rebaptisée Caesarea, la future Cherchell. C’est un souverain cultivé et polyglotte qui introduit dans l’Afrique berbère la culture gréco-romaine. Il faut sous son règne briser une révolte des Berbères Gétules au cours de laquelle le roi est l’allié des Romains pour la pacification du pays. Il meurt en 23 ou 24 après J.-C. 40 après J.-C. : Caligula fait assassiner Ptolémée, le fils et successeur de Juba II. Ce meurtre déclenche la révolte d’Aedemon qui contraint C. Suetonius Paulinus à lancer des opérations jusque dans le Haut Guir, au sud-est de l’Atlas marocain. 42 ou 43 : L’empereur Claude partage l’ancien royaume maurétanien en deux provinces : la Maurétanie Tingitane et la Maurétanie césarienne, gouvernées l’une et l’autre par un procurateur et correspondant respectivement aux anciens royaumes de Bogud et de Bocchus II. 44 : Volubilis reçoit le droit de cité romaine. 118 : Révolte en Maurétanie. Elle nécessite l’intervention d’Hadrien, reprend sous Antonin et impose l’envoi d’importants renforts qui permettent de rétablir l’ordre entre 145 et 150. Fin du IIe siècle : La menace des tribus maures se précise. Elles lancent, sous Marc Aurèle et Commode, des raids jusqu’en Bétique. 238 : La tentative de prise du pouvoir des Gordiens entraîne en Afrique du Nord le développement d’une anarchie grandissante qui persistera jusqu’à l’arrivée des Vandales. Milieu du IIIe siècle : La puissance romaine abandonne en Tingitane la défense du limes méridional et se replie sur le nord de la province – dont la ville principale est alors Volubilis – pour s’orienter davantage vers Gibraltar et l’Espagne, et constituer sur la rive africaine du détroit une sorte de poste avancé de la province romaine ibérique de Bétique. vers 285 : Volubulis passe sous le contrôle des Baquates. Début du IVe siècle : Les persécutions antichrétiennes engagées à partir de 250 par Déce, puis Valérien et reprises sous Dioclétien entraînent le développement en Afrique du donatisme, né du refus de voir réintégrer dans l’Église ceux qui avaient renié leur foi pour échapper au martyre durant les persécutions. Donat, qui était à la tête de cette protestation, meurt en 355 ; le donatisme sera mis hors la loi et jugé hérétique en 405. Début du Ve siècle : À la veille de l’invasion vandale en Afrique du Nord, la Maurétanie occidentale ne correspond plus qu’à la région de Septem (Ceuta). Avec le repli et les mesures de réorganisation provinciale décidées par la Tétrarchie au tout début du IVe siècle, la Tingitane est alors détachée du diocèse d’Afrique pour être rattachée à celui des Espagnes. Henri Terrasse a résumé les événements en écrivant que « cette province, constituée sous Claude, pour des raisons africaines, fut conservée, surtout à partir du IIIe siècle, pour des raisons espagnoles ». 425 : Installés sur les côtes sud-est de l’Espagne, les Vandales commencent à piller les côtes de Maurétanie Tingitane. Mai 429 : Partis de Julia Traducta (Tarifa) sur le détroit de Gibraltar, les Vandales de Genséric passent en Afrique où ils abordent peut-être à hauteur de Tanger et de Ceuta. 430 : Mort de Saint Augustin à Hippone assiégée par les envahisseurs. La personne et l’œuvre de Saint Augustin symbolisent le triomphe en Afrique, qui fut une terre riche en hérésies, du christianisme orthodoxe. Rejeté par les conquérants vandales ariens, il sera de nouveau la religion officielle avec la reconquête byzantine. Début du VIe siècle : La domination vandale s’exerce surtout dans l’est de l’Afrique du Nord, dans l’ancienne province d’Afrique proconsulaire et en Numidie. Les Maurétanies échappent rapidement à l’autorité des conquérants pour subir les coups des nomades, qui profitent de l’affaiblissement puis de la disparition de l’Empire romain d’Occident. 533 : Débarquement de Bélisaire en Afrique. Les Byzantins entreprennent la reconquête contre les Vandales de Gelimer qui est vaincu et capturé. L’Afrique est réorganisée et la Maurétanie Tingitane, qui ne peut plus dépendre de l’Espagne tombée aux mains des Wisigoths, se retrouve rattachée à la Maurétanie césarienne. La position de Ceuta est considérablement renforcée. Durant toute la période qui s’étend du Bas Empire romain jusqu’à la conquête arabe, il semble que la Maurétanie Tingitane, menacée régulièrement par les Maures, a été largement laissée à elle-même, ce qui a permis la persistance de divers petits centres politiques romano-berbères parmi lesquels Volubilis.

De l’islamisation aux grands empires médiévaux

670 : Fondation de Kairouan, dans l’actuelle Tunisie, par les envahisseurs arabes. 681-683 : Campagne de Oqba ben Nafi jusque dans l’ouest du Maghreb. Il gagne Ceuta où le patrice byzantin Julien s’entend avec lui. Tanger (Tingi), qui résiste, est prise et sa population est réduite en esclavage. On ne sait pas précisément jusqu’où le conquérant s’est avancé le long des côtes atlantiques. Il est tué sur la route du retour, au sud de l’Aurès, lors du combat de Tahuda. 698 : Les Byzantins perdent définitivement Carthage. Le calife ommeyade de Damas confie à Musa ben Nusayr le commandement de l’Afrique du Nord. Musa entreprend au cours des années suivantes la conquête du futur Maroc en s’avançant vers les plaines atlantiques puis en s’emparant de la région de Volubilis tandis que l’un de ses fils pousse la pénétration du pays jusqu’au Sous. Les Berbères marocains se convertissent rapidement à l’Islam et, s’ils se soulèvent ensuite à plusieurs reprises contre les conquérants arabes, ils ne remettront jamais en cause leur adhésion à la religion musulmane. Début du VIIIe siècle : Des Kharidjites s’établissent à Sidjilmassa dans le Tafilalet pour y fonder la ville qui sera au cours des siècles suivants le principal emporium du commerce transsaharien. C’est de là que partiront les caravanes en direction de l’Adrar et d’Aoudaghost, la porte du Bilad-al-Sudan, le Pays des Noirs. Les caravanes pourront ainsi accèder au royaume noir du Ghana puis – plus tard, au XIIIe siècle – par les salines de Teghaza et l’oasis d’Oualata au Mali et à Tombouctou. L’or venant du Bambouk, du Bouré ou du Lobi, c’est-à-dire des régions voisines du Sénégal, du Niger et de la Volta empruntera pendant des siècles ces mêmes pistes du sud vers le nord. 711-715 : Les envahisseurs venus du Maroc sous la conduite de Tarik et de Musa détruisent, après avoir remporté la victoire du rio Guadalete, le royaume wisigothique d’Espagne et ne laissent aux chrétiens ibériques qu’un modeste réduit territorial, établi autour du Pays basque et des Monts Cantabriques. Le reste de la péninsule passe sous le contrôle des conquérants arabes et berbères pour devenir, pendant plusieurs siècles Al-Andalus, c’est-à-dire l’Espagne musulmane qui entretiendra des rapports étroits avec le Maroc dont elle ne sera séparée que par le détroit de Gibraltar. La conquête de l’Espagne a contribué à créer une solidarité, née de la razzia, entre les nouveaux venus arabes et les populations berbères marocaines qui ne participèrent pas à la résistance menée plus à l’est avec Qusayla et la Kahina contre les envahisseurs orientaux. 740 : Intégré à l’Empire ommeyade des califes de Damas dès 708, le Maroc s’en trouve séparé en se ralliant au kharidjisme. Cette hérésie est née à la faveur de la guerre de succession qui a suivi la mort du calife Othman. Parmi les partisans d’Ali, le gendre du Prophète, certains lui reprochèrent alors sa volonté de compromis avec son adversaire, l’Ommeyade Mo’awiya, et se séparèrent de lui. Ali fut même assassiné quelque temps plus tard par un kharidjite. Contre les tenants d’une succession héréditaire, les kharidjites vont réclamer que le calife soit élu par tous les musulmans. Ils considèrent également que ceux-ci sont tous égaux, qu’il s’agisse des Arabes, touchés les premiers par la nouvelle révélation, ou les convertis qui s’y sont ralliés ensuite. Les maladresses et les abus commis par certains gouverneurs arabes favorisèrent l’extension de la révolte, qui débute dès 734. En 742, une armée califale envoyée en renfort est détruite sur les rives de l’oued Sebou. 750 : Le remplacement de la dynastie ommeyade par celle des Abbassides, qui établit bientôt à Bagdad le centre de gravité de l’espace musulman, entraîne le développement de l’anarchie dans l’ensemble du Maghreb. Le califat parvient ensuite à rétablir son autorité à Kairouan et en Ifriqiya – l’ancienne province d’Afrique romaine – mais perd le contrôle de toute la partie occidentale de la Berbérie où s’établissent des petits royaumes kharidjites tels que celui de Sidjilmassa au Maroc. Alors que la Tunisie – où la dynastie aghlabide reconnaît l’autorité du calife – ou les régions appelées à constituer plus tard l’Algérie connaîtront de nouveau la domination orientale – à partir de l’expansion ottomane dans ce deuxième cas – le Maroc en demeurera désormais presque totalement indépendant. Une fois cette indépendance acquise, l’influence du kharidjisme ira en déclinant. Il n’avait été que le prétexte religieux d’une réaction autochtone face à l’hégémonie arabo-orientale. Le rayonnement ultérieur de Kairouan et de Cordoue ramène rapidement le Maghreb, dès les IXe et Xe siècles, vers la tradition sunnite – sans oublier cependant, dans l’est de la région, l’épisode chi’ite correspondant à l’apparition du Califat fatimide. Les Berbères – qui se sont débarrassés de la domination des conquérants arabes tout en adhérant à l’Islam – n’hésitent pas cependant à choisir comme fondateurs des royaumes qui voient alors le jour des chefs venus d’Orient : Ibrahim ibn Aghlab à Tunis, Ibn Rostem à Tahert, Idriss à Volubilis ; le même phénomène se reproduit à Cordoue avec l’Ommeyade Abd er Rahman. 786 : La défaite subie en Orient par les insurgés chiites favorables aux descendants d’Ali, le gendre du Prophète, conduit un de leurs chefs Idriss, issu de Hassan le premier fils d’Ali et donc du Prophète, à fuir vers l’Occident. Il est accueilli dans la région de Volubilis (Oualili) par les Berbères Awarba. 788-791 : Règne d’Idriss Ier, qui réunit autour de lui une coalition de tribus berbères liée aux Awarba et peut ainsi prendre le contrôle du nord de l’actuel Maroc, pousser vers l’est jusqu’à la région de Taza, vers le sud jusqu’au Tadla et vers l’ouest jusqu’aux plaines atlantiques. 789 : Fondation de Fès par Idriss Ier, dans une région fertile, riche en eau, sur la rive droite de l’oued Fès, à l’emplacement de l’actuel quartier des Andalous. 791 : Mort d’Idriss Ier, peut-être empoisonné sur l’ordre du Calife de Bagdad Haroun al-Rachid. 803-828 : Règne d’Idriss II. Fils posthume d’Idriss Ier, il n’est proclamé qu’à l’âge de douze ans, après une régence exercée par Rachid, un affranchi de son père, puis par Abou Khaled. Une fois au pouvoir, Idriss II prend soin de maintenir la coalition berbère qui avait assuré la victoire paternelle mais constitue une administration et une garde personnelle formées surtout d’Arabes. 809 : Idriss II fonde à Fès une nouvelle ville baptisée Al-Aliya, sur la rive gauche de l’oued Fès, à l’emplacement de l’actuel quartier des Kairouanais. La ville devient alors la capitale du royaume idrisside. Elle s’enrichit en 818 de l’apport de nouveaux venus qui sont les réfugiés partis de Cordoue lors de la répression consécutive à la révolte déclenchée contre l’émir ommeyade Al-Hakim Ier. D’autres réfugiés fuyant les persécutions des Aghlabides arrivèrent également de Kairouan et de l’est du Maghreb. Ce n’est que durant la période almoravide que les deux villes ainsi créées de part et d’autre de l’oued n’en constitueront plus qu’une, enfermée dans une enceinte commune. 828-848 : Règne de Mohammed, fils d’Idriss II. 848 : Yahia, fils de Mohammed, succède à son père. Il abandonne le pouvoir à ses oncles et l’État idrisside se dissocie rapidement. 920 : Fès est prise par une armée berbère commandée par Mesala ben Mabbous, gouverneur de Tahert pour le compte des Fatimides du Maghreb oriental. 974 : Les derniers émirs idrissides établis dans la région de Tanger sont vaincus par une expédition ommeyade venue d’Espagne. Les Idrissides ont joué un rôle fondateur en établissant la tradition chérifienne, en luttant contre le kharidjisme des tribus et en préparant ainsi la victoire de l’orthodoxie sunnite, en développant enfin la civilisation urbaine qui contribuera aux progrès de l’islamisation en profondeur du pays.

Almoravides et Almohades

1031 : Fin du califat ommeyade de Cordoue. Il est remplacé par une vingtaine de principautés musulmanes, los reinos de taifas, bien incapables de faire face à la pression qu’exercent désormais les royaumes chrétiens du nord de la péninsule ibérique. Vers 1035 : L’émir des Berbères Lemtunas, Yahia ben Ibrahim, fait appel à un saint homme, Abdallah ibn Yacine, pour lui demander de prendre la direction spirituelle de son peuple. À la tête d’une petite communauté formée de Lemtunas et de Goddalas – héritiers des Gétules des géographes antiques –, Ibn Yacine impose des règles de vie conformes au malékisme le plus rigoureux ; cette école théologique et juridique inspirée par Malik ibn Annas, mort en 795, s’était largement imposée dans l’Afrique du Nord sunnite. Réunis dans un fortin, un ribat, installé à proximité de la côte mauritanienne, les Voilés ou porteurs de litham, moulathimoun, – dont l’allure était semblable à celle de nos actuels Touaregs – vont devenir les Morabitoun dont nous avons fait les Almoravides. L’afflux des catéchumènes transforme rapidement ces croyants en guerriers qui vont donner à la razzia traditionnelle du désert la dimension de la guerre sainte. 1042-1052 : Les Almoravides réalisent la conquête du Sahara occidental. 1054 : Prise d’Aoudaghost, la porte du Soudan, du « pays des Noirs ». 1056 : Prise de Sidjilmassa où les Berbères Zénètes sont exterminés. Conquête du Sous et prise de Taroudant. Après la mort de Yahia ben Ibrahim, puis de son successeur Yahia ben Omar, tous deux tués au combat, c’est le frère de ce dernier Abou Bekr ben Omar qui devient l’émir des Almoravides, au moment où commence la conquête du Maroc au nord de l’Atlas. 1059 : Mort d’Abdallah ibn Yacine. Abou Bekr devant repartir vers le sud où se réveillent les luttes tribales, c’est son cousin Youssef ibn Tachfin qui prend et qui conservera la direction des opérations contre le Maroc, Abou Bekr mourant peu après au cours d’une de ses campagnes menées contre les Noirs païens soudanais. 1060 : Youssef établit une base d’opérations sur le cours supérieur de l’oued Tensift, là où se dressera bientôt Marrakech. Il transforme également l’outil militaire almoravide, limité jusque-là à une cavalerie légère organisée pour la razzia. Il met notamment sur pied une infanterie nombreuse et disciplinée. 1063 : Prise de Fès par les Almoravides. Elle se rebelle ensuite, avant d’être reprise et de voir sa population massacrée en 1070. 1079 : Youssef s’empare de Tlemcen, dans l’ouest algérien, de Oujda en 1081, puis de Ténés et d’Oran en 1082, avant d’atteindre le massif de l’Ouarsenis et la vallée du Chélif. 1084 : Prise de Ceuta, qui dépendait de la dynastie hammudide installée à Malaga. À ce moment, les Almoravides contrôlent toute la partie occidentale du Maghreb, jusqu’à hauteur d’Alger. 1085 : Prise de Tolède par le roi de Castille Alphonse VI. La pression chrétienne sur Al-Andalus se précise dangereusement et le roi musulman de Séville Al-Motamid se résout à faire appel aux Almoravides, de même que le roi de Badajoz Al-Motawakil. 23 octobre 1086 : Victoire des Almolravides et de leurs alliés andalous sur les Castillans au nord-est de Badajoz, lors du « Vendredi de Zallaca ». 1089 : Lors d’une deuxième expédition en Espagne, Youssef ibn Tachfin ne peut s’emparer du camp retranché chrétien d’Aledo qui entretient l’insécurité dans le sud-est d’Al-Andalus. 1090 : Troisième expédition de Youssef en Espagne. Il échoue devant Tolède mais s’empare de Grenade dont le roi musulman Abd Allah est jugé indigne du trône. Inquiets, plusieurs reyes de taifas recherchent l’alliance de la Castille. 1091 : La réaction almoravide est rapide et brutale. Avec l’appui d’une partie importante de la population musulmane ibérique, les Marocains se débarrassent des roitelets locaux, et s’installent à Cordoue et à Séville dont le roi Al-Motamid finit ses jours en prison au sud de Marrakech. 1094 : Les Almoravides s’emparent du royaume de Badajoz dont le roi Al-Motawakil – qui comptait parmi ceux qui les avaient appelés avant de se rapprocher du camp chrétien – est exécuté. 1094 : Rodrigo Diaz de Bivar, le Cid Campeador, réussit à prendre Valence et repousse ensuite les contre-attaques almoravides mais il disparaît en 1099 et sa veuve Jimena doit évacuer la ville en 1101. 1097 : Le roi de Castille Alphonse VI est vaincu à Consuegra et l’un de ses plus valeureux lieutenants, Alvar Fanez, l’est près de Cuenca. Septembre 1106 : Youssef ibn Tachfin meurt à plus de quatre-vingt-dix ans, après avoir bâti un Empire qui va du Tage au Sénégal et des côtes algériennes au Soudan. Son fils, Ali ben Youssef, lui succède et demeurera à la tête de l’Empire jusqu’en 1143. 1108 : Les Almoravides battent les Castillans à Uclès. L’année suivante, Ali prend Talavera, Madrid et Guadalajara mais ne peut s’emparer de Tolède. 1115 : Les Almoravides réalisent la conquête des Baléares. 1118 : Le roi d’Aragon Alphonse le Batailleur prend Saragosse, passée depuis 1110 sous le contrôle des Almoravides. 1121 : Installation à Tinmel, dans le Haut Atlas au sud de Marrakech, d’Ibn Toumert et de ses fidèles « Almohades », Al-Mowahidoun, tenants de l’unicité de Dieu. Berbère originaire d’Igiliz, sur le versant septentrional de l’Atlas, Ibn Toumert avait voyagé en Orient où, prenant connaissance de la philosophie d’Al-Ghazali, des expériences des soufis et, peut-être, de la tradition chiite, il avait pu mesurer les limites de l’Islam malékite nord-africain. Revenu au Maghreb, il est chassé de Bougie, de Tlemcen et de Fès pour avoir voulu y faire interdire les instruments de musique et, menacé par les docteurs malékites inquiets de son influence grandissante, il part se réfugier chez les montagnards Masmoudas de l’Atlas ; ils constitueront la base ethnique initiale du mouvement almohade qui tirera ses forces vives des sociétés montagnardes et sédentaires hostiles aux nomades sahraouis qu’étaient les Almoravides. Surnommé « l"Imam infaillible et impeccable » – ce qui semble confirmer l’existence d’une influence chiite – ou le Mahdi, « l’Envoyé de Dieu », Ibn Toumert s’inscrivait aussi dans une tradition des prophètes ou mahdis héritiers des devins qui jouaient un rôle important dans les sociétés berbères traditionnelles et s’étaient déjà manifestés dans le Maroc des siècles précédents. L’attente messianique de la venue d’un sauveur chargé de purifier le monde du péché et de rétablir la justice sociale conforme à la volonté divine – on peut reconnaître là l’héritage du kharidjisme des premiers temps de l’Islam maghrébin – a évidemment préparé le terrain pour le développement de l’aventure almohade. 1129 : L’émir almohade Abd el-Moumen bat devant Aghmat les troupes almoravides qui tentaient de réduire Tinmel et les repousse jusqu’à Marrakech mais, peu préparés au combat en plaine, les Almohades doivent se replier sur leur repaire montagnard où le Mahdi Ibn Toumert meurt en 1130. Berbère Zénète de Tlemcen mais marié avec une Berbère Harga de l’Atlas marocain, Abd el-Moumen ne sera vraiment reconnu comme le successeur d’Ibn Toumert qu’en 1133 mais c’est lui qui, après avoir pris le titre de calife, va vaincre les Almoravides et réaliser la conquête du pays. 1131 : Un musulman espagnol, Saif al Daula (Zafadola) s’entend avec les Castillans contre les Almoravides, trop étrangers à la population musulmane ibérique. 1134 : Victoire almoravide de Fraga mais Ali ben Youssef doit rappeler au Maroc son fils Tachfin ben Ali car son pouvoir y est menacé par les Almohades. 1140-1141 : Les Almohades s’emparent des oasis du sud puis de Taza, échouent devant Ceuta mais prennent peu après Melilla et Alhucemas. 1145 : Victorieux devant Tlemcen, les Almohades poursuivent l’Almoravide Tachfin ben Ali jusqu’à Oran où il est tué. Oran, Tlemcen, Oujda et Meknès tombent ensuite, de même que Fès dont la garnison almoravide est massacrée. Salé et Ceuta se soumettent. 1145-1147 : Les révoltes déclenchées en Al-Andalus contre le pouvoir almoravide par les musulmans ibériques aboutissent à l’apparition de nouveaux reinos de taifas. Les Almoravides gardent Séville, Grenade et les Baléares mais ils ont été chassés de Cordoue, Badajoz, Ronda ou Malaga ; Ibn Mardanish, successeur de Zafadola, est le maître de Valence et de Murcie, tout en entretenant de bonnes relations avec les chrétiens. La chute de Lisbonne en 1147 et la prise d’Almeria la même année, celle de Tortosa, de Lerida et de Fraga au nord-est en 1148 semblent annoncer une reprise de la Reconquista. Dès 1146, Cadix et Jerez se sont ralliées aux Almohades. Badajoz, Séville, Cordoue et Grenade tombent entre leurs mains au cours des mois suivants ; les vainqueurs contrôlent ainsi tout le sud de la péninsule, l’est demeurant aux mains des princes musulmans indépendants, les Almoravides conservant pour leur part pendant un temps les Baléares. Mars 1147 : Les Almohades s’emparent de Marrakech. Massacre de la garnison et de tous les représentants de la lignée almoravide. Abd el-Moumen édifie sur les ruines du palais almoravide la mosquée Koutoubiya. 1152 : Abd el-Moumen entame la conquête du Maghreb oriental où il entend écarter la menace que les nomades arabes hilaliens – expédiés par le calife fatimide d’Égypte contre les royaumes zirides et hammadides du Maghreb oriental – font peser en fait sur toutes les populations sédentaires de la région. Il doit également engager la guerre sainte contre les Normands de Sicile qui ont installé des points d’appui commerciaux sur les côtes tunisiennes et qui menacent Bougie. Avec l’aide du souverain ziride, le calife almohade bat les Hammadides et s’empare de Bougie. Il écrase les Arabes devant Sétif mais traite ensuite avec eux et installe certaines tribus dans le Maghreb occidental, contribuant ainsi à l’arabisation de régions demeurées jusque-là exclusivement berbères. 1157 : Les Almohades reprennent Almeria aux chrétiens. 1159 : Nouvelle campagne d’Abd el-Moumen dans l’est du Maghreb. Tunis, Sfax et Tripoli sont prises et la garnison normande de Madhiya se replie sur la Sicile. Les Almohades brisent également une tentative des nomades arabes contre Kairouan. Toute l’Afrique du Nord est désormais sous leur contrôle : leur autorité s’étend beaucoup plus loin vers l’est que celle des Almoravides. Abd el-Moumen va pouvoir désormais donner la priorité à l’Espagne. 1160 : Abd el-Moumen franchit le détroit et fait fortifier Gibraltar. L’un de ses lieutenants bat les Castillans près de Badajoz. 1163 : Mort d’Abd el-Moumen à Salé, au moment où il préparait une nouvelle expédition vers l’Espagne. 1163-1184 : Règne d’Abou Yakoub Youssouf, qui prend en 1167 le titre de calife. Fils d’un Zénète et d’une Masmouda, ce Berbère maghrébin – qui restera fidèle aux préceptes d’Ibn Toumert – n’en sera pas moins avant tout un Andalou. Valence se rallie aux Almohades et la mort d’Ibn Mardanish leur livre Murcie en 1172. 1177 : Le roi de Castille prend Cuenca. L’année suivante, le roi de Portugal pousse une entrada jusqu’à Séville. La permanence de la menace chrétienne conduit les Almohades à reprendre l’offensive. 1181 : Evora est reprise par les musulmans mais Abou Yakoub est tué en 1184 en assiégeant Santarem. 1184-1199 : Règne d’Abou Youssef Yakoub al-Mansour. 1184 : Ali ben Ghaniya, qui contrôlait toujours les Baléares au nom des Almoravides porte la lutte en Berbérie en s’emparant de Bougie et soulève ensuite des tribus bédouines contre l’autorité almohade. Alger, Miliana, Gafsa et Tripoli sont reprises. Seules Tunis et Mahdiya résistent en Ifriqiya alors que les nomades pillards poussent leurs razzias jusqu’aux oasis du sud marocain. L’intervention en 1187 d’Abou Youssef permet de briser ces révoltes. Ali et ses alliés sont vaincus près de Gafsa mais Abou Youssef, comptant les utiliser pour la guerre sainte qu’il mène en Espagne, installe de nouveau vers l’ouest des tribus bédouines, renforçant ainsi l’arabisation du Maghreb occidental. Les derniers Almoravides n’en poursuivent pas moins la lutte, créant une insécurité chronique en s’appuyant sur les Bédouins dans les régions de l’actuel sud tunisien. 10 juillet 1195 : Les Almohades remportent une grande victoire sur les chrétiens à Alarcos mais Tolède résiste à tous les assauts. 1199-1213 : Règne de Mohammed An Nasir, quatrième calife almohade. 1202 : L’Almoravide Yahia ben Ghaniya, qui a repris Mahdiya et Tripoli, vient assiéger Tunis et s’en empare. La réaction almohade est foudroyante et l’Almoravide subit une série de défaites qui redonnent à Mohammed an-Nasir le contrôle du Maghreb oriental. Les Baléares sont également conquises par les Almohades et, durant la première décennie du XIIIe siècle, la « paix almohade » règne de Séville au Sud marocain et de l’Atlantique à Tunis. 16 juillet 1212 : La victoire des chrétiens sur les forces almohades à Las Navas de Tolosa décide de l’issue de la Reconquista et annonce la fin inéluctable d’Al-Andalus, même si les vainqueurs ne peuvent exploiter immédiatement leur succès. 1213 : Al-Mostansir succède à son père An-Nasir. Dépourvu d’autorité, il laisse l’Empire almohade très affaibli quand il meurt en 1224. Le gouverneur almohade de Murcie cherche à s’emparer du pouvoir alors que le fils d’An-Nasir doit fuir Marrakech. Le gouverneur de Séville, Al-Mamoun, passe en Afrique et tente d’y établir son autorité en rétablissant la tradition malékite. Dès 1228, l’Espagne échappe à l’autorité marocaine et il en va de même du Maghreb oriental. Vers 1216 : Les Beni Merine, nomades Zénètes venus du Sud, se font payer tribut par Fès et Taza. La réaction des Almohades les contraint à se replier mais, à la faveur du déclin du califat, ces nouveaux venus, qui ne présentent aucune originalité religieuse, à la différence des Almoravides et des Almohades, et qui ne s’inscrivent pas non plus dans une lignée chérifienne issue du Prophète – comme les Idrissides avant eux et les Alaouites après eux – sont avant tout de redoutables guerriers qui écriront à partir du dernier tiers du XIIIe siècle une nouvelle page de l’histoire marocaine. 1232 : Mort d’Al-Mamoun. Son fils, Abou Mohammed Abd el-Ouahid Ar-Rachid, règne de 1232 à 1242, reprend Marrakech, chasse de Fès les rebelles Beni Merine mais les révoltes locales se multiplient. 1242-1248 : Règne d’Abou Hassan. Il rétablit l’autorité almohade sur le Maroc, écarte du Maghreb central les Hafsides de Tunis mais disparaît prématurément. Son successeur, un arrière-petit-fils de Yakoub al-Mansour, ne règne plus que sur Marrakech et sa région et paie tribut aux Mérinides. L’un de ses cousins s’appuie sur ceux-ci pour établir son pouvoir dans la capitale du sud mais ses protecteurs se débarrassent de lui et prennent la ville en 1269, ce qui leur permet de se poser en successeurs de la dynastie née de la prédication d’Ibn Toumert. À partir de 1245 : Les Mérinides entament la conquête du Maroc septentrional où ils font de Fès leur capitale, sous la conduite de Abou Yahia Abou Bakr qui, en occupant également les oasis sahariennes, isole Marrakech et rompt ses relations commerciales avec le Sud. 1248 : La prise de Séville par le roi de Castille Ferdinand III vient conclure la « Grande Reconquête », qui a déjà entraîné la reprise de Cordoue en 1236 et de Valence deux ans plus tard. Le petit royaume nasride de Grenade, tributaire de la Castille, demeure le dernier vestige de l’Al-Andalus musulman. 1258-1286 : Règne du Mérinide Abou Youssef Yakoub, qui succède à son frère Abou Yahia. Après avoir pris Marrakech en 1269, il réussit à imposer son autorité au Maroc et crée à Fès une nouvelle ville mais il doit compter avec l’hostilité du royaume abdelwalide de Tlemcen ; les quatre expéditions lancées en Espagne pour soutenir le royaume grenadin contre la menace castillane ne débouchent sur aucun résultat solide. 1286-1307 : Règne d’Abou Yakoub Youssef. Les Grenadins reprennent Tarifa aux Marocains et s’emparent même un temps de Ceuta. Le sultan mérinide est plus heureux contre les Abdelwalides de Tlemcen. Il conquiert presque tout leur territoire jusqu’à l’Ouarsenis mais il est assassiné alors qu’il assiège leur capitale. Son successeur, Abou Thabet, qui régnera moins d’un an, lève immédiatement le siège de la ville. 1308-1310 : Règne d’Abou Rabia, frère d’Abou Thabet. Il reprend Ceuta aux Musulmans espagnols mais meurt prématurément à vingt ans. 1310-1331 : Règne d’Abou Saïd Othman, fils d’Abou Youssef Yakoub, le fondateur de la dynastie, et grand oncle d’Abou Rabia. 1329 : Les Marocains reprennent aux Castillans Algésiras, véritable porte d’entrée dans la péninsule ibérique. 1331-1351 : Règne d’Abou Hassan 1337 : Abou Hassan s’empare de Tlemcen et impose son autorité jusque dans l’Algérois. 28 novembre 1340 : Bataille du Rio Salado. La victoire chrétienne condamne définitivement tout espoir de reconquête musulmane de l’Espagne. 1344 : Les Castillans reprennent Algésiras. 1347 : Abou Hassan détruit le royaume hafside de Tunis et rétablit l’autorité marocaine sur tout le Maghreb mais ce succès est de courte durée car les ravages de la peste noire, la révolte d’Abou Inane, le fils du sultan, la trahison des tribus arabes et la défaite subie face à elles devant Kairouan ruinent dès 1350 l’œuvre accomplie. 1351-1358 : Règne d’Abou Inane, qui meurt étranglé sur l’ordre de l’un de ses vizirs.

De la décadence mérinide au royaume saadien

1358-1374 : Six sultans règnent durant cette période, généralement déposés ou assassinés par les vizirs, qui exercent la réalité du pouvoir alors que le pays plonge dans l’anarchie. 1374-1393 : Le roi nasride de Grenade exerce une tutelle de fait sur le Maroc et occupe Gibraltar et Ceuta. 1398-1420 : Règne du grand sultan mérinide Abou Saïd III. 1399: Henri III de Castille prend Tétouan et vend sa population. 1415: Les Portugais s’emparent de Ceuta. 1420-1465 : Règne du dernier Mérinide Abd al-Haqq. Il est porté au pouvoir par le gouverneur de Salé Abou Zakariya Yahya de la tribu des Beni Wattas alliée des Mérinides et installée dans le Rif. Cet Abou Yahia va exercer une véritable régence et garder le pouvoir pendant vingt-huit ans. Abd al-Haqq se retourne contre la famille du régent et la fait massacrer, à l’exception de celui qui deviendra en 1471 le premier souverain wattasside. 1437 : Échec de l’expédition portugaise contre Tanger. 1438 : Avènement du roi de Portugal Alphonse V, surnommé « l’Africain » ; qui mène au Maroc une politique résolument expansionniste. 1458 : Prise de El-Ksar-es-Seghir par les Portugais. 1465 : La révolte de Fès entraîne l’exécution du sultan Abd al-Haqq. Un sultan d’origine idrisside, Abdallah al-Jouti, est proclamé mais son autorité se limite à la région de Fès. 1471 : Mohammed ech-Cheikh, qui a survécu au massacre des Wattassides, vient assiéger Fès, s’en empare l’année suivante et fonde la nouvelle dynastie wattasside. La même année, les Portugais prennent Arzila, puis Tanger, ce qui leur permet de contrôler le détroit. 1472-1505 : Règne de Mohammed ech-Cheikh qui ne peut s’opposer à l’éclatement territorial du pays et à l’intervention des Portugais sur les côtes du pays. 1481 : Les Portugais imposent leur autorité à Safi qu’ils occuperont effectivement en 1508, puis à Azzemour en 1486 (occupée en 1513), à l’embouchure de l’Oum-er-Rbia. 1492 : À l’issue de la guerre commencée dix ans plus tôt, les Rois Catholiques d’Espagne s’emparent de Grenade, scellant ainsi la fin de l’Islam espagnol. 1505-1524 : Règne de Mohammed II. Il échoue dans ses tentatives de reprendre Arzila en 1508 et 1515 et Tanger en 1511. 1505 : Joao Lopes de Sequeira fonde Santa Cruz de Aguer (Agadir), récupéré par la Couronne portugaise en 1513. 1514 : Débuts de l’établissement portugais de Mazagan, qui durera jusqu’en 1769. 1515 : Battus à La Mamora, les Portugais doivent abandonner l’embouchure du Sebou. 1519 : Construction de la forteresse portugaise d’Agouz, à l’embouchure de l’oued Tensift. 1524 : La famille saadienne se rend maîtresse de Marrakech. Il s’agit d’une lignée chérifienne originaire du Hedjaz dont l’un des chefs Abou Abdallah, disparu en 1517, avait rallié derrière lui le Sous pour lutter contre les Portugais. Le rôle grandissant des Saadiens va de pair avec l’essor des zaouias ou confréries, et l’autorité spirituelle grandissante des marabouts, phénomène fréquent en période de crise alors que l’Islam paraît menacé. Mohammed el-Jazouli, chef d’une puissante zaouïa du Sous, a ainsi soutenu dès 1511 la désignation comme chef de guerre d’Abou Abdallah surnommé « Celui qui est appelé par Dieu ». 1524-1550 : Règne d’Ahmed al-Wattassi. Il doit reconnaître aux Saadiens une indépendance de fait dans les régions du Sud. Quand il se décide à marcher sur Marrakech en 1528, il est battu et doit se replier. Deux fils d’Abou Abdallah se partagent alors le pouvoir dans le sud du pays : Ahmed el-Arej règne à Marrakech, Mohammed ech-Cheikh est gouverneur du Sous. 1537 : Victorieux des Wattassides à l’Oued-el-Abid, les Saadiens obtiennent le partage du Maroc en deux royaumes dont la frontière est située à hauteur de la région du Tadla. 1541 : Les Saadiens arrachent Agadir aux Portugais et apparaissent comme les défenseurs de l’Islam alors que, trop faibles, les Wattassides cherchent à négocier avec les chrétiens. La chute d’Agadir marque le début du reflux portugais. Azemmour et Safi sont bientôt évacués et, après la prise de Fès, par les Saadiens, El-Ksar-es-Sghir et Arzila sont abandonnés à leur tour en 1550. À cette date, les Portugais ne conservent plus que Tanger, Ceuta et Mazagan. 1548 : Fait prisonnier par les Saadiens, le sultan est libéré contre l’abandon de Meknès. 1550 : Prise de Fès par les Saadiens. 1552 : Échec des tentatives saadiennes dans l’ouest de l’actuelle Algérie. 1554 : Appuyé par les Turcs d’Alger, Bou Hassoun, un Wattasside reprend Fès mais cette restauration est éphémère car Bou Hassoun est finalement vaincu et tué dans le Tadla par le Saadien Mohammed ech-Cheikh qui récupère Fès. Les derniers Wattassides sont massacrés par des pirates alors qu’ils fuyaient le Maroc. 1554-1557 : Règne de Mohammed ech-Cheikh sur un Maroc réunifié, dont la capitale est transférée de Fès à Marrakech. Le sultan marocain, inquiet des ambitions ottomanes, se tourne alors vers l’Espagne de Philippe II et négocie secrètement avec le comte d’Alcaudete, gouverneur espagnol d’Oran, pour agir contre Alger mais les Turcs devancent l’offensive prévue et assiègent sans succès Oran, alors que les Marocains échouent devant Tlemcen. 1557 : Mohammed ech-Cheikh est assassiné par un transfuge turc qui s’était mis à son service et sa tête est portée à Alger puis envoyée à Constantinople. Les troupes algéroises menacent Fès après une bataille indécise livrée sur l’oued Sebou mais une sortie des forces espagnoles d’Oran les contraint au repli. 1557-1574 : Règne d’Abou Mohammed Abdallah el-Ghalib Billah. Il échoue dans sa tentative contre Mazagan et la révolte morisque de Grenade gêne sa volonté d’alliance avec l’Espagne contre la menace ottomane. Celle-ci apparaît moins dangereuse après que les flottes chrétiennes ont battu à Lépante celle du sultan, en octobre 1571. 1574-1576 : Règne de Mohammed el-Moutaoukil, l’aîné des fils de Mohammed el-Ghalib alors que, selon la tradition, le frère aîné du défunt, Abdelmalek, aurait dû lui succéder. Abdelmalek, qui a combattu dans les armées ottomanes, bénéficie du soutien du sultan turc qui cherche ainsi à installer enfin la puissance ottomane au Maroc. Abdelmalek peut ainsi envahir le pays avec une puissante armée turque et il s’empare de Fès, puis de Marrakech après avoir battu son neveu près de Rabat. Celui-ci recherche alors l’appui du roi du Portugal Sébastien, qui espère ainsi prendre pied de nouveau sur les côtes marocaines. 1576-1578 : Règne d’Abdelmalek el-Moatassem Billah. Il cherche à écarter du Maroc l’allié turc qui lui a permis de s’installer au pouvoir car il comprend que le sultan de Constantinople constitue la principale menace pour l’indépendance marocaine, autrement dangereuse que celle de l’Espagne de Philippe II, contrainte de disperser ses efforts d’Italie aux Flandres. 4 août 1578 : Bataille de l’Oued el-Makhzen – dite aussi d’Alcazarquivir, ou « bataille des trois rois » – au cours de laquelle le roi Sébastien de Portugal et son protégé Mohammed el-Moutaouakil se noient dans la rivière en tentant de fuir pendant qu’Abdelmalek est emporté par la maladie. La victoire marocaine est totale et aura des conséquences dramatiques pour le Portugal qui avait perdu le meilleur de ses forces et dont le prince n’avait pas de descendant, ce qui allait entraîner en 1580 l’annexion du pays par l’Espagne de Philippe II, l’oncle du roi défunt. Le petit royaume lusitanien allait ainsi perdre pendant soixante ans son indépendance. 1578-1603 : Règne d’Ahmed el-Mansour, le frère d’Abdelmalek. Son règne correspond à une période de paix qui voit l’Empire ottoman renoncer à ses ambitions en direction de l’ouest, ce qui contribue à fortifier l’indépendance marocaine. 1581 : Les Marocains s’emparent des oasis du Touat qui constituaient une étape obligatoire sur la route menant du Sud algérien vers Tombouctou et Gao, une route qui avait progressivement supplanté celle passant par le Tafilalet. Le déclin du commerce transsaharien – dont les caravanes sont maintenant concurrencées par les caravelles portugaises qui vont directement sur les côtes guinéennes – et la volonté de contrôler les salines de Teghaza dont s’est emparé l’Empire songhay de Gao conduisent naturellement le Maroc à se tourner vers ces régions pour rétablir des échanges qui, pendant au moins sept siècles, s’étaient révélés très fructueux pour lui. 13 mars 1591 : Après avoir traversé le Sahara par Tindouf, Teghaza et Taoudeni, l’armée marocaine du pacha Djouder se heurte à Tondibi aux troupes de l’Askia de Gao qui sont rapidement mises en déroute. Gao est prise et l’Askia accepte toutes les conditions marocaines mais le sultan envoie des renforts confiés à un certain Mahmoud et exige davantage. Vaincu, l’Askia est tué, l’Empire songhay disparaît et un pachalik marocain est installé à Tombouctou où il se maintiendra jusqu’en 1660. Cette conquête ne modifiera pas profondément les échanges car l’or du Soudan continuera à s’exporter par la côte du golfe de Guinée ou par des itinéraires transsahariens aboutissant sur les côtes méditerranéennes contrôlées par les Ottomans. 1603 : À la mort du sultan, emporté par une épidémie de peste, le pays voit bientôt s’affronter ses fils proclamés sultans, l’un à Fès, l’autre à Marrakech. Moulay Zidane sort finalement vainqueur de la lutte l’opposant à ses frères Abou Faris et Al-Mamoun. Au cours des quarante ans qui suivent, plusieurs sultans saadiens se succèdent à Fès d’une part, à Marrakech de l’autre. Il faut attendre la victoire des Alaouites pour voir l’ordre et l’unité rétablis. 1609-1614 : Expulsion des Morisques d’Espagne. Un grand nombre d’entre eux vient s’installer au Maroc : ceux venus d’Estremadure près de Rabat, d’autres à Salé où ils fondent une république corsaire appelée à devenir fameuse et à multiplier ses expéditions dans tout l’Atlantique.

Le temps de la grandeur alaouite

Originaires du Hedjaz, les Alaouites descendent – comme les Saadiens – de Hassan fils aîné de Fatima et d’Ali, la fille et le gendre du Prophète, et constituent donc une lignée chérifienne. Venus s’installer dans le Tafilalet à la fin du XIIIe siècle, ils sont également désignés sous le nom de Filaliens. 1631-1636 : Moulay ach-Chérif impose son autorité dans la région du Tafilalet. 1636-1664 : L’un de ses fils, Moulay Mohammed, engage la lutte contre la zaouïa de Dila puis conquiert pour quelque temps Oujda et Tlemcen avant de se replier sur la Tafna quand se déclenche la réaction turque. 1554-1672 : Règne de Moulay Rachid. Frère cadet de Moulay Mohammed, il réussit à imposer son autorité à tout le Maroc. Il prend tout d’abord le contrôle des itinéraires commerciaux transsahariens. Il s’empare de Marrakech en 1669 mais disparaît dans un accident de cheval. 1672-1727 : Le règne de Moulay Ismaïl correspond à une période d’apogée de la puissance marocaine. Demi-frère des deux précédents sultans et gouverneur de Meknès, il y est proclamé à l’annonce de la mort de Moulay Rachid. Il lui faudra une vingtaine d’années pour consolider, contre les divers particularismes locaux ou religieux, l’unité du royaume. Le sultan dote le Maroc d’une puissante armée, composée pour une bonne part d’esclaves noirs qui lui sont totalement dévoués, ce qui permet au pouvoir central d’être moins dépendant des tribus trop souvent rebelles. 1681 : Traité de La Mamora (Mehdiya) entre le Maroc et la France, contre l’Angleterre et l’Espagne, mais Louis XIV ne le ratifiera pas en raison de la persistance de la course salétine. En 1682, un traité d’amitié n’en est pas moins signé à Saint-Germain-en-Laye. 1689 : Ambassade française de Pidou de Saint Olon. Elle est reçue à Meknès, la capitale de Moulay Ismaïl. En 1698, une dernière ambassade, marocaine celle-là, se rend en France mais l’accès au trône d’Espagne du petit fils de Louis XIV deux ans plus tard condamne toute perspective d’alliance contre ce pays. 1701 : Échec d’une expédition contre les Turcs de la Régence d’Alger. 1710 : Le consul de France à Salé quitte le Maroc, suivi deux ans plus tard par celui de Tétouan. 1718 : La France et l’Espagne rompent leurs relations avec le Maroc. Ce sont les Anglais qui en profitent sur le plan commercial. 1727-1757 : Douze fils de Moulay Ismaïl se succèdent au pouvoir en fonction des caprices d’une armée qui fait et défait les sultans. L’anarchie s’installe. Les caisses de l’État sont vidées et le pays connaît même localement des débuts de famine. 1757-1790 : Règne de Sidi Mohammed ben Abdallah. S’appuyant sur les tribus du Sous, il brise le pouvoir des troupes d’esclaves noirs devenus des prétoriens. 1757 : Le sultan signe un traité de commerce avec le Danemark, puis en 1760 avec l’Angleterre, en 1763 avec la Suède et, deux ans plus tard avec Venise. Il faut attendre 1767 pour voir un traité analogue conclu avec la France. Le sultan fait également aménager par un ingénieur français, le Toulonnais François Cornut, le port de Mogador-Essaouira. Il fait également engager des travaux dans le port de Dar-el-Beida qui deviendra Casablanca. 1765 : Une escadre française bombarde Salé et Larache. 1769 : Les Portugais choisissent d’évacuer Mazagan mais le sultan échoue, en 1774, quand il assiège Melilla et les Espagnols conservent leurs positions. 1776-1782 : Le Maroc est affecté par une terrible sécheresse, génératrice de famine. De 1797 à 1800, il connaît une épidémie de peste très meurtrière et la conjonction de ces deux calamités affaiblit terriblement le pays, qui perd peut-être alors la moitié de sa population. 1787 : Les États-Unis d’Amérique signent un traité d’amitié avec le Maroc. 1790-1792 : Règne de Moulay Yazid. Il est troublé par une guerre malheureuse contre l’Espagne et par les dissidences de ses frères. Le sultan est tué au combat lors de l’une de ces révoltes. 1792-1822 : Règne de Moulay Slimane, l’un des fils de Sidi Mohammed ben Abdallah, qui doit d’abord s’imposer à ses frères. 1813 : Le sultan finit par avoir raison de la révolte du Rif. 1818 : Le sultan est battu lors d’une révolte des Berbères de l’Atlas, qui entrent à Fès en 1820. Il a dressé contre lui de nombreux opposants, notamment les zaouïas quand il a voulu lutter contre les marabouts et les moussems, les rassemblements festifs autour de leurs tombeaux. Il s’inspirait de la réforme wahhabite qui venait de triompher en Arabie avec les Saoudiens mais ces tentatives ne firent qu’engendrer la révolte populaire. Moulay Slimane reprend le dessus mais il est de nouveau vaincu en 1822 et abandonne alors le pouvoir au profit de l’un de ses neveux, Moulay Abderrahmane ben Hicham.

Le Maroc face aux impérialismes

1822-1859 : Règne de Moulay Abderrahmane. 1823 : Signature d’une convention commerciale avec le Portugal, suivie d’accords comparables avec l’Angleterre en 1824, avec la France et le Piémont en 1825. 1828-1830 : Une crise grave éclate à propos de la persistance de la course entre le Maroc d’une part, l’Angleterre et l’Autriche d’autre part. Les puissances européennes ne sont plus disposées à supporter l’insécurité engendrée par les corsaires. 1832 : La mission française du comte de Mornay, dont fait partie le peintre Eugène Delacroix, vient négocier la neutralité marocaine au moment où la France est engagée dans la conquête de l’Algérie. 1844 : Après l’incident intervenu lors de la construction, sur les confins algéro-marocains, du poste de Lalla-Maghnia, les Français occupent Oujda et entament des négociations qui demeurent sans résultat. En août, l’escadre du prince de Joinville bombarde Tanger. Le 14 août, la bataille de l’Isly se termine en désastre pour les forces marocaines et, le lendemain, Mogador est occupé. Le 10 septembre, les accords de Tanger mettent un terme à la guerre. 18 mars 1845 : Traité de Lalla Maghnia qui fixe la frontière algéro-marocaine. La France se voit reconnaître un droit de suite au Maroc. 1847 : Reddition de l’émir Abd el-Kader, le chef de la résistance algérienne à l’occupation française. 1856 : Traité commercial avec l’Angleterre, qui accorde de nombreux privilèges aux marchands anglais. 1859-1873 : Règne de Mohammed IV. 1860 : Après un incident frontalier, l’occupation espagnole de Tétouan débouche sur la paix de Ceuta, qui contraint le Maroc à payer une lourde indemnité à l’Espagne. 1863 : La France obtient des privilèges douaniers analogues à ceux de l’Angleterre. Le Maroc abandonne une bonne partie de sa souveraineté en matière douanière, fiscale et judiciaire. Privé d’une partie de ses ressources traditionnelles, le sultan s’endette auprès des banques anglaises. 1873-1894 : Règne de Moulay Hassan ou Hassan Ier. 1880 : La conférence internationale de Madrid accorde à presque tous les pays européens les privilèges dont bénéficiaient jusque-là Français et Anglais. 1883-1884 : Reconnaissance réalisée, dans l’intérieur du Maroc demeuré fermé aux étrangers, par Charles de Foucauld déguisé en juif. 1884 : Fondation du poste espagnol de Villa Cisneros, sur la côte atlantique du Sahara. 1890 : Convention secrète franco-anglaise fixant les limites de l’expansion française au Sahara occidental et aux confins algéro-marocains. 1894-1908 : Règne de Moulay Abdelaziz. 1900 : Mort du grand vizir Ba Ahmed et début du règne personnel de Moulay Abdelaziz. 1902 : Accord franco-marocain sur la surveillance des confins et des tribus frontalières. 1902 : Accord franco-italien sur le Maroc et la Tripolitaine. 1903 : Le général Lyautey occupe Colomb Béchar en territoire marocain. 1904 : L’Entente Cordiale franco-anglaise repose, pour une bonne part sur le « troc » accordant le Maroc à la France et l’Égypte à l’Angleterre. La même année, l’Espagne se voit reconnaître sa zone d’influence au nord et le petit territoire d’Ifni sur la côte atlantique. 1905 : Coup de Tanger. Discours de Guillaume II proclamant son hostilité aux ambitions coloniales de la France au Maroc. 1906 : La conférence d’Algésiras réunit treize pays, dont les USA et le Maroc. L’indépendance et l’intégrité du Maroc sont réaffirmées mais la position française est renforcée puisque Paris est désormais en mesure de contrôler les finances marocaines et donc le makhzen c’est-à-dire l’État. 1907 : L’assassinat à Marrakech du docteur Mauchamp entraîne l’occupation de Oujda par les Français. Les émeutes qui éclatent en juillet à Casablanca, à la suite de l’ouverture d’un chantier de voie ferrée à l’emplacement d’un cimetière, entraînent le bombardement de la ville par un croiseur, ce qui déclenche le pillage du mellah et un pogrom contre les juifs. 1908 : Lyautey impose l’autorité française aux tribus installées entre la frontière algérienne et la Moulouya. Dans le même temps, le général d’Amade prend le contrôle de la Chaouïa. 1908-1912 : Règne de Moulay Hafid. Frère aîné d’Abdelaziz, il est proclamé à Marrakech dès le mois d’août 1907 puis marche sur Meknès et Fès. Accusé d’impiété – il était très séduit par les inventions occidentales telles que la bicyclette, les appareils photographiques ou les phonographes –, Abdelazirz est déchu et se réfugie à Rabat où il est bien accueilli par les Français. Septembre 1908 : L’incident des « légionnaires déserteurs » accueillis par le consulat d’Allemagne à Casablanca ouvre entre Paris et Berlin une deuxième crise marocaine, après celle de 1905-1906. 1909 : L’Espagne étend la zone qu’elle contrôlait à l’ensemble du Rif. 1911 : Devant la révolte des tribus qui a gagné Fès, le sultan demande aux Français d’aller y rétablir l’ordre mais il semble que ceux-ci lui ont pour le moins forcé la main. La colonne Moinier entre à Fès le 21 mars. Meknès est prise en juin. En contrepartie, l’Espagne occupe Larache et Ksar-el-Kébir et l’Allemagne réagit en envoyant la canonnière Panther à Agadir « pour protéger ses intérêts économiques » S’ouvre alors, après ce « coup d’Agadir », la troisième crise franco-allemande à propos du Maroc, finalement réglée par le troc proposé par Joseph Caillaux qui voit l’Allemagne laisser les mains libres à la France dans le royaume chérifien contre le rattachement d’une partie de l’Afrique équatoriale française au Cameroun allemand. La convention est signée le 4 novembre. 30 mars 1912 : Signature du traité de protectorat. Quelques jours plus tard, Fès se soulève, des Français sont assassinés, le mellah juif est pillé. Les tribus soulevées viennent assiéger la capitale. Le 27 avril, Lyautey est nommé résident général et, un mois plus tard, Gouraud écrase la révolte de Fès. Marrakech est occupée en septembre 1912 et Taza en I914. Lyautey décide d’installer la capitale à Rabat et obtient l’abdication de Moulay Hafid remplacé par son frère Moulay Youssef.

Le Maroc à l’époque du protectorat français (1912-1956)

Août 1912 : El-Hiba marche sur Marrakech à la tête de dix mille rebelles et s’en empare mais il est complètement battu par le colonel Mangin à Sidi Bou Othmane le 6 septembre. 1914-1918 : À l’exception de la courte période durant laquelle il est ministre de la Guerre dans un gouvernement Briand, Lyautey « tient » le Maroc pendant la première guerre mondiale avec un minimum d’effectifs alors que des dissidences persistent dans plusieurs régions. 1919 : Les Espagnols s’installent au Cap Blanc, à l’extrémité méridionale du Rio de Oro. Ifni ne sera occupée qu’en 1934, date à laquelle le haut commissaire d’Espagne au Maroc devient également gouverneur général des territoires d’Ifni, du Sahara occidental et du Rio de Oro. Juillet 1921 : Désastre espagnol d’Anual où la colonne du général Silvestre est anéantie par les rebelles rifains commandés par Abd el-Krim qui entend former une véritable République confédérée des tribus du Rif, au moment où la France doit compter avec la révolte des Druzes de Syrie et du Liban et alors que Mustapha Kemal montre en Turquie comment un pays musulman peut relever le défi de la modernité et de l’impérialisme européen. À partir de 1924, la guerre s’étend au Maroc français. 1925 : Alors que le maréchal Pétain et le général Naulin contiennent la poussée des rebelles, Lyautey, pour qui la mission confiée à Pétain apparaît comme un désaveu, donne sa démission et rejoint la France. 1926: Reddition d’Abd el-Krim. 1927 : Mort de Moulay Youssef. Son troisième fils, Sidi Mohammed ben Youssef, âgé de dix-huit ans, lui succède sur le trône sous le nom de Mohammed V. 1930 : Des manifestations éclatent contre le projet français de séparer, sur le plan juridique, Arabes et Berbères, ce qui porterait un coup fatal à l’unité nationale marocaine. Devant l’hostilité du sultan et de l’opinion, le projet est abandonné en 1934. 1934 : Allal al-Fassi fonde le Comité d’Action Marocain. Le journal nationaliste l’Action du Peuple, créé en 1933 par Mohammed Hassan Ouazzani, est suspendu. 1935 : Le sultan obtient que le Maroc continue de dépendre, en tant que protectorat, du ministère des Affaires Étrangères et non du ministère de la France d’Outre-mer. 1937 : Déçus par le Front Populaire, les nationalistes déclenchent une campagne d’agitation dans tout le protectorat. Allal al-Fassi est déporté au Gabon d’où il reviendra pour prendre la tête du mouvement Istiqlal, « Indépendance ». 1940 : Le sultan est loyal au gouvernement du maréchal Pétain mais refuse, au nom de l’indépendance et de l’unité du pays, d’appliquer au Maroc le statut des juifs promulgué à Vichy. 7-8 novembre 1942 : Débarquement américain à Casablanca, Safi et Kenitra. Le général Noguès, commandant en chef au Maroc, ayant donné l’ordre de résister, les combats durent deux jours jusqu’à l’ordre de cessez-le-feu lancé depuis Alger par l’amiral Darlan. 1943 : Conférence d’Anfa, qui répartit notamment les responsabilités entre le général Giraud et le général De Gaulle. Elle est aussi l’occasion pour Roosevelt d’encourager les aspirations indépendantistes. Création du parti Istiqlal, qui réclame l’indépendance dans son Manifeste de janvier 1944. 1946 : Le résident général Éric Labonne adopte une attitude libérale mais il est remplacé dès 1947 par le général Juin. 1947 : Séparée du Maroc espagnol, l’Afrique occidentale espagnole est divisée en deux entités administratives distinctes, Ifni et le Sahara, lui-même divisé en deux zones, la Saquia-el-Hamra et le Rio de Oro. 1951 : Le sultan ne peut obtenir, lors d’un voyage à Paris, la fin du traité de protectorat. Il entame la « grève du sceau » en refusant de signer les décrets présentés à sa signature par l’administration française. Le remplacement du général Juin par le général Guillaume n’arrange pas les relations entre la Résidence et le Palais. Août 1953 : Le sultan est exilé en Corse, puis à Madagascar alors que le chérif Mohammed ben Arafa est proclamé à Marrakech « Prince des Croyants ». La France s’appuie sur le pacha de Marrakech, Thamai el-Glaoui, farouchement hostile à l’Istiqlal et aux communistes. Les attentats se multiplient, dont plusieurs contre Ben Arafa que les États étrangers et la Ligue arabe refusent de reconnaître. 1954 : Le général Lacoste succède au général Guillaume pour un an ; il est remplacé par le libéral Gilbert Grandval qui ne reste que deux mois à son poste, puis par André Dubois. 1955 : Exilé à Antsirabé, le sultan Mohammed V demeure intraitable et refuse d’abdiquer. En septembre la conférence d’Aix-les-Bains permet cependant d’aboutir à un accord. Ben Arafa abdique en octobre et les négociations s’engagent entre le sultan d’une part, Edgar Faure et Antoine Pinay de l’autre. Elles aboutissent à la déclaration de La-Celle-Saint-Cloud qui admet l’indépendance totale du Maroc. Le sultan pouvait rentrer dans son pays après vingt-sept mois d’exil. 2 mars 1956. : Le Maroc accède à l’indépendance. Le 7 avril, un accord est signé à Madrid entre Mohammed V et le général Franco, qui met fin à la souveraineté espagnole sur le nord du pays. Le 20 octobre, la zone de Tanger – qui était soumise à un statut international particulier, était elle aussi réintégrée au Maroc.

Le Maroc indépendant

Mai 1956 : Création des Forces Armées Royales marocaines. Octobre 1956 : Émeutes de Meknès et massacre d’Européens à la suite du détournement vers Alger de l’avion transportant les chefs de la rébellion algérienne. Novembre 1957 : Affrontements hispano-marocains dans le territoire espagnol d’Ifni. 1958 : Opération franco-espagnole au Sahara espagnol. 1960 : Tremblement de terre d’Agadir. 26 février 1961 : Mort de Mohammed V 1961-1999 : Règne d’Hassan II 1961 : La Mauritanie réclamée par le Maroc est admise à l’ONU comme État souverain. 1962 : Le Maroc se dote d’une constitution, modifiée en 1970 puis en 1972. 1963 : La « guerre des sables algéro-marocaine » livrée dans la région de Tindouf tourne à l’avantage du Maroc. 1965 : Devant l’opposition de l’Istiqlal et de l’Union Nationale des Forces Populaires de Mehdi ben Barka, le roi proclame l’état d’exception. 1969 : L’Espagne restitue Ifni au Maroc après avoir rendu Tarfaya en 1965. Juillet 1971 : Complot du palais de Skirat. Hassan II est indemne. Août 1972 : Échec d’un attentat contre l’avion du souverain, qui entraîne le suicide du général Oufkir, chef d’état-major de l’armée et commanditaire des deux tentatives d’attentat. Novembre 1975 : Le roi du Maroc appelle à la « marche verte » qui lance 350 000 volontaires en direction du Sahara occidental pour affirmer le caractère marocain du territoire. Hassan II déjoue ainsi les plans de l’Espagne et de l’Algérie favorables à la mise en place d’un État sahraoui appelé à tomber sous leur influence, ce qui devait notamment donner à l’Algérie une façade sur l’Atlantique. 1976 voit l’installation des Marocains à El-Aioun puis à Villa Cisneros (Dakhla) ; les unités du Front Polisario issues des nomades Reguibat et soutenues par l’Algérie tentent vainement de s’opposer à la mainmise marocaine sur le territoire. 1977 : Les troupes marocaines doivent intervenir au profit de la Mauritanie attaquée par le Front Polisario qui enlève des otages à Zouérate. En 1979, la Mauritanie, où le régime a changé à la suite d’un coup d’État, abandonne l’alliance conclue avec Rabat, ce qui entraîne l’occupation marocaine de la partie du Sahara espagnol qui lui était revenue en 1975. L’Algérie continue pour sa part à apporter son soutien au Front Populaire pour la Libération de la Saquia-el-Hamra et du Rio de Oro, créé en 1973. Juin 1977 : Les élections générales sont désastreuses pour l’opposition et confortent le pouvoir royal. La même année, le Maroc intervient au Zaïre pour protéger le régime du général Mobutu menacé par des forces venues de l’Angola voisin contrôlé alors par des communistes alliés aux Soviétiques et aux Cubains. 1987 : Les opérations menées contre le Polisario sont conduites avec succès et le Maroc est présenté par ailleurs comme un « bon élève » du FMI, au risque que les sacrifices imposés par la rigueur budgétaire et les politiques d’ajustement n’aggravent les difficultés des couches les plus défavorisées de la population. La « révolte du pain » qui a affecté plusieurs grandes villes en 1984 a été de ce point de vue révélatrice des difficultés sociales que connaît le pays, confronté à une pression démographique très forte. 1988 : Rétablissement avec l’Algérie des relations diplomatiques rompues depuis 1976 à cause du conflit du Sahara occidental. 1990 : De violentes émeutes nées de la misère éclatent à Fès, Tanger et Kenitra. 1991 : Libération de la famille Oufkir et de l’opposant politique Abraham Serfaty. 1992 : La réforme constitutionnelle limitant les pouvoirs du roi est approuvée lors d’un référendum par 99 % des votants. 1994 : À la suite d’un attentat terroriste perpétré dans un hôtel de Marrakech, le Maroc impose des visas pour les Algériens, ce qui conduit le gouvernement d’Alger à fermer la frontière entre les deux pays. Quelques jours plus tard, le Maroc et Israël échangent des bureaux d’information économique à Rabat et à Tel Aviv. 1995 : Hassan II inaugure à Ifrane la première université anglophone du Maghreb. 1998 : Deux mois après les élections législatives pluralistes de décembre 1997, Hassan II nomme premier ministre le socialiste Abderrahmane Youssoufi. Le processus conduisant vers une monarchie parlementaire complète semble désormais achevé. 1999 : Mort du roi Hassan II. Avènement de Mohammed VI. Le limogeage de Driss Basri, ministre de l’Intérieur depuis vingt-cinq ans, est

interprété comme le signe d’une volonté d’ouverture et de libéralisation du nouveau souverain. Dans le même temps une commission royale d’indemnisation des anciens prisonniers politiques est mise en place. et le vieil opposant Abraham Serfaty est autorisé à renter d’exil. Septembre 2002 : Aux élections législatives, marquées par un fort taux d’abstention (37 % de participation), les islamistes du Parti de la Justice et du Développement, qui remportent 46 sièges, connaissent un échec relatif au regard de leurs espérances. C’est le vieux parti Istiqlal qui arrive en tête . Les perdants sont les socialistes de l’USFP qui ne comptent plus que 11 % des voix et 33 députés, ils sont devancés par le mouvement berbériste et par le RNI, partisan du souverain. Le leader de l’Istiqlal, Abbas el Fassi, devient alors premier ministre. La situation change avec les élections de novembre 2011, remportées par les islamistes du PJD (107 sièges sur 395) Le souverain appelle alors aux affaires l’islamiste Abdelillah Benkira. Février 2007 : Le Maroc remporte un succès sur la question saharienne puisque l’ONU prévoit un plan d’autonomie dans le cadre marocain au Sahara occidental, sans référendum. Le Maroc et le Front Polisario ne sont pas parvenus pour autant à un accord et la situation demeure bloquée. Le Polisario perdait toutefois du terrain puisque seuls 8 États africains, dont l’Algérie et l’Afrique du Sud, reconnaissent encore la République sahraouie (qui l’était par 70 États, dont 30 États africains, à la fin du XXème siècle). Mohammed VI a également fait avancer les choses sur la question berbère. Un Institut royal de la culture amazigh est ainsi créé en 2001 et le souverain reconnaît alors l’héritage berbère comme une composante essentielle de l’identité et de la civilisation marocaines. En 2011, l’utilisation de la langue tamazight (le berbère) comme deuxième langue nationale aux côtés de l’arabe est inscrite dans la constitution. Un choix qui va à l’encontre des souhaits de l‘Istiqlal et des islamistes du PJD, deux partis attachés à l’arabité du Maroc 2011 : Le Maroc échappe aux convulsions nées des « printemps arabes ». L’agitation apparue en janvier et février se calme en mars quand le roi annonce une réforme constitutionnelle. La nouvelle constitution est approuvée par référendum en juillet 2011 et les élections législatives anticipées de la fin novembre garantissent le maintien de la stabilité du régime. Les oppositions gauchiste et islamiste ne paraissent pas en mesure d’inquiéter sérieusement le pouvoir. Selon la nouvelle constitution, le Maroc est devenu une monarchie « constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale »; les fonctions de chef de l’État et de Commandeur des Croyants sont désormais distinctes mais demeurent confondues en la personne du roi. Le premier ministre a désormais, comme le roi, le pouvoir de dissoudre la chambre des représentants.Après son accession au pouvoir le roi Mohammed VI a eu quatre premiers ministres. D’abord Abderrahman Youssoufi, qui a présidé jusqu’en 2002 un « gouvernement d’alternance démocratique » voulu par Hassan II. Il a été remplacé en septembre 2002 par Driss Jettou, à la tête d’un gouvernement de large union mais maintenant à l’écart les islamistes du PJD Abbas al Fassi lui a succédé en 2007 après les élections législatives remportées par l’Istiqlal, avant d’être remplacé en novembre 2011 par l’islamiste Abdelillah Benkira. 2015 : Les élections locales voient la victoire des islamistes du PJD qui ont emporté plus du quart des voix en arrivant nettement en tête à Casablanca, Rabat et Fès.Après une période de tension, une visite, en 2015, du président Hollande permet de rétablir d’excellentes relations entre la France et le Maroc. Le royaume participe activement à la lutte contre le djihadisme et l’évolution économique est perçue comme favorable par le FM. 2016 : Les élections d’octobre voient la victoire du PJD islamiste dirigé par le chef du gouvernement sortant Abdelilah Benkirane. La même année, Marrakech accueille la COP22 réunie pour lutter contre le dérèglement climatique, signe d’une présence renouvelée du Maroc sur le terrain international. Le royaume joue de plus un rôle grandissant sur le continent noir où il s’impose comme le principal investisseur africain. Le pays connaît aussi une agitation sociale inquiétante, notamment dans la région du Rif, traditionnellement rebelle. La bousculade de Sidi Bouilaalam, près d’Essaouira, entraine la mort de 15 femmes piétinées lors d’une distribution d’aide alimentaire et rappelle les difficultés sociales d’un pays où le chômage des jeunes urbains demeure très important.2017 : Retour du Maroc au sein de l’Union Africaine abandonnée depuis 1984 pour protester contre l’admission dans ses rangs de la République sahraouie. L’occasion d’affirmer les ambitions du royaume sur un continent dont les perspectives de développement sont perçues comme encourageantes. Faute d’avoir pu constituer un gouvernement de coalition Abdelilah Benkirane est remplacé par Saad Eddine al Othmani. Le pays connaît toutefois une bonne croissance en 2017, résultat de bonnes récoltes, des progrès de l’industrie extractive, notamment des phosphates, et du développement rapide du secteur tertiaire. La bonne santé du tourisme participe également à cette embellie économique qui fait que le Maroc est perçu en Afrique comme un « pays émergent ». 2018 : L'année est marquée par de fortes tensions sociales et, face à la hausse des prix, par le boycott populaire de certaines marques. Le pays a pourtant connu une croissance de 3,2%, même si celle-ci demeure insuffisante pour réduire le chômage évalué à 10% de la population active ( 26% des 15-24 ans). L’ouverture de la ligne de TGV Tanger-Casablanca a été mise en avant pour symboliser les progrès du pays mais son coût a fait l’objet de vives critiques. Les perspectives ouvertes par le développement du tourisme ont été compromises par l’assassinat de deux touristes scandinaves, premier attentat terroriste commis sur le sol marocain depuis 1911. Sur le plan extérieur, un an après le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine, une conférence réunissant des représentants de l’Algérie, du Maroc et de la Mauritanie s’est réunie à Genève en décembre mais l’horizon d’un accord sur cette question demeure toujours aussi lointain. 2019 : Le Maroc célèbre le vingtième anniversaire de l’accession au trône de Mohammed VI. Le fils d’Hassan II règne sur un pays de 36 millions d’habitants qui bénéficie désormais d’une excellente image à l’étranger. Il attire les investissements et semble à l’abri des dérives de l’Islam djihadiste. Après Renault à Tanger, PSA a ouvert une usine automobile à Kenitra. 2020 : Le Maroc est le pays du Maghreb le plus affecté par l’épidémie de coronavirus, avec avec une chute de croissance de - 6%. Le déficit pluviométrique entraîne par ailleurs une chute significative de la production agricole. L’état de santé du roi, qui subit des opérations cardiaques, demeure un secret bien gardé alors que le pouvoir peut faire valoir la reconnaissance par le président américain Donald Trump de la « marocanité » du Sahara occidental, une caution précieuse pour Rabat qui devra en contrepartie s’engager à normaliser ses relations diplomatiques avec Israël. 2021: Détérioration des relations entre le Maroc et son voisin algérien qui soutient le Front Polisario sur la question du Sahara occidental mais reproche aussi à la monarchie chérifienne son rapprochement avec Israël, marqué par la visite à Rabat du ministre israélien de la Défense. Les élections législatives du 8 septembre voient la défaite des islamistes du Parti de la Justice et du Développement qui dirigeait le gouvernement depuis 2011, même si le roi contrôlait toujours la réalité du pouvoir. C’est le Rassemblement National des Indépendants proche du Palais qui l’emporte pour constituer une coalition avec le parti Authenticité et Modernité et avec l’Istiqlal, le parti historique de la lutte pour l’indépendance. Leader du RNI, Aziz Akhannouch est devenu premier ministre.

2022 : Le nouveau gouvernement a fort à faire pour surmonter la crise économique et sociale issue de la pandémie de Covid, avec une croissance estimée à 0,8% selon le FMI. La guerre en Ukraine et ses conséquences sur le marché pétrolier constituent un handicap supplémentaire. La sècheresse qui pénalise l’agriculture augmente encore la vulnérabilité d’une société menacée par la pauvreté. Pour relever le défi, le gouvernement met en œuvre des mesures libérales d’allègements fiscaux pour les entreprises. Sur le plan extérieur, la rivalité avec l’Algérie voisine (les relations diplomatiques ont été rompues durant l’été 2021 à la suite de la reprise des combats entre l’Armée marocaine et le Polisario) demeure, d’autant que le Maroc a obtenu le soutien de l’Espagne à son plan d’autonomie de la région. En contrepartie Rabat durcit sa réaction face au flux de migrants subsahariens en route vers l’Espagne. En revanche, une certaine tension est apparue entre Rabat et Paris du fait du rapprochement franco-algérien voulu par Emmanuel Macron et du fait du refus de la France de reconnaître officiellement la « marocanité « du Sahara occidental.