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Le Mali
Des royaumes soudanais à l'État contemporain

Enclavé en Afrique de l’Ouest, le Mali est un État né de la décolonisation survenue au début des années 1960. Avec son vaste territoire s’étendant du désert au Sahel et aux savanes méridionales plus humides, il apparaît comme un espace intermédiaire entre le monde des nomades sahariens et sahéliens et celui des agriculteurs sédentaires établis sur les rives du Niger et dans le sud. De Ségou ou Djenné à Tombouctou ou à Gao, l’histoire a déterminé des centres de gravité successifs correspondant à l’essor et au déclin des anciens Empires africains du Ghana, du Mali ou du Songhaï. Devenu le Soudan français du fait de la conquête et de la colonisation entreprises à partir du Sénégal dans les dernières décennies du XIXe siècle, le pays est intégré à l’Afrique-Occidentale française dont le cadre ne survit pas à la période coloniale. Le début des années 1960 voit l’échec de la tentative de fédération malienne regroupant le Sénégal de Léopold Sédar Senghor et le Soudan de Modibo Keita. Ce dernier incarne ensuite le Mali tiers-mondiste des premières années de l’indépendance avant que l’échec de son expérience socialiste ne débouche sur le coup d’État militaire qui porte au pouvoir, de 1968 à 1991, Moussa Traoré, lui même renversé à son tour par des militaires qui rétablissent un ordre constitutionnel. Dépourvu, si l’on excepte le coton et l’or, de ressources importantes, ce pays de 13 520 000 habitants compte aujourd’hui parmi les plus pauvres du monde mais la communauté internationale reconnaît les efforts de ses dirigeants pour amorcer son développement. Moins bien doté que certains de ses voisins, le Mali dispose en revanche d’un héritage culturel qui, des mosquées de Djenné ou de Tombouctou aux villages dogon de Bandiagara, compte comme l’un des plus brillants d’Afrique noire.

Le cadre géographique

Le territoire de l’actuelle république du Mali s’étend sur 1 240 190 km2, soit une superficie plus de deux fois supérieure à celle de la France, à peu près comparable à celle de la république du Niger voisine. Le Mali apparaît comme un État enclavé, limitrophe du Sénégal et de la Guinée à l’ouest, de la Côte-d’Ivoire et du Burkina Faso (l’ancienne Haute-Volta) au sud, de la Mauritanie et de l’Algérie au nord et du Niger à l’est. Formé au hasard des découpages territoriaux hérités de la période coloniale, le Mali se présente comme un espace de transition entre les étendues sahariennes faiblement peuplées de nomades Touareg au nord et les régions soudaniennes occupées par les Noirs sédentaires du sud, la zone sahélienne où nomadisaient les éleveurs Peuls apparaissant comme une région intermédiaire. Les cours supérieur et moyen du Niger fournissent cependant un élément d’unité. L’uniformité et la relative monotonie des paysages – caractérisés par une suite ininterrompue de plateaux de faible altitude – constituent l’élément dominant mais, outre la présence des bassins fluviaux du Sénégal supérieur et du Niger, elle n’exclut pas une certaine diversité structurelle. À l’ouest, le plateau mandingue, qui s’étend de Kayes à Koulikoro est formé de grès anciens qui prolongent au Mali le massif guinéen du Fouta Djalon, dont la bordure orientale correspond à une ligne de falaises, notamment celle de Tambaoutia qui domine le cours de la Falémé, affluent du Sénégal. Les plateaux qui s’étendent à l’est font partie du vieux socle cristallin ouest-africain recouvert de sédiments anciens auxquels s‘ajoutent des intrusions de roches métamorphiques. Au centre de la boucle du Niger, des plateaux gréseux culminent à 700 m, notamment à hauteur de Bandiagara, au cœur du pays dogon. Plus à l’est s’étend une longue barrière rocheuse, le Gandamia, dont certains sommets dépassent 1 000 m et dont l’un, le point culminant du pays s’élève à 1 150 m, en dominant de 700 m le village de Hombori. Tout comme la grande plaine soudanaise qui s’étend au nord, ces régions ont des sols le plus souvent recouverts d’une cuirasse de latérite (formée par la remontée à leur surface d’éléments ferrugineux) qui engendre un ruissellement inutile alors que les sols sableux, plus rares, se révèlent davantage favorables à la culture du fait de leur perméabilité et des effets moindres de l’évaporation. Dans la zone saharienne, des cuvettes à fond plat et des vallées fossiles occupent l’espace qui s’étend au nord du Niger jusqu’à l’Adrar des Ifoghas, massif cristallin s’élevant de 500 à 800 m et qui prolonge dans le nord-est du Mali le massif central saharien. Artère principale du pays, la vallée du Niger constitue une vaste zone déprimée dont la pente quasi insignifiante explique la formation – dans la partie occidentale de la boucle du fleuve, de Mopti à Tombouctou – d’un vaste lacis de lacs (lacs Débo ou Faguibine, par exemple), marais et bras d’eau correspondant au « delta intérieur » du fleuve, la région où se forma jadis le royaume du Macina. L’extension du territoire malien de 11° à 25° de latitude nord détermine l’existence de trois zones climatiques distinctes. La zone tropicale soudanienne s’étend de 11° à 16° nord, le désert commence à partir du 17e parallèle, l’espace de transition sahélien correspondant pour sa part à la bande de territoire occupant la région entre les latitudes de Gao et de Tombouctou. La zone soudanienne présente un régime pluviométrique comprenant une saison sèche et une saison des pluies qui dure de juin à octobre, avec un maximum en août. Le volume des précipitations varie avec la latitude. Plus importantes au sud (1 000 à 1 100 mm annuels), elles n’atteignent que 700 mm au nord. La saison des pluies se trouvant réduite à trois mois dans la partie sahélienne du pays, les précipitations y varient de 300 à 600 mm. Le désert commence au nord de la ligne isohyète des 200 mm et la saison sèche s’y étend sur toute l’année, les quelques pluies violentes qui s’y abattent étant tout à fait rarissimes. Durant la saison sèche, l’harmattan, qui souffle de l’est, accroît la sécheresse et la chaleur, qui dépasse régulièrement 40 °C avec, dans la zone désertique, des écarts thermiques quotidiens énormes, qui peuvent atteindre 35 °C entre la température du jour et celle de la nuit. Les transformations du couvert végétal correspondent tout naturellement aux diverses zones climatiques. Caractérisée par la présence du néré, du karité, du tamarinier et du baobab, la savane arborée occupe la zone soudanienne (environ 500 000 km2), où prospèrent les cultures du mil, de l’arachide, du riz (dans le delta intérieur du Niger) et des plantes à tubercule. Au fur et à mesure que l’on progresse vers le sud, la savane-parc laisse place à une végétation plus dense de forêt-galerie. La zone sahélienne (à peu près 400 000 km2 du territoire malien) a été définie, il y a un demi-siècle, par le géographe Georges Spitz comme « une zone non désertique soumise au régime des pluies tropicales d’été mais celles-ci demeurant insuffisantes pour permettre des cultures sans un apport supplémentaire d’eau provenant de l’irrigation ». Elle est couverte au nord par une steppe où dominent l’acacia et les épineux que broutent les chameaux et les chèvres des nomades maures et touareg. La partie méridionale de la zone est recouverte par une végétation d’herbes courtes constituant des pâturages pour les troupeaux d’ovins et de bovins des pasteurs qui coexistent là avec les agriculteurs installés à proximité des eaux du Niger. Cette zone sahélienne est l’objet de toutes les attentions depuis la terrible sécheresse qui s’est abattue sur elle en 1973-1974. La famine et la dimension humanitaire du drame, le relais apporté par les grands médias ont imprégné l’imaginaire occidental d’une vision peut-être un peu excessive d’un désert rongeant inexorablement les terres arables des pays sahéliens. La désertification est un danger réel mais il serait erroné de négliger des réalités plus complexes et les nombreuses dissemblances qui apparentent la zone sahélienne à une vaste marqueterie d’espaces aux situations contrastées. La zone saharienne, privée d’eau (quelques mm annuels) dans la mesure où les précipitations y sont aussi rares qu’irrégulières, ne dispose que d’une végétation éphémère, conséquence fugitive des rares averses que connaît la région. À la différence des Sahara algérien ou mauritanien, celui qui occupe plus de 300 000 km2 du territoire malien ne compte aucune oasis importante. Renforcé des eaux du Baoulé et de la Falémé, le Sénégal (initialement le Bagoe ou Bakoye) ne traverse le Mali, dans son cours supérieur, que sur une centaine de kilomètres, entre Bafoulabé et Kayes. Les chutes de Gouina et du Félou y interdisent toute navigation. C’est sur près de 1600 km que le Niger (dont le cours se développe sur 4200 km depuis sa source en Guinée jusqu’à son embouchure au Nigeria) traverse le territoire malien en formant vers le nord la gigantesque boucle qui le conduit jusqu’aux confins sahariens. Artère principale du pays, il comprend deux grands biefs navigables, sur 374 km de Kouroussa en Guinée à Bamako (des rapides coupent le fleuve en aval de Bamako) puis sur 1 400 km de Koulikoro à Ansongo, en aval de Gao. Le débit du fleuve varie considérablement selon les saisons, les hautes eaux occupant la période allant de mai à décembre, les crues maximales se produisant en septembre-octobre près de Bamako, en décembre à hauteur de Tombouctou. Près de la capitale du pays, le débit du fleuve peut varier de 54 m3/seconde à 6 200 m3/seconde. Le delta intérieur, vaste plaine alluvionnaire étendue sur plusieurs dizaines de milliers de km2, constitue le principal grenier du pays.

La diversité ethnique

Les conditions naturelles font que la population malienne est traditionnellement concentrée, pour l’essentiel, au sud-ouest du pays, là où fleurirent successivement les « empires » et royaumes du Ghana, du Mali, de Ségou ou du Macina, l’empire Songhaï de Gao ayant son centre de gravité plus à l’est, sur le cours descendant de la boucle du Niger. C’est dans ces régions plus ou moins proches de l’axe nigérien que se sont développés, à Bafoulabé, Bamako, Kayes, Ségou, Sikasso, Mopti, Tombouctou, Bourem et Gao, les principales villes du pays. Niafounké et Diré sont les centres importants, mais déjà beaucoup plus modestes, de la zone sahélienne au nord du Niger, alors que les anciennes salines de Taoudeni, les anciens postes militaires français ou les relais caravaniers tels que Araouane, Tessalit ou Kidal sont les seules « cités » dont on peut mentionner l’existence dans le Sahara malien. L’extension du territoire malien a pour conséquence une très grande diversité de la population qui y vit. Si l’on s’en tient aux principaux groupes ethniques, il est aisé d’en recenser au moins une douzaine parmi lesquels il est possible d’établir une distinction entre ceux de race « blanche » (Maures, Touareg et Peuls) et ceux de « race noire » (Bambara, Sénoufo, Malinké, Sarakollé, Dogon…) distinction anthropologique classique mais dont la pertinence n’apparaît plus aussi évidente aujourd’hui. Les Touareg parlent le tamachek, un dialecte berbère, et utilisent le tifinar, un alphabet de même origine. Leur principale tribu est celle des Imochar (ou Imaggaren dont le nom signifie « hommes » ou « guerriers ») dont font partie les Oullimiden et les Iguadaren ; tous appartiennent à l’aristocratie du désert issue de la grande peuplade libyco-berbère qui domina le Sahara depuis l’Antiquité. Les Imrad ou « tributaires » et les Bellah ou « captifs » constituent pour leur part les strates dominées de la société saharienne et l’élément noir est chez eux majoritaire. Les Maures occupent une frange de territoire au nord du Niger, de Gao à Tombouctou et toute la partie nord-ouest du pays. La plus importante de leurs tribus est celle des Kounta. Ils demeurent attachés à une identité « arabe » largement mythifiée (certains vont jusqu’à prétendre qu’ils descendent d’Oqba, le conquérant arabe du Maghreb) mais ont en fait été très fortement « négrifiés » au cours de leur histoire. Les Peuls ou Foulbé sont très répandus dans la zone soudano-sahélienne, depuis les côtes du Sénégal jusqu’aux rives du lac Tchad et comptent pour environ un dixième de la population du Mali. Présents tout au long de la frontière mauritanienne de Kayes à Nioro, ils sont surtout concentrés à l’intérieur de la boucle du Niger, dans les cercles de Mopti, de Djenné et du Macina, quelques îlots moins importants pouvant être identifiés dans les cercles de Bandiagara, de Ségou et de San. Il est généralement admis que les descendants des envahisseurs nomades blancs venus du nord (certains ont parlé de Sémites qui auraient été chassés d’Égypte en même temps que Moïse et les Hébreux) dont le premier noyau se serait installé sur les rives du Sénégal auraient été les fondateurs du royaume du Tekrour contemporain de l’empire du Ghana. C’est à partir de là que, s’avançant vers l’est, ils auraient réalisé une expansion qui devait les conduire jusqu’au Tchad et même au-delà… vers l’Ouadaï à l’est ou l’Adamaoua au sud. Les Peuls du Macina seraient issus d’un métissage de ces populations proto-Berbères venues du nord et des Noirs autochtones. Une autre hypothèse fait d’eux des parents des Éthiopiens ou des anciens Égyptiens. Autant d’hypothèses qu’il est difficile de vérifier. Ce qui est revanche plus sûr, c’est le rôle que jouent les Peuls dans la construction, au XVIIIe siècle, du royaume du Macina. Il faut ajouter aux Peuls les Ouassoulounké, proches par leurs coutumes des Bambara, et qui sont installés dans la région méridionale s’étendant entre Bougouni, au sud de Bamako, et Kankan, en Guinée. Les Bambara ou Ban-Mana, dont le nom signifie « ceux qui refusent d’être dominés », constituent l’ethnie la plus nombreuse du Mali (plus d’un tiers de la population du pays) et leur dialecte mandingue fait figure de langue véhiculaire autochtone, même si le français est aujourd’hui reconnu comme langue nationale. Leur zone d’implantation principale se situe dans l’ouest du pays, entre les régions de Ségou et de Niono (située dans le delta intérieur nigérien), dans le Bélédougou (au nord de Bamako) limitrophe de la zone sahélienne, dans le Kaarta entre Kita, Nioro et Koulikoro, plus à l’est dans la région de Sikasso. Le peuple bambara n’a jamais constitué une unité politique et se divise en plusieurs clans issus d’ancêtres mythiques. Ce sont les diverses régions que les Bambara occupaient – Ségou, le Bélédougou, le Kaarta, Bougouni – qui permettaient de les distinguer les uns des autres. Ils auraient, à l’origine, quitté la région du Ouassoulou, entre Sikasso et la Côte-d’Ivoire, pour échapper à la domination des Malinké, un épisode que perpétuerait leur nom (« ceux qui ont refusé d’être dominés »). Ils auraient atteint le Niger, dans la région de Ségou, vers le XIIe siècle, avant de créer là, deux siècles plus tard, une puissante principauté. Les Malinké, qui représentent environ 7 % de la population malienne, sont établis au sud-ouest du pays, dans la vallée supérieure du Niger et dans les pays riverains des rivières Bafing et Bagoe dont la confluence forme le fleuve Sénégal, des contreforts du Fouta Djalon au sud- ouest au plateau de Bélédougou au nord. Le pays malinké est donc situé, dans sa partie septentrionale, dans la zone soudanienne et, au sud, dans la zone subguinéenne. C’est le domaine du caïlcédrat (diala) qui tient ici le rôle que joue le baobab dans la zone sahélienne. Maîtres du pays mandé, les Malinké ont pris une part importante dans l’histoire de la région notamment à l’époque de l’empire du Mali. Les Sarakollé ou Soninké ont, comme les Dioula du nord de la Côte-d’Ivoire, une tradition de colporteurs qui ont longtemps sillonné, à l’époque précoloniale, toutes les régions de l’ouest africain. Régions dans lesquelles ils ont été un vecteur de l’expansion musulmane, jusque dans la zone guinéenne, dans l’ouest du Fouta Djalon. Ils ont été les créateurs de l’antique empire du Ghana et comptent aujourd’hui pour près de 9 % de la population malienne. Du fait de leur histoire spécifique, ils apparaissent très dispersés sur l’ensemble du territoire. Ils sont cependant les plus nombreux dans la zone sahélienne, plus précisément dans la région limitrophe de la Mauritanie, dans les cercles de Yélimané, Nioro et Nara. À l’origine, ils seraient venus du nord, du Sahara berbère, ce que semble confirmer leur nom (séré-khollé signifiant « hommes blancs »). Les habitants d’Adouane, dans le nord de l’Adrar mauritanien, seraient (avec leur nom d’Assouanik devenu Soninké) leurs parents proches et l’hypothèse la plus probable fait d’eux le résultat d’un métissage entre Berbères Sanhadja et autochtones africains. C’est ainsi que se serait formé le peuple fondateur de l’ancien empire du Ghana. Ce que semblent confirmer des chroniqueurs arabes tels que Ibn Hawkal et El-Bekri. C’est à la suite de la destruction de l’empire du Ghana, fondé vers le VIe siècle de l’ère chrétienne et disparu au XIIe, que serait intervenue la dispersion des Sarakollé dans tout l’ouest africain. Les Songhaï sont bien connus grâce aux précieuses sources de renseignements que sont les ouvrages arabes tels que le Tarikh es Soudan de Es-Sa’adi rédigé au XVIIe siècle et le Tarikh el Fettach, plus tardif, de Mohammed Kati. Les Songhaï représentent aujourd’hui environ 6 % de la population du Mali. La région qu’ils occupent est très précisément localisée dans la boucle du Niger, du lac Débo à la frontière de la république du Niger. Elle est partagée entre les ergs sahariens et la vallée du fleuve, mince ruban d’humidité et de fraîcheur où se concentre la majeure partie de la population, une zone favorable menacée au nord par la poussée du désert et au sud par la latérisation des sols. Selon la tradition, les ancêtres des Songhaï se seraient partagés entre des pêcheurs, les « maîtres de l’eau », des cultivateurs, les « maîtres de la terre » et des chasseurs, les « maîtres de la brousse » c’est-à-dire des étendues steppiques couvertes de cram-cram où ils allaient chercher le gibier. Ils sont à l’origine de l’empire de Gao qui s’imposa à la région à la fin de notre Moyen Âge avant d’être détruit en 1591, lors de la bataille de Tondibi, par le pacha marocain Djouder. Les Dogon ou Hambé demeurent sans doute le peuple du Mali le plus connu hors d’Afrique dans la mesure où le maintien d’une forte originalité culturelle et de traditions tout à fait particulières a attiré depuis longtemps sur lui la curiosité et l’intérêt des ethnologues. Formant à peu près 5 % de la population totale du pays, ils sont concentrés dans la région qui se trouve au sud est de Mopti, le coeur du pays dogon correspondant aux fameuses falaises de Bandiagara si prisées par les touristes. Installés sur des plateaux coupés de ravins dominés par des falaises abruptes, les Dogon ont particulièrement retenu l’attention des ethnologues – dont le plus célèbre demeure Marcel Griaule – qui ont révélé la complexité de leur représentation du monde. Ils sont venus à l’origine du Sahara, de l’actuelle région de Tichit, pour constituer une société théocratique tout à fait originale dans laquelle le pouvoir est partagé entre un grand-prêtre, revêtu d’une puissance sacrée, et un conseil des Anciens. Cette population vaut par l’originalité de ses habitations, littéralement accrochées aux versants rocheux qui lui servent de refuge, et par une religion riche d’une cosmogonie tout à fait originale et d’une croyance en l’immortalité de l’âme, vouée pour une part à rejoindre le monde des ancêtres défunts et pour une autre à recommencer son existence à travers la descendance que les femmes donnent au clan. Un dieu créateur est à l’origine des principes mâle et femelle qui commandent la vie mais les humains sont aussi en rapport avec une multitude de divinités secondaires. Les Sénoufo et les Minianka sont considérés comme appartenant à la même ethnie, établie dans les régions de San, Koutiala et Sikasso, au contact des frontières de la Côte-d’Ivoire et du Burkina Faso. Ils représentent environ 10 % de la population malienne et occupent une région fertile bénéficiant d’un volume de précipitations satisfaisant. Animistes, les Senoufo rendent un culte aux ancêtres et aux nombreux esprits qui, selon eux peuplent le monde environnant. Comme pour les Dogon, les ethnologues ont retenu la richesse de leurs masques. Les Bobo (environ 2 % de la population malienne) occupent un territoire partagé entre Burkina Faso et Mali, limité à l’est par la Volta Noire, à l’ouest par le Bani, affluent du Niger, au nord par les falaises de Bandiagara et au sud par les cercles de Koutiala et Sikasso. Ils auraient été refoulés dans leur habitat actuel par les Soninké et les Bambara. Le Mali compte d’autres groupes ethniques dont les effectifs apparaissent beaucoup plus limités. On peut ainsi mentionner les Diawara dont la langue est la même que celle des Sarakollé mais dont ils se distinguent par l’histoire et les coutumes. Ils sont installés dans les cercles de Nioro et de Nara, à l’ouest du pays, à proximité de la frontière mauritanienne. Décrits jadis par Charles Monteil, les Khassonké sont établis à l’est de Kayes et dans la région de Bafoulabé, c’est-à-dire à l’extrême ouest du pays. Les Bozo, qui représentent moins de 2 % de la population malienne sont des pêcheurs installés sur le haut Niger, dans le Macina et dans les régions de Ségou et de Mopti. Intervenus tardivement sur le territoire de l’actuel Mali lors des conquêtes réalisées dans la seconde moitié du XIXe siècle par El Hadj Omar et par son fils Ahmadou, les Toucouleurs, venus de l’ouest et dont le nom semble évoquer l’ancien royaume du Tekrour, bâtirent un empire qui englobait la majeure partie du pays (moins la zone saharienne et les régions les plus méridionales). Ils parlent la même langue que les Peuls.Si le français est la langue officielle de la république du Mali, le pays présente en même temps une grande diversité linguistique. En ce domaine, il est possible de distinguer six grandes familles : sémitique, représentée par l’arabe, hamitique avec le tamatchek des Touareg, tekrourienne avec la langue des Peuls et des Toucouleurs (dite poular ou foula), songhaï à l’origine de nombreux dialectes pratiqués dans toute la vallée du Niger, mandé qui compte le bozo, le soninké ou sarakollé, les dialectes mandingues khassonké, malinké et dioula, le dogon et, surtout, le bambara, langue indigène la plus utilisée. Les Maliens sont musulmans pour plus des deux tiers. Introduit au XIe siècle, l’Islam est devenu, avec les grands centres culturels que sont Tombouctou et Djenné, un élément essentiel de l’identité malienne. Comme c’est généralement le cas en Afrique noire, les confréries jouent ici un rôle important, notamment la Tidjania (chez les Touareg, les Maures, les Peuls du Macina et les Songhaï) et la Qadriya qui s’est surtout développée dans l’ouest du pays, en rapport étroit avec le Sénégal voisin. Le christianisme ne rassemble qu’environ 1 % des Maliens (dont plus de 80 % catholiques). L’animisme persiste chez certaines populations (Dogon, Senoufo, Minianka) et oppose une vigoureuse résistance à la progression de l’Islam dans les régions de San et de Bandiagara.

Des origines à la colonisation

Les régions qui constituent l’actuel Mali demeurent mal connues jusqu’au Moyen Âge et il faut attendre les sources arabes, notamment El-Bekri, Ibn Khaldoun, Idrisi et Ibn Batouta ainsi que les textes du Tarikh el Fettach et du Tarikh es Soudan pour glaner des informations précises à propos des royaumes nigériens qui se sont développés durant la période précoloniale. L’archéologie a cependant permis de reconstituer les principales étapes de l’évolution de ces régions au cours des temps pré- et protohistoriques. Les plus anciens objets attribués au Paléolithique ancien sont des galets aménagés découverts en 1988 sur les bords du Niger, à Farabana en amont de Bamako. Le plus ancien site préhistorique identifié est celui de Lagreich-Erar-rar, dans la vallée du Tilemsi, daté d’environ 280 000 ans. Il a livré des bifaces taillés dans le quartz, des hachereaux et divers autres outils de pierre. Un matériel différent s’impose ensuite entre -70 000 et -18 000 ans ; il s’agit d’un outillage lithique de type atérien, retrouvé en bordure des lacs qui parsemaient alors l’espace saharien. À l’inverse de la richesse des trouvailles réalisées en Afrique orientale ou au Tchad, le Mali apparaît très pauvre en restes humains fossiles. La paléontologie humaine y commence de fait avec l’homme d’Asselar, très récent, contemporain des débuts du Néolithique. Cette période commence il y a environ 6 000 ans, ce que révèle le site de Hassi-el-Abiod étudié au sud-ouest d’Arouane. Outillage lithique et gravures rupestres témoignent de la densité de l’occupation humaine au Néolithique, notamment dans la vallée du Tilemsi, dans la cuvette de Taoudeni et dans l’Adrar des Ifoghas. Des ateliers de taille de la pierre contemporains ont également été identifiés dans la zone des savanes méridionales, notamment dans la région de Bamako. L’agriculture, l’élevage et la céramique se développent alors. À partir de 1500 avant J.-C., on voit s’établir à travers le Sahara la « route des chars » (attelés de chevaux dont on trouve des représentations dans l’art rupestre contemporain). L’extraction du cuivre et la fabrication du bronze semblent absents mais le fer apparaît dès le milieu du premier millénaire avant J.-C., sans doute introduit par le peuple saharien des Garamantes. Les premières « villes », Dia et Djenné-Djeno (proche de l’actuelle Djenné) apparaissent dans le delta intérieur vers le IIIe siècle avant J.-C., ce qui montre que l’urbanisation a précédé, contrairement à l’idée reçue généralement admise, l’islamisation de ces régions. Gao est créée, selon la tradition, entre 670 et 690 de notre ère alors que Tombouctou naît d’un simple campement établi vers le XIIe siècle. IIIe siècle après J.-C. : Arrivée au Soudan du dromadaire, introduit en Égypte par les occupants perses au VIe siècle avant J.-C. VIIe siècle : L’astronome arabe Al-Fazari cite le premier le « Ghana, pays de l’or » dont nous parle également le géographe Ibn Hawqal. Ce royaume (souvent présenté comme un « empire », au même titre que ceux du Mali et du Songhaï) tire sa fortune de sa situation de point d’aboutissement des caravanes qui reliaient l’Afrique du nord aux régions soudanaises où arrivait l’or extrait plus au sud. Les sources disponibles ne permettent pas de reconstituer dans le détail l’histoire de cet État fondé au VIe siècle dont la population semble être demeurée très majoritairement animiste après la conversion à l’Islam de ses souverains dont plus de la moitié régnèrent avant le début de l’expansion musulmane… Cet État s’étendait à l’est jusqu’à Tombouctou et Djenné et fut ruiné par les Almoravides venus du nord de l’actuelle Mauritanie qui poussèrent au XIe siècle leurs conquêtes au sud du Sahara avant d’entreprendre celles du Maroc et d’une partie de l’Espagne. Les vainqueurs, qui ont fondé Marrakech et qui y ont installé leur capitale, tout comme les Almohades après eux, utilisent l’Afrique noire soudanaise comme pourvoyeuse d’or et de troupes. La capitale du Ghana se trouvait sur le territoire de l’actuelle Mauritanie, à Koumbi-Saleh qui fut pillée par les Almoravides en 1077. Ce Ghana historique n’a évidemment rien à voir avec le Ghana actuel, ainsi dénommé par Kwamé N’krumah, l’un des leaders du nationalisme africain, quand la Gold Coast britannique (qui correspondait en fait pour l’essentiel au territoire de l’ancien royaume ashanti) obtint son indépendance en 1957. L’empire du Mali, dont l’histoire s’étend du Xe au XVe siècle, a son origine dans le Samako, non loin de l’actuelle ville de Bamako à peu de distance en amont du confluent du Sankarani et du Niger. C’est à partir de là que se constitua un empire qui s’étendait à son apogée depuis l’Adrar des Ifoghas jusqu’à l’estuaire de la Gambie. Il est fondé par un certain Baramendena, de la famille des Keita qui se convertit à l’Islam vers 1050 alors que ses sujets demeurent animistes Il se rend en pèlerinage à La Mecque et prend au retour le titre de sultan. 1200 : Le roi Moussa Allakoï monte sur le trône et s’allie aux Almoravides maîtres du Maroc contre ce qui restait de la puissance du Ghana mais le souverain de ce royaume, Samangourou Kanté, bat et fait exécuter Naré Famagan, successeur de Moussa Allakoï, ainsi qu’une dizaine de ses fils. 1235 : Le dernier descendant de Samangourou Kanté, Keita Soundiata, remporte sur Samangourou la victoire de Kirina et peut venger le massacre de sa famille. Il installe ensuite sa capitale dans le village de Niani qui prend le nom de Mali (nom désignant l’hippopotame en bambara, ou mot peul équivalent au mot mandingue qui désigne le grand ensemble ethnique regroupant Bambara, Soninké et Malinké, eux-mêmes rassemblés dans l’empire historique du Mali). 1240 : Soundiata ruine Koumbi Saleh, prend le titre d’empereur et entreprend la conquête du Bambouk. Sous son règne, le commerce se développe ainsi que l’exploitation de l’or et la culture du coton. Une organisation militaire et administrative solide est mise en place. 1255 : Mort de Soundiata. Mansa Oulé, Ouati, Khalifa et Aboubakari lui succèdent mais ne peuvent éviter le développement des ferments d’anarchie. C’est un ancien esclave, Sakora, qui s’impose ensuite en 1285 et conquiert le Macina et le Tékrour. Les Toucouleurs du Sénégal et les Songhaï de Gao doivent reconnaître son autorité mais il est assassiné en 1300 en Somalie, au retour du pèlerinage de La Mecque. 1300 : La dynastie des Keita récupère le pouvoir avec Gaou, Mamadou et Aboubakari II dont on dit qu’il périt après s’être embarqué sur l’océan à la tête d’une expédition de pirogues. 1312-1332 : Règne de Kankan Moussa, fils d’Aboubakari II. Il porte à son apogée la puissance du Mali dont le territoire s’étend alors du Fouta Djalon à Agadès et sur les anciens royaumes du Ghana et des Songhaï. 1324 : Kankan Moussa se rend en pèlerinage à La Mecque et dispense de multiples prodigalités, notamment en Égypte. Il ramène avec lui l’architecte andalou Abou Ishaq es-Saheli qui construit les mosquées de Gao et de Tombouctou. Des lettrés maghrébins viennent s’installer à Djenné et à Tombouctou. 1332-1336 : Règne de Maghan, l’empire Songhaï reprend son indépendance. 1339 : Sept ans après la mort de Kankan Moussa, c’est le célèbre voyageur tangitan Ibn Batouta qui se rend au Mali, sous le règne de Mansa Souleymane (1336-1359). 1339 : L’empire du Mali apparaît dans l’Atlas catalan de Charles V, qui précise que son roi « est le plus noble et le plus riche de toute cette région pour l’abondance de l’or que l’on trouve sur sa terre ». 1359-1374 : Règne de Kamba. Mossi et Touareg menacent les périphéries orientale et septentrionale de l’Empire. 1374-1387 : Règne de Moussa II. Maghan II monte sur le trône en 1390. 1435 : Les Touareg et leur chef Akil s’emparent de Tombouctou. 1545 : Daoud, frère de l’Askia de Gao, prend Mali, la capitale de l’empire. Celui-ci se réduit progressivement au territoire de son noyau originel, menacé par le Songhaï à l’est et par les Peuls à l’ouest. 1630 : Les Peuls du Macina et les Bambara de Ségou ravagent ce qui reste de l’empire du Mali. 1667 : Le dernier souverain mandingue du Mali, Mama Maghan, assiège Ségou mais doit renoncer et reconnaître sa défaite en 1670. Il se retire à Kangaba, réduit au rang d’un simple chef local. À cette époque, l’empire du Mali n’est plus qu’un souvenir. Au cours de la période qui suit, ce sont les Bambara de Ségou qui s’imposent comme la puissance dominante dans la région. Le fondateur de leur royaume, établi dans le delta central du Niger, est Kaladian Coulibaly dont le fils, Danfassari, a créé la capitale de Ségou Koro à proximité de l’actuelle Ségou. 1712-1755 : Règne à Ségou de Mamari Coulibaly, connu aussi sous le nom de Biton. Il constitue une puissante armée, formée en majorité d’esclaves et de prisonniers et étend régulièrement ses conquêtes. 1755-1757 : Dikoro, fils aîné de Mamari Coulibaly, ne règne que deux ans avant d’être assassiné par les hommes de sa propre garde personnelle. Son frère Bakari Ali lui succède mais est tué à son tour par sa garde qui porte au pouvoir l’un des siens, Tom Mansa, assassiné à son tour. Milieu du XVIIIe siècle : Un descendant de Manka Diabakaté Traoré – qui s’était imposé aux Senoufo des territoires correspondant actuellement au Burkina Faso et au nord de la Côte-d’Ivoire, vient s’installer dans la région de Finkolo à proximité de Sikasso pour asservir tous les Senoufo qui s’y trouvaient et créer ainsi le royaume de Kénédougou. 1760 : Ngolo Diara devient roi de Ségou, conquiert Djenné et Tombouctou, restaure la capitale de Ségou Koro qui avait été abandonnée et fonde une dynastie qui durera jusqu’en 1862. 1790 : C’est le second fils de Ngolo Diarra, Monzon, qui lui succède. Il fait campagne contre les Mossi, dans le Kaarta et dans le Beledougou. Sa mort, survenue en 1802, marque le début d’un déclin irréversible pour le royaume bambara de Ségou finalement conquis par El Hadj Omar en 1862. 1817 : Cheikou Hamadou conduit la révolte contre les Peuls du Macina et fonde un État théocratique dont la capitale, Handallahi, est installée près de Mopti. Champion d’un Islam puritain, il organise rigoureusement la région et sédentarise les Peuls. Il meurt en 1844. Son fils, puis son petit-fils lui succèdent mais le royaume ainsi constitué est envahi en 1862 par El Hadj Omar. 1862 : Originaire du Sénégal et fondateur de l’Empire toucouleur, El Hadj Omar (1794-1864) qui est aussi le chef de la confrérie tidjane, réussit à s’imposer aux Bambara de Ségou et du Kaarta (dès 1856) puis aux Peuls du Macina en 1864, avant de mourir la même année à Bandiagara.1865 : Samory Touré, qui prétend être une réincarnation du grand souverain mandingue Soundiata, fonde le royaume du Ouassalou. Il doit lutter à l’est contre le roi de Sikasso et au nord contre les Français qui entament alors leur pénétration du Soudan nigérien. Despote dont la puissance reposait sur le trafic d’esclaves, il apparaît ensuite comme l’un des champions de la résistance africaine à la colonisation. Il est pris par les Français en 1898 et exilé au Gabon où il meurt en 1900 mais ce sont surtout l’est de la Guinée et le nord de la Côte-d’Ivoire qui constituent le théâtre de ses exploits, dans une moindre mesure le sud du Soudan français appelé à devenir le Mali.

La découverte par les Européens et la conquête

Il faut attendre le XIXe siècle pour que débute la pénétration méthodique de l’intérieur de l’Afrique occidentale par les Européens qui se sont contentés jusque-là de fréquenter ses côtes et d’y établir des comptoirs. En 1413, le noble toulousain Anselme d’Isalguier rejoint les rives de la Garonne après avoir séjourné à Gao, un séjour dont la réalité demeure discutée. La même année, le géographe juif majorquin Mecia de Villadestes dessine une carte de l’Afrique occidentale sur laquelle il mentionne la capitale de l’empire songhaï. En 1470, le Florentin Beneditto Dei se rend à Tombouctou qu’atteint également en 1618 Paul Imbert, originaire des Sables-d’Olonne, à l’occasion d’une expédition militaire marocaine poussée jusqu’aux rives du Niger. En 1690, Jajolet de la Courbe, directeur à Saint-Louis de la Compagnie du Sénégal, de la côte de Guinée et d’Afrique, atteint les chutes du Félou, aux portes du Soudan. En 1719, le minéralogiste Compagnon reconnaît la région aurifère du Bambouk et le commis Tinstall de la Tour atteint Khasso, sans pouvoir pousser jusqu’à Tombouctou. Le Bambouk et les régions voisines sont ensuite explorées par Estoupan de la Brue en 1746, par Duliron l’année suivante, par Aussenac et Doit en 1756. L’époque de la Révolution française et de l’Empire – qui voit les Anglais profiter de la guerre pour s’installer au Sénégal – marque le début des entreprises d’exploration de l’intérieur encouragées par l’African Society londonienne. 1791 : Le major anglais Houghton meurt à Nioro après avoir visité la vallée de la Falémé et les régions aurifères de l’ancien royaume du Bambouk. 1795 : L’Écossais Mungo Park atteint le royaume bambara de Kaarta. Il ne peut entrer à Ségou mais va jusqu’à Bamako avant de revenir en Gambie par le pays mandingue et la vallée de la Falémé. 1805 : Au cours d’un deuxième voyage, Mungo Park se rend de nouveau à Bamako, puis atteint Sansanding avant de mourir noyé dans les eaux du Niger, à hauteur des rapides de Boussa. 1818 : Le docteur Dossard arrive à Bamako. Gaspard Mollien, parvenu au Soudan en remontant la vallée du Sénégal jusqu’au Fouta Djalon, explore le Galam et le Bambouk. 1826 : Le major Gordon Laing, qui vient de Tripoli, atteint Tombouctou avant d’être assassiné par ses guides arabes sur le chemin du retour. 1828 : Le Français René Caillié, parti de la côte guinéenne le 19 avril 1827, se rend à Djenné, puis à Tombouctou où il arrive le 20 avril 1828 avant de regagner la France par le Maroc. 1843-1847 : L’explorateur français Anne Raffenel séjourne au Kaarta. 1850-1855 : Voyage de l’Allemand Heinrich Barth qui décrit le premier le delta central du Niger et les falaises du pays dogon. Parvenu à Tombouctou en septembre 1853, il y séjourne huit mois. Un autre Allemand, Oscar Lenz, est le premier Européen à le suivre à Tombouctou en 1880. 16 décembre 1854 : Le chef de bataillon Faidherbe est nommé gouverneur du Sénégal, fonction qu’il exerce jusqu’en décembre 1861 et qu’il reprend de juillet 1863 à juillet 1865. C’est au cours de son deuxième gouvernement qu’il s’attache à réaliser la liaison du Sénégal au Niger. 1854 : Le marabout et chef de guerre El Hadj Omar bat les Bambara et s’empare de Nioro. 13 septembre 1855 : Faidherbe, qui entend conjurer la menace que fait peser sur le Sénégal l’empire toucouleur d’El Hadj Omar, établit à Médine un fort dont la construction est terminée au début de 1856. Il s’agit de contrôler le petit royaume du Khasso, au terminus de la navigation sur le Sénégal coupé plus en amont par des chutes. Avril-juillet 1857 : Les troupes d’El Hadj Omar assiègent sans succès Médine que viennent secourir à temps les renforts conduits par Faidherbe. Deux ans plus tard, la colonie du Sénégal est complètement à l’abri de la menace d’El Hadj Omar qui disparaît en 1864, après avoir dû faire face aux Peuls du Macina et aux Bambara de Ségou. 21 juillet 1857 : Décret organisant, dans la colonie du Sénégal, un corps d’infanterie indigène dit « bataillon de tirailleurs sénégalais » qui sera fort de six compagnies en 1861. Ultérieurement, ces troupes « sénégalaises » seront en fait majoritairement recrutées chez les Bambara et chez les populations voltaïques. Février 1864-mai 1866 : Le lieutenant Mage et le docteur Quintin séjournent à Ségou avant de regagner Saint-Louis par Médine et Nioro. Ils tentent en vain de conclure un traité avec Ahmadou, le fils d’El Hadj Omar qui est mort en février 1864 près de Bandiagara. 1868 : Création de la province apostolique du Sahara et du Soudan où les missionnaires catholiques vont se montrer très actifs à partir de la fin du siècle. 1868 : Publication du Voyage au Soudan occidental du lieutenant Mage. L’ouvrage permet aux Européens de découvrir l’empire toucouleur de Ségou. 1865-1869 : Gouvernement de Pinet-Laprade au Sénégal, à qui succède le colonel Valière de 1869 à 1876, puis le colonel Brière de l’Isle de 1876 à 1881. Décembre 1875 : Trois Pères blancs, les pères Paulmier, Bouchaud et Ménoret, partis d’Algérie pour gagner Tombouctou, sont assassinés par leurs guides. En 1878, les pères Richard, Morat et Pouplard, partis de Ghadamès pour gagner la grande cité soudanaise sont massacrés à leur tour. 22 septembre 1878 : Prise de Sabouciré par les Français ; la route du Niger leur est désormais ouverte. 1878-1879 : L’explorateur Soleillet se rend de Saint-Louis du Sénégal à Ségou pour y conclure un traité de commerce et d’amitié avec Ahmadou, le fils d’El Hadj Omar. 1879 : Création par le capitaine Gallieni du poste de Bafoulabé, au confluent du Bakoye et du Bafing, une étape de la liaison à venir entre le cours supérieur du Sénégal et le delta central du Niger. L’année suivante, le gouverneur du Sénégal, Brière de l’Isle, envoie Gallieni à Ségou. Parti de Saint-Louis le 8 février 1880, il signe le traité plaçant Kita sous le protectorat français mais les Bambara l’attaquent et Ahmadou lui demande de s’arrêter avant Ségou. Il reste ainsi immobilisé à Nango de juin 1880 à mars 1881. 1880 : Voyage de l’explorateur autrichien Oskar Lenz du Maroc à Tombouctou et de Tombouctou à Médine et Saint-Louis. 6 septembre 1880 : Création du commandement supérieur du Haut-Fleuve qui a son siège à Médine. Il est transféré à Kayes dès l’année suivante. Le futur Soudan dépend encore du Sénégal, son territoire se séparant cependant de la colonie du Sénégal au confluent de la Falémé avec le grand fleuve et n’ayant pas de limites fixées vers l’est. C’est le lieutenant colonel Borgnis-Desbordes qui reçoit le commandement du territoire le 1er janvier 1881. Le 17, il arrive à Bafoulabé, puis le 7 février à Kita où il a décidé la création d’un poste. 16 février 1881 : Le massacre par les Touareg de la mission Flatters condamne pour longtemps les projets de chemin de fer transsaharien, ce qui favorise indirectement les projets de liaison entre Sénégal et Niger. Février-mars 1881 : Premiers combats entre les troupes françaises et celles de l’almamy Samory Touré, dans la partie orientale du pays mandingue. C’est le début d’une lutte qui s’étend sur les dix-sept années suivantes. Les troupes de Samory sont dispersées en avril 1883 par Borgnis-Desbordes le long de l’Oyako, à quelques kilomètres au sud de Bamako. 26 février 1881 : Une loi accorde les crédits permettant d’entamer la construction de la ligne devant relier le Sénégal au Niger. 21 mars 1881 : Gallieni, qui a reçu à Nango le traité signé le 10 mars par Ahmadou, retrouve Borgnis-Desbordes à Kita. Il apparaît alors que, en jouant de la traduction en arabe, le traité consenti par Ahmadou est très en deçà des exigences françaises. 20 juillet 1881 : La région située entre Sénégambie et Niger devient la région du Haut-Fleuve ; son chef-lieu est Kayes. 1881-1904 : Réalisation du chemin de fer Kayes-Niger, qui permet de désenclaver les régions du cours supérieur du fleuve, progressivement soumises à la France durant cette même période. 1882 : Ouverture à Kita, à l’initiative du capitaine Piétri, de la première école française au Soudan. Une « école des otages » est organisée à Kayes en 1886, elle devient « école des fils de chefs » en 1895 puis, transférée à Bamako, « école professionnelle » en 1915, puis « école primaire supérieure » en 1923, « collège classique et moderne » en 1947 et enfin lycée Terrasson-de-Fougères en 1950. 1er février 1883 : Le Niger est atteint par les Français et, peu après, Borgnis-Desbordes établit un poste à Bamako. 1883-1884 : Le commandant Boylève succède pour un an à Borgnis-Desbordes. Il sera remplacé par le commandant Combes en 1884-1885, puis par le lieutenant-colonel Frey en 1885-1886. 19 avril 1883 : Le télégraphe atteint Bamako. Il atteint Bandiagara et Tombouctou en 1899, puis Sikasso en 1903. Décembre 1883 : Le Parlement français refuse de voter les crédits permettant la poursuite de la construction du chemin de fer parvenu seulement à 17 km de Kayes, dans l’est du Sénégal. 1884 : L’enseigne de vaisseau Froger amène à Bamako la canonnière le Niger, un bâtiment démontable que l’on peut transporter pour éviter les rapides. 26 février 1885 : L’acte final de la conférence coloniale de Berlin reconnaît implicitement la souveraineté de la France sur le Haut et Moyen Niger. 1885 : Le lieutenant de vaisseau Davoust, qui commande le Niger, atteint Diafarabé, entre Ségou et Mopti. juin 1885 : Les Français du commandant Combes doivent se replier à l’issue du combat livré à Niagassola, dans le nord-ouest du pays mandingue, aux troupes de Samory. Ils prennent leur revanche en janvier 1886, ce qui débouche sur la signature du traité de Kéniéba-Koura, non ratifié par Paris en raison de ses imprécisions. 1886 : Le lieutenant-colonel Gallieni prend le commandement du Haut-Fleuve qu’il exerce jusqu’en 1888. Il va profiter de la division des quatre royaumes issus de l’empire d’El Hadj Omar sur chacun desquels régnait l’un des descendants du conquérant, Aguibou à Dinguiraye, Madani, fils d’Ahmadou, à Ségou, Tidiani, neveu d’El Hadj Omar dans le Macina, enfin Ahmadou à Nioro, la capitale du Kaarta. 25 mars 1887 : Le traité de Bissandougou est signé par Samory et le capitaine Péroz. Il reconnaît à la France les droits qu’elle revendique sur la rive gauche du Niger et de son affluent, le Tinkisso, en même temps que l’almamy accepte de placer ses États sous le protectorat français. Pour concrétiser cet accord, un poste est créé à Siguiri, sur la rive gauche du Niger. Le traité est confirmé par la convention de Niako conclue en 1890. 1887-1889 : Voyage d’exploration du lieutenant Binger, de Bamako au golfe de Guinée par Sikasso, Kong et Ouagadougou jusqu’à Assinie. 12 mai 1887 : Après Aguibou, qui a accepté le protectorat français l’année précédente, Ahmadou signe le traité de Gouri qui établit une trêve avec les Français. 15 juillet 1887 : Le lieutenant de vaisseau Caron atteint Mopti à bord de la canonnière Mage et s’avance en août tout près de Tombouctou où il ne peut entrer du fait de l’hostilité manifestée par les Touareg. 1888 : Gallieni quitte le Soudan où le colonel Archinard lui succède avec le titre de commandant supérieur du Soudan français. La même année le chemin de fer atteint Bafoulabé. 1888-1893 : Le commandant, promu ensuite lieutenant-colonel, colonel puis général Archinard exerce le commandement supérieur du Haut-Fleuve qui devient commandement supérieur du Soudan français. Il est le véritable conquérant du Soudan. Février 1889 : Aguibou évacue Dinguiraye pour se replier sur la place de Koundian qui est prise par les Français. Il se soumet alors de manière définitive. 6 avril 1889 : Prise de Ségou par les Français, suivie de celle de Nioro le 1er janvier 1891 puis de celles de Djenné et de Bandiagara en 1893. À Ségou, Madani est remplacé par un héritier légitime de la dynastie bambara auprès duquel est établi un résident français, le capitaine Underberg. 24 mai 1890 : Archinard et Samroy signent la convention de Niako, qui fixe les frontières séparant le Soudan français des territoires de l’almamy 29 mai 1890 : Mari Diara, le roi mis en place par les Français à Ségou, complote contre eux et le capitaine Underberg le fait fusiller. On installe sur le trône un chef bambara du Kaarta, Bodian Koulibali, qui fait l’unanimité des populations indigènes contre lui, ce qui entraîne une révolte générale contre l’autorité française. 18 août 1890 : Dénommée désormais Soudan français, la région du Haut-Fleuve gagne son autonomie par rapport au Sénégal voisin. 1890 : Ouverture à Kayes du premier poste de santé (dit aussi « ambulance »). Les premiers pavillons de l’hôpital de Bamako commencent à fonctionner en 1913. 28 mars 1891 : Samory ayant dénoncé le traité de Bissandougou et la convention de Niako, Archinard franchit le Niger le 30 à Niantokoro pour atteindre Bissandougou en avril, contraignant l’almamy à la fuite. 1890-1892 : La mission du commandant Monteil relie Saint-Louis à Tripoli par le lac Tchad. Monteil quitte Ségou le 23 décembre 1890 et passe par Sikasso pour atteindre Say. 9 janvier 1892 : Le colonel Humbert, nouveau commandant supérieur du Soudan français, engage une nouvelle campagne contre Samory. La citadelle de Toukoro est enlevée le 13 février 1892 alors que Samory est obligé de se replier vers l’est et le sud-est sur les territoires correspondant au nord de l’actuelle Côte-d’Ivoire. 28 février 1892 : Les Minianka entrés en rébellion emportent le poste de Bla tenu par des auxiliaires bambara. 22 avril 1892 : Le capitaine Briquetot met en déroute les rebelles Peuls qui ont tué, le 19 avril, le lieutenant Huillard près de Soba, entre Niger et Bani. Le commandant Bonnier les bat de nouveau en juin mais ils ont rallié les Minianka insurgés. Bonnier bat ensuite des groupes bambara gagnés eux aussi à l’insurrection. 27 août 1892 : Création de la colonie du Soudan. Détachée du Sénégal, elle est désormais complètement autonome et relève directement du gouvernement métropolitain. Décembre 1892 : Échec du lieutenant Cailleau contre les Minianka insurgés. Archinard met fin à la révolte en mars 1893 et place Ségou sous administration directe. Février-mars 1893 : Nouvelle campagne du lieutenant-colonel Combes contre Samory, qui réussit à s’échapper en dispersant ses troupes. 12 avril 1893 : Prise de Djenné par Archinard. Il gagne ensuite Mopti et y proclame roi du Macina Aguibou, le propre frère d’Ahmadou. Bandiagara est occupé le 28 avril. 19 mai 1893 : Le capitaine Blachère inflige une ultime défaite aux partisans d’Ahmadou. Leur chef doit s’enfuir vers l’est, vers les monts de Hombori, puis au-delà du Niger avant d’aller se fixer dans la région de Sokoto, hors des territoires sous contrôle des Français. 21 novembre 1893 : Un civil, Albert Grodet, est nommé gouverneur du Soudan. Dès le 26 décembre, il ordonne au lieutenant-colonel Bonnier de suspendre les opérations militaires. 16 décembre 1893 : Le lieutenant de vaisseau Boiteux occupe Tombouctou mais l’enseigne de vaisseau Aube est assassiné le 25 décembre à Kabara, l’avant-port de la ville. 6 janvier 1894 : La colonne du lieutenant-colonel Bonnier arrive devant Tombouctou qu’elle dégage sans difficultés mais elle est anéantie le 16 à Takoubao par les Touareg. C’est le commandant Joffre qui rétablit la situation en infligeant une défaite complète aux Touareg le 24 à Niafounké. Il poursuit les bandes rebelles au cours des mois suivants. 10 juillet 1894 : Joffre quitte Tombouctou après y avoir solidement établi l’autorité française mais son successeur, le colonel Ebener, reçoit en août du gouverneur Grodet l’ordre de rester sur la défensive, ce qui ne peut qu’encourager la poursuite de la dissidence. 16 juin 1895 : Décret de création du gouvernement général de l’Afrique-Occidentale française dont fait partie le Soudan français jusqu’alors administré par le lieutenant-gouverneur résidant à Kayes, d’abord capitale du Haut-Sénégal-Niger avant de devenir celle du Soudan jusqu’en 1907, date à laquelle elle est abandonnée au profit de Bamako. 1895-1899 : Le colonel de Trentinian exerce les fonctions de gouverneur du Soudan. Il crée de nouveaux postes, divise la colonie en cercles bien délimités et donne des instructions précises quant à la conduite à tenir avec les indigènes et en vue de la mise en valeur économique du pays. 1895 : Venus du Sénégal, les Pères blancs fondent à Ségou la première mission catholique du pays avant de s’installer à Kati. Les Sœurs blanches s’établissent à leur tour au Soudan à partir de 1897. 1er mars 1896 : Le colonel de Trentinian reçoit à Goundam la soumission des Touareg Tenguéréguif. 1896 : Mission de reconnaissance du Niger moyen et inférieur du lieutenant de vaisseau Hourst, qui prend contact avec les Touareg Oulliminden. Juin 1897 : Massacre par les Touareg, à proximité de Tombouctou, d’un peloton de spahis commandé par les lieutenants de Chevigné et de La Tour de Saint-Ygest. L’expédition punitive conduite par le commandant Klobb permet de dégager les abords du fleuve jusqu’à Bourem, en aval de Tombouctou. 1897 : Le capitaine Betbeder occupe Say où le lieutenant Pelletier établit un poste. 20 août 1897 : Massacre de la mission du capitaine Braulot venu négocier un traité de protectorat avec Samory par les troupes de l’almamy. 29 septembre 1897 : Échec des négociations conduites avec Samory à Dabakala (dans la région voltaïque) par les envoyés français Nebout et Le Fillâtre. 1897 : Fondation d’un poste à San, près de Ségou, sur la rive droite du Bani. 1er mai 1898 : Prise de Sikasso par les Français. Le roi Ba Bemba, qui avait refusé quelques mois plus tôt au capitaine Morisson l’installation auprès de lui d’un résident français, se fait sauter dans son magasin à poudre plutôt que de se rendre. 29 septembre 1898 : Capture de Samory à Gueloumou par le capitaine Gouraud. 1898 : Création par le lieutenant de Gail d’un premier peloton de méharistes dans la région de Tombouctou. 1er janvier 1899 : Le lieutenant-colonel Klobb établit un fort à Gao puis un autre peu après à Ansongo, en aval sur le Niger. Deux autres sont établis ensuite, toujours plus en aval, à Dounzou et à Tillabéry. 12 mars 1899 : La voie ferrée atteint Toukoto, à mi-chemin entre Kayes et Bamako. 14 juillet 1899 : Mort du colonel Klobb, tué à Dankori alors qu’il était à la poursuite de la mission Afrique centrale des capitaines Voulet et Chanoine qui semait la dévastation sur son passage. Venue du Soudan, la mission devait rejoindre sur les rives du lac Tchad la mission Foureau-Lamy venue d’Algérie à travers le Sahara et la mission Gentil venue du Congo par l’Oubangui et le Chari ; après la mort de Voulet et de Chanoine, tués par leurs tirailleurs, les lieutenants Joalland et Meynier prennent le commandement de la mission Afrique centrale et s’emparent d’Agadès avant de rejoindre les deux autres missions au bord du Tchad en février 1900 pour en finir avec Rabah, le marchand d’esclaves qui dominait alors toute cette région d’Afrique centrale. 17 octobre 1899 : Un décret partage les régions les plus occidentales et les plus méridionales du Soudan entre Sénégal, Guinée, Côte-d’Ivoire et Dahomey et crée deux territoires militaires englobant les régions de Tombouctou, de la Volta (qui a alors son centre à Bobo Dioulasso) et de Zinder. Les « territoires du Haut-Sénégal et du Moyen-Niger » sont rattachés au Sénégal et administrés par un délégué du gouverneur de cette colonie dont la résidence est établie à Kayes. Cette fonction est confiée à William Merlaud-Ponty qui l’exerce jusqu’en 1908 pendant que le colonel Vimard succédait au général de Trentinian. 2 juin 1900 : Mort de Samory en exil au Gabon, sur l’île de Missanga, sur l’Ogooué. 1er octobre 1902 : L’ancien Soudan français reçoit le nom, à l’issue d’une nouvelle transformation administrative, de « territoire de la Sénégambie et du Niger ». Le délégué de Kayes dépend désormais du gouverneur de l’Afrique-Occidentale, distinct du gouverneur du Sénégal.26 décembre 1902 : Le Macina est soumis au régime de l’administration directe. Écarté du pouvoir, Aguibou – qui avait vu se concentrer sur sa personne l’hostilité que les Peuls vouaient aux Toucouleurs et la haine de ces derniers qui lui reprochaient d’avoir trahi Ahmadou – se voit offrir par les Français une retraite dorée ; il meurt en 1908.

Le Soudan français au sein de l’Afrique occidentale française

23 janvier 1903 : Soumission des Touareg Oulliminden de l’aménokal Firhoun qui était entré en dissidence l’année précédente. Illi, le chef des Ifoghas, en fait autant et un poste est créé sur son territoire, à Kidal. Dans le même temps, Moussa ag-Amastane, l’aménokal des Hoggar, demeure l’ami de la France. 16 avril 1904 : Rencontre au puits d’Itmiaouine du colonel Laperrine et du capitaine Théveniaut ; c’est la première jonction – depuis les retrouvailles sur les bords du lac Tchad en 1900 de la mission Joalland-Meynier et de la mission Foureau-Lamy – des troupes venues d’Algérie et de celles venues du Soudan. Les deux officiers fixent la frontière des deux territoires entre le lieu de leur rencontre et le puits d’In Ouzel situé au nord-est. 18 octobre 1904 : Nouveau décret réorganisant le gouvernement général de l’Afrique-Occidentale française et redonnant ses anciennes limites au Soudan français, rebaptisé « Haut-Sénégal et Niger ». 2 décembre 1904 : Les capitaines Aguttes et Prokos dispersent près de Tombouctou les pillards Oulad Djerrir qui cherchent refuge dans le désert. 10 décembre 1904 : Le chemin de fer du Sénégal au Niger atteint son terminus à Koulikoro en aval de Bamako, reliant ainsi les 555 km séparant ce lieu de Kayes, son point de départ. 1905 : Instauration en Afrique-Occidentale française de l’Assistance médicale indigène. 1906 : Rencontre au puits de Guettara du capitaine Laperrine, parti d’In Salah dans le sud algérien, et du lieutenant Cortier, parti de Bou Djebiha non loin de Tombouctou. Cette liaison établie entre Algérie et Soudan est complétée l’année suivante par la rencontre, le 28 avril 1907, à Timiaouine, du capitaine Arnaud, parti lui aussi d’In Salah, et de deux pelotons de méharistes venus du Soudan. Le 8 décembre de cette même année 1907, Félix Dubois termine à Tombouctou un voyage commencé à Alger après avoir traversé tout le Sahara sans escorte militaire. 1908 : Rébellion des Dogon de la falaise de Bandiagara. 1908 : Installation à Bamako des autorités administratives. C’est le gouverneur Clozel qui a en charge le territoire de 1908 à 1915. Il est ensuite remplacé jusqu’en 1918 par le gouverneur Antonetti. 1908-1915 : William Merlaud-Ponty exerce les fonctions de gouverneur de l’Afrique-Occidentale française. Lui succèdent le gouverneur Clozel, puis le gouverneur Van Vollenhoven en 1917. Ponty et Van Vollenhoven réagissent vigoureusement contre les tentations d’administration directe dont les résultas ne pouvaient être que superficiels. Ils recommandent notamment de nommer les chefs d’après les règles coutumières et de les recruter uniquement – c’est ce que l’on a appelé la « politique des races » – dans les groupes ethniques sur lesquels ils sont appelés à exercer leur commandement. 1908-1914 : Quinze bataillons de « tirailleurs sénégalais » (qui sont en fait recrutés principalement chez les Bambara et les Mossi) sont engagés dans les opérations conduites au Maroc. Les autorités françaises ont évalué, dès 1910, à l’initiative du colonel Mangra, l’apport en effectifs que pouvait représenter l’exploitation des ressources humaines de la région soudanaise et voltaïque. 30 000 combattants sont ainsi disponibles quand éclate la guerre de 1914. Plus de 70 000 autres sont recrutés en 1915 et 1916, date à laquelle l’apparition de mouvements de révolte contre la conscription conduit le commandement français à y renoncer. 10 juin 1908 : Le colonel Laverdure, commandant du territoire de Tombouctou-Niamey, bat les Touareg Igouadaren, Kel-Temoulaït et Imdedren à Banei. 1909 : Le gouverneur Clozel réorganise la police des régions sahariennes en installant dans le désert les formations méharistes qui agissaient auparavant à partir de la région du fleuve, en réaction contre les rezzous, une fois perpétrés les pillages de ceux-ci. Pour contrer la menace en amont, la section méhariste de Gao est ainsi déplacée à Kidal et celle de Tombouctou – dont les effectifs sont quadruplés – à Araouane. Cette dernière était surtout chargée de surveiller les caravanes transportant le sel de Taoudeni. À partir de 1909, les courriers transsahariens fonctionnent régulièrement entre l’Algérie et le Soudan, d’In Salah à Gao. 3 novembre 1909 : L’administrateur Veyres, adjoint des affaires indigènes de l’administrateur d’Arbousier, commandant du cercle de Bandiagara, est surpris et tué à Kinian par des Habé insurgés. Le commandant Cazeaux est chargé de briser la révolte mais n’y parvient, sur un terrain très accidenté, qu’en 1910 avec la prise du village de Kinian. 29 novembre 1909 : Le capitaine Grosdemange est tué après avoir surpris des pillards Kounta et Beraber au puits d’Achourat. Le rezzou est finalement dispersé. Juin 1910 : La région de Tombouctou est détachée du territoire militaire du Niger, dont le chef-lieu est reporté de Niamey à Zinder et qui constitue désormais une entité distincte, tout en relevant encore de l’autorité du lieutenant-gouverneur du Haut-Sénégal et du Niger. En 1911, le territoire militaire est détaché de la colonie du Haut-Sénégal et Niger (dénommée précédemment Soudan français) pour devenir, comme la Mauritanie, une unité administrative autonome dont le commandement est confié à un commissaire du gouvernement général. 1911 : L’émir de l’Adrar, chassé de Mauritanie par l’armée française, se réfugie au Soudan où il est fait prisonnier. Un poste militaire est établi à Oualata. 1912-1919 : Georges Hardy – avant de prendre en 1926 la direction de l’École coloniale – dirige l’instruction publique en AOF où trois arrêtés pris en 1903 ouvrent en théorie l’école primaire à tous les enfants. (25 000 garçons et filles, les premiers en écrasante majorité, fréquentent l’école primaire en AOF en 1922, auxquels il faut ajouter 5 000 élèves accueillis dans les écoles chrétiennes). Le gouverneur William Merleau-Ponty organise alors à Gorée une École normale supérieure où sont formés instituteurs et médecins africains. Octobre 1914 : Révolte des Oulimidden de l’aménokal Firhoun, à l’appel du marabout Mohammed Alamine qui prêche qu’il faut profiter de la guerre européenne pour en finir avec les Français. Le 3 novembre, le capitaine Ferron s’empare de Firhoun. Celui-ci est condamné, ainsi que plusieurs notables touareg, à dix ans de prison en janvier 1915. Sa peine est réduite de moitié en juin et il est rétabli dans ses fonctions en janvier 1916 par une grâce du président de la République Raymond Poincaré. Les Français avaient en effet constaté qu’il n’avait pas été le principal instigateur de la révolte mais Firhoun s’évade avant d’avoir reçu l’avis de sa grâce et entame la guerre sainte. 9 octobre 1915 : Un décret déclare mobilisable tout indigène âgé de dix-huit ans. 1915-1916 : Les autorités françaises sont confrontées à des mouvements de révolte engendrés par la conscription, spécialement chez les Bambara et les Bobo. Les chefs de cette dernière rébellion sont exécutés à Tominian. 1915 : Fondation à Dakar, à l’initiative du gouverneur Clozel, du Comité d’études historiques et scientifiques de l’Afrique-Occidentale française. 9 mai 1916 : Le capitaine Loyer surprend Firhoun au confluent de l’oued Azaouak et de l’oued Assakaré et met ses troupes en déroute. Le chef touareg est tué le 25 juin dans le Hoggar. 1er septembre 1916 : Soumission générale à Gao des Touareg Oulimidden. 1917 : Le gouverneur Jost van Vollenhoven succède à François Clozel. Il démissionne en février 1918 avant d’être tué le 18 juillet suivant sur le front de France, à Longpont, où il servait comme capitaine dans le Régiment d’infanterie coloniale du Maroc. Il avait démissionné car il était convaincu que la poursuite du recrutement de tirailleurs indigènes était susceptible de nuire à l’effort économique demandé à l’AOF. Le nouveau recrutement décidé par le gouvernement Clemenceau et réalisé pendant le premier semestre de 1918 procure 63 000 hommes supplémentaires. 14 janvier 1918 : Des conditions particulières sont définies pour faciliter l’accès à la citoyenneté française des indigènes ayant combattu durant la guerre de 1914-1918, sous réserve qu’ils renoncent au statut personnel musulman (soumis désormais à la loi française, les intéressés doivent renoncer au droit musulman, notamment à la polygamie). 1918 : Le député du Sénégal Blaise Diagne (premier Africain élu à cette fonction) est nommé commissaire général de la République pour l’AOF. Son intervention contribue à l’acceptation par les Africains de nouvelles incorporations. 1918 : Quand la guerre se termine, 95 bataillons de tirailleurs « sénégalais » sont engagés en Afrique, en Europe et en Orient. 1919-1923 : Martial Merlin est gouverneur général de l’AOF. Il est remplacé ensuite par Jules Carde, qui se consacre en priorité au développement économique. 1919-1920 : La mission conduite par l’ingénieur Belime prépare l’utilisation des crues du Niger pour développer la culture du coton dans son delta central. De grands travaux d’irrigation sont mis en oeuvre au cours des années 1920. 1er mars 1919 : Constitution de la colonie de Haute-Volta. 4 décembre 1920 : Un décret rend à la colonie du Haut-Sénégal et Niger son nom antérieur de « Soudan français ». Le terme vient de celui de « Bilad es Sudan » des Arabes, qui désignait le « pays des Noirs ». C’est sous ce nom que sera désigné le futur Mali jusqu’à l’indépendance. 1921 : Le vicariat apostolique de Bamako est détaché du vicariat apostolique du Sahara. 1922 : Constitution en colonie du territoire du Niger. 15 novembre 1924 : Institution du régime de l’indigénat, qui donne de larges pouvoirs aux gouverneurs sur les « sujets coloniaux ». 1924 : Le chemin de fer de Bamako est relié à Dakar. Le gouverneur Terrasson de Fougères dirige le territoire jusqu’en 1931, à l’époque où l’Afrique-Occidentale française est sous l’autorité du gouverneur général Carde, de 1923 à 1930. 30 mars 1925 : Décret instituant un collège électoral indigène pour que ceux-ci aient des représentants au sein du conseil d’administration du Soudan français. 1927 : La réalisation d’une chaussée submersible permet d’établir à Bamako un point de franchissement du Niger. 1929 : André Maginot, ministre des Colonies, inaugure le premier barrage de Sotuba. 1931 : En France, la grande exposition coloniale organisée au bois de Vincennes remporte un immense succès. 5 janvier 1932 : Création de l’Office du Niger, un établissement public autonome destiné à exploiter les eaux du fleuve en vue du développement de la culture du coton dans le delta central. Les espoirs qui sont mis dans cette réalisation sont déçus car, au moment où sévit la grande dépression économique mondiale, les moyens mis en œuvre demeurent insuffisants. 5 septembre 1932 : La Haute-Volta est partagée entre la Côte-d’Ivoire, le Soudan et le Niger. 1932 : La circulaire Brévié reconnaît dans les chefs traditionnels « des représentants de la population ». 1932 : Un décret, complété en 1935 et 1937, précise pour les indigènes les conditions d’accès à la citoyenneté française : être monogame ou célibataire, savoir lire, écrire et parler le français, avoir accompli ses obligations militaires et « s’être rapproché de la civilisation française par le genre de vie ». 1934 : Création à Bamako de l’Institut de la lèpre, à l’initiative d’Émile Marchoux. Un Institut d’ophtalmologie tropicale est également établi dans la capitale administrative du Soudan. 1934 : Fondation de la Congrégation des filles soudanaises de Marie. 1934 : Création de l’École nationale de la France d’outre-mer, héritière de l’École coloniale fondée en 1889. 1936 : Le Front populaire français autorise la création de syndicats africains. 1940 : L’Afrique-Occidentale française participe à l’effort de guerre en fournissant 63 000 « tirailleurs sénégalais » dont la majorité est en fait recrutée en pays bambara. 25 juin 1940 : Le gouvernement récemment formé à Bordeaux par le maréchal Pétain institue un haut-commissariat à l’Afrique française confié au gouverneur Boisson (englobant l’AEF, l’AOF, le Togo et le Cameroun). Le 4 juillet, Boisson, qui avait jusque là en charge l’AEF, prend clairement position contre la France libre de De Gaulle, considérée comme un instrument au service des intérêts britanniques. Août 1940 : À la suite d’affrontements d’origine religieuse entre Maures et Noirs, l’administration française fait arrêter le cheik Hamallah, chef d’une puissante secte indigène. 23-25 septembre 1940 : L’échec de l’expédition anglo-gaulliste contre Dakar interdit tout ralliement à la France libre de l’AOF alors que l’AEF rejoint le mouvement gaulliste. Le 27 octobre voit la création par les gaullistes d’un Conseil de défense de l’Empire. 1942 : Érection de la préfecture apostolique de Gao, suivie en 1947 de celles de Kayes et de Sikasso. 7 décembre 1942 : L’AOF se rallie à la France libre après le succès du débarquement anglo-américain en Afrique du nord du 8 novembre 1942. Agissant au nom du maréchal Pétain « provisoirement empêché », l’amiral Darlan, qui prend pour les quelques semaines précédant son assassinat les rênes du pouvoir à Alger annonce la rentrée dans la guerre de l’empire français d’Afrique. 30 janvier-8 février 1944 : Réunion, au Congo français, de la conférence de Brazzaville, au cours de laquelle le général De Gaulle évoque l’avenir des territoires africains placés sous l’autorité de la France et « le moment où les Africains pourront s’élever peu à peu jusqu’au niveau où ils seront capables de participer chez eux à la gestion de leurs propres affaires ». Une tendance majoritaire se dessine cependant parmi les gouverneurs présents à la conférence pour défendre l’administration directe et écarter, sous l’impulsion de l’administrateur antillais Raphaël Saller, toute possibilité de constituer des self- governments hors du bloc français de l’empire. La conférence prévoit cependant la formation dans les territoires coloniaux de conseils composés de notables indigènes ainsi que d’assemblées représentatives composées en partie d’Européens et en partie d’indigènes élus au suffrage universel « partout et dans tous les cas où la possibilité en serait reconnue ». Il est enfin admis que les colonies doivent être représentées dans la future Assemblée constituante.6 juillet 1944 : Rattachement à la Mauritanie de la majeure partie du Hodh, ce qui retire au Soudan français une bonne partie des tribus maures qui nomadisaient traditionnellement dans ces régions.

De l’Union française à l’indépendance

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’Afrique noire française ne peut guère compter sur une métropole largement ruinée qui doit concentrer ses efforts sur sa reconstruction et sa modernisation. La décolonisation est rapidement à l’ordre du jour pour une Europe sortie terriblement affaiblie des conflits suicidaires de la première moitié du siècle. Dans le cas de l’Afrique noire française, il convient de fixer un cadre nouveau aux relations entre la métropole et ses territoires d’outre-mer en même temps qu’il faut organiser les rapports entre ces territoires aux frontières souvent fixées de manière arbitraire. 1945 : Formation du Bloc soudanais de Mamadou Konaté et de Modibo Keita. M. Konaté est le premier Africain à exercer les fonctions de vice-président de l’Assemblée nationale française. 18 juin 1945 : Un décret du gouvernement provisoire introduit aux colonies un code du travail indigène qui met fin au travail forcé. Celui-ci, qui avait surtout concerné l’AEF, disparaît des colonies au cours de l’année suivante. 2 juillet 1945 : Au Sénégal, l’avocat africain Lamine Gueye est élu maire de Dakar. 22 août 1945 : Un décret du gouvernement provisoire établit un double collège électoral en Afrique-Occidentale française en vue des élections à l’Assemblée constituante. 21 octobre 1945 : 29 députés africains sont élus à l’Assemblée constituante, dont Fily Dabo Sissoko, instituteur et chef de canton au Soudan, compagnon au Palais Bourbon de Léopold Sédar Senghor et de Félix Houphouët-Boigny. 12 décembre 1945 : Fin du statut de l’indigénat (il permettait l’application administrative aux non-citoyens de peines relevant ordinairement des tribunaux) à dater du 1er janvier 1946. 1945 : Création du franc CFA (franc des colonies françaises d’Afrique). Une parité fixe est établie entre le franc CFA et le franc français en 1948. Il prend ensuite, quand vient le temps de l’indépendance, le nom de franc de la communauté financière africaine (FCFA). 7 janvier 1946 : Reconnaissance officielle du Parti démocratique soudanais (PDS), suivie le 13 février de celle du Parti progressiste soudanais de Fily Dabo Sissoko. 20 février 1946 : Abolition de l’indigénat. 21-23 mars 1946 : L’Assemblée constituante débat de l’abolition du travail forcé prévue par le décret du 18 juin 1945 ; elle est acquise le 11 avril. 30 avril 1946 : Création du FIDES (Fonds d’investissement pour le développement économique et social) inspiré de l’exemple britannique du Development and Welfare Act for Colonies de 1945. Il a pour mission de prendre le relais des investissements publics et privés antérieurs, en vue de la réalisation d’une série de plans de développement locaux. La structure économique de l’AOF n’en demeure pas moins dominée par de grands groupes tels que la Société commerciale de l’Ouest africain (SCOA) et la Compagnie française d’Afrique-Occidentale (CFAO). 2 juin 1946 : Sissoko est réélu à la deuxième Assemblée constituante. 17 juin 1946 : Naissance de l’Union régionale des syndicats du Soudan (URSS) affiliée à la CGT. Le syndicalisme a été autorisé en Afrique noire française par un décret du 7 août 1944. 18 octobre 1946 : Création à Bamako du Rassemblement démocratique africain (RDA). Il est initialement apparenté au Parti communiste français et dispose de sections dans l’ensemble de l’AOF et de l’AEF. Alors que Fily Dabo Sissoko, qui est le favori de l’administration coloniale, et ses amis se rassemblent au sein du Parti progressiste soudanais, Mamadou Konaté crée pour sa part le Bloc soudanais pendant que Modibo Keita et ses partisans se regroupent au sein du Parti démocratique soudanais. Ces deux derniers partis forment l’Union soudanaise et rejoignent le RDA, constitué comme un parti unifié pour toute l’AOF. Refusant l’apparentement du RDA au Parti communiste, Fily Dabo Sissoko a refusé d’y adhérer. PSP et Union soudanaise RDA s’affrontent ensuite pour imposer leur représentativité au cours des années suivantes mais le PSP remporte toutes les consultations électorales jusqu’en 1957. Aux élections de 1947, il enlève ainsi 23 sièges contre 5 à l’USRDA. En 1952, l’écart se réduit, avec 27 sièges au PSP et 13 à l’USRDA. Qui l’emporte en revanche largement en 1957. 29 septembre 1946 : Présentation de la Constitution, dont le titre VIII expose les clauses relatives à l’Union française. Dans chaque territoire est instituée une assemblée élue. Dans les groupes de territoires, la gestion des intérêts communs est confiée à une assemblée composée de membres élus par les assemblées territoriales. Les organes centraux de l’Union française sont la présidence, qui revient au président de la République française, le Haut Conseil, composé d’une délégation du gouvernement français et d’une représentation de chacun des États associés, et l’Assemblée de l’Union française, composée par moitiés de membres représentant la France métropolitaine et de membres représentant les départements et territoires d’outre-mer et les États associés. Représentées dans le Haut Conseil et dans l’Assemblée de l’Union française, les populations de l’outre-mer le sont également dans l’Assemblée nationale et dans le Conseil de la République (nom donné alors au Sénat). 27 octobre 1946 : Les Français acceptent par référendum la constitution de la IVe République qui prévoit également la création, à la place de l’empire, de l’Union française. 10 novembre 1946 : Élections législatives. Victoire du PSP de Fily Dabo Sissoko. On compte également parmi les élus Mamadou Konaté de l’US-RDA. 15 décembre 1946 : Élection des membres du Conseil général du Soudan. Avril 1947 : Vincent Auriol, président de l’Union française, pose à Bamako la première pierre du pont franchissant le Niger. Les travaux de réalisation de cet ouvrage de 860 m de long ne débutent en fait qu’en 1958 pour se terminer deux ans plus tard. 5 septembre 1948 : Fily Dabo Sissoko, député du Soudan français, est nommé sous-secrétaire d’État au Commerce et à l’Industrie… pour cinq jours, dans le gouvernement éphémère formé par Robert Schuman. 4 septembre 1947 : Reconstitution de la Haute-Volta qui récupère les cercles de Tougan et Ouhaigouya, donnés au Soudan en 1932. 30 juin 1950 : Vote de la loi Lamine Gueye, qui garantit un traitement égal aux employés africains et français. 17 octobre 1950 : Le RDA rompt l’apparentement de son groupe parlementaire avec le Parti communiste français et s’affilie à l’Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR) de René Pleven et François Mitterrand. 1951 : Congrès syndical interafricain réuni par la CGT à Bamako. 17 juin 1951 : Élections législatives. Succès du PSP qui a trois députés : Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko et Jean Silvandre. Le RDA n’en a qu’un, Mamadou Konaté. 10 octobre 1953 : Modibo Keita est élu conseiller de l’Union française. 18-24 avril 1955 : La conférence de Bandoeng exige la fin de la colonisation et affirme la solidarité du « tiers monde ». 1955 : Le vicariat apostolique de Bamako est élevé au rang d’archidiocèse. Des évêchés seront créés ultérieurement à Kayes, Ségou, San, Mopti et Sikasso. 18 novembre 1955 : L’Assemblée nationale française vote l’institution du suffrage universel dans les territoires d’outre-mer mais la dissolution qui suit empêche la discussion du texte par le Sénat (alors Conseil de la République) et les élections du 2 janvier 1956 se déroulent selon l’ancien système. Elles voient la victoire du Front républicain en métropole et, en Afrique noire, un net succès du Rassemblement démocratique africain. 2 janvier 1956 : Lors des élections législatives, le RDA enlève sept des huit sièges de députés d’AOF et deux des quatre d’AEF. Modibo Keita compte parmi les élus. Dans le gouvernement Guy Mollet formé à la suite de ces élections, Hamadoun Dicko, du PSP, est sous-secrétaire d’État. 11 mai 1956 : Disparition de Mamadou Konaté, vice-président de l’Assemblée nationale française. Elle favorise l’établissement du leadership de Modibo Keita sur l’Union soudanaise. 23 juin 1956 : Vote de la loi-cadre dont l’inspirateur est Gaston Defferre et qui doit préparer les conditions de l’indépendance des territoires africains. Le Soudan dispose désormais d’une assemblée élue au suffrage universel par un collège unique et d’un conseil de gouvernement présidé par le « chef du territoire » désigné par Paris (appellation préférée à celle de « gouverneur ») mais dont le vice-président peut être un indigène. Les décrets d’application sont promulgués en avril 1957. Les fédérations d’AOF et d’AEF deviennent des groupes de territoires avec à leur tête de hauts-commissaires assistés par un Grand Conseil dont les membres sont choisis par les assemblées territoriales. 14-16 août 1956 : L’Union des jeunes du Soudan français participe au 16e festival mondial de la jeunesse et des étudiants pour la paix et l’amitié à Moscou. Octobre 1956 : Le Bloc démocratique soudanais adhère à l’Union soudanaise. 18 novembre 1956 : Lors des élections municipales, Modibo Keita est élu maire de Bamako. 31 mars 1957 : Des élections générales donnent une large majorité à l’Union soudanaise et au RDA (57 sièges à L’USRDA, 7 au parti des Dogon et 6 au PSP, grand vaincu de la consultation). L’échec du PSP sanctionne un parti qui s’était surtout préoccupé de s’attirer la bienveillance des cadres traditionnels, avec la bénédiction de l’administration coloniale. L’assemblée élue en 1957 accorde le 21 mai l’investiture au premier gouvernement soudanais désigné dans le cadre de l’autonomie interne accordée par la loi-cadre de 1956. 1er juin 1957 : Premières émissions de Radio Soudan. 13 juin 1957 : Hamadoun Dicko et Modibo Keita, les deux frères ennemis du PSP et de l’USRDA, sont tous les deux secrétaires d’État à la France d’outre-mer sous l’autorité de Gérard Jaquet, au sein du gouvernement formé par Maurice Bourgès-Maunoury. Les deux hommes conservent un portefeuille de secrétaire d’État dans le gouvernement Félix Gaillard formé le 5 novembre 1957. 25-30 septembre 1957 : Réunion à Bamako du troisième congrès du Rassemblement démocratique africain, en présence de Pierre Mendès France, de François Mitterrand et d’Edgar Faure. Un débat se fait jour entre ceux qui souhaitent le maintien de puissants exécutifs fédéraux à Dakar et Brazzaville (le Guinéen Sékou Touré ou le Soudanais Modibo Keita) et ceux qui, comme Houphouët-Boigny, réclament le maximum d’autonomie pour chacun des territoires. 1er juillet 1958 : Inauguration de l’aérogare de Bamako. 8 août 1958 : De Gaulle annonce dans une allocution télévisée que les territoires africains auront à se prononcer pour choisir entre l’indépendance et l’association à la France. 28 septembre 1958 : Référendum par lequel les Français de métropole et les Africains sont appelés à se prononcer sur l’adoption de la constitution de la Ve République et sur la mise en place de la Communauté appelée à remplacer l’Union française et à préparer les voies de l’indépendance. La Guinée est le seul territoire qui rejette le projet de Communauté. 5 octobre 1958 : Promulgation de la Constitution française et création de la Communauté. 17 janvier 1959 : Formation, par les dirigeants du Sénégal et du Soudan, de la fédération du Mali, qui demeure dans la Communauté jusqu’à son indépendance, proclamée le 20 juin 1960. La Haute-Volta et le Dahomey (actuel Bénin) ont également adhéré initialement à la Fédération mais le référendum organisé en mars 1960 en Haute-Volta débouche sur un rejet massif de la Fédération. La réaction est identique au Dahomey (actuel Bénin) dont la population se sent plus proche du Conseil de l’Entente regroupant Côte-d’Ivoire, Dahomey, Niger et Haute-Volta. 4 avril 1959 : Le Sénégalais Léopold Sédar Senghor est élu président de l’Assemblée fédérale et le Soudanais Modibo Keita président du gouvernement, le Sénégalais Mamadou Dia devenant vice-président. Dans les deux pays, les scrutins organisés en mars 1959 ont dégagé une majorité très nette en faveur de ce système fédéral. Ses défenseurs, Modibo Keita et Jean-Marie Koné, ont obtenu au Soudan 78 % des voix contre les tenants de l’indépendance soudanaise, Hammadoun Dicko et Fily Dabo Sissoko. Les deux pays peuvent apparaître complémentaires, le Sénégal fournissant un débouché maritime au Soudan, territoire enclavé mais qui abrite près de la moitié de la population de l’ancienne AOF. Août 1959 : Modibo Keita critique les essais nucléaires français réalisés au Sahara ; après les propos tenus à Tunis par Mamadou Dia contre la poursuite de la guerre d’Algérie, ces critiques tendent les relations avec Paris. 28 septembre 1959 : Modibo Keita et Mamadou Dia, le Soudanais et le Sénégalais, sont reçus par De Gaulle et lui annoncent que la fédération du Mali compte accéder à l’indépendance sans quitter la Communauté, ce qu’accepte le général. Des accords relatifs aux transferts de souveraineté sont ensuite négociés jusqu’en avril 1960. 11-12 décembre 1959 : Lors du conseil exécutif de la Communauté réuni à Saint-Louis du Sénégal, le général De Gaulle annonce l’accès à l’indépendance du Mali, par transfert des compétences communautaires, mais en concluant avec la France des accords de coopération qui seront négociés jusqu’en avril 1960. 18 janvier 1960 : Ouverture à Paris de négociations relatives à l’accession du Mali à la souveraineté internationale. Louis Jacquinot, Roger Frey et Jean Foyer négocient avec Senghor, Mamadou Dia et Modibo Keita. Les accords sont signés le 4 avril et ratifiés les 9 et 16 juin par l’Assemblée nationale française et par le Conseil de la République. Avril 1960 : La conférence réunissant à Dakar responsables sénégalais et soudanais révèle des divergences entre les deux pays, aggravées par les perspectives de désignation du président de la Fédération. 6 avril 1960 : Naissance de l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) issue de l’Union nationale des travailleurs soudanais (UNTS) apparue en août 1957 pour remplacer l’Union régionale des syndicats du Soudan qui s’est divisée à l’initiative du Guinéen Sékou Touré. 20 juin 1960 : Proclamation de l’indépendance du Mali où Louis Hettier de Boislambert est le premier représentant de la France. 19 août 1960 : La crise éclate entre Sénégalais et Soudanais avec la mise à l’écart, décidée par Modibo Keita, de Mamadou Dia. 20 août 1960 : L’Assemblée sénégalaise décide le retrait du Sénégal de la fédération du Mali et proclame l’indépendance, le gouvernement de Dakar récupérant la totalité des pouvoirs et proclamant l’état d’urgence pour une durée illimitée. Les frontières entre le Sénégal et le Soudan sont fermées. Modibo Keita accuse les Sénégalais de sécession et reproche à la France de l’avoir encouragée. L’échec de la Fédération est la conséquence du conflit opposant les deux puissantes personnalités de Léopold Sédar Senghor et de Modibo Keita, de la crainte des Sénégalais de voir l’ensemble en cours de formation dominé par les Soudanais, des perspectives divergentes des uns et des autres quant au modèle de développement et au positionnement international qu’il convient d’adopter. 30 août 1960 : L’état d’urgence est proclamé au Soudan, complété par l’état de siège le 12 septembre. Septembre 1960 : Le Soudan, confronté à la rupture décidée par le Sénégal, prétend initialement maintenir l’illusion de la fédération du Mali et ses dirigeants font même appel à l’ONU qui refuse d’intervenir dans cette crise.22 septembre 1960 : Le congrès de l’USRDA proclame la république du Mali, ce qui est confirmé ensuite par le Parlement soudanais. Le gouvernement soudanais devient le premier gouvernement de la république du Mali et conserve l’hymne et le drapeau de la défunte Fédération. L’opposant Fily Dabo Sissoko se rallie à l’USRDA. Les dirigeants du pays annoncent leur intention de mettre en œuvre une politique d’économie planifiée et de « construire un socialisme adapté aux réalités maliennes ». Le divorce est définitivement consommé avec le Sénégal. La volonté de centralisation poussée et le caractère plus autoritaire du régime soudanais ne pouvaient que susciter une réaction des Sénégalais, dont la classe politique était davantage familiarisée avec la culture démocratique. L’USRDA est devenue de fait le parti unique, ce que justifient ses principaux leaders : « Le Parti est le peuple organisé politiquement… Le Parti unique est aujourd’hui en Afrique le seul moyen de créer la Nation » (Seydou Badian Kouyaté) ou « Le Parti est le moteur de la Nation entière et la seule force dirigeante de l’État » (Mamadou Diarrah).

Le Mali de Modibo Keita (1960-1968)

Modibo Keita a concentré sur sa personne les fonctions de président de la République et de ministre des Affaires étrangères, la vice-présidence étant exercée par Jean-Marie Koné. En septembre 1960, un accord est conclu avec Paris en vue du regroupement sur la base de Kati, près de Bamako, de diverses troupes françaises stationnées à Gao, Tombouctou, Kayes, Ségou et Nioro ainsi qu’en d’autres lieux du pays. Novembre 1960 : Les États-Unis proposent leur aide au Mali et celui-ci conclut des accords de coopération avec Israël mais en signe également d’autres avec la Chine populaire et l’URSS. Novembre 1960 : Incidents frontaliers entre le Mali et la Mauritanie. Les bonnes relations entretenues entre le Maroc et le Mali font soupçonner une volonté de démantèlement de la Mauritanie, immédiatement démentie par le gouvernement de Bamako. Janvier 1961 : Le président se fait réinvestir dans sa charge par l’Assemblée nationale unanime. Le 20, il exige le départ du pays des troupes françaises, ce qu’il entend comme une manifestation de solidarité avec le FLN algérien. La base de Kati est évacuée en juin. En septembre, les dernières troupes françaises quittent le Mali. Février 1961 : Le gouvernement de Bamako reconnaît le GPRA (Gouvernement provisoire de la révolution algérienne) ainsi que le gouvernement congolais installé à Stanleyville (Kisangani) par Antoine Gizenga. Mars 1961 : Modibo Keita prononce à Ségou un discours dans lequel il annonce la mise en œuvre d’un programme socialisant. Mars1961 : Visite au Mali du maréchal Tito que Modibo Keita va rencontrer de nouveau en juin à Brioni. Mai 1961 : Le Guinéen Sékou Touré, le Ghanéen N’Krumah et le Malien Modibo Keita créent une Union des États africains « progressistes ». Un sommet réunissant les trois chefs d’État se tient en décembre à Conakry pour dénoncer la situation dans l’ancien Congo belge. Ces trois pays vont créer, avec l’Égypte de Nasser et le Maroc de Mohammed V, le « groupe de Casablanca » qui soutient le FLN algérien et s’oppose aux essais nucléaires français réalisés dans le Sahara. Juin 1961 : Début à Bamako de négociations franco-maliennes qui s’étendent sur trois semaines avant de reprendre à Paris en janvier de l’année suivante. Eté 1961 : Le gouvernement malien doit faire face à une importante révolte des Touareg de la région de l’Adrar des Ifoghas. Elle est vigoureusement réprimée au cours des mois qui suivent, avec le soutien du Maroc et de l’Algérie de Ben Bella à partir de 1962. Après avoir longtemps nié la réalité de cette dissidence, le gouvernement de Bamako annonce son écrasement complet en 1964. Septembre 1961 : Le Mali participe, à Belgrade, à la Conférence des non-alignés. Octobre 1961 : Lancement d’un premier plan quinquennal censé accélérer le rythme de développement du pays. 12 janvier 1962 : Ouverture à Paris de la suite des négociations franco-maliennes engagées en juin de l’année précédente. Mise en place d’une coopération économique, financière et culturelle entre les deux pays, confirmée par les accords conclus le 2 février. Mai 1962 : Modibo Keita se rend en voyage officiel à Moscou et à Prague. Juin 1962 : Le représentant de la Mauritanie à l’ONU dénonce les visées supposées du Mali et du Maroc sur son pays. 1962 : Intronisation du premier évêque catholique malien, Monseigneur Luc-Auguste Sangaré. Juillet 1962 : Le Mali sort de l’Union monétaire ouest-africaine et crée un franc malien ainsi qu’un institut d’émission. Ces mesures suscitent des inquiétudes quant à la valeur future de cette monnaie nouvelle et entraînent, le 20 juillet, d’importantes manifestations et l’arrestation de deux personnalités qui s’étaient prononcées auparavant contre la fédération soudano-sénégalaise, Hamadoun Dicko et Fily Dabo Sissoko (ce dernier avait été ministre au temps de l’Union française). Ils sont accusés de tentative de coup d’État, condamnés à mort puis graciés mais ils mourront en détention en 1964 dans des circonstances demeurées obscures. Les conséquences de la création du franc malien se révèlent rapidement calamiteuses. Septembre 1962 : VIe Congrès de l’USRDA, le dernier avant la chute, en 1968, du régime de Modibo Keita. Institution de six commissaires politiques chargés de contrôler le parti et l’administration. Le mouvement de la Jeunesse soudanaise créé en 1959 est intégré au parti unique. Constitution par ailleurs d’une milice populaire, d’un service civique obligatoire et de brigades de vigilance chargées de l’encadrement et de la surveillance du pays, organismes dont l’action pèsera lourd ultérieurement dans la montée de l’impopularité du régime. 1962 : Une réforme de l’enseignement est censée aboutir à la « nécessaire décolonisation des mentalités ». Le régime accorde beaucoup d’importance à l’enseignement du fait du retard initial du pays (taux de scolarisation à 8 % en 1957 au Soudan français, contre 20 % au Sénégal, en Côte-d’Ivoire ou au Dahomey). Modibo Keita insiste également sur l’importance d’une renaissance de la culture africaine, complément inséparable de l’accès à l’indépendance. 17 septembre 1962 : Un ministère de la Coordination économique et financière et du Plan est confié à Seydou Badian Kouyaté car les résultats ne correspondent pas aux espoirs formulés l’année précédente. Le Mali n’atteindra en effet jamais le taux de croissance de 8 % annuel qui était initialement attendu. Janvier 1963 : Chou en Lai est reçu à Bamako, deux mois après la signature d’accords de coopération avec la Chine populaire. 24-28 janvier 1963 : Lors du congrès de l’Union nationale des travailleurs du Mali, Modibo Keita affirme que le syndicat unique doit désormais participer au développement du pays et placer au second plan les revendications jugées légitimes à l’époque coloniale. Pendant toute la durée du régime, le mouvement syndical apportera un soutien inconditionnel à Modibo Keita. Février 1963 : Le président mauritanien Mokhtar Ould Daddah rencontre à Kayes Modibo Keita et conclut avec lui un accord qui met fin aux différends frontaliers opposant les deux pays. Mai 1963 : Congrès fondateur de l’Organisation de l’unité africaine à Addis-Abeba. Modibo Keita se proclame résolument partisan de l’unité du continent mais insiste sur la nécessité de renforcer d’abord les diverses unités nationales et de respecter les frontières issues de la colonisation. Juin 1963 : Une série d’accords signés à Bamako rétablit des relations normales entre le Mali et le Sénégal, trois ans après leur rupture. Les présidents Keita et Senghor se rencontrent à Kidira, ville frontière sur le cours de la Falémé. 29 octobre 1963 : Le Mali joue un rôle d’arbitre dans la sortie de la « guerre des sables » qui oppose le Maroc à l’Algérie. Modibo Keita réunit à Bamako Hassan II, Ben Bella et le négus Haïlé Sélassié d’Éthiopie et obtient des belligérants un cessez-le-feu qui entre immédiatement en vigueur. Avril 1964 : Des élections législatives assurent la victoire sans surprise des 80 candidats de la liste unique présentée par le parti unique, l’Union soudanaise Rassemblement démocratique africain, ce qui n’empêche pas Modibo Keita de dénoncer, au mois d’août suivant, la menace de la « contre-révolution », ce qui semble indiquer que des forces d’opposition demeurent, même si elles ne bénéficient d’aucune représentation institutionnelle. Septembre 1964 : Modibo Keita est reçu à Pékin. Septembre 1964 : Pierre Pellen succède à Fernand Wibaux (qui avait été directeur de l’Office du Niger) comme chargé d’affaires français à Bamako. Malgré les accusations sans fondement lancées contre la France d’un soutien à la rébellion targuie, Modibo Keita n’en approuve pas moins la politique étrangère du général De Gaulle, notamment à l’égard du tiers monde. Février 1965 : Nouvelles négociations financières franco-maliennes. Mars 1965 : Le colonel Sékou Traoré, chef d’état-major de l’armée malienne, affirme son loyalisme. Le même mois, un Comité de défense de la révolution se constitue au sein du parti unique, ce qui semble indiquer qu’il connaît certaines tensions. Avril 1965 : Le président tanzanien Julius Nyéréré est reçu à Bamako. Octobre 1965 : Visite en URSS de Modibo Keita. Décembre 1965 : Le président sénégalais Léopold Sédar Senghor est reçu à Bamako et accueille ensuite Modibo Keita à Dakar en novembre 1966. Décembre 1965 : Le Mali rompt ses relations diplomatiques avec Londres pour condamner l’attitude anglaise dans l’affaire de l’indépendance de la Rhodésie du Sud, proclamée unilatéralement par la minorité blanche de ce territoire. 3 janvier 1966 : En Haute-Volta voisine, le lieutenant-colonel Lamizana remplace Maurice Yameogo. Il impose en 1974 un parti unique mais rétablit le multipartisme en avril 1978. Lamizana est réélu mais renversé en novembre 1980 par le colonel Saye Zerbo. Renversé lui- même deux ans plus tard par J.B. Ouédraogo. 25 février 1966 : Un coup d’État renverse le dirigeant du Ghana Kwamé N’Krumah. Le putsch est condamné par le gouvernement malien. 1er mars 1966 : Inquiètes des événements du Ghana, les autorités maliennes décident, lors de la réunion d’une conférence des cadres du Parti, la création d’un Comité national de défense de la révolution. Septembre 1966 : Remaniement gouvernemental marqué par le départ du ministre de l’Intérieur Barema Bocoum. Il a pour but de calmer la guerre de clans qui se développe alors au sein du parti unique. 16 décembre 1966 : Inauguration du barrage de Sotuba sur le Niger. Il fait figure pour le régime de réalisation de prestige témoignant de la mise en œuvre de son projet « socialiste ». 1966 : Une mission du Fonds monétaire international établit un diagnostic inquiétant de l’économie malienne, écrasée par une lourde dette extérieure et plombée par un accroissement trop rapide des effectifs de la fonction publique. 1966-1968 : Le Mali fait partie, comme membre non permanent, du Conseil de sécurité de l’ONU. 15 février 1967 : Conclusion d’accords financiers avec la France, complétés le 19 décembre. Ils envisagent le retour du Mali dans l’Union monétaire ouest-africaine. Le franc malien sera dévalué de 50 % et le gouvernement de Bamako s’engage à limiter ses dépenses publiques. La France verse en contrepartie une importante aide budgétaire, accepte de consolider la dette malienne et garantit le nouveau franc malien. La Banque centrale du Mali est créée pour remplacer l’ancienne Banque de la république du Mali. Ces accords suscitent une profonde division au sein de la direction malienne. Alors que le ministre d’État Jean-Marie Koné et le ministre des Finances Louis Nègre leur sont favorables, la « gauche » du parti représentée par Mamadou Diarrah leur est hostile. 5 mai 1967 : Dévaluation de 50 % du franc malien que le gouvernement français accepte de soutenir alors que le Fonds monétaire international consent un prêt important au gouvernement de Bamako. 26 mai 1967 : Un alphabet est adopté pour la transcription des langues bambara, fulbé, songhaï et tamasheq. 22 août 1967 : Proclamation de « l’an I de la révolution malienne » visant à l’épuration du parti et des instances de l’État. La jeunesse de l’USRDA et le syndicat UNTM sont en pointe pour revendiquer cette épuration. Des meetings populaires analogues à ceux de la révolution culturelle chinoise sont l’occasion de dénoncer des membres du Parti et de l’État suspectés de tiédeur révolutionnaire. Le Bureau politique national, jusque là instance suprême de décision, est dissous et ses pouvoirs sont transférés au Comité national de défense de la révolution. 22 janvier 1968 : Le président Keita dissout l’Assemblée nationale, un an avant la date normale de son renouvellement et décide de gouverner désormais par ordonnances. Mars 1968 : Retour à la convertibilité du franc malien, comme prévu dans les accords passés en décembre 1967 avec la France. 7 mars 1968 : Modibo Keita s’en prend dans une circulaire aux « perroquets du marxisme » et dénonce « le charlatanisme révolutionnaire, le dogmatisme et le sectarisme ». 19-20 juin 1968. De graves incidents surviennent à Ouolossébougou. Des paysans mécontents refusent de verser les « contributions volontaires », de participer aux « travaux d’investissement humain » et de livrer du mil à l’OPAM, l’organisation qui avait le monopole de la commercialisation des produits agricoles. Certains sont arrêtés mais l’émeute se déclenche et les libère. Les heurts font deux morts et de nombreux blessés. L’épisode rend compte du mécontentement général et du développement d’une forte opposition populaire au régime. 22 août 1968 : Modibo Keita dissout le bureau politique du parti unique et donne la totalité du pouvoir aux hommes du Comité de défense de la révolution. La perspective d’un remaniement de l’appareil du parti unique est clairement évoquée. Septembre 1968 : Le Comité de défense de la révolution appelle tous les cadres du parti unique à l’autocritique. 19 novembre 1968 : Une junte militaire formée de quatorze officiers renverse Modibo Keita. Le putsch a été préparé par le capitaine Yoro Diakhité, le capitaine Mamadou Cissoko et les lieutenantsYoussouf Traoré, Kissima Dounkara et Moussa Traoré. Les auteurs du coup d’État font arrêter les leaders du parti unique et tentent initialement d’obtenir de Modibo Keita qu’il renonce à son programme « socialiste ». Devant son refus, un Comité militaire de libération nationale présidé par Moussa Traoré est constitué. La radicalisation « socialiste » du régime, l’intention prêtée au président de substituer à l’armée des milices populaires et le mécontentement général qui a gagné une grande partie de la population expliquent le coup de force. Les difficultés économiques persistantes du pays en constituent aussi la toile de fond. La stagnation de la production agricole, conséquence d’une collectivisation malheureuse et d’une productivité insuffisante, le déficit budgétaire et celui de la balance commerciale, l’impossibilité de réaliser les objectifs du plan lancé en octobre 1961, l’isolement relatif de ce pays enclavé dépourvu de façade maritime qui était la conséquence de la rupture avec le Sénégal et de l’établissement du franc malien ont, depuis l’indépendance, fragilisé le Mali et engendré déceptions et mécontentements.

Le régime de Moussa Traoré (1968-1991)

Le coup d’État militaire du 19 novembre 1968 porte au pouvoir un Comité militaire de libération nationale présidé par le lieutenant Moussa Traoré. Modibo Keita est arrêté près de Koulikoro. Le capitaine Yoro Diakhité est chargé de préparer la formation du gouvernement provisoire qui est constitué le 22 novembre et comprend des personnalités modérées ayant servi l’ancien régime, ainsi Jean-Marie Koné qui détient le portefeuille des Affaires étrangères. Le capitaine Diakhité prend le titre de chef du gouvernement provisoire. La constitution de 1960 est abrogée et remplacée par une ordonnance tenant lieu de « loi fondamentale » et appelée à demeurer en vigueur jusqu’à un référendum constitutionnel devant se tenir dans un délai de six mois. Des élections législatives et présidentielles sont également prévues avant juin 1969. Les premières mesures prises par le gouvernement militaire en matière économique organisent le démantèlement des champs collectifs et suppriment le monopole de l’OPAM (Office des produits agricoles du Mali). Modibo Keita, dont la junte annonce qu’il sera jugé, est détenu à Kidal, au Sahara, où il demeure jusqu’à sa mort, survenue le 16 mai 1977. La population de la capitale où les commerçants constituaient une catégorie influente et supportaient mal les contraintes du régime « socialiste » réagit favorablement à l’annonce du coup d’État. Janvier 1969 : le Comité militaire de libération nationale met à la retraite une dizaine d’officiers supérieurs dont le colonel Sékou Traoré qui commandait l’armée sous Modibo Keita. Mars 1969 : Yoro Diakhité est reçu à Paris par le général De Gaulle à qui il explique les raisons du coup d’État. Septembre 1969 : Remaniement du gouvernement de Yoro Diakhité à la suite d’une tentative de putsch survenue en août et conduite par le capitaine Diby Silas Diarra. Moussa Traoré devient chef du gouvernement et remplace Yoro Diakhité, en cumulant ainsi les fonctions de chef de l’État et de chef du gouvernement. Création d’une Cour de sûreté de l’État. La trentaine de putschistes sont condamnés aux travaux forcés et meurent en détention. Septembre 1970 : Remaniement ministériel qui voit Yoro Diakhité chargé des Affaires étrangères et semble signifier la réconciliation des deux hommes forts du régime. Plusieurs intellectuels sont alors condamnés pour offense au chef de l’État. 19 octobre 1970 : Le gouvernement militaire dissout le bureau désigné par le Congrès de l’union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) et place sous sa coupe le mouvement syndical, ce que confirme la mise en place, en juillet 1971, d’un comité de coordination des travailleurs qui n’est qu’une émanation des services de sécurité. 8 avril 1971 : Moussa Traoré dénonce l’existence d’un complot ourdi par Yoro Diakhité. Arrêté, celui-ci sera jugé en juillet 1972 et condamné aux travaux forcés. Il meurt en juillet 1973, dans les mines de sel de Taoudeni. Mars 1972 : Le général Sokolov, ministre soviétique de la Défense, est reçu à Bamako et le Mali engage une coopération militaire suivie avec l’URSS, ce qui inquiète ses voisins et les pays occidentaux. 24-28 avril 1972 : Moussa Traoré effectue une visite officielle en France où il est reçu par le président Pompidou. 1972 : Signature entre l’Église catholique et l’État malien d’une convention intégrant les écoles catholiques dans l’enseignement public. 1972-1974 : La sécheresse qui affecte les régions de Gao et de Tombouctou depuis 1970 prend une dimension catastrophique. On dénombre 100 000 victimes et la disparition de la moitié du cheptel dans le nord du pays. C’est l’occasion de détournements de l’aide internationale qui n’est que très inégalement distribuée, la famine constituant, pour le gouvernement de Bamako, un moyen de venir à bout de la dissidence des Touareg sahariens. La crise est surmontée avec les pluies qui interviennent au cours de l’été de 1974 mais les communautés touareg ont été terriblement éprouvées. Janvier 1973 : Par solidarité avec les pays arabes, le Mali rompt ses relations avec Israël. Sur le plan international, la junte militaire poursuit la politique « tiers mondiste » de Modibo Keita, fondée sur un partenariat équilibré avec la Chine d’une part, l’URSS de l’autre, une solidarité maintenue avec les États africains « progressistes » et de bons rapports avec l’ancienne puissance coloniale qui accorde généreusement son aide et se félicite des choix résolument « francophones » de l’ancien Soudan français. Juillet 1973 : Les accords de coopération franco-maliens sont reconduits pour cinq ans. 1973 : Création de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest regroupant sept pays – Bénin, Burkina Faso (qui est encore la Haute-Volta à l’époque), Niger, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Sénégal et Mali. Cette organisation que Félix Houphouët-Boigny entend utiliser pour faire contrepoids à un Nigeria tenté de jouer le rôle de grande puissance régionale est perçue en fait comme un club francophone et disparaît en 1994, un an après la mort du chef de l’État ivoirien. 2 juin 1974 : Une nouvelle constitution est proposée aux Maliens, qui votent alors pour la première fois depuis la chute de Modibo Keita. Le oui l’emporte par 99 % des voix… La nouvelle constitution démocratise en apparence la vie politique. Elle prévoit l’élection d’une Assemblée nationale mais institue un système de parti unique, un chef de l’État élu pour six ans au suffrage universel qui sera en même temps chef du gouvernement alors qu’une Cour suprême vérifiera la constitutionnalité des lois. Monocamérale, l’Assemblée nationale se réunit en deux sessions annuelles dont la durée ne peut excéder deux mois. Elle vote les lois mais en partage l’initiative avec le président qui peut la dissoudre alors qu’elle-même n’a aucun moyen d’action sur le gouvernement et le président de la République. Le CMLN est chargé de conduire, pour cinq années supplémentaires, les affaires du pays. Un article élimine pour dix ans de la vie politique tous ceux qui ont exercé des fonctions politiques avant le putsch du 19 novembre. Lors des élections présidentielles et législatives qui suivent, Traoré et son parti, l’Union démocratique du peuple malien, obtiennent 99 % des suffrages exprimés. Novembre 1974 : Des incidents frontaliers opposent les troupes maliennes et voltaïques et, au mois de janvier suivant, des rumeurs selon lesquelles des Voltaïques auraient été molestés à Bamako entraînent des incidents antimaliens à Bobo Dioulasso, deuxième ville de la Haute-Volta (l’actuel Burkina Faso). La crise trouve son issue en juin 1975 avec la conférence des chefs d’État ouest-africains réunis à Lomé pour apaiser le conflit qui concerne 160 km de frontière, dans une région que l’on suppose riche en manganèse et peut-être même en pétrole. La crise est ainsi réglée pacifiquement par le maintien du statu quo ante. Janvier 1975 : La junte annonce la libération prochaine de quinze collaborateurs de l’ancien président Modibo Keita. Ces libérations sont effectives en juin et en novembre mais d’autres militaires, accusés de complot, sont condamnés à mort en juin 1977.au moment où l’annonce de la mort de l’ancien président Keita suscite une vague d’agitation dans le pays. 11 juillet 1975 : Les présidents Moussa Traoré et Sangoulé Lamizana signent à Conakry un accord de paix permanente qui fait suite au conflit frontalier entre le Mali et la Haute-Volta. 1975 : Traité instituant la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) qui comprend seize États – Bénin, Burkina Faso (Haute-Volta), Cap Vert, Côte-d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo. Le traité prévoit la création d’un marché commun pour 1989, avec un tarif extérieur commun en 1994 ainsi que l’harmonisation des politiques fiscale et monétaire mais ces objectifs ne seront pas atteints. 1975 : Conclusion de la convention de Lomé entre la Communauté économique européenne (alors l’Europe des 9) et les États ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). 11-13 février 1977 : Visite officielle de Valéry Giscard d’Estaing au Mali. C’est le premier voyage officiel d’un président de la République française depuis l’indépendance. 17 mai 1977 : Les funérailles de Modibo Keita fournissent à l’opposition l’occasion de manifester dans la rue. 14 octobre 1977 : Signature d’une convention militaire franco-malienne qui renoue les relations interrompues en 1960. 28 février 1978 : Tentative avortée de coup d’État. L’arrestation de plusieurs ministres est annoncée, notamment celle de Kissima Dounkara, ministre de la Défense, de l’Intérieur et de la Sécurité. Le pouvoir dénonce, par allusion aux événements de Chine, la « bande des quatre » ainsi incarcérée mais d’autres arrestations sont effectuées dans l’armée et dans la haute administration. 4 mai 1978 : Remaniement ministériel qui donne désormais la majorité des postes à des civils. 18 octobre 1978 : Lors du procès de 43 officiers accusés de la conspiration de février, deux condamnations à mort sont prononcées mais les condamnés meurent en prison. Le président de la Commission nationale d’enquête, le colonel Joseph Marat, membre du CMLN, est lui- même arrêté en janvier 1979 et jugé avec ceux dont il était chargé d’établir la culpabilité. Si l’on excepte une tentative manquée d’assassinat perpétrée par des gendarmes en décembre 1980, Moussa Traoré ne voit plus son pouvoir contesté par ses pairs issus de l’institution militaire. 1979 : Convention de Lomé II. 8 mars 1979 : Un deuxième procès aboutit à une nouvelle condamnation à mort ainsi qu’à des condamnations à la prison. Le verdict est ensuite cassé mais les condamnés restent détenus… 30 mars 1979 : Le gouvernement annonce la création d’un parti politique unique, l’Union démocratique du peuple malien dont le congrès constitutif se tient à Bamako du 28 au 31 mars. Le retour à une « vie constitutionnelle normale » se confirme. Mai 1979 : Moussa Traoré est à Alger pour jouer un rôle d’arbitre entre le gouvernement mauritanien et les représentants du Front Polisario luttant pour la création d’une république sahraouie sur le territoire de l’ancien Sahara espagnol, récupéré par le Maroc à l’issue de la « marche verte » lancée par le roi Hassan II en 1975. 19 juin 1979 : Moussa Traoré est réélu à la présidence à la quasi-unanimité alors que les candidats du parti unique recueillent 99,85 % des suffrages lors des élections pour la désignation de l’Assemblée. Le 28 juin, les membres du CMLN quittent le gouvernement pour rejoindre la direction de l’UDPM. Novembre 1979 - juin 1980 : Le Mali est confronté à une grève scolaire et étudiante de grande ampleur à laquelle le pouvoir répond par la répression et par la fermeture de fait de nombreux établissements. Le leader du mouvement étudiant, Abdoul Karim Camara, meurt le 17 mars 1980 dans les locaux de la police. Le pouvoir est de plus en plus contesté. Alpha Oumar Konaré, ministre de la Jeunesse, démissionne le 2 août 1980. 1980 : Un rapport de la Banque mondiale dresse un état des lieux assez accablant de la situation de l’économie malienne : « La structure de l’économie malienne, à orientation étatique, est caractérisée par une série de mécanismes complexes de transferts qui permettent à une fonction publique pléthorique et au groupe des étudiants de recevoir 90 % ou plus des ressources budgétaires du pays et qui ne garantissent l’emploi que pour une fraction minuscule de la main-d’œuvre malienne dans un secteur d’État parapublic inefficient et au coût de rentabilité élevé. Cette partie de la population, relativement privilégiée, bénéficie par ailleurs quasiment seule d’un approvisionnement assuré en biens de consommation. Les ressources ne proviennent pas uniquement du monde rural mais de toutes les activités productives potentiellement plus rentables et qui sont, en l’état actuel des choses, incapables d’emprunter et d’investir. En fin de compte, l’ensemble des mécanismes internes de l’économie malienne fonctionne dans le sens d’un prélèvement de ressources des pauvres vers les non pauvres, des productifs vers les non productifs. » 10-12 février 1981 : Congrès extraordinaire de l’UDPM. Il renforce les pouvoirs du général Traoré qui dispose désormais d’une autorité quasi illimitée. 1981 : Le Mali obtient la garantie financière de la France pour pouvoir réintégrer l’Union monétaire ouest-africaine. Paris reste le premier client et absorbe 30 % des exportations maliennes, en assurant 40 % des importations. La France intensifie son aide budgétaire et son assistance technique. C’est bien nécessaire car la dette extérieure du pays triple de 1981 à 1991 pour atteindre à cette date plus de 2 500 millions de dollars. 1981 : Réunion à Paris des 31 PMA (Pays les moins avancés) dont 21 États africains. 26 mars 1982 : Promulgation d’une loi sur l’enrichissement illicite qui n’est guère appliquée. 1982 : Tournée africaine de François Mitterrand. 1982-1984 : Les politiques d’ajustement structurel mises en œuvre sous l’égide du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale permettent de réaliser quelques progrès mais les résultats ainsi acquis sont compromis par la sécheresse qui affecte alors le pays. 4 août 1983 : Thomas Sankara prend le pouvoir en Haute-Volta dont il transforme le nom un an plus tard en celui de Burkina Faso (« Terre des hommes intègres ») mais l’admiration du nouveau maître du pays pour le colonel libyen Kadhafi et l’encadrement de la population par ses comités de défense de la révolution lui aliènent les populations et, en 1987, un nouveau coup d’État porte au pouvoir Blaise Compaoré. 1984 : Création à Paris du Haut Conseil de la francophonie. 1984 : Le Mali réintègre pleinement l’Union monétaire ouest-africaine. Mars 1985 : Le deuxième Congrès du parti unique UDPM (Union démocratique du peuple malien) modifie l’article 22 de la constitution de 1974 qui prévoyait que le président ne pouvait être réélu qu’une fois. C’est la porte ouverte à une pérennisation du pouvoir de Moussa Traoré, le président en exercice. 11 juin 1985 : De nouveau candidat à l’élection présidentielle, Moussa Traoré est réélu avec 99,94 % des suffrages exprimés. La liste unique de l’UDPM (établie de fait par le chef de l’État) obtient dans le même temps 99,92 % des suffrages. 25 décembre 1985 : Reprise du conflit entre le Mali et le Burkina (la guerre de l’Aguacher). Le président burkinabé Thomas Sankara veut récupérer une bande de terre située au nord du territoire du Burkina Faso et peuplée de Touareg. Les modifications de frontières intervenues entre les deux territoires durant la période coloniale ouvrent en effet la voie à toutes les contestations. Des incidents armés avaient déjà eu lieu en 1974, 1975 et 1976. L’affaire était depuis octobre 1985 soumise à l’arbitrage de la Cour internationale de La Haye. Le déclenchement des hostilités voit les Maliens bombarder le nord-ouest du Burkina et les Burkinabés bombarder Sikasso. Le conflit, une « guerre de pauvres » selon le journal Le Monde, se poursuit pendant six jours jusqu’au 31 décembre et apparaît d’autant plus dérisoire que l’Aguacher ne dispose d’aucune richesse minière particulière. 30 mai 1986 : Un remaniement gouvernemental voit la création du poste de Premier ministre, confié à Mamadou Dembélé qui avait été l’un des principaux artisans de la répression contre les mouvements étudiants de 1979-1980. Septembre 1986 : Le ministre de l’Intérieur français Charles Pasqua fait rapatrier par avion charter spécialement affrété dans ce but 106 immigrants clandestins maliens. 22 décembre 1986 : La cour de La Haye accorde la partie orientale de l’Aguacher, la région de Béli, au Burkina Faso et la partie occidentale au Mali. 1986-1987 : De nombreux retards s’accumulent pour le paiement des traitements des fonctionnaires. 20 février 1987 : Moussa Traoré nomme Zoumana Sacko ministre des Finances. Celui-ci engage une lutte farouche contre la corruption mais, soumis à de fortes pressions, est contraint de démissionner dès le mois d’août. 28-31 mars 1987 : Second congrès extraordinaire de l’UDPM. Il adopte une Charte nationale d’orientation et de conduite de la vie publique pour organiser la moralisation et combattre la corruption mais les décisions annoncées en demeurent à l’effet d’annonce. Mai 1988 : Moussa Traoré est nommé président de l’Organisation de l’unité africaine. Le bilan de cette présidence apparaîtra extrêmement mince. 6 juin 1988 : Le président Moussa Traoré supprime le poste de Premier ministre détenu par Mamadou Dembélé et reprend le portefeuille de la Défense. 27 octobre 1988 : Les créanciers publics du Mali décident d’alléger la dette du pays. Novembre 1988 : Le vingtième anniversaire du coup d’État de 1968 donne l’occasion à Moussa Traoré de justifier une action qui visait, selon lui, à « éviter le chaos ». Il décide par ailleurs la libération de 240 prisonniers politiques et la fermeture du bagne de Taoudéni. 20 juillet 1989 : Échec de la tentative de Moussa Traoré en vue de réconcilier le président tchadien Hissène Habré avec le colonel Kadhafi, chef de l’État libyen. 1989 : Combinés avec des mesures d’austérité budgétaire, les bons résultats de la récolte de coton contribuent à l’amélioration générale de la situation économique. 28-29 mai 1990 : Lors de son Congrès, l’Union nationale des travailleurs maliens (UNTM) se prononce en faveur du multipartisme, revendication relayée le 4 août par le journal indépendant Les Échos. Juin 1990 : Sommet franco-africain de La Baule. François Mitterrand conditionne la continuité de l’aide française au développement à la réalisation d’avancées démocratiques. La même année voit la création de plusieurs partis et mouvements tels que le Congrès national d’initiative démocratique, l’Alliance pour la démocratie au Mali et l’Association des élèves et étudiants du Mali qui s’allient pour dénoncer le régime de Moussa Traoré. Intervenant après la chute du mur de Berlin survenue en novembre 1989, la nouvelle vision française de la démocratie et du développement sur le continent noir favorise naturellement la remise en cause des régimes autoritaires qui profitaient de la division engendrée par la guerre froide pour justifier leur caractère liberticide. 29 juin 1990 : Déclenchement de la rébellion targuie contre la dictature militaire, suite au vol de milliers de tonnes de vivres fournis par l’aide internationale en raison de la sécheresse. Elle se traduit par l’attaque lancée contre la prison de Menaka où étaient détenus les Touareg. Des postes militaires isolés sont ensuite attaqués. 6 janvier 1991 : Conclusion, à Tamanrasset, d’un accord de paix entre les rebelles Touareg et le gouvernement de Bamako. À partir de 1990, le pouvoir de Moussa Traoré se trouve fragilisé, non seulement par le nouveau contexte international, mais aussi par les difficultés économiques rencontrées par le pays. Il a subi deux sécheresses désastreuses (1968-1974 et 1982-1985) mais l’impéritie des gouvernements successifs et leur incapacité à faire face aux contraintes extérieures (chocs pétroliers, variations des cours des matières premières) a placé le pays en situation de subir les exigences de la Banque mondiale ; les politiques d’ajustement structurel ainsi imposées ont permis une amélioration sensible des résultats macroéconomiques mais au prix d’une aggravation des inégalités et de la misère du plus grand nombre, ce qui a entretenu un profond mécontentement, appelé à devenir explosif lors de la crise qui éclate en mars 1991. 23 mars 1991 : Une vingtaine de manifestants sont tués au cours des affrontements qui, entamés dès le 21, opposent à Bamako étudiants et forces de l’ordre. La capitale malienne connaît quatre jours durant une situation insurrectionnelle.26 mars 1991 : Coup d’État militaire et arrestation de Moussa Traoré pour corruption.

Le « modèle » malien

26 mars 1991 : Un Conseil de réconciliation nationale exerce le pouvoir et engage des pourparlers avec l’opposition. Il est dirigé par le colonel Amadou Toumani Touré. 2 avril 1991 : L’ancien ministre des Finances Soumana Sacko est nommé Premier ministre. 29 juillet-12 août 1991 : La conférence nationale chargée de conduire la transition démocratique s’ouvre à Bamako, présidée par Amadou Toumani Touré, président du Comité de transition pour le salut du peuple créé sur la base d’un accord entre les militaires et les forces démocratiques. Août 1991 : Le gouvernement malien rend public le bilan des affrontements entre l’armée et les Touareg au cours de l’année écoulée. Selon le ministère de la Défense et de la Sécurité intérieure, il s’élève à 150 tués chez les militaires. Le problème est moins grave qu’au Niger voisin mais la guérilla targuie considérée à Bamako comme une forme de « banditisme armé » se manifeste de manière chronique, principalement dans les régions de Gao et de Tombouctou. 18 septembre 1991 : Le gouvernement libyen expulse deux cents immigrants maliens vers leur pays. 12 janvier 1992 : À l’issue d’un référendum qui voit, par 99,76 % de oui, l’adoption du multipartisme et d’un nouveau texte constitutionnel, la constitution de la IIIe République est promulguée. Le pouvoir exécutif est détenu par un président élu pour cinq ans au suffrage universel et par un Premier ministre ; le pouvoir législatif est exercé par une Assemblée nationale monocamériste élue elle aussi pour cinq ans. Des élections municipales ont lieu le 19 janvier. Les élections législatives qui les suivent les 9 février et 8 mars voient une large victoire de la coalition gouvernementale sortante. Ces diverses consultations s’effectuent sous le contrôle d’une quarantaine d’observateurs étrangers. 12 avril 1992 : Des délégués des Mouvements et Fronts unis de l’Azawad représentant la guérilla targuie signent à Bamako avec les autorités maliennes et sous l’égide de l’Algérie dont la médiation s’est révélée décisive, le Pacte national sur la question du Nord (dont les termes ont été négociés à Alger en mars) qui met fin à deux ans de guérilla et accorde aux populations du désert une certaine autonomie. 26 avril 1992 : Alpha Oumar Konaré, candidat de l’Alliance pour la Démocratie, est élu président de la République. Avec 45 % des voix obtenues au premier tour contre huit concurrents. Son principal adversaire, Tiéoulé Mamadou Konaté, obtient près de 14,5 % des voix, les autres candidats jouant les figurants (une victoire qui ne traduit pas vraiment, en raison d’une participation très réduite au scrutin, de l’ordre de 24 % des inscrits, l’état d’esprit du pays réel). Le deuxième tour voit Konaré l’emporter sur Konaté par 69,01 % des voix (contre 30,99 % à son adversaire). Le vainqueur de la consultation entre en fonction le 8 juin. C’est la « IIIe République » du Mali qui commence avec lui, après la première, dominée par Modibo Keita, et la seconde, qui s’est confondue avec le régime de Moussa Traoré. On considère généralement à l’étranger que le Mali a réalisé en quelques mois une « transition démocratique » exemplaire. 12 février 1993 : Moussa Traoré, dont le procès a débuté le 4 juin 1992 avant d’être reporté en novembre, est condamné à mort, ainsi que trois autres chefs militaires, pour la répression des émeutes conduite par l’armée en 1991 (elle a entraîné la mort de deux cents personnes). 5 avril 1993 : Reprise de l’agitation étudiante. Les manifestants s’en prennent à l’Assemblée nationale. Démission le 9 avril du gouvernement de Younoussi Touré. 12 janvier 1994 : Dévaluation de 50 % du franc CFA par rapport au franc français (décidée à la conférence de Dakar réunissant les chefs d’État et de gouvernement des quatorze pays de la Zone Franc). Depuis mars 1993 et l’arrivée à Matignon d’Édouard Balladur, la France privilégie la bonne gestion. La fin de la parité fixe entre franc français et franc CFA correspond à la réalité économique et elle est décidée sous la pression des institutions financières internationales jugeant le franc CFA par trop surévalué. La mesure est perçue comme une sorte d’« abandon » par la France. Cet événement traduit également le poids grandissant du FMI et de la Banque mondiale dans les affaires africaines, les États se voyant contraints d’appliquer les politiques d’ajustement structurel décidées par ces institutions. La dévaluation a également été suivie par la transformation de l’Union monétaire ouest-africaine en Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). 2 février 1994 : Reprise de l’agitation étudiante. Démission du Premier ministre Abdoulaye Sékou Sow. Il est remplacé le 4 par Ibrahim Boubacar Keita, troisième Premier ministre du président Alpha Oumar Konaré. La situation de l’enseignement qui est l’objet d’une forte demande sociale est à l’origine d’une contestation chronique, consécutive au faible taux de scolarisation (encore plus faible pour les filles) et à l’insuffisance des moyens en personnel, en locaux et en matériel pédagogique. 15 février 1994 : Fermeture des écoles et arrestation de plusieurs leaders étudiants accusés de vandalisme. L’opération « ville morte » organisée à Bamako le 31 mars suivant est un échec. 16-20 avril 1994 : Échec des nouvelles négociations entreprises par le gouvernement malien avec les Touareg. Malgré de nouvelles tentatives en mai et juin à Alger et Tamanrasset, une nouvelle attaque est lancée le 19 juillet par la dissidence et fait une vingtaine de tués. Septembre 1994 : le congrès de l’ADEMA Alliance pour la démocratie au Mali place à la tête de ce parti le Premier ministre Ibrahim Boubacar Keita. Novembre 1994 : Nouveaux accords, conclus à Bourem avec les Touareg rebelles. Ils mettent momentanément fin à un nouveau cycle de violences. 10 décembre 1994 : Premières rencontres de photographie africaine à Bamako. Doté de peu de ressources, le Mali s’efforce d’affirmer une influence culturelle que justifie, aux yeux de ses dirigeants, la richesse de son passé. 27 mars 1996 : Une cérémonie de réconciliation nationale avec les rebelles Touareg est organisée à Tombouctou. 1996 : Conférence franco-africaine à Ouagadougou, capitale du Burkina-Faso. 1992-1996 : Les militaires combattent la rébellion touareg jusqu’à la prise de la base principale des rebelles et à la signature d’un accord de paix. 27 mars 1996 : Dissolution des mouvements armés touareg. Échec du pacte national de 1992. 1996 : Élaboration d’un programme décennal pour l’éducation et la culture, qui n’obtient pas les résultats escomptés puisque l’analphabétisme perdure massivement au début du XXIe siècle. 27-30 janvier 1997 : Tenue à Kayes d’un forum franco-malien portant sur le développement local et les moyens de limiter l’émigration. 9 mai 1997 : Réélection pour cinq ans d’Alpha Oumar Konaré. Il décide commuer en emprisonnement à vie la peine de mort prononcée contre les quatre accusés considérés comme responsables de la mort des victimes tombées lors des journées insurrectionnelles de mars 1991. 17-20 décembre 1997 : Tournée africaine du Premier ministre français Lionel Jospin (au Maroc, au Sénégal et au Mali où il prononce un discours consacré à l’aide au développement). 1997-1998 : Le Mali devient le premier producteur de coton de l’Afrique subsaharienne (les 522 000 tonnes produites constituent un record absolu depuis l’introduction de cette culture). Avec 663 000 tonnes de riz, le pays, qui n’en consomme que 384 000, dispose de surplus exportables importants. Ces bons résultats conduisent au report de la privatisation, demandée par la Banque mondiale, de la Compagnie malienne de développement textile (compagnie au sein de laquelle l’État malien demeure majoritaire). Malgré ce bilan encourageant, l’émigration demeure toujours aussi massive. 12 octobre 1998-12 janvier 1999 : Procès des dirigeants de l’ancien régime poursuivis pour crimes économiques. Il se déroule dans des conditions discutables, au point que le collectif de défenseurs se retire le 16 décembre. Septembre 1999 : Début d’une campagne de lutte contre la corruption mais l’archevêque de Bamako Monseigneur Luc Sangaré compare cette lutte contre la corruption « à un filet qui ne prend que les petits poissons en laissant s’échapper les gros ». Février 2000 : Mandé Sidibé succède à Ibrahim Boubacar Keita au poste de Premier ministre. 2000 : Alpha Omar Konaré annonce qu’il renonce à se succéder à lui-même en 2002, au terme de son mandat. La lutte pour la succession divise l’ADEMA, le parti dominant. En novembre 2000, Diacounda Traoré est élu président du parti contre le Premier ministre Mandé Sidibé. Février 2001 : Signature par les partis politiques d’un pacte de bonne conduite en vue des élections de 2002. Le multipartisme est devenu une réalité. Le pays compte une cinquantaine de partis dont une vingtaine représentés dans les conseils municipaux, huit à l’Assemblée nationale et cinq au gouvernement. Le vote d’une loi de juillet 2000, relative au financement des partis, confirme la marche du Mali vers la démocratisation. 8 juin 2002 : Amadou Toumani Touré est élu président. Ahmed Mohammed Ag Hamani devient Premier ministre. 2003 : L’ancien président du Mali, Alpha Omar Konaré, accède à la présidence de l’Union africaine qui a succédé à l’Organisation de l’unité africaine. 2003 : Le pays est confronté à la disette et bénéficie d’une aide alimentaire fournie par la communauté internationale qui, sur l’initiative de la France et dans le cadre de l’aide aux « pays pauvres très endettés », annule pour 675 millions de dollars la dette malienne. Septembre 2003 : Au sommet de l’Organisation mondiale du commerce réuni au Mexique, à Cancun, le Mali, le Bénin, le Burkina Faso et le Tchad demandent aux États-Unis de cesser de subventionner les producteurs de coton et l’État malien annonce son soutien à la Société de filature Fitina, dont l’usine doit être inaugurée en 2004. Fin 2003 : L’aggravation de la crise ivoirienne a d’importantes retombées pour le Mali qui se trouve coupé d’Abidjan, son débouché traditionnel sur l’Atlantique, et doit réorienter ses flux commerciaux vers Lomé (au Togo) et Accra (au Ghana). Une situation nouvelle qui peut conduire le Mali à développer ses relations avec le Sénégal et la Mauritanie voisins. 2004 : Mise en œuvre, à l’initiative des États-Unis, du « Plan Sahel » visant à contrôler la « zone grise » que pourrait éventuellement constituer l’espace saharien pour des organisations terroristes islamistes. Outre les États du Maghreb, les pays participants sont le Mali, la Mauritanie, le Tchad et le Niger. C’est sur la base d’informations fournies par l’armée malienne qu’une colonne de véhicules du Groupe salafiste pour la prédication et le combat, importante organisation islamiste algérienne, est interceptée à la fin janvier 2004, en provenance du nord du Mali. Les dirigeants de Bamako voient dans le plan Sahel l’opportunité d en finir avec la dissidence targuie. Février 2004 : Congrès du Parti pour la renaissance nationale (PARENA) de Tiébilé Dramé qui critique le pouvoir, également contesté lors du congrès constitutif du Bloc des alternatives pour le renouveau africain de Yoro Diakité. 29 avril 2004 : Ousmane Issoufi Maïga devient Premier ministre et constitue un gouvernement réduit à 28 membres qui remplace celui de Ahmed Mohammed ag Hamini. Il s’agit d’un gouvernement de consensus dans lequel la plupart des partis sont représentés. 30 mai 2004 : Élections municipales. L’Alliance pour la démocratie au Mali, l’Adema anciennement au pouvoir, arrive en tête avec 28 % des sièges ; de nombreux petits partis soutiennent le président Amadou Toumani Touré. 2004 : Le Mali souffre d’une invasion de criquets pèlerins entraînant un déficit céréalier de 450 000 tonnes. 12 novembre 2005 : Inauguration de la mine d’or de Loulo, qui va permettre de faire passer la production de 40,5 tonnes en 2005 à 64 tonnes en 2006. L’exploitation aurifère représente une part importante du PIB malien, le pays devenant désormais le troisième producteur du continent, après l’Afrique du Sud et le Ghana. 3-4 décembre 2005 : Le 23e sommet franco-africain se réunit à Bamako. 2005 : Le Mali atteint un taux de croissance de 5,9 % sur l’année. La production de coton augmente mais la Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT) est en difficulté en raison de la faiblesse des cours et sa privatisation est repoussée à 2008. Il en va de même pour la Sotelma (Société de télécommunications du Mali) Dans le même temps, une filiale de Bouygues, Saur International, s’est retirée d’EDM (Énergie du Mali) en raison d’une baisse des tarifs décidée unilatéralement. Il n’en reste pas moins qu’avec un déficit budgétaire à hauteur de 0,9 % du PIB, le Mali se voit décerner par la communauté internationale un brevet de bonne gouvernance économique. Avec une population âgée aux trois quarts de moins de vint-cinq ans et illettrée à 65 %, le Mali apparaît cependant toujours comme l’un des pays les plus pauvres du monde, ce dont témoigne un taux de mortalité infantile qui s’élève à 122‰. 70 % des importations et des exportations du Mali passent par Abidjan et les difficultés que connaît actuellement la Côte-d’Ivoire n’arrangent rien pour un pays, qui après l’Éthiopie, est le pays africain recevant l’aide la plus importante de l’Union européenne. 22 mai 2006 : Des rebelles touareg s’emparent de deux camps militaires à Kidal, dans le nord du pays, à quelques centaines de kilomètres des frontières de l’Algérie et du Niger puis se replient en emportant d’importantes quantités d’armes. Alors que l’on considère généralement qu’il a réussi sa « transition démocratique », le Mali demeure un pays pauvre dépourvu de ressources naturelles où d’énormes efforts restent à réaliser en matière d’équipement, de développement économique et d’éducation. Enclavé dans une Afrique de l’Ouest confrontée à de nombreux facteurs de déstabilisation (crises au Liberia, en Sierra Leone, en Côte-d’Ivoire, incertitudes pesant sur l’évolution du Nigeria, persistance de la dissidence targuie, pression démographique et ampleur de l’émigration), le pays conduit par Amadou Toumani Touré semble être entré dans un cycle de bonne gouvernance qui apparaît comme un signe encourageant dans une Afrique subsaharienne qui voit toujours s’accumuler par ailleurs les obstacles susceptibles de compromettre son développement.