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Le Japon
Des samouraïs au XXIe siècle

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À de nombreux égards, le Japon demeure une énigme pour les Occidentaux, une terre lointaine porteuse d’une altérité radicale qui suscite à la fois admiration, envie et inquiétude. Ne disposant que d’un espace utile minuscule pour ses 127 millions d’habitants, confronté à des conditions naturelles exceptionnellement difficiles du fait d’une nature hostile, l’archipel nippon a su réussir de manière inattendue son passage à la modernité occidentale tout en préservant son identité profonde. Premier pays asiatique à s’être engagé, près d’un siècle avant les autres, dans l’aventure industrielle, il en a tiré une puissance politique et militaire qui n’aurait pu être que passagère mais a su montrer ensuite des capacités d’adaptation et d’efficacité surprenantes pour réaliser une reconstruction et une expansion qui en ont fait la deuxième puissance économique du monde. Longtemps demeuré à la périphérie de l’espace culturel chinois, c’est à une époque relativement récente au regard de la longue durée historique, c’est-à-dire vers la fin de notre premier millénaire, que le Japon entre véritablement dans l’histoire de l’Asie orientale pour construire une société profondément originale même si elle est largement influencée par les apports en provenance de l’empire du Milieu et de la Corée voisine. Les périodes de Nara et d’Heian correspondent à un premier apogée de la civilisation nippone avant que le temps du shogunat ne voit s’imposer un pouvoir central toujours plus fort. Renonçant rapidement à l’ouverture engagée par l’arrivée sur les côtes nippones des marchands et des missionnaires portugais, le Japon des Tokugawa se referme totalement sur lui-même à partir du XVIIe siècle mais, à l’inverse de la Chine des Mandchous incapable d’affronter au XIXe siècle les ambitions des puissances impérialistes européennes, le Japon, fort de sa tradition guerrière bien différente de celle des mandarins chinois, réagit vigoureusement aux empiétements étrangers et se donne, en l’espace d’une génération, les moyens d’y faire face. Il passe en trois décennies du Moyen Âge à la révolution industrielle et s’impose, contre la Chine et la Russie, comme la grande puissance asiatique de la première moitié du XXe siècle. L’aventure impérialiste lui sera fatale mais le « miracle » de la reconstruction et de la croissance fait de nouveau de lui un partenaire majeur du concert international. Ce « nain politique » qui demeure handicapé par les conséquences de la défaite subie en 1945 s’impose comme un géant économique qui excelle aussi bien dans l’innovation technologique, le dynamisme commercial, l’organisation du travail ou les performances en matière d’épargne. Un système politique sclérosé, une trop grande dépendance vis-à-vis de la puissance américaine et les précarités inhérentes à une économie largement mondialisée sont cependant sources de faiblesse et, dans un contexte démographique marqué par un vieillissement inquiétant, le Japon du début du XXIe siècle se voit dans une large mesure, même s’il conserve de sérieux atouts, devancé politiquement par le géant chinois engagé à son tour dans une montée en puissance qui semble devoir remettre en cause les équilibres prévalant jusque-là en Asie orientale.

Un archipel aux ressources limitées

Étendu sur 377 737 km2, l’archipel nippon – du nom de Nihon que lui donnent ses habitants et qui signifie « origine du Soleil » – dispose d’une superficie à peu près équivalente à celle de l’Allemagne réunifiée. Les quatre îles principales représentent 95 % du territoire, avec 227 000 km2 pour Honshu (Hondo ou Nihon, la « Principale »), 79 000 km2 pour Hokkaido, la « Nordique » (l’ancienne Yeso, « la Sauvage »), 36 000 km2 pour Kyushu (« les Neuf Contrées ») et 18 000 km2 pour Shikoku (« les Quatre Provinces »). Le Japon s’étend sur 1 700 km du nord au sud ; en Eurafrique, il s’allongerait de la Gironde jusqu’au sud du Maroc (de 45°30' de latitude au nord à 30° au sud), ce qui en fait un pays proche de la Sibérie au nord et des archipels tropicaux d’Asie du Sud-Est dans les Ryukyu qui constituent l’extrémité méridionale de son territoire. Outre les quatre îles principales, les autres terres qui constituent l’archipel sont généralement inhabitées mais elles donnent au pays une zone économique maritime exclusive précieuse en matière de pêche. Les plus importantes de ces îles forment l’archipel des Ryukyu entre Kyushu et Taïwan – depuis la restitution d’Okinawa par les États-Unis en 1972 – et l’archipel des îles Bonin (ou Izu-Ogasawara) situé plus à l’est. À l’inverse, les Japonais espèrent toujours obtenir par la négociation avec la Russie la rétrocession d’une partie de l’archipel des Kouriles qui s’étend d’Hokkaido à la pointe méridionale du Kamtchatka et verrouille ainsi les accès de la mer d’Okhotsk, ce qui laisse pour le moment peu d’espoir aux dirigeants de Tokyo, la Russie de Wladimir Poutine se montrant encore moins disposée que celle de Boris Eltsine à envisager cet abandon, fût-ce au prix du sacrifice des investissements japonais nécessaires à la mise en valeur de la Sibérie orientale. Les Japonais n’en continuent pas moins à désigner les quatre îles méridionales des Kouriles – Kunashiri, Etorofu, Shikotan et Habomai – comme leurs « territoires du nord » occupés en 1945 par les Soviétiques. Arc insulaire de formation récente né du contact des plaques tectoniques pacifique et euro sibérienne, le Japon fait partie de la ceinture de feu du Pacifique. Le paysage est dominé par la montagne, les plaines basses ne représentant qu’un septième du territoire. Véritable puzzle géologique né des mouvements tectoniques tertiaires et d’une activité volcanique parmi les plus importantes du monde – 165 volcans éteints et une soixantaine actifs, parmi lesquels le célèbre Fuji-Yama dont le cône très pur, couronné de neige, s’élève à 3 773 m d’altitude –, le Japon a été de plus façonné par une érosion violente qui n’est que le résultat de la brutalité des pentes et des conditions climatiques. D’une manière générale les montagnes atteignent rarement 2 000 m d’altitude et seules les Alpes japonaises, situées en bordure occidentale de la Fossa Magna – l’accident tectonique majeur qui prend en écharpe le centre d’Honshu – et composées de trois chaînes (Hida, Kiso, Akaishi), dépassent 3 000 m. Plus que l’altitude, ce sont les pentes abruptes, souvent supérieures à 15 %, qui opposent de sérieuses contraintes à l’installation humaine. L’importance religieuse accordée aux montagnes et aux forêts par la tradition shinto a fait que ces régions ont été historiquement très peu occupées, ce qui explique les extraordinaires densités humaines constatées aujourd’hui dans les plaines littorales dont la plus importante, celle du Kanto (où se dresse Tokyo), ne représente que 15 000 km2. Plus au sud, la plaine du Kansaï est celle où s’est développée Osaka alors que la plaine du Nôbi abrite l’agglomération de Nagoya. De manière générale, ces plaines utiles, généralement réparties sur la côte orientale, ne représentent que 80 000 km2 alors qu’elles accueillent l’écrasante majorité des 127 millions d’habitants que compte aujourd’hui le pays. Le climat de l’archipel est déterminé par son extension en latitude, la nature très particulière de son relief et l’opposition entre les influences continentales et maritimes. Le contraste né du contact entre l’anticyclone sibérien et les masses d’air chaudes issues de la zone intertropicale mais aussi de l’action du courant froid de l’Oya Shivo au nord et de celle du courant chaud du Kouro Shivo au sud accentue les différences entre Hokkaido, qui participe dans une large mesure à l’espace sibérien, et Kyushu où prévalent des conditions subtropicales. Outre de fortes amplitudes thermiques et de forts contrastes de température liés aux écarts de latitude, les précipitations apparaissent également très variables : importantes chutes de neige sur la côte occidentale exposée aux vents venant de Sibérie et survolant la mer du Japon pendant l’hiver, fortes précipitations au printemps et à l’été sur la façade Pacifique. Contrastées, les conditions naturelles de l’archipel nippon sont également dominées par la violence de catastrophes naturelles de diverses origines. Les séismes sont fréquents et, au cours du seul XXe siècle, ceux de Tokyo en 1923 et de Kobe en 1995 se sont révélés particulièrement dévastateurs. Les tsunami ou raz de marée liés aux tremblements de terre sont également un fléau meurtrier – faisant 30 000 morts en 1896. L’activité volcanique est tout aussi redoutable dans un pays qui compte près de 10 % des volcans actifs du monde alors qu’il ne représente que 1/400e des terres émergées. Le Sakurajima, l’Aso San ou l’Unsen sont ainsi particulièrement dangereux. Les typhons générateurs de vents très violents et de crues de grande ampleur constituent sur les côtes méridionales et orientales d’Honshu un danger supplémentaire. L’hostilité de la nature apparaît ainsi incontestable et rend d’autant plus spectaculaire les performances dont le Japon s’est montré capable. Il bénéficiait, à l’inverse, d’une situation insulaire au contact de mers particulièrement poissonneuses qui lui a permis, selon les époques, de se replier sur lui-même et d’assurer ainsi sa sécurité (contre les invasions mongoles du XIIIe siècle par exemple), de préserver son isolement et, à l’inverse – quand les conditions la rendaient possible – d’entreprendre une expansion qui fut militaire et territoriale – avec, à l’issue, l’échec que l’on connaît – mais qui fut aussi avec plus de succès une expansion économique et commerciale, la mer jouant dans l’approvisionnement du pays, dans son industrialisation massive et dans ses capacités exportatrices un rôle déterminant à partir des années soixante. Longtemps présenté comme une « Angleterre asiatique », l’empire du Soleil levant ne disposait pas des ressources de l’État qui sut dominer le continent européen aux Xe et XIXe siècles mais, sans pouvoir se hausser au rang d’une puissance mondiale dominante, il fut en mesure de bâtir pour un demi-siècle une hégémonie régionale et de relever ensuite, dans le contexte bien particulier de la seconde moitié du XXe siècle, les défis d’une reconstruction et d’une expansion qui ne semblaient nullement acquises en 1945.

Des origines à l'apogée médiéval

Il a fallu attendre les lendemains de la seconde guerre mondiale pour que les recherches archéologiques permettent d'éclairer le passé le plus lointain de l'archipel nippon, car l'Histoire nationale demeura en effet longtemps prisonnière des mythes fondateurs issus de la tradition religieuse. On sait aujourd'hui que l'archipel était occupé dès le Paléolithique supérieur, sans doute par les autochtones aïnous auxquels sont venus se joindre ultérieurement des immigrants d'origine méridionale appelés à constituer la majeure partie de la population japonaise à l'époque historique. Située à la périphérie orientale du continent asiatique auquel il fut relié par des "ponts" nés de l'abaissement du niveau des mers correspondant aux extensions glaciaires, l'archipel a connu un néolithique très original combinant l'usage très précoce de poterie avec la persistance d'une économie de prédation fondée sur la chasse, la pêche et la cueillette, et ce n'est qu'au cours du premier millénaire avant J-C que la culture du riz importée du continent commence à se répandre. Ce sont les contacts établis avec la Corée et la Chine qui permettent ensuite le développement d'une première civilisation japonaise avec, notamment, la constitution à partir du VIème siècle d'un premier Etat en mesure de s'imposer progressivement, à partir du Kansaï, sur la plus grande partie de l'ile centrale de Honshu. L'introduction du bouddhisme aux VIème-VIIème siècles et la fondation à Nara, en 710, d'une première capitale d'envergure font véritablement entrer dans l'Histoire un archipel pauvre en ressources et ignorant les fastes de l'Empire chinois des Souei et des Tang ou des royaumes coréens plus proches. L'installation à Heiankyo, près du lac Biwa, là où s'élèvera ultérieurement Kyoto, d'une nouvelle capitale marque le souci de la monarchie du temps d'échapper à l'influence grandissante du clergé bouddhiste et conduit d'autre part à un certain repli sur lui-même du pays, en même temps que s'affrontent les ambitions rivales des clans Fujiwara, Taïra et Minamoto, ce dernier parvenant à s'imposer à la fin du XIIème siècle. Contemporaines du début du VIIIe siècle, les plus anciennes sources écrites relatives aux origines du Japon ne peuvent guère nous renseigner dans la mesure où elles se réfèrent aux seules traditions mythologiques. Le Japon apparaît au premier siècle dans les chroniques chinoises sous le nom de « peuple de Wa » mais les informations qu’elles fournissent demeurent tout aussi limitées et il faut se tourner vers l’archéologie pour en savoir davantage. C’est le zoologue américain E.S. Morse, appelé à enseigner la zoologie à la toute nouvelle université de Tokyo entre 1877 et 1879, qui fut le pionnier des études consacrées à la préhistoire et à la protohistoire nippones en fouillant les amas coquilliers d’Omori, ce qui lui permit de mettre en lumière l’existence de la culture Jomon. Les archéologues japonais prirent rapidement le relais mais l’exploitation idéologique qui fut faite de l’étude des origines nationales à l’époque du Japon impérialiste ne facilita guère l’approche scientifique des problèmes dans la mesure où nul ne songeait à remettre en cause le mythe du premier Empereur, Jimmu, descendant de la déesse solaire Amaterasu, qui aurait été l’initiateur de la lignée impériale en 660 avant J.-C. La remise en cause de ce dogme risquant de compromettre tout l’édifice idéologique, religieux et politique shintoïste, il fallut attendre la défaite de 1945 et les années de la reconstruction pour que l’archéologie japonaise connaisse un brillant essor et bénéficie de moyens qui sont demeurés aujourd’hui tout à fait considérables. Plusieurs dizaines de milliers de sites ont ainsi été fouillés de manière scientifique au cours des cinquante dernières années. Il est ainsi apparu que l’occupation de l’archipel par les hommes remontait bien au-delà de la période Jômon qui va de -10 000 à -300 avant J.-C. et que des cultures paléolithiques s’y sont développées depuis au moins cinquante mille ans. Le zèle de certains archéologues a cependant engendré de dangereuses dérives et l’on a pu ainsi constater que certaines découvertes de sites paléolithiques censés abriter des restes du « premier homme japonais » et datés de 100 000 à 600 000 ans avant J.-C. étaient tout bonnement des supercheries dues à un archéologue peu scrupuleux, Shinchi Fujimura, pris la main dans le sac au moment où, tel le découvreur britannique de « l’homme de Piltdown » il y a huit décennies, il enfouissait sur un site qu’il allait bientôt fouiller des objets supposés remonter au Paléolithique ancien. Si l’on excepte cette regrettable « bavure », les recherches archéologiques ont permis de préciser ce que fut l’évolution des groupes humains installés dans l’archipel nippon au Paléolithique moyen et supérieur ainsi qu’au Néolithique. - 30 000 : Les anciens occupants du site d’Iwajuku – dans le centre d’Honshu, au nord-ouest du Kanto – fabriquent des bifaces ovales encore assez rudimentaires. À cette époque, des « ponts continentaux » dus à l’abaissement du niveau de la mer consécutif à l’extension des glaciers relient la Corée à Kyushu et à Honshu ainsi que cette dernière île à Hokkaido. Plus au nord, cette île est reliée alors à l’actuelle île Sakhaline et à la côte sibérienne. La mer du Japon n’est alors qu’un vaste lac fermé comme l’est la mer Baltique à des périodes comparables du Mésolithique européen. L’existence de ces « ponts » provisoirement émergés n’a pu que favoriser l’arrivée de groupes qui, venus du continent, sont sans doute à l’origine des populations aïnous autochtones, assez voisines des peuples ouraliens plutôt que « caucasiens » comme on l’a longtemps prétendu. -13 000 -12 000 : Les groupes humains identifiés sur les sites de Shirataki (Hokkaido) et de Yasumiba (Honshu) sont formés de chasseurs équipés de racloirs, de burins et de pointes, outils comparables à ceux utilisés par les chasseurs euro-sibériens de l’époque. Des microlithes taillés dans l’obsidienne se généralisent à partir de -12 000. L’acidité des sols a fait que seuls quelques sites (Akashi, Ushikawa, Hamakita) ont livré des vestiges humains remontant à cette époque. -10 000 -300 avant J.-C. : Période dite Jômon. Le relèvement du niveau des mers isole alors l’archipel japonais et Kyushu, Honshu et Hokkaido se retrouvent séparées. La période tire son nom – qui signifie « marqué de cordes » – du décor de la poterie qui la caractérise. Les poteries découvertes à Fukui, dans la préfecture de Nagasaki, et à Kamikuroiwa dans celle d’Ehime, datées par le carbone 14 du XIe millénaire avant J.-C., sont les plus anciennes connues au monde. Les pots de cette période archaïque ont une base ronde ou pointue car ils étaient sans doute posés entre les pierres du foyer alors que les fonds plats deviennent habituels à partir du VIe millénaire. Ce qui apparaît tout à fait original, c’est que l’existence de la poterie et d’habitats permanents ne va pas de pair ici avec la naissance et le développement de l’agriculture. La chasse, la cueillette, la pêche et le ramassage des coquillages apparaissent en fait largement suffisants pour nourrir la population du temps, ce qui définit un « Néolithique » japonais aussi ancien qu’original et très différent de celui, caractérisé par la révolution agricole, qui se développe au Proche Orient à partir des VIIIe et VIIe millénaires, puis en Europe occidentale et en Chine du Nord deux ou trois millénaires plus tard. Les sites remontant à cette période nous ont aussi livré de curieuses figurines de pierre ou d’argile, dont beaucoup d’allure anthropomorphe, qui étaient sans doute utilisées comme talismans. Des vestiges de sanctuaires de plein air révèlent une religion liée à la chasse et aux forces naturelles. On a longtemps supposé que les populations correspondant à la culture de cette époque devaient être assimilées aux autochtones Aïnus, progressivement refoulés vers le nord et assimilés par de nouveaux immigrants originaires d’Asie méridionale à partir de la période suivante mais le débat sur cette question demeure largement ouvert. 300 av. J.-C. -300 après J.-C. : Époque de la culture Yayoi qui voit la diffusion de la culture du riz, du tissage et de la métallurgie. Connue en Chine depuis le Ve millénaire et en Corée depuis le XVe siècle avant J.-C., la riziculture fournit un millénaire plus tard un complément de ressources alimentaires précieux dans certaines régions du centre et du sud-ouest du Japon où l’un des plus anciens sites agricoles a été identifié à Itazuke, près de Fukuoka. Avec ses greniers sur pilotis, ses maisons de forme ovale couvertes d’un toit de chaume et ses rizières soigneusement aménagées, le site de Toro installé près de Shizuoka, sur des basses terres proches de l’embouchure de la rivière Abe, est caractéristique de cette période. Les rituels funéraires traduisent une hiérarchisation sociale alors que les cloches de bronze, ou dôtaku étaient des objets de culte, symboles rituels du pouvoir ou des divinités agraires qui commandaient la vie de ces communautés paysannes. IIIe-VIe siècles après J.-C. : Le temps des kofun est caractérisé par la présence de ces tombes tumuli dont les plus grandes ont été érigées dans la région du Yamato (située au sud de Nara) et qui sont considérées comme l’expression du pouvoir supérieur d’un régime politique déjà très puissant dont descendrait directement la lignée impériale japonaise. À partir du IVe siècle, on constate la construction de grandes tombes dont le plan les a fait baptiser « en entrée de serrure », longues de plusieurs centaines de mètres et entourées de fossés. La plus grande, contemporaine du Ve siècle, se trouve dans la plaine d’Osaka et est attribuée à l’empereur semi-légendaire Nintoku ; dans cette catégorie de constructions, seul le mausolée de Quin Shihuang Di, le « Premier Empereur » de Chine apparaît plus étendu. Cette tombe s’étend en effet sur 32 hectares et s’élevait à 35 mètres de haut. Sur les pentes de ces tombes étaient installées des statuettes en terre cuite de dimensions variables, dites haniwa. Selon les sources écrites les plus anciennes, elles auraient été placées là pour remplacer les hommes initialement destinés à être enterrés vivants avec le défunt, selon une coutume bien connue chez les anciens peuples des steppes euro-sibériennes. Une seule tombe importante pouvait être entourée de plusieurs centaines, voire de plusieurs milliers de ces statuettes qui révèlent de nombreux traits de ce qu’était la vie des Japonais de cette période et constituent ainsi une documentation absolument irremplaçable. La multiplication, dans le mobilier funéraire, des ustensiles liés à la cavalerie et la généralisation des représentations de chevaux semblent témoigner de l’irruption à cette époque d’envahisseurs utilisant le cheval et sans doute venus de Corée. Parmi les confédérations tribales qui structurent l’espace japonais de cette époque, celle de Yamato semble avoir été la plus puissante, au point que ses chefs se sont présentés comme les descendants de la divinité solaire Amaterasu. Des contacts sont établis à cette époque avec les royaumes coréens mais aussi avec la Chine des Han puis des Weï qui semble considérer le « pays du Wa » comme son vassal. Les sources chinoises et coréennes évoquent, au milieu du IIIe siècle, un royaume de Yamatai placé sous l’autorité d’une reine Himiko mais les plus anciennes chroniques japonaises ne fournissent aucun écho à ce sujet. C’est sans doute au IVe siècle que le Yamato établit son protectorat sur le Mimana dans le sud de la Corée. En tout état de cause, les « Barbares de l’est » des sources chinoises tirent à cette époque l’essentiel de leur civilisation des apports venus du continent, c’est-à-dire de Chine et de Corée et c’est une ambassade de ce dernier pays qui, au milieu du VIe siècle, introduit le bouddhisme dans l’archipel. 540 - 571 : Règne de l’Empereur Kimmei 552 : Première ambassade coréenne. Le roi du Paiktyei, Syong-Myong, adversaire de l’autre royaume coréen de Silla, souhaite un protectorat japonais sur la province du Mimana disputée entre les deux principaux souverains de la péninsule. Pour encourager l’empereur Kimmei à intervenir, il lui fait porter une statue de Bouddha et lui fait valoir la supériorité de cette nouvelle religion. La cour du Tennô se divise sur la question : Iname, du clan des Soga, est favorable au bouddhisme face au clan rival des Mononobe demeuré attaché à la tradition shinto. Deux autres ambassades coréennes accueillies au Japon en 555 et 577 contribuent à répandre la nouvelle religion. 562 : Les Japonais perdent le contrôle de la province coréenne de Mimana. 586 : Le Japon est affecté par une terrible épidémie de peste. 587 : À la mort de l’empereur Yômei, Umayado – le candidat à la succession soutenu par les Soga – l’emporte lors de la bataille de Shigisen sur celui des Mononobe et des Nakatomi et sa victoire signifie celle du bouddhisme. Sous le nom de Shotoku Taishi, le vainqueur laisse la place à une impératrice, Suiko, issue du clan des Soga. La souveraine et son ministre sont de zélés propagateurs de la nouvelle religion. 604 : Édit des dix-sept articles du prince Shotoku qui recommande l’adoption du bouddhisme et établit un protocole inspiré de celui de la cour impériale chinoise. En même temps que le bouddhisme, c’est l’influence chinoise qui s’impose au Japon où le calendrier chinois est adopté dès 602. 607 : Première ambassade japonaise en Chine. Construction à Nara du Horyuji ou temple de la Noble Loi, qui est le plus ancien édifice en bois existant au monde. 645 : Un coup d’État des Nakatomi désormais convertis au bouddhisme met fin à la dictature des Soga. Début de l’ère Taikwa « du Grand Changement ». Un édit calqué sur la législation chinoise des T’ang réforme l’ensemble de la société japonaise. Les anciens royaumes indépendants deviennent de véritables provinces soumises à l’autorité impériale. Une hiérarchie de gouverneurs et de chefs locaux est mise en place. 668 : Constitution du Daigaku, une sorte d’école appelée à former les fonctionnaires, recrutés dans la noblesse et divisés en cinq classes. 669 : Mort de Nakatomi no Kamatari qui, sous le règne de l’empereur Kotoku (645-654) a débarrassé le souverain du clan Soga et a reçu pour sa lignée le nom de Fujiwara. 672-686 : Règne de l’empereur Temmu Tennô. 701 : La législation de Taiho précise l’organisation du gouvernement ébauchée par la réforme de Taika ; le gouvernement comprend un conseil d’État, un chancelier de la main gauche et un chancelier de la main droite. 708 : Première émission d’une monnaie de cuivre japonaise. 710 : Fondation d’une nouvelle capitale, Nara – ou Heijokyo, capitale de la Forteresse de la Tranquillité –, imitée de la Tch’ang-ngan des T’ang chinois. 713 : Une ordonnance impose l’écriture des lieux avec les caractères chinois, afin de faire disparaître la toponymie aïnu et de réaliser l’unification ethnique du pays. 715-720 : Rédaction de L’Histoire du Japon (Nihongi) sous la direction du prince Toneri. Rédigées en 712, les Kojiki ou Généalogies impériales, ont été presque entièrement perdues. 718 : Le code Taiho est complété et précisé en matière économique et pénale. 733 : Le Japon est frappé par une terrible famine, aggravée quatre ans plus tard par une épidémie de variole. 737 : L’Église bouddhique passe sous le contrôle de l’État, qui impose l’installation dans chaque province d’un monastère masculin et d’un autre féminin. La richesse des temples et des monastères ne va pas sans susciter des réactions d’hostilité de la population mais la nouvelle religion progresse régulièrement et sera représentée par six sectes différentes à la fin de la période de Nara en 784. 745-752 : Construction à Nara d’une monumentale statue de Bouddha. 765-770 : Tentative manquée de l’usurpateur Dôkyô de s’emparer du trône impérial. Fin du VIIIe siècle – première moitié du IXe : La lutte contre les Aïnu se poursuit et, malgré de nombreuses révoltes d’autochtones, la colonisation japonaise finit par s’imposer. 794 : La cour du Tennô, l’empereur, s’installe à Heiankyô, près du lac Biwa (la future Kyoto) pour échapper à l’emprise des nombreuses fondations bouddhiques de la région de Nara. 799 : Introduction de la culture du coton au Japon à la suite de l’échouage d’un navire indien sur les côtes de l’archipel. 805 : Le bonze Saicho crée au mont Hiei, au nord-est de Kyoto, la secte bouddhique du Tendaï. L’année suivante Kukaï crée la secte bouddhiste du Shingon dont la doctrine est hermétique et ésotérique. 838 : Dernière ambassade japonaise à la cour des souverains chinois T’ang. Début pour le Japon d’une période « isolationniste ». 857 : Fujiwara Yoshifusa reçoit le titre de « grand chancelier » (Premier ministre) qui n’était plus attribué depuis près d’un siècle. C’est le début de l’ascension du clan Fujiwara. Yoshifusa devient « régent » en 866 et son neveu Mototsune lui succède en 872. 877 - 884 : Règne de l’empereur Yôzei. Mototsune de la famille des Fujiwara exerce les fonctions de kambaku (régent, Premier ministre ou maire du palais). Ce système correspond à la forme nippone de l’usurpation de pouvoir puisque la tradition japonaise interdit d’envisager la disparition de la dynastie impériale issue d’Amaterasu. Quand Yozei est emprisonné après avoir sombré dans la folie, Mototsune conserve ses fonctions sous les empereurs Kôkô (885-887) et Uda (888-897) jusqu’à sa mort survenue en 893. 889 : L’arrière-petit fils de l’empereur Kammu (782-805), Takamochi, prend le nom de Taïra Takamochi et fonde le clan Taïra, appelé à jouer un rôle de premier plan un siècle et demi plus tard. 897 - 930 : Règne de l’empereur Daigo Tenno. 901 : Sugawara Michizane, rival des Fujiwara, est envoyé à Kyushu comme gouverneur, ce qui équivaut à un exil. Ce sont les Fujiwara Tokihira, mort en 909, puis son frère Tadahira, mort en 949, qui exercent alors le pouvoir. C’est une période brillante qui voit se perfectionner l’écriture japonaise en même temps que les relations avec la Chine se réduisent au minimum. 931-947 : Règne de l’empereur Sujaku Tennô. La menace de la piraterie qui sévissait dans l’archipel est éradiquée en 941. 947-967 : Règne de l’empereur Murakami Tennô. C’est un âge d’or marqué par la douceur de vivre et les raffinements de la cour impériale. 961 : Tsunemoto, un petit-fils de l’empereur Seiwa (858-876) prend le nom de Minamoto Tsunemoto et fonde le clan Minamoto. 1002 - 1027 : Le Fujiwara Michinaga exerce le pouvoir sous les règnes de trois empereurs successifs. 1020 : Écrit par une dame d’honneur, Murasaki Shikibu, le Dit des Genji (Genji-Monogatari), qui narre les aventures galantes d’un prince de la cour de Heian, est l’un des plus anciens romans du monde. 1028 : Révolte du Taira Tadatsune dans le Kanto, vaincue par Minamoto Yorinobu qui accroît ainsi le prestige de sa famille. 1051 : Victoire contre le clan des Abe, lié aux autochtones Aïnu. 1068-1073 : Règne de l’empereur Sanjô II qui affirme son indépendance par rapport aux Fujiwara et s’entoure de conseillers issus du clan Minamoto. Il fait réviser les fiefs pour affaiblir la féodalité et restituer à l’État davantage de ressources. 1073 - 1087 : Règne de l’empereur Shirakawa. Il se prolonge en fait beaucoup plus longtemps – il mourra en 1129 – car Shirakawa ouvre la liste des empereurs « retirés » – inzen ou jô-ô quand ils restent laïcs ou hô-ô quand ils entrent en religion – qui continuent à jouer un rôle prépondérant sous le règne de leurs successeurs en titre. Shirakawa favorise les couvents mais la rébellion de ceux-ci le conduit à lancer contre eux les Taira, une puissante famille du Kanto. 1087 : Un autre Minamoto, Yoshiie, bat les Kiyowara rebelles. 1108-1123 : Règne de l’empereur Toba-Tennô. 1156-1158 : Après une crise successorale, Shirakawa II règne deux ans puis se retire tout en jouant un rôle prépondérant jusqu’en 1192 et en imposant son fils Nijô Tennô au pouvoir. 1167 : Après plusieurs années de troubles, Taira no Kiyomori s’impose comme l’homme fort. Les Taira se substituent aux Fujiwara comme lignée dominante. 1175 : Le bonze Honen fonde le Jodoshu ou secte de la Terre Pure. 1180 : Kiyomori brise la révolte de Minamoto Yorimasa et fait brûler les couvents qui l’ont soutenue. Mars 1181 : Mort de Kiyomori qui devait alors faire face à la révolte de Minamoto Yoritomo. Une guerre de cinq ans oppose alors les deux lignées Taira et Minamoto. Yoritomo entame la conquête du Tokaido et fixe sa base à Kamakura.

Le temps du shogunat (XIIe-XIXe siècles)

La victoire obtenue par le clan Minamoto ouvre, à la fin du XIIème siècle une période qui voit l'effacement du pouvoir impérial, réduit à sa seule dimension religieuse, et la montée en puissance de l'institution shogunale. Minamoto Yoritomo installe même la capitale shogunale à Kamakura, dans le Kanto, au moment où la caste guerrière des bushi (les samouraïs des Occidentaux) s'impose comme la force sociale dominante. Alors que l'autorité des souverains mongols héritiers de Gengis Khan est en passe de s'étendre sur toute l'Asie, le Japon va résister aux exigences de l'empereur Yuan de Pékin et - par deux fois, en 1274 et en 1281 - les flottes d'invasion ennemies vont être dispersées par la tempête, ce qui assure au pays le maintien de son indépendance. Les années suivantes voient le renforcement de l'autorité impériale, marqué par le retour du shogun à Kyoto en 1333, mais la fin du XVème siècle, dite "période des principautés combattantes" correspond de nouveau à un affaiblissement de l'Etat central. Cette évolution précède de peu l'apparition des Européens sur les côtes de l'archpel - le Portugais Mendes Pinto en 1542, le Navarrais Saint François Xavier en 1549 - au moment où les Espagnols s'installent aux Philippines et alors que les négociants hollandais et anglais s'apprêtent à leur tour à installer des factoreries à proximité de Nagasaki. La fin du XVIème siècle voit se livrer des luttes farouches pour le pouvoir, quand s'affrontent Oda Nobunaga, Hideyoshi, véritable fondateur de l'Etat japonais moderne, et Ieyasu Tokugawa dont la lignée finira par s'imposer. La fermeture du pays et les persécutions engagées contre les Chrétiens marquent le début d'une longue séquence d'isolement volontaire qui ne trouvera son terme qu'au milieu du XIXème siècle, quand Américains, Anglais et Russes exigeront par la force l'ouverture du pays. L'occasion pour le nouveau souverain Mutsu Hito d'ouvrir une ère nouvelle qui permettra de répondre victorieusement au défi lancé par les Barbares étrangers. Avril 1185 : Le combat naval livré dans le détroit de Dan no Ura, entre Honshu et Kyushu, assure la victoire de Minamoto Yoritomo sur Taira no Kiyomori. Cette bataille met fin à la féodalité traditionnelle et prélude à l’installation en 1192 d’un système de dictature militaire appelé à durer près de sept siècles. Le nouveau régime, qui marginalise l’institution impériale en la réduisant à son caractère religieux est désigné par le terme de shogunat (de shogun, « général ») ou sous celui de bakufu qui signifie originellement la tente abritant le quartier général. Transfert de la capitale politique à Kamakura, une bourgade côtière du Kanto où se trouve le quartier général de Minamoto Yoritomo. 1185 : Reconstitution d’un service postal officiel et régulier. Une route Kamakura-Kyoto est aménagée durant la même période. 1187 : Yoritomo écarte son frère Yoshitsune dont la popularité l’inquiète. Réfugié auprès du clan des Fujiwara, Yoshitsune se suicide mais Yoritomo marche contre les Fujiwara et les soumet. 1191 : Introduction au Japon du bouddhisme zen qui rencontre la faveur de la caste guerrière dirigeante alors que les sectes Jôdo (fondée en 847 et organisée en 1174) et Nichiren (fondée en 1253) s’adressent principalement au peuple des campagnes et aux guerriers ordinaires. 1199 : Yoritomo meurt accidentellement d’une chute de cheval. De ses deux fils, l’un est un incapable et l’autre est assassiné. Ce sont donc le beau-père de Yoritomo Hojo Tokimasa et son fils Yoshitoki qui deviennent « régents » (shikken) du shogun, avec la veuve de celui-ci, Masako, qui choisit comme shogun un enfant de deux ans, parent par alliance de son mari et issu du clan des Fujiwara. Yoritsune est ainsi adopté par les Minamoto et élevé par eux à Kamakura. Au début du XIIIe siècle, la confusion politique est à son comble et quatre empereurs prétendent au pouvoir. Quand ils tentent de s’entendre contre Yoshitoki, ils sont battus et exilés et l’enfant empereur Kujô meurt en 1234. Il est remplacé par le moine Kodô Hô-shinnô qui devient l’empereur Horikawa II. 1222 : Une bonne partie des terres nobles est enlevée aux partisans de l’empereur pour être redistribuées aux fidèles du shogun. 1224 : Mort de Yoshitoki, suivie en 1225 de celle de Masako. C’est sous Hôjô Yasutoki, fils de Yoshitoki et troisième shikken, qu’un code législatif en 51 articles est fixé. Le jeune Fujiwara Yoritsuné qu’avait choisi Masako devient effectivement shogun mais il est destitué par le shikken Tsunetoki, petit-fils de Yasutoki, et est obligé de devenir moine. Il est remplacé par son fils Yoritsugu mais, quand il tente de reprendre le pouvoir en 1246, c’est un échec qui conduit à l’élimination des Fujiwara dans la compétition pour le shogunat. Le nouveau shikken Tokiyori, frère de Tsunetoki, remplace en 1252 le Fujiwara par le frère cadet de l’empereur du moment, le prince Munetaka, ce qui rapproche les cours impériale de Kyoto et shogunale de Kamakura. C’est la période des « shogun princes » ou shinnoshogun qui n’ont guère de quoi inquiéter les shikken puisque les shoguns en question sont automatiquement déposés en accédant à leur majorité. 1246 - 1256 : Tokiyori, le cinquième « régent », apparaît comme la dernière grande personnalité de la famille Hôjô. 1252 : Réalisation de la grande statue de bronze du Bouddha de Kamakura. 1259 : Les Mongols soumettent la Corée. 1266 - 1273 : Six missions coréo-mongoles sont envoyées au Japon par Khubilaï Khan, l’empereur Yuan de Pékin qui est sur le point de vaincre en Chine méridionale la résistance des Song et entend établir son protectorat sur l’archipel nippon. 1274 : Première attaque mongole contre le Japon. Un typhon disperse la flotte des envahisseurs dans la baie de Hakata. Ce sont ces « vents divins » qui donneront ultérieurement leur nom aux « kamikazes ». 1275 et 1279 : Nouvelles ambassades sino-mongoles au Japon pour persuader l’empereur de venir rendre hommage à Khubilaï à Khanbaliq (Pékin). Les Japonais ne répondent pas et décapitent même en 1275 les envoyés de l’empereur chinois. 1281 : Une nouvelle attaque mongole est dispersée par la tempête. 1319 - 1339 : Règne de l’Empereur Daigo II. 1331 : Révolte de l’empereur contre le shogun. Juillet 1333 : Ralliement à l’empereur d’Ashikaga Takauji, le chef des troupes du bakufu. Il restaure le shogunat dès 1338. Kamakura est pris et le shikken se suicide. C’est la victoire de la cour. Le shogun s’installe à Kyoto et abandonne Kamakura. 1335 : Exécution du prince Morinaga, shogun en titre. 1336 : Daigo II est chassé de Kyoto et installe une cour dissidente à Yoshino. Début du Grand Schisme impérial qui durera jusqu’en 1392, que les Japonais appellent aussi « période des Deux Cours ». 1338 : Ashikaga Takauji prend le titre de shogun qui demeurera à ses descendants jusqu’en 1573, ce qui correspond à la période dite « ère Muromachi ». 1339 : Mort de Daigo II. 1350 - 1450 : Floraison du drame lyrique, le nô, et développement de l’esthétique zen – art des jardins, cérémonie du thé, arrangement floral. 1392 : Après une longue période de confusion, l’unité du Japon est reconstituée en faveur de l’empereur de Kyoto, grâce à l’abdication du souverain rival installé à Yoshino dans le sud du pays. 1408 : Mort de Yoshimitsu, petit fils de Takauji, qui a réussi à imposer son autorité comme premier ministre auprès de l’empereur. 1428 : Échec de la révolte du prince de Kamakura contre le bakufu. 1449 - 1472 : Le règne du shogun Ashikaga Yoshimasa voit un brillant développement des lettres et des arts. 1467 - 1500 : La guerre d’Onin pour le contrôle du shogunat engendre de multiples troubles et est souvent considérée comme la « guerre de Trente Ans » du Japon. L’époque est aussi baptisée parfois « période des royaumes combattants » ou des « principautés belligérantes ». 1542 : Le Portugais Fernao Mendes Pinto et deux compagnons – Diego Zeimoto et Christopho Borrello – débarquent à Tanegashima, au sud de Kyushu. 15 août 1549 : Débarquement à Kagoshima de saint François Xavier. Il réalise le premier catéchisme en japonais. Il gagne Kyoto en décembre 1550 et repart finalement pour l’Inde le 20 décembre 1551. Il y aura en 1582 125 000 convertis au catholicisme à Kyushu. 1567 : Établissement d’un comptoir commercial européen à Nagasaki où le daimio local Omura Sumitada s’est converti au catholicisme. 1568 : Oda Nobunaga profite d’une révolte contre le shogun pour prendre Kyoto, renforcer le pouvoir du bakufu et se proclamer vice-shogun. 1571 : Nobunaga assiège le couvent forteresse d’Hieizan dont tous les moines sont massacrés. 1573 : Il dépose Yoshiaki, le dernier shogun Ashikaga et abolit provisoirement l’institution shogunale. Il bat ensuite les clans qui restaient partisans de l’ancien système – les Mori, les Uesugi, les Takeda – c’est la lutte contre ce dernier clan qui a fourni au cinéaste Kurosawa la matière de son film Kagemusha. En 1579, il s’empare de la citadelle d’Osaka qui appartenait à l’ordre de Monto. La même année, il organise la persécution de la secte de Nichiren. Il s’en prend aussi à la secte Jôdo, manifestant ainsi une hostilité générale au bouddhisme. Il semble favorable à l’inverse aux missionnaires catholiques ; les décrets de 1565 et 1568 qui interdisaient la prédication ne sont pas appliqués. Des daimios protègent les chrétiens et une école jésuite est installée dans la résidence de Nobunaga. 1582 : Fondation du bourg de Edo (ou Yedo), la future Tokyo. 1582 : Nobunaga est victime d’une révolution de palais conduite par l’un de ses généraux, Akechi Mitsuhide, lui-même tué ensuite par Toyotomi Hideyoshi. 1582 - 1615 : Âge d’or de l’architecture de la période dite Momoyama dont la profusion baroque marque une rupture avec l’austérité de l’esthétique zen. 1582 - 1590 : Ambassade de quatre jeunes chrétiens japonais auprès du pape Grégoire XIII. Ils le rencontrent en 1585 juste avant sa mort, ce qui leur permet d’assister au couronnement de Sixte Quint. 1582 - 1598 : Dictature d’Hideyoshi. Chef de guerre issu d’une famille paysanne, il se fait adopter par le clan Fujiwara sous le nom de Toyotomi et obtient le titre de Kambaku soit Premier ministre. Il restaure l’unité du pays en allant soumettre Kyushu et le Kanto. Il installe sa capitale à Osaka mais développe et embellit Kyoto. Sous son régime, le nombre des chrétiens s’élève jusqu’à 200 000 mais il change brutalement de politique et un décret d’expulsion des Jésuites est promulgué en 1587. De véritables persécutions commencent en 1596, quand on soupçonne les Espagnols de vouloir s’emparer du Japon à partir des Philippines. Vingt-six martyrs sont crucifiés à Nagasaki le 5 février 1597. L’évêque Martinez doit quitter le pays et meurt à Malacca. Il est remplacé l’année suivante mais 137 églises ont été détruites, ainsi qu’un collège. 1591 : Expédition japonaise en Corée. Prise de Séoul mais une défaite navale contraint les Japonais à renoncer à leur projet de conquête et à ne conserver en Corée que quelques places fortes sur les côtes. 1597 : Une deuxième tentative contre la Corée ne rencontre pas plus de succès. 17 septembre 1598 : Hideyoshi meurt du choléra. Le fils du défunt, Hideyori, n’a que cinq ans et les perspectives de régence de sa mère Yodogimi apparaissent bien incertaines. C’est Tokugawa Iyeyasu, issu d’une branche de la maison des Minamoto – il revendique le shogunat comme un bien de famille – qui va réussir en fait à imposer son autorité. 21 octobre 1600 : La victoire Sekigahara permet à Iyeyasu de l’emporter sur ses rivaux. 1603 : Le nouvel « homme fort » du pays, dont le quartier général est établi à Yedo, se fait redonner le titre de shogun et reconstitue un bakufu. C’est le début de l’ère Edo, qui voit le pouvoir aux mains des shoguns Tokugawa et qui durera jusqu’en 1868. 1606 : Poussé par les éléments traditionalistes de la cour d’Osaka, Iyeyasu promulgue un décret d’interdiction du christianisme mais celui-ci n’est pas appliqué. Il veut surtout manifester son autorité aux daimios de Kyushu ennemis des Tokugawa qui se sont convertis (ils sont cinq dans ce cas au début du XVIIe siècle). 1611 : Réception d’une ambassade espagnole. 1609 a vu le début de relations commerciales avec les Hollandais qui, installés désormais en Indonésie, ont ouvert un comptoir dans l’île de Hirado au nord-ouest de Kyushu. Les Anglais apparaissent dans l’archipel en 1613 pour y installer à leur tour une factorerie à Hirado. 1616 : Édit de persécution contre les chrétiens (il y en avait déjà eu en 1611 et 1614). Ce sont les Anglais et les Hollandais qui entretiennent, contre les missionnaires catholiques, les craintes du pouvoir shogunal. Les Jésuites sont expulsés. Les fonctionnaires du shogun organisent les abjurations des convertis. 1614 : Révolte d’Hideyori, fils de Hideyoshi à qui Iyeyasu avait donné sa petite-fille en mariage. 1615 : Vaincu, Hideyori se suicide. Iyeyasu mourra en 1 616 des blessures reçues lors des combats qui ont ponctué cet affrontement mais il fait massacrer avant de mourir les enfants et les partisans de son rival. La fin du XVIe siècle et le début du XVIIe, marqués par des contacts accrus avec l’Occident, voient la généralisation au Japon de l’imprimerie et des armes à feu. 1616 - 1632 : « Règne » du shogun Hidetada, fils de Iyeyasu, qui porte le titre de shogun dès 1605 mais qui ne gouverne qu’après la mort de son père. 1616 : Le commerce portugais est confiné à Nagasaki et Hirado. 1619 : Disparition du servage. La masse paysanne est désormais divisée en deux catégories : les tenanciers travaillent sur les terres seigneuriales et les fermiers disposent d’un quasi droit de propriété sur les terres administrées par le bakufu. 1620 : Première apparition de la monnaie de papier au Japon. 1630 - 1643 : Règne de l’impératrice Miôshô à Kyoto. 1632 - 1649 : Règne de Iyemitsu qui renforce le caractère absolu du pouvoir shogunal. Cette période est marquée par une grande prospérité économique. La population passe, au cours du XVIIe siècle, de 13 à 26 millions d’habitants. La production de riz augmente et l’agriculture se diversifie avec le développement des cultures du mûrier et du coton et l’introduction de la canne à sucre et des patates douces en même temps que progresse l’élevage des chevaux et des bovins. L’extraction minière (or et argent) et les ateliers textiles se développent également. Le cabotage, l’aménagement des ports et l’essor des transports routiers favorisent le progrès des échanges et des communications. 1633 : Un édit de Iyemitsu interdit l’accès des côtes japonaises aux navires étrangers non officiels et établit la peine de mort pour les immigrants clandestins. Des récompenses sont données aux dénonciateurs de prêtres catholiques. Les membres de la noblesse militaire, les bushi, ne doivent entretenir aucun rapport avec les étrangers. En 1634, le Japon est totalement interdit aux missionnaires et toute navigation des Japonais vers l’extérieur est également interdite. 1637 : Les Portugais ne sont plus tolérés que sur l’îlot de Deshima. Les chrétiens de Kyushu, contraints d’abjurer, doivent mensuellement fouler la croix pour témoigner de la sincérité de leur renonciation au catholicisme. 1638 : La révolte du samourai chrétien Masuda Shirô contre les mesures prises par le shogun est finalement brisée, grâce à l’intervention des Hollandais et des milliers de catholiques de Kyushu sont noyés. Cette révolte entraîne une radicalisation de la fermeture du Japon. Le christianisme est totalement interdit, ainsi que l’usage des langues étrangères et des traductions. Les Hollandais eux-mêmes sont refoulés en 1641 dans l’îlot de Deshima, en face de Nagasaki. La peine de mort est automatique pour les étrangers ibériques et les membres d’une ambassade portugaise envoyée depuis Macao pour négocier l’abandon de ces mesures sont tous décapités en 1640. À partir de ce moment, la fermeture du pays est complète. 1649 - 1680 : Règne du shogun Iyetsuna. Souverain mécène, il a son Richelieu en la personne d’un grand ministre de son père, Matsudaira Nobutsuna. 1657 : Grand incendie de Yedo. 1681 - 1708 : Règne du shogun Tsunayoshi, marqué pare une crise financière et une grande licence des mœurs, qui le fait comparer à la Régence après les règnes brillants du XVIIe siècle. Tsunayoshi a fini par sombrer dans la folie, au point que sa femme le tue quand il prétend désigner comme héritier l’un de ses mignons. 1690 - 1692 : Séjour au Japon de l’Allemand Engelbrecht Kämpfer qui en rapporte une Histoire du Japon et du Siam. 1707 : Dernière éruption du Fuji-Yama. L’époque est marquée également par de nombreux séismes, dont le grand tremblement de terre du Kanto de 1703. 1709 : Création d’une Cour des comptes qui témoigne du développement de l’État shogunal, organisé à Yedo autour du shogun lui-même, assisté de trois conseils et de trois collèges de ministres spécialisés. 1716-1745 : Yoshimune est le huitième shogun Tokugawa. Quand il abdique en 1745, il fait investir son fils Iyeshige par le tennô (l’empereur) du moment, ce qui en dit long sur l’affaiblissement relatif de l’institution shogunale. 1731 - 1732 : Le Japon est affecté par une terrible famine, suivie d’une autre en 1787-1788, ce qui contribue à stabiliser le développement de la population, après la croissance très rapide du siècle précédent. Les ressources limitées de l’archipel en matière de capacités agricoles posent la question de la couverture alimentaire et certaines restrictions doivent être imposées par le pouvoir politique. La misère, aggravée par les épidémies et les catastrophes naturelles, explique les nombreuses jacqueries que connaît alors le pays. 1735 : Établissement du cadastre pour la perception de l’impôt foncier. 1738 : Les Russes s’installent au nord de l’archipel des Kouriles. 1745 - 1760 : Shogunat de Iyeshige, auquel succède Iyeharu (1760-1786). 1775 : Séjour à Nagasaki du botaniste suédois Carl Peter Thunberg. 1787 - 1837 : Iyenari occupe la fonction shogunale pendant un demi-siècle. La période est marquée par une décadence irréversible de l’institution, affaiblie par la corruption et les luttes de clans. 1792 : Incarcération de Hayashi Shihei pour ses écrits en faveur de la prérogative impériale. 1804 : Le Russe Rezanov, membre de l’expédition Krusenstern, est reçu à Nagasaki. 1806 - 1807 : Expédition punitive russe contre Sakhaline après l’arrestation de négociants qui avaient tenté d’y établir une factorerie. En 1811, le commandant Golovine, qui a débarqué dans les Kouriles est gardé en captivité pendant deux ans. 1808 : La frégate anglaise Phaeton arrive à Nagasaki. 1826 - 1829 : Séjour à Yedo de l’Allemand Franz von Siebold. 1831 - 1867 : Règne de l’empereur Komei. Le souverain de Kyoto reprend de l’autorité par rapport à un pouvoir shogunal de plus en plus affaibli. 1837 : Révolte d’Heihachirô à Osaka. 1841 : Suppression des corporations traditionnelles rétablies dix ans plus tard. La crise profonde que connaît le pays favorise les espérances de ceux qui voient dans l’institution impériale et le recours aux traditions insulaires le moyen de rétablir la situation. C’est alors que s’élabore une mystique nationale et religieuse visant à faire de l’empereur un dieu vivant en même temps que le grand-prêtre intermédiaire entre le peuple et les kami, les divinités de la tradition shintoïste. 1846 et 1848 : Arrestation et détention de marins américains qui ont abordé les côtes japonaises. 1846 : L’amiral français Cecille peut visiter les îles Ryukyu. 1849 : Les Russes fondent le port de Dui à Sakhaline. 8 juillet 1853 : Une escadre américaine de quatre navires aux ordres du commodore Perry jette l’ancre dans la baie de Yedo pour exiger la conclusion d’un traité commercial avec le Japon. Le shogun Iyeyoshi meurt peu après. Son fils Iyesada (1854-1858) est un incapable et c’est le premier ministre Abe Masahiro qui accepte de traiter. Février 1854 : Retour de Perry inquiet de la démonstration de l’amiral russe Putiatine devant Nagasaki. 8 mars 1854 : Le traité nippo-américain est conclu. Il prévoit l’ouverture des deux ports francs de Shimoda et Hakodaté, la liberté de circulation des Américains au Japon et l’installation de deux consuls. Le traité est ratifié par les USA en janvier 1855 et par le Japon en février. 14 octobre 1854 : Les Anglais obtiennent par le traité de Nagasaki des droits à peu près analogues à ceux concédés aux Américains. Il en va bientôt de même des Russes, autorisés à commercer à Nagasaki, Hakodaté et Shimoda. Pour conclure ces traités, le bakufu a consulté les daimios et l’empereur, ce qui remettait largement en cause son autorité. 1856 : Installation à Shimoda du consul américain Townsend-Harris. 1858 : L’empereur Komei désavoue le ministre Hotta qui était partisan d’accepter les conditions des puissances. 29 juillet 1858 : Traité de Yedo avec les USA : ouverture de nouveaux ports, résidence de citoyens américains à Osaka et Yedo, extra-territorialité en matière de justice pour les citoyens américains. Les autres grandes puissances suivent rapidement l’exemple américain : les Pays Bas le 18 août, la Russie le 19, la Grande Bretagne le 26, la France le 9 octobre, le Portugal le 3 août 1860 et la Prusse le 24 janvier 1861. Une concession européenne est établie à Yokohama mais cette présence étrangère exacerbe la xénophobie nippone. 1862 : Shimazu Saburo, régent de Satsuma, prend la tête d’un mouvement pro-impérial hostile au bakufu réclamant la représentation dans le gouvernement shogunal des clans du sud du pays, la mise en tutelle du shogun et l’expulsion des étrangers. Il obtient satisfaction sur bon nombre de ces points, ce qui témoigne de l’affaiblissement définitif du pouvoir shogunal. Kyoto redevient alors pour quelque temps le centre de l’empire. Juillet-août 1863 : Shimonoseki et Kagoshima sont bombardées par des navires européens après que ceux-ci ont essuyé des tirs à proximité des côtes japonaises. 30 septembre 1863 : L’empereur Komei désavoue ses partisans les plus radicaux favorables à la guerre avec les étrangers. 20 août 1864 : Les troupes de samourais rebelles issues des clans du sud sont vaincues devant Kyoto par les forces de l’empereur et du shogun. Septembre 1864 : Une expédition navale anglo-néerlando-française bombarde Hiroshima pour soumettre les clans les plus hostiles aux Européens. Le shogun et l’empereur sont obligés de céder aux revendications étrangères. 19 septembre 1866 : Mort du shogun Iyemochi. Hitosubashi est proclamé chef du clan des Tokugawa sous le nom de Yoshinobu et devient shogun. Janvier 1867 : L’empereur Komei meurt. Son fils Mutsu-Hito lui succède. 9 novembre 1867 : Abdication du shogun que l’empereur fait alors ministre de l’Intérieur, avec la charge de continuer à diriger les affaires publiques. Les clans rebelles ne l’entendent pas ainsi. Le 18 décembre, Shimazu de Satsuma occupe Kyoto et les cinq clans du sud-ouest obtiennent le 3 janvier 1868 de l’empereur la suppression du shogunat, la réorganisation du Conseil impérial et la réhabilitation des clans révoltés. À la fin janvier 1868, le quinzième et dernier shogun Tokugawa est contraint d’aller se réfugier provisoirement sur un vaisseau américain avant de se soumettre aux volontés impériales. La résistance de ses partisans se prolonge dans le nord pendant quelque temps mais, en mars 1868, le pouvoir impérial contrôle la situation et le tennô paraît même devant le peuple les 23 et 25 mars. Le souverain décide le 9 mai 1869 de s’installer à Yedo (ou Edo) devenue Tokyo (la capitale de l’Est), Kyoto devenant Saikio (la capitale de l’Ouest).

La révolution des Meiji

Il suffit d'un quart de siècle pour que le Japon - considéré jusque là par les rares visiteurs européens comme un empire médiéval - se transforme de fond en comble pour accéder à marche forcée à une modernisation perçue comme la condition nécessaire de la montée en puissance qui sera seule en mesure de préserver l'indépendance du pays. Sous l'impulsion du souverain et d'une caste militaire plus réactive que ne l'est, dans le même temps, celle des lettrés chinois, le pays va devenir, en l'espace d'une génération, la grande puissance de l'Asie orientale. Il va ainsi se doter de tous les moyens qui ont assuré la position dominante des Européens.Un Etat qui, demeuré traditionnel dans les représentations symboliques qui le fondent, fonctionne cependant désormais de manière rigoureuse, sur les bases essentielles que constituent un code de lois inspiré des modèles occidentaux et une réorganisation fiscale en mesure de fournir aux dirigeants du pays les moyens nécessaires. La révolution entamée en 1868-1869 correspond aussi à la mise au pas des derniers féodaux demeurés attachés au passé, en même temps que se généralise l'instruction publique. Une force militaire moderne, fondée sur la conscription et dotée des armements qui ont fait la puissance des armées occidentales, voit le jour alors qu'une politique volontariste de développement économique et d'équipement en infrastructures portuaires ou ferroviaires transforme totalement un pays dont l'activité était fondée jusque là sur les ressources de l'agriculture et de la pêche. Le Japon parcourt ainsi en deux décennies le chemin que l'Europe, sortie du Moyen Age, a suivi trois siècles durant pour imposer son hégémonie au reste de la planète. La puissance et le dynamisme qui résultent de la révolution des Meiji vont tout naturellement pousser l'Empire du Soleil levant à se tourner vers le continent pour s'y lancer dans une aventure impérialiste dont les succès initiaux vont faire de lui l'une des grandes puissances du monde. Dans son Histoire du Japon publiée en 1969, Charles Commeaux résumait en ces termes l’exemplarité de la mutation que connaît l’archipel à partir de 1868: « Peut-on trouver dans l’histoire du monde l’équivalent d’une révolution semblable à celle du Japon contemporain ? À l’époque de Napoléon III, c’est un archipel féodal que son insularité protège contre les convoitises européennes mieux que la situation continentale de l’Indochine ou de la Corée. Mais le régime n’inspire pas plus de sympathie ni de confiance que celui de la Chine décadente. L’empereur-dieu, reclus dans une capitale archaïsante, n’est plus qu’un symbole. Le pouvoir est aux mains débiles de maires du palais héritiers d’une longue tradition de grandeur, mais progressivement cernés par les feudataires. Eux aussi ont leur capitale, progressivement désertée par leurs vassaux. Les institutions sont au point mort, figées dans un ritualisme inefficace. La défiance du monde a pris la forme la plus radicale : fermeture quasi hermétique des frontières. Pourtant, depuis plusieurs années, des flottes étrangères, en menant une guerre larvée, se sont ouvert des ports. Encore quelques années, semble-t-il, et le Japon, moins complexe que l’immense Chine qu’on peut grignoter mais non digérer, sera territoire colonial, comme l’Indochine, comme l’Indonésie, comme les Philippines. Il va peut-être sombrer dans une longue période d’exploitation où surnagera, presque folkloriquement, sa culture, pour se retrouver, au milieu du XXe siècle, totalement désaccordé dans une indépendance recouvrée. C’est le spectacle qu’offrent les États de l’Asie sud-orientale. C’est le destin qui semble menacer inéluctablement l’archipel japonais. Or, vingt ans plus tard, plus indépendant que jamais, menaçant même les deux énormes Empires chinois et russe, il construit un État moderne inspiré des modèles européens et travaille d’arrache-pied à les égaler. En pleine Belle Époque, il n’est plus question de coloniser le petit Japon. Il a déjà sa place dans le concert des nations. Il a brutalement tourné une page et un pouvoir fort, soudain revenu aux mains de l’empereur, brise les structures anciennes et les remplace par des nouvelles, souvent importées… » 9 novembre 1867 : Abdication du quinzième shogun Tokugawa. Elle intervient peu après la mort de Kômei, le dernier empereur compromis avec le système shogunal. Avènement du jeune empereur Mutsu-Hito, âgé seulement de quinze ans, qui inaugure l’ère Meiji – le « Gouvernement éclairé ». Il n’est en fait que l’instrument de la révolte conduite par les samouraïs contre le pouvoir shogunal, en même temps que la clef de voûte d’une révolution qui est autant mystique que politique. Les principaux artisans de celle-ci sont Sanjô Sanetomi, Iwakura Tomomi et les samouraïs des clans du sud-ouest du pays (Satsuma, Chôshu, Hizen, Tosa). 3 janvier 1868 : Proclamation de la « restauration de l’ancienne monarchie », qui va de pair avec la fin du shogunat institué en 1192 par Minamoto Yoritomo. Elle est suivie, le 6 avril, du « serment des cinq articles ». L’empereur quitte Kyoto, la capitale traditionnelle, pour Edo qui devient, en prenant le nom de Tokyo, la « capitale de l’Est ». 5 mars 1869 : Les daimios des quatre clans qui sont à l’origine de la révolution (Satsuma, Choshu, Tosa, Hizen) renoncent à leurs droits féodaux et la mesure est généralisée en juillet. La distinction entre noblesse militaire et noblesse civile disparaît, leurs membres constituant la première classe sociale. Les samourais forment la deuxième classe et les anciens daimios deviennent, le 25 juillet, gouverneurs impériaux. 1869: Installation par des ingénieurs anglais de la première ligne de télégraphe entre Tokyo et Yokohama. 1869: Un vassal des Tokugawa demeuré rebelle au nouveau régime, Enomoto Takeaki, est contraint d’abandonner Yeso rebaptisée Hokkaido, « Région de la mer du Nord ». L’île passe sous administration impériale. 1870 : Apparition du premier journal quotidien japonais, le Yokohama Mainichi, suivi par le Nisshin Shinjisi en 1872, l’Asahi Shimbun en 1879 et le Jiji Shimpo en 1882. Abolition de la stratification sociale à quatre niveaux – guerriers, paysans, artisans, marchands – établie par les Tokugawa. 1870 - 1872 : Construction de la ligne de chemin de fer Tokyo-Yokohama, financée par un emprunt public lancé en Angleterre. Le réseau ferré nippon sera de 2 679 km en 1906. 1871 : Création d’un ministère de la Justice. Dès 1876, il existe une Cour de cassation, quatre cours d’appel et des tribunaux régionaux. 1871 : Formation d’une armée moderne qui se substitue à celle issue des clans traditionnels. Institution du service militaire obligatoire, d’une durée de trois ans dans l’active (28 décembre 1872). Le maréchal Yamagata Aritomo, ministre de la Guerre de 1873 à 1881, et son adjoint le maréchal Oyama sont les pères fondateurs de la nouvelle armée japonaise. Création d’une monnaie nationale, le yen. Création d’un système postal moderne. 19 août 1871 : Nouveau train de réformes. Le han, territoire du clan traditionnel, fait place au ken, c’est-à-dire à la préfecture. Les anciens daimios sont démis de leur gouvernement avec une indemnité égale au dixième de leurs anciens revenus. Ils sont remplacés comme gouverneurs par leurs adjoints puis par des hommes nommés par le pouvoir impérial et étrangers aux anciens clans. Ces mesures marquent la fin de la féodalité traditionnelle. 1868 - 1873 : Une série de mesures permet la mise en œuvre d’une réforme agraire. 2 septembre 1871 : Le gouvernement impose l’enseignement primaire obligatoire ; l’âge de la scolarité va de six à treize ans et la gratuité sera établie en 1887. 50 000 écoles primaires sont créées et seuls 5 % des conscrits seront illettrés en 1908. En 1872, 256 établissements secondaires sont mis en place à leur tour et l’enseignement technique est également organisé à ce moment. La création de huit universités est aussi prévue et quatre seront déjà en place à la fin de l’ère Meiji. 8 octobre 1871 : Le principe de l’égalité devant l’impôt foncier est posé. Il est versé en argent et non plus en grain à partir de 1873. Les lois du 15 mars 1884 et du 26 août 1889 organiseront ensuite définitivement le nouveau système fiscal. 1872 : Création d’un ministère particulier de la Marine. L’ingénieur français Verny crée un arsenal maritime à Yokosuka. Les instructeurs sont britanniques. De 1872 à 1904, le nombre des unités passe de 17 à 78 et le tonnage est multiplié par vingt. Création à Tokyo de quatre grandes banques nationales. 1872 : La bannière du soleil, cercle rouge sur fond blanc, devient le drapeau national. 1er janvier 1873 : Substitution du calendrier grégorien au calendrier lunaire chinois et création d’un nouveau système de poids et mesures. 1873 : Sous la pression des puissances, le gouvernement impérial doit renoncer à la persécution des chrétiens organisée au cours des années précédentes. Décembre 1873 : Le gouvernement qui devait verser des pensions aux féodaux dépossédés organise leur conversion en versement d’un capital correspondant à six ans de rente perpétuelle, en attribution de terres d’État ou en exemptions fiscales. Cette conversion devient obligatoire par une loi du 5 août 1876. Février - avril 1874 : Une révolte de samouraï est brisée. En septembre, celle de Saigô Takamori échoue et son chef se suicide. 7 mai 1875 : Traité russo-japonais donnant Sakhaline aux Russes et reconnaissant la possession des Kouriles au Japon – alors que le traité de Shimoda conclu en 1855 avait reconnu Yeso au Japon, partagé Sakhaline entre Russes et Japonais et laissé à ces derniers la seule île la plus méridionale des Kouriles. 27 février 1876 : Accord de Kangwha avec la Corée. Il assure un droit d’extra territorialité aux Japonais et l’ouverture de trois ports coréens en contrepartie de la reconnaissance d’une pleine indépendance du pays, ce qui suscite la colère des Chinois qui se considèrent comme suzerains de la péninsule, ce qu’ils font reconnaître lors d’un accord commercial conclu en 1882. 28 mars 1876 : Le port du sabre est interdit aux anciens samouraïs, ce qui entraîne en 1877 la révolte du clan Satsuma. 1877 : Fondation de l’Université de Tokyo qui deviendra Université impériale en 1886. 1878 : Ouverture de la Bourse de Tokyo. 1879 : Rattachement de l’archipel des îles Ryu Kyu. Okinawa devient une préfecture. 1880 : La possession des îles Bonin (entre le Japon et l’archipel des Mariannes) est reconnue au Japon par les grandes puissances. Décembre 1880 : Itagaki fonde le Parti de la Liberté (Jiyuto). Le Japon du dernier tiers du XIXe siècle s’engage rapidement dans la révolution industrielle, malgré la prépondérance durable de la population active agricole. La production de houille, la création d’une industrie textile cotonnière, l’essor des manufactures de soie, l’apparition d’une industrie de transformation diversifiée disposant d’une main d’œuvre à bon marché permettent, avec l’essor des chantiers navals, du commerce extérieur et du chemin de fer des progrès très rapides. 1881 : Okuma Shigenobu fonde le Parti Progressiste Constitutionnel (Kaishinto). 1882 : Institution d’un code pénal d’inspiration française, remplacé en 1903 par un système davantage inspiré par le modèle allemand. Tout comme le code civil adopté en 1898 et les codes commerciaux de 1890 et 1897. Création le 10 octobre de la Banque du Japon. Décembre 1885 : Le Conseil impérial, qui détenait le pouvoir depuis la révolution, est supprimé et remplacé par un cabinet plus conforme aux conceptions politiques occidentales qui gouvernera jusqu’en mars 1888 sous la direction du comte Itô (du clan Chôshu), remplacé en avril 1888 par le comte Kuroda (du clan Satsuma). 1887: Apparition de l’éclairage électrique au palais impérial de Tokyo. 1888: Adoption de l’hymne national. 1er mai 1888 : Institution d’un Conseil privé chargé des problèmes institutionnels, des ordonnances impériales et de la signature des traités. 1888: Grande grève des mineurs de charbon de Takashima. 11 février 1889 : L’empereur promulgue la Constitution mais cette annonce est troublée par l’assassinat le même jour, par un fanatique shintoïste, du ministre de l’Instruction publique, le vicomte Mori, qui ne cachait pas son mépris pour les croyances traditionnelles. En octobre, c’est le ministre des Affaires étrangères, le comte Okuma – à qui il est reproché des concessions judiciaires aux puissances étrangères – qui est à son tour victime d’un attentat au cours duquel il est grièvement blessé. La constitution proclame l’empereur « sacré et inviolable » et met en place un système dans lequel l’exécutif dispose d’un pouvoir quasi absolu. L’empereur sanctionne ou peut rejeter les lois votées par l’Assemblée et les ministres sont responsables devant lui. L’Assemblée comprend une Chambre des Pairs, nommés par l’empereur à titre héréditaire, qui dispose de pouvoirs équivalents à ceux de la Chambre des Représentants qui compte 381 députés élus au suffrage censitaire. Le vote ne deviendra secret qu’en 1900. Un certain nombre de libertés fondamentales sont garanties aux citoyens mais soumises « aux lois en vigueur », ce qui les limite sérieusement. 1889: Constitution d’une Société pour l’étude du socialisme, qui deviendra en 1900 la Ligue socialiste. Décembre 1889 – avril 1891 : Ministère du général-comte Yamagata, chargé de l’organisation des élections (les premières ont lieu le 1er juillet 1890) et la mise en application du texte constitutionnel. 2 février 1890 : Une loi organise la justice sur le modèle prussien. 1890 : Débuts du téléphone entre Tokyo et Yokohama, entre Tokyo et Osaka en 1899. 1891 : Apparition des premiers tramways à traction électrique. 1891 : Organisation du culte shintoïste autour des images de l’empereur. Mai 1891 - juillet 1892 : Gouvernement du comte Matsukata. Août 1892 – 1896: Ministère du comte Itô. L’Assemblée cherche à imposer un authentique régime parlementaire contre les samouraïs héritiers des clans et c’est la guerre contre la Chine, déclarée le 1er août 1894 à l’initiative du comte Yamagata, ministre de la Guerre, qui permet d’atténuer l’opposition entre l’exécutif et les députés. 1894 - 1897 : Les « traités inégaux » conclus avec les puissances étrangères sont progressivement abrogés. Ils imposaient jusque-là le principe de l’extra territorialité pour le jugement des citoyens étrangers et interdisaient au Japon de recourir à des protections douanières. Le traité conclu avec l’Angleterre le 16 juillet 1894 – dit traité Aoki-Kimberley – supprime à terme les tribunaux consulaires et autorise l’établissement de droits de douane (entre 5 et 14 % du prix des marchandises importées). 10 juin 1894 : Un petit contingent de troupes japonaises est déployé à Séoul. L’arrestation du roi légitime et la mise en place de l’ancien roi Hiung, partisan des Japonais, ne peuvent conduire qu’à la guerre avec la Chine (1er août 1894).  

Le Japon, première puissance d'Extrême-Orient (1895-1932)

La montée en puissance spectaculaire qu'a connue le Japon au cours du dernier tiers du XIXème siècle le prépare naturellement au rôle de puissance dominante dans un Extrême-Orient confronté, depuis les années 1840, aux puissances occidentales désireuses de s'ouvrir des marchés et d'exploiter les ressources régionales. C'est la question coréenne qui entraîne l'affrontement avec la Chine, une guerre conclue sur une défaite humiliante pour l'Empire du Milieu, contraint d'abandonner Tai Wan (Formose) au vainqueur et de lui concéder, au sud de la Mandchourie, la péninsule du Liao Toung. Une situation inacceptable pour les puissances occidentales qui se coalisent pour exiger du Japon qu'il renonce à cette région, précieuse entre toutes dans la mesure où elle contrôle l'accès au golfe du Petchli, à Tien Tsin et, au delà, à Pékin. Contraint de renoncer à certains des acquis que lui a valus sa victoire, le Japon s'associe ensuite aux puissances pour affaiblir un peu plus la malheureuse Chine mais il attend son heure et, en 1904-1905, sa victoire sur la Russie apparaît comme une revanche éclatante et le propulse au rang de grande puissance asiatique en mesure de faire jeu égal avec les Etats européens ou avec la lointaine Amérique, bien décidée à faire valoir ses droits dans le Pacifique, présente aux Philippines et attachée, en Chine, au maintien de la politique de la " porte ouverte". .La première guerre mondiale permet au Japon d'étendre ses possessions au détriment de l'Allemagne, et ceci aux moindres frais, mais si la Conférence de la Paix lui accorde une place éminente parmi les vainqueurs, il ne peut obtenir la reconnaissance par la SDN de l'égalité des races et les conférences de Washington consacrées au désarmement naval et à la Chine limitent considérablement ses ambitions. Il n'en joue pas moins, au cours des années 1920 une stratégie de développement économique qui, fondée sur le dynamisme du commerce extérieur, lui permet d'assurer une croissance régulière et de garantir à sa population une prospérité satisfaisante. Tout change quand la grande dépression des années trente vient bouleverser l'environnement international, marqué désormais par la montée des tensions qui conduiront à la seconde guerre mondiale.  L’industrialisation du pays fournit au Japon les moyens de devenir une puissance régionale au moment où une rapide croissance démographique – la population passe de 33 millions d’habitants en 1872 à près de 51 millions en 1910, la densité passant dans le même temps de 83 habitants au km2 à 127 – encourage certains dirigeants à pratiquer une politique d’expansion territoriale jugée nécessaire pour assurer l’autonomie alimentaire et l’approvisionnement en matières premières de l’archipel. C’est tout naturellement vers la Corée que se tournent les ambitions japonaises, au risque de voir le pays confronté à l’Empire chinois et à l’Empire russe. Les relations avec la dynastie mandchoue établie à Pékin se sont progressivement tendues, à l’occasion de l’expédition punitive menée en 1874 contre les aborigènes formosans qui avaient malmené des pêcheurs japonais – l’île était considérée, sous le nom de Taïwan, comme une dépendance de l’Empire chinois – et lors du « traité inégal » imposé à la Corée deux ans plus tard. La lutte d’influence engagée à Séoul débouche, le 1er août 1894, sur une déclaration de guerre du Japon à la Chine, qui suit d’une semaine l’attaque de trois transports de troupes chinois au large des côtes coréennes. 11 septembre 1894 : Les Japonais détruisent la moitié d’une flotte chinoise dans le golfe du Petchili et s’emparent de Port Arthur le 21 novembre suivant. En deux mois, les forces nippones prennent le contrôle de la Corée et de la péninsule du Liao-Toung qui ferme au nord, comme la péninsule du Shantong au sud, le golfe du Petchili et permet ainsi le contrôle de l’accès à Tien-Tsin. 30 janvier 1895 : Les Japonais débarquent à Wei Hai-Wai puis, le 23 mars, à Taïwan. 30 mars 1895 : Li Hong Tchang, représentant de l’impératrice régente Tseu Hi, conclut l’armistice à Tokyo. Le traité de paix est signé à Shimonoseki le 17 avril suivant, sur le territoire des vainqueurs. L’accord ainsi conclu prévoit l’indépendance de la Corée qui échappe ainsi à la suzeraineté chinoise, la cession au Japon de la péninsule du Liao-Toung, de Taïwan et des îles Pescadores, le paiement d’une lourde indemnité de guerre, garanti par l’occupation de Wei Hai-Wai, enfin l’ouverture au commerce nippon de nouvelles villes dont Tchong-King dans l’intérieur de l’empire. 23 avril 1895 : Les ambassadeurs russe et français à Tokyo rejettent l’occupation du Liao-Toung. Ils sont relayés ensuite par les représentants de l’Angleterre et de l’Allemagne. Dès le 5 mai, le Japon, isolé, est contraint de renoncer au Liao-Toung, Port Arthur compris, remis à la Chine le 4 décembre. Les grandes puissances peuvent compléter de 1895 à 1898 le break up of China engagé depuis le milieu du XIXe siècle. La Russie obtient la cession du chemin de fer transmandchourien. L’Allemagne se fait céder pour 99 ans le territoire de Kiao-Tchéou après le meurtre de deux missionnaires. La Russie se fait céder à bail pour 25 ans Port Arthur. La France se voit reconnaître une zone d’influence dans les régions proches du Tonkin. Les Anglais s’installent à Wei Hai-Wai et se font reconnaître une zone d’influence sur le Tibet. 29 mars 1897 : Le Japon adopte l’étalon-or. 25 avril 1898 : Un accord russo-japonais reconnaît la prévalence de l’influence japonaise en Corée. 22 juin 1898 : Formation d’un Parti constitutionnel, le Kenseitô, rassemblant les différents groupes de l’opposition parlementaire, qui réclame la responsabilité ministérielle devant l’Assemblée. Cette opposition constitue un gouvernement éphémère de juin à octobre 1898. L’intermède est clos avec la formation d’un nouveau gouvernement proche de l’empereur, confié au maréchal Yamagata. 1900: Le comte Itô fonde le parti Seiyukai. Août 1900 : Un corps expéditionnaire international auquel participe le Japon vient délivrer le quartier des Légations de Pékin où les Européens sont assiégés depuis près de deux mois par les insurgés Boxers. 30 janvier 1902 : Signature du traité anglo-japonais. Il affirme l’indépendance de la Chine et de la Corée mais souligne que les deux puissances signataires ont des « intérêts spéciaux » dans ces deux pays et peuvent prendre toutes les mesures nécessaires pour les défendre contre des tiers. Si l’une des parties était entraînée dans une guerre, l’autre resterait neutre et tenterait d’empêcher une intervention d’autres puissances mais si une autre puissance intervenait, l’allié devait entrer en guerre. Il s’agissait d’un succès diplomatique pour le Japon : si l’Angleterre restait neutre dans l’hypothèse d’un conflit russo-japonais, la seule intervention de la France alliée du tsar déclenchait le mécanisme de l’alliance. 8 avril 1902 : Accord russo-chinois prévoyant l’évacuation progressive de la Mandchourie mais, sous l’influence de Bezobrazov, fondateur de la Compagnie du Yalou, le tsar suspend l’évacuation le 18 avril 1903. Un groupe d’influence puissant comprenant le grand-duc Alexandre, le ministre de l’Intérieur Plehve, le ministre de la Guerre Kouropatkine et l’ambassadeur en Corée Pavlov pousse le tsar à demander à la Chine un protectorat sur la Mandchourie. 13 janvier 1904 : Le gouvernement japonais adresse à la Russie un véritable ultimatum à propos de son attitude en Mandchourie. Les relations diplomatiques sont rompues le 5 février. 8 février 1904 : Attaque japonaise contre la flotte russe de Port Arthur. Le 3 mai, les Japonais parviennent à bloquer la rade. Entre temps l’armée du général Kuroki a débarqué en Corée et repoussé les Russes au nord du Yalu ; une autre armée, menée par le général Nozu, a débarqué dans le Liao-Toung et fait sa jonction avec la précédente au début du mois de mai. Sous les ordres du général Oku, une troisième armée, débarquée également dans le Liao-Toung marche vers le sud et coupe la ligne de chemin de fer qui aboutit à Port Arthur désormais bloqué par le nord, du côté de la terre, en mai. Une quatrième armée (général Nogi) est chargée du siège et lance sans succès un premier assaut en août alors que les trois autres, placées sous le commandement en chef du maréchal Oyama, doivent attaquer les forces russes de Mandchourie. 24 février 1904 : Les Japonais imposent au souverain coréen un quasi protectorat, renforcé par les accords des 19 et 22 août suivants. Ils obtiennent l’occupation de plusieurs points stratégiques de la péninsule, la conclusion d’une alliance militaire et l’établissement d’un contrôle administratif et diplomatique ainsi que l’octroi de privilèges particuliers aux entreprises nippones. Ces limitations de l’indépendance coréenne reçoivent la sanction américaine lors de la signature des accords Taft-Katsura, contre la promesse japonaise de se désintéresser des Philippines. 1er janvier 1905 : Le général Stoessel, commandant la place de Port Arthur, capitule. En Mandchourie, les Japonais s’emparent de Moukden et le général Kouropatkine est contraint de se replier sur Kharbin. 27 mai : La flotte russe de l’amiral Rojestvenski, venue de la Baltique, est presque totalement détruite dans le détroit de Tsoushima. 7-30 juillet 1905 : Les Japonais s’emparent de l’île Sakhaline. 12 août 1905 : Reconduction de l’alliance anglo-japonaise conclue en 1902. Le Japon confirme sa garantie des intérêts britanniques au Tibet et en Inde contre l’assurance anglaise d’une aide militaire contre tout agresseur mais l’intervention du président américain Taft conduit le gouvernement de Londres à signer un troisième traité d’alliance (13 juillet 1911) qui précise que les Anglais n’interviendraient pas en cas de guerre entre le Japon et les USA. Il était clair désormais pour le Japon que le principal danger n’est plus la Russie, mais les États-Unis. 5 septembre 1905 : Signature du traité de paix de Portsmouth à la faveur de la médiation du président américain Theodore Roosevelt. Les Japonais s’installent en Corée et au Liao-Toung et contrôlent la partie méridionale du Transmandchourien. Ils récupèrent le sud de Sakhaline. L’opinion japonaise est très mécontente de ces conditions de paix qu’elle estime insuffisantes et de violentes émeutes éclatent à Tokyo quand elles sont connues, nécessitant de proclamer l’état de siège et de faire occuper la capitale par l’armée. Le traité n’en est pas moins ratifié par l’empereur le 15 octobre. 17 novembre 1905 : Le Japon instaure un véritable protectorat en Corée où est installé un Résident nippon ; le premier sera en février 1906 le comte Itô, qui sera assassiné le 26 octobre 1909 à Kharbin par un nationaliste coréen. 22 décembre 1905 : La Chine cède le Kouantoung au Japon ainsi que le bail de Port Arthur et de la ligne ferroviaire du sud-Mandchourien. Janvier 1906 - juillet 1908 : Ministère du marquis Saionji, de tendance « libérale », qui profite de la bonne situation de l’économie et réalise la nationalisation des chemins de fer. 12 mars - 10 juin 1907 : Accords franco-japonais. Prêt de 300 millions de francs et reconnaissance des zones d’influence respectives au Yunnan et en Mandchourie méridionale. 19 juillet 1907 : Les Japonais contraignent à l’abdication l’empereur de Corée et le remplacent par son fils. Le traité du 24 juillet prévoit la fusion de l’armée coréenne dans l’armée japonaise et la direction japonaise de la politique intérieure du « pays du matin calme ». 28 au 28 juillet 1907: Accords russo-japonais sur les pêcheries et les échanges commerciaux. Reconnaissance mutuelle des zones d’influence en Corée et en Mandchourie du Sud pour les Japonais, en Mandchourie du Nord et en Mongolie extérieure pour les Russes. En 1910 et 1912, de nouveaux accords visent à empêcher toute implantation ferroviaire américaine dans les régions concernées. Juillet 1908 - août 1911 : Ministère du général-marquis Katsura, marqué par une série de scandales financiers. Un ministère dirigé de nouveau par le marquis Saionji lui succède d’août 1911 à novembre 1912 mais tombe en raison des exigences financières de l’armée qui réclame des moyens supplémentaires. Octobre 1908 : Seize cuirassés américains sont reçus à Yokohama. C’est une visite amicale mais, le 30 novembre suivant, l’accord Root-Takahira sanctionne le maintien du statu quo dans le Pacifique, le respect de l’indépendance de la Chine et le principe de la « porte ouverte » sur le marché chinois. En fait, Japon et USA apparaissent de plus en plus comme des rivaux potentiels en Asie orientale et dans le Pacifique. 23 août 1910 : L’assassinat du comte Itô en octobre 1909 par un nationaliste coréen fournit au marquis Katsura le prétexte de l’annexion pure et simple de la Corée. Le Résident est remplacé par un gouverneur, le général Terauchi. La Corée perd toute existence propre, elle devient le Chosen, Séoul est rebaptisée Keijo et Pyong-Yang Heijo. Le japonais devient la langue officielle, l’administration et l’enseignement sont japonisés. Un système policier est établi. Le clergé japonais, shintoïste ou bouddhiste, entreprend d’en finir avec l’influence des missionnaires chrétiens. Dans le domaine économique, les compagnies japonaises reçoivent des privilèges exorbitants. C’est en recourant à la corvée que routes et chemins de fer sont construits. L’établissement de ce système colonial compromettait cependant la prétention du Japon d’apparaître comme le libérateur des peuples jaunes, comme la force asiatique capable de préserver l’Orient des convoitises européennes ou nord-américaines. 1911 : Traité de commerce américano-japonais. Les USA renoncent à leurs intérêts en Mandchourie mais le Japon s’engage à ne pas envoyer d’immigrants aux États-Unis. Dès 1892 une loi fédérale américaine avait interdit toute immigration chinoise mais pas celle des Japonais. Plusieurs dizaines de milliers d’entre eux s’étaient ainsi installés dans l’ouest américain et en Colombie britannique entre 1870 et le début du XXe siècle, ce qui avait engendré de nombreuses difficultés avec les populations locales, mécontentes de voir ces nouveaux venus accepter des bas salaires. Une Ligue syndicale pour l’exclusion des Japonais fut ainsi créée en 1905 et le Bureau de l’enseignement de Californie exclut des écoles « les enfants de race jaune » en 1907 ; ces mesures discriminatoires sont à mettre en parallèle avec plusieurs pogroms anti-japonais perpétrés à San Francisco en 1906 et 1907… 1912 : La chute de la dynastie mandchoue et la proclamation de la République chinoise ouvrent au Japon des perspectives d’intervention en Chine et certains milieux politiques nippons soutiennent alors le Kuomintang de Sun Yat-Sen. 30 juillet 1912 : Mort de Mutsu-Hito, l’empereur de l’ère Meiji. Conformément aux usages anciens, le plus glorieux soldat du Japon, le général Nogi, se suicide rituellement pour ne pas survivre à son souverain. Le successeur de Mutsu-Hito est son fils Yoshihito qui est âgé de trente-trois ans. Il inaugure l’ère Taisho, « de la Grande Justice ». 15 août 1914 : Le gouvernement japonais demande à l’Allemagne de retirer tous ses navires de guerre des eaux chinoises et japonaises et d’évacuer sans condition le territoire à bail du Kiao Tchéou qu’elle occupe en Chine, pour qu’il soit « éventuellement » restitué à la Chine. L’Allemagne refusant de répondre, le Japon lui déclare la guerre le 23 août. Le territoire de Kiao Tchéou est investi le 27 septembre et le général Waldeck se rend le 7 novembre. Dès le 10, tout le territoire est occupé et les troupes japonaises défilent dans Tsing Tao. Les archipels allemands des Marshall et des Carolines sont occupés avant la fin de l’année 1914. Pour le Japon, la guerre est de fait terminée. 18 janvier 1915 : « 21 Demandes » sont présentées par les Japonais à Yuan Che Kaï qui gouverne la Chine du Nord. Elles visent à transformer la Chine en un quasi protectorat japonais. Elles sont transformées en ultimatum le 7 mai et deux traités conclus le 25 satisfont la plupart des revendications nippones mais, le 11 mai, le secrétaire d’État américain Bryan désavoue toute modification imposée des traités antérieurs. 3 juillet 1916 : Accord russo-japonais dont les clauses secrètes prévoient une alliance défensive contre toute puissance qui voudrait intervenir en Chine. Dans la guerre civile qui oppose la Chine républicaine du sud au régime de Yuan Che Kaï, les Japonais soutiennent maintenant le gouvernement nordiste avec lequel un accord militaire contre toute intrusion étrangère en Chine est conclu le 16 mai 1918. L’octroi de crédits au gouvernement du « régent » Yuan Che Kaï permet par ailleurs une prise de contrôle grandissante de l’économie chinoise. La révolution russe, l’entrée en guerre américaine et celle de la Chine aux côtés de l’Entente sont venues bouleverser en 1917 les plans des dirigeants nippons. En novembre 1917, le secrétaire d’État américain Lansing accepte de reconnaître que le Japon a des « intérêts spéciaux » en Chine. 12 janvier 1918 : Alors que la Russie plonge dans la guerre civile, deux navires de guerre japonais viennent mouiller à Vladivostok pour y protéger les stocks alliés destinés initialement aux armées tsaristes. Le 5 avril, les Japonais débarquent des troupes. Celles-ci se montent à trois divisions et 70 000 hommes en août 1918, à la grande inquiétude des Américains. Des unités japonaises pénètrent profondément en Sibérie jusqu’au-delà du lac Baïkal. Janvier 1919 : Ouverture à Paris de la Conférence de la Paix. Le Japon y apparaît comme l’une des grandes puissances victorieuses et participe initialement au « groupe des Dix » avec la France, la Grande Bretagne, l’Italie et les USA – chacun de ces pays est représenté par le chef du gouvernement et le ministre des Affaires étrangères. Son peu d’intérêt pour les questions européennes fait que le représentant japonais ne participera pas au « Groupe des Quatre » réunissant ensuite Clemenceau, Lloyd George, Orlando et Wilson. La question des archipels allemands du Pacifique fut aisément réglée dans la mesure où tous ceux qui se trouvaient au nord de l’Équateur furent donnés au Japon qui les avait déjà occupés. Les Japonais ne purent en revanche faire admettre le principe de l’égalité raciale dans le Pacte de la Société des Nations. Les difficultés rencontrées par les immigrants japonais aux États-Unis et les inquiétudes de l’Australie et de la Nouvelle Zélande face à l’immigration jaune firent que le principe fut rejeté, bien qu’il ait bénéficié de onze voix sur dix-sept. Jugeant que l’unanimité était nécessaire, Wilson fit rejeter ce projet mais se contenta en revanche d’une simple promesse japonaise de restitution du Chantong à la Chine. La Conférence de la Paix n’aborda pas la question coréenne malgré la révolte qu’avait entraînée à Séoul la mort du souverain déposé en 1907. L’insurrection ne dura que quelques jours en mars-avril 1919, sous la direction de Syngman Rhee, et fut rapidement écrasée. Reconnu comme la principale puissance en Extrême-Orient, le Japon tirait des profits évidents d’une première guerre mondiale qui lui avait coûté un minimum d’efforts et avait au contraire stimulé son économie : progrès de l’industrie du coton et de la soie, doublement de la production de fonte et d’acier, progrès des chantiers navals et de l’industrie chimique, multiplication par trois du volume du commerce extérieur entre 1914 et 1918. 1918 - 1921 : Ministère « parlementaire » de Hara Kei qui sera assassiné par un cheminot nationaliste en gare de Tokyo le 4 novembre 1921. Le ministre des Finances Takahashi lui succède pour six mois. 1919 : Réforme électorale abaissant le cens. 11 novembre 1921 : Ouverture de la conférence de Washington qui doit poser la question de la Chine et de l’Asie orientale ; les Japonais sont toujours présents en Sibérie orientale et considèrent que les 21 demandes présentées à la Chine ne peuvent être remises en cause ; ils craignent aussi que le consortium international de prêts à la Chine lancé par la banque Morgan ne soit l’occasion pour les Américains de s’intéresser de nouveau à la Mandchourie et à la Mongolie. Après de longs débats, la conférence aboutit en février 1922 à la signature de sept traités et de douze résolutions. Le pacte à quatre – USA, Angleterre, France et Japon – pour le Pacifique annulait l’alliance anglo-nippone de 1902 et fixait les intérêts des différents signataires. Un système de désarmement naval était mis en place, qui autorisait le Japon à disposer d’une flotte de guerre égale aux trois-cinquièmes de celles des USA et de la Grande-Bretagne. La notion de « sphère d’influence » en Chine était abandonnée mais les Américains ne peuvent obtenir la reconnaissance du principe de la « porte ouverte ». Le Japon devait rendre l’ancien territoire allemand de Kiao-Tchéou à la Chine qui devait racheter les droits nippons dans les chemins de fer locaux mais le Japon était la seule puissance contrainte d’abandonner une concession en Chine, les autres n’étaient pas remises en cause. Le 10 décembre 1922 le transfert du territoire à la Chine était réalisé. Enfin, en octobre 1922, les Japonais évacuaient la Sibérie orientale tout en se maintenant dans la partie septentrionale de Sakhaline jusqu’en 1925. La conférence de Washington marquait un recul des ambitions japonaises notamment vis-à-vis de la Chine, ce qui correspondait à la politique prudente du ministre des Affaires étrangères, Shidehara Kijuro. À l’inverse, elle semblait augurer d’une plus grande liberté pour la Chine, désormais admise à discuter avec les grandes puissances. Juin 1922 - septembre 1923 : Gouvernement de l’amiral Katô Tomosaburô. 5 juillet 1922 : Fondation dans la clandestinité du Parti communiste japonais. 1er septembre 1923 : Terrible tremblement de terre de Tokyo et Yokohama, aggravé par un incendie de grande ampleur et par un raz de marée catastrophique. Le pays déplore plus de cent mille victimes. L’amiral Yamamoto est nommé chef du gouvernement. Le vicomte Kiyura lui succède après la tentative d’assassinat, le 27 décembre, du régent Hirohito. Avril 1924 : Le Congrès américain vote le Johnson Act, une loi hostile à l’immigration japonaise qui interdit la naturalisation des Asiatiques comme Américains, ce qui contribue à développer la xénophobie traditionnelle des Japonais. Juin 1924 - janvier 1926 : Leader du parti Kenseikai victorieux lors des élections de mai, le vicomte Katô Komei dirige le gouvernement, avec Shidehara aux Affaires étrangères. 12 janvier 1925 : Restauration des relations diplomatiques entre le Japon et la Russie, devenue l’URSS. Par un accord du 21 janvier le Japon restitue le nord de l’île Sakhaline aux Soviétiques. 5 mai 1925 : Vote d’une loi introduisant le suffrage universel mais la Chambre des Pairs la limite. Sont électeurs les hommes âgés de vingt-cinq ans, non indigents et résidant depuis plus d’un an sur le lieu du vote. L’âge d’éligibilité est fixé à trente ans. Dès le lendemain, une autre loi « sur la protection de la paix civile » est votée. Elle punit de prison, voire de dix ans de travaux forcés, les membres d’associations subversives visant à renverser le régime ou à mettre en cause la propriété. Janvier 1926 - avril 1927 : À la mort du vicomte Katô, c’est Wakatsuki Reijro qui lui succède à la tête du gouvernement. Demeuré aux Affaires étrangères, Shihedara adopte en Chine une attitude modérée, fondée sur la non intervention dans les troubles qui affectent ce pays en même temps que sur une pénétration économique, ce qui lui vaut l’hostilité des nationalistes du parti Seiyukai, dirigé depuis avril 1925 par le général Tanaka. 25 décembre 1926 : Mort de l’empereur Taisho Yoshihito. Avènement d’Hirohito qui inaugure l’ère Showa, de la « Paix rayonnante ». Né en 1901, il a effectué un voyage en Europe à l’âge de vingt ans avant de se retrouver dès 1922 investi de la régence, en raison de la mauvaise santé de son père ; il a ainsi présidé à la formation de cinq ministères. 17 avril 1927 : Démission du ministère Wakatsuki. Sous l’influence des nationalistes et des traditionalistes de son Conseil privé, le nouvel empereur Hirohito choisit les militaires mécontents de la politique étrangère de Shihedara et des restrictions budgétaires affectant l’armée contre les Zeibatsu, les milieux d’affaires favorables à l’expansion commerciale du pays mais méfiants face à l’aventurisme de la caste militaire. 1927 : Ouverture du métro de Tokyo. 2 juin 1928 : Le seigneur de la guerre chinois Tchang Tso Lin, qui était jusque-là en Mandchourie un protégé des Japonais, est tué lors d’un attentat préparé par l’armée japonaise du Kwantoung au moment où les nationalistes du Kuomintang de Tchang Kaï Shek paraissaient en mesure d’en finir avec lui et de récupérer le contrôle de la Mandchourie. Mis en cause dans l’attentat pour n’avoir pas contrôlé les militaires responsables, Tanaka démissionne le 1er juillet 1928. Il est remplacé par le leader du nouveau parti Minseitô créé en 1927, Hamaguchi Osachi, qui reprend Shidehara aux Affaires étrangères, ce qui apparaît comme une défaite des nationalistes. 1928 : Premières élections au suffrage universel. Dissolution de trois formations de gauche et arrestations de leaders communistes. 1929 : Inauguration du premier service aérien destiné à des passagers entre Tokyo et Osaka. 21 janvier 1930 : Conférence sur le désarmement naval à Londres. Le Japon n’obtient pas ce qu’il réclamait initialement mais l’empereur ratifie cependant le traité. 14 novembre 1930 : Un jeune nationaliste tire sur Hamaguchi en gare de Tokyo. Le premier ministre démissionnera le 11 avril 1931 et mourra des suites de l’attentat le 26 août. C’est son adjoint à la tête du Minseitô, Wakatsuki Reijirô, qui lui succède. 18 septembre 1931 : Un sabotage organisé par l’armée du Kwantoung fournit aux militaires japonais le prétexte à une action en Mandchourie. 22 et 30 septembre 1931 : La Société des Nations condamne l’action japonaise en Mandchourie. Les nouvelles demandes de la SDN, formulées les 24 octobre et 1er décembre suivants, n’ont pas davantage d’effets. Au début de 1932, les Japonais contrôlent l’ensemble de la Mandchourie. En janvier 1932, un contingent japonais est débarqué à Shanghai après qu’une consigne de boycott des produits japonais y a été lancée. L’aéronavale nippone bombarde les faubourgs de la ville et c’est une médiation des puissances qui permet d’arrêter les combats au début du mois de mars 1932. Entre temps les Japonais ont installé le 18 février 1932 un État du Mandchoukouo confié à Pu-Yi, le dernier empereur mandchou de Chine, renversé en 1912. 11 décembre 1931 : Après avoir dû affronter trois complots au cours de l’année, le premier ministre Wakatsuki finit par démissionner. Inukai Ki, favorable aux militaires, lui succède. Le ministre des Finances Inoué et celui des Affaires étrangères Shidehara sont exclus du cabinet au sein duquel le général Araki est titulaire du ministère de la Guerre, ce qui a de quoi satisfaire les nationalistes. 9 février 1932 : Assassinat de l’ancien ministre des Finances Inoué. Cet attentat est suivi de nombreux autres visant les hommes proches des Zeibatsu. Le 15 mai 1932, c’est le premier ministre Inukaï qui est assassiné à son tour. Ce meurtre signifie la ruine des derniers espoirs d’une évolution libérale. Les factions les plus radicales de l’armée vont désormais imposer leurs choix politiques et entraîner le Japon dans une politique expansionniste et belliciste qui le conduira à sa ruine.

La tentation impériale et son échec (1932-1945)

La crise des années trente porte un coup fatal à la quête de puissance fondée sur le développement industriel et le dynamisme commercial, au moment où les barrières douanières sont relevées un peu partout. Sans surprise, ce sont les éléments nationalistes favorables à une expansion militaire et territoriale qui vont imposer leur discours, au nom de la conquête d'un nécessaire "espace vital". Le Japon ne peut en effet, faute de ressources suffisantes en énergie et en matières premières et faute de pouvoir nourrir sa population engagée dans une croissance spectaculaire, adopter les solutions autarciques alors mises en oeuvre par la plupart des grandes puissances, d'autant que la tentation de s'étendre en Mandchourie et en Sibérie orientale (la guerre civile russe avait déjà fourni aux armées impériales l'occasion de pousser pour un termps jusqu'au lac Baïkal) est ancienne et demeure entretenue par les sociétés secrètes nationalistes. C'est dans ces conditions qu'est établi l'Etat fantoche du Mandchoukouo, qui doit permettre aux Japonais d'exploiter les ressources agricoles et minières de cette riche et vaste région du nord-est chinois. Condamné par la SDN, le Japon quitte l'organisation internationale et s'engage ensuite dans une fuite en avant qui va conduire, en 1937, à la guerre avec la Chine. Le ralliement au Pacte anti-Komintern et au Pacte Tripartite entraîne le Japon dans l'alliance avec les puissances de l'Axe, l'Allemagne et l'Italie, mais le pacte de non-agression conclu avec l'URSS en avril 1941 fait que le Japon - et c'est essentiel pour la suite de la guerre - ne s'associe pas à ses alliés au mois de juin suivant, quand Hitler attaque l'Union soviétique. Une prudence qu'explique peut-être la défaitre infligée par Joukov aux forces nippones à l'été 1939, sur les rives du Kalkin Gol, à proximité de la frontière sino-mongole. Gêné par les mesures d'embargo prises à son encontre par les Etats-Unis le gouvernement de l'amiral Tojo fait le choix d'affronter dans le Pacifique la puissance américaine mais, après six mois d'une guerre-éclair victorieuse, les Américains reprennent l'initiative et entament une reconquête méthodique du Pacifique qui culminera en 1945, avec la prise d'Okinawa et les bombardements nucléaires d'Hiroshima et de Nagasaki. A ce moment précis, le Japon apparaît entièrement détruit, sa puissance est anéantie et son aventure impérialiste se conclut sur une catastrophe totale. La crise mondiale qui commence au début des années trente ne peut que remettre en cause le projet d’une croissance japonaise fondée sur le dynamisme économique et commercial et lui substitue celui d’une expansion territoriale seule en mesure de garantir l’autonomie du pays, menacée par les politiques protectionnistes que mettent alors en place les grandes puissances, notamment dans le cadre de la « préférence impériale » appliquée en Asie par la Grande-Bretagne, la France ou les Pays-Bas. Un tel contexte justifiant les revendications « d’espace vital » mises en avant par la caste militaire, le régime parlementaire tombe rapidement sous la coupe des officiers nationalistes radicaux. Héritiers de la morale guerrière du bushidô propre aux samouraïs, ceux-ci ont réussi, au cours des décennies précédentes et à la faveur des succès remportés par la révolution Meiji, à imprégner de ces valeurs l’ensemble de la société nippone. Ils ont une doctrine – exposée dès 1919 par Kita Ikki dans son Projet général de reconstruction du Japon – qui réclame la suspension de la constitution, la remise du pouvoir aux militaires, un réarmement massif et une politique d’expansion en Sibérie, en Asie du Sud et en Australie. Plusieurs sociétés secrètes plus ou moins violentes vont constituer le support de cette idéologie et la diffuser dans l’opinion. Les principales sont la Genvosha fondée en 1881, la Kakuryukai ou Société du Dragon Noir (autre nom donné au fleuve Amour) qui prône l’expansion en Mandchourie et en Sibérie orientale et qui a été créée en 1901 ; il faut ajouter la Société des Rônin, qui remonte à 1908, la Société des Vertus militaires, chargée de maintenir l’esprit du bushidô, formée en 1895, et l’Association des militaires de réserve fondée en 1910, toutes déjà solidement installées avant la première guerre mondiale. Il faut ajouter après 1920 l’Association de la Permanence fondée par Kita Ikki, la Société du Drapeau Impérial, celle du Cerisier, celles du Loup Noir et du Faisan Doré qui inspire les livres d’enseignement scolaire. Il faut ajouter en 1930 la Société de la Voie Impériale du général Araki et, deux ans plus tard, la Société pour la Défense du Prestige National. Il existe ainsi une cinquantaine de sociétés nationalistes en 1932, qui seront plus de sept cents en 1936. Ces différents groupes cultivent la xénophobie traditionnelle de la société japonaise mais se font aussi les champions d’un panasiatisme sous direction japonaise qui transforme en projet de « libération des peuples jaunes » la volonté d’expansion territoriale au détriment de la Chine ou de l’Asie du Sud. L’anticommunisme et la démagogie agrarienne – les paysans demeurent encore la classe largement majoritaire et fournissent le gros des effectifs de l’armée – se combinent avec la critique de la société urbaine et l’exaltation du culte impérial pour construire une idéologie nationaliste et militariste redoutable, à laquelle adhère une large majorité de la population. 1er mars 1932 : Pu Yi, le dernier empereur mandchou de Chine est désigné comme « chef de l’exécutif » de la République du Mandchoukouo. Il s’agit d’un pouvoir fantoche contrôlé de fait par l’armée japonaise du Kwantoung. Mai 1932 – juillet 1934 : Gouvernement de l’amiral Saitô Makoto, un militaire modéré mais avec le général Araki comme ministre de la Guerre. Les budgets militaires sont doublés au cours des deux années suivantes. 2 septembre 1932 : Un « traité inégal » établit le protectorat japonais sur le Mandchoukouo. Le gouvernement de Tokyo manifeste ainsi le peu de cas qu’il fait de la commission d’enquête de la SDN conduite par Lord Lytton. 14 février 1933 : La commission de la SDN chargée de l’affaire mandchoue adopte le rapport Lytton, voté le 24 – à l’unanimité, moins l’opposition du Japon et l’abstention du Siam. Le représentant japonais Matsuoka se retire et le Japon décide le 27 mars 1933 de quitter la SDN dont les condamnations demeurent purement verbales. 25 février 1933 : Les Japonais entament la campagne du Jehol et occupent toute cette province voisine de la Mandchourie. Ils poursuivent leur progression au Hopei en avril et négocient le 22 mai la création d’une zone démilitarisée dans le nord de cette région. Les forces japonaises contrôlent ainsi la Grande Muraille, en même temps qu’elles maintiennent (depuis l’expédition des Boxers de 1900) des garnisons autour de Tien-Tsin. 1er mars 1934 : Pu Yi reçoit le titre d’empereur du Mandchoukouo, à l’initiative du Résident japonais, le général Muto. C’est en fait « l’attaché japonais auprès la maison impériale », Yoshioka Yasunori, qui apparaît comme le véritable dirigeant du pays. Juillet 1934-mars 1936 : Ministère de l’amiral Okada Keisuké. 29 décembre 1934 : Le Japon dénonce les accords de Londres sur la réduction des armements navals. 23 juin 1935 : Les Japonais obtiennent une totale liberté d’action dans la région mongole du Tchaqar. En octobre, l’ambassadeur Ariyoshi réclame au gouvernement de Nankin la constitution d’un gouvernement autonome de la Chine du Nord. 15 janvier 1936 : Le Japon quitte la nouvelle conférence de désarmement naval tenue à Londres quand ses interlocuteurs lui refusent la parité avec les USA. 26 au 26 février 1936 : Tentative de coup d’État des éléments nationalistes les plus extrémistes. Plusieurs ministres ou anciens ministres sont assassinés mais les rebelles se rendent au bout de trois jours. Mars 1936 - février 1937 : Ministère Hirota Kôki. Le nouveau Premier ministre est le fondateur de la Société de la Grande Asie et fait partie de l’aile radicale du nationalisme. C’est à celle-ci que profite ainsi finalement le putsch manqué de février. Le nouveau gouvernement favorise le progrès des industries liées au développement des moyens militaires, importe de grandes quantités de ferrailles américaines pour les besoins de l’industrie sidérurgique et dévalue le yen, ce qui doit favoriser les exportations. 6 juillet 1936 : Le Japon impose au gouvernement de Tchang Kaï Shek l’évacuation des dernières forces chinoises occupant encore le Hopei. 25 novembre 1936 : Signature avec l’Allemagne du Pacte Anti Komintern. Février - juin 1937 : Hayashi Senjurô dirige un nouveau ministère ultra-nationaliste qui ne dure que jusqu’au 31 mai 1937 car les élections du 30 avril n’ont ramené qu’une cinquantaine de députés nationalistes à la Chambre alors que les partis classiques Minseitô et Seiyûkai, en obtenaient respectivement 179 et 175. 4 juin 1937 - 4 janvier 1939 : Ministère d’allure modérée du prince Konoe Fumimaro qui a su pourtant donner des gages aux nationalistes ; le remaniement intervenu en juin 1938 avec la nomination du général Ugaki aux Affaires étrangères et du général Itagaki à la Guerre témoigne d’une radicalisation en ce sens au moment où la guerre en Chine est engagée depuis l’été de 1937. Nuit du 7 au 8 juillet 1937 : Incident du pont Marco Polo : des troupes japonaises auraient essuyé des coups de feu provenant de troupes chinoises au sud-ouest de Pékin. Des combats ont lieu autour de Wanping du 8 au 11 juillet, date de la conclusion d’un armistice. De nouveaux incidents se produisent près de Tien-Tsin dans la nuit du 25 au 26. Le 28, le général Katsuki, commandant les troupes japonaises en Chine du Nord exige l’évacuation par les Chinois des régions de Pékin et de Tien-Tsin, ce que refuse le gouvernement de Nankin. La guerre est marquée par une série de victoires japonaises : les envahisseurs s’assurent le contrôle de la région Pékin-Tien-Tsin puis occupent le Hopei et le Chansi. Shanghai est prise à la fin octobre après de violents bombardements. Le 14 décembre, Nankin est prise et mise à sac de manière barbare, ce qui vaudra au général Matsui d’être condamné à mort et pendu comme criminel de guerre lors du procès de 1946. Au début de 1938, les Japonais débarquent au Shantong et s’emparent de Tsing-Tao. 27 novembre 1937 : Création du Quartier Général impérial qui, traitant directement avec l’empereur, neutralise de fait le gouvernement officiel. Décembre 1937 - janvier 1938 : Les Chinois repoussent les propositions de paix japonaises qui exigent la démilitarisation des zones avoisinant les conquêtes japonaises, l’installation de pouvoirs pro-japonais dans ces régions, l’adhésion de la Chine au pacte Anti Komintern, la reconnaissance de l’indépendance du Mandchoukouo par la Chine et un accord douanier plaçant la Chine en situation de protectorat économique du Japon. 19 février 1938 : Mise en place d’un Conseil de la Planification chargé d’organiser l’économie de guerre. 16 mars 1938 : Vote d’une loi de mobilisation nationale générale. 28 mars 1938 : L’un des leaders du Kuomintang, Wang Tsin-Wei, constitue un gouvernement « collaborateur » en Chine. Il sera reconnu par les Japonais qui l’installeront à Nankin le 30 mars 1940. 21 octobre 1938 : Les Japonais s’emparent de Canton. 25 octobre 1938 : Les armées japonaises engagées au nord et débarquées à l’est font leur jonction à Han Kéou et obligent le gouvernement Kuomintang de Shang Kaî Shek à partir se réfugier à Tchong-King, dans le Se Tchouen, sur le cours supérieur du Yang Tsé Kiang. Janvier-août 1939 : Ministère du baron Hiranuma Kichiro, un proche du général Araki de tendance germanophile. La signature du pacte germano-soviétique conduira Hiranuma à la démission. Il est remplacé jusqu’en janvier 1940 par le général Abe Noboyuki ; l’amiral Nomura, qui était connu pour ses liens avec l’US Navy, occupait le ministère des Affaires étrangères. Mai-septembre 1939 : Affrontement entre Japonais et Soviétiques sur les frontières mongoles. La bataille du Kalkin Gol se conclut sur une victoire complète des Russes commandés par Joukov. L’échec de l’armée japonaise du Kwantoung est lourd de conséquences car il dissuadera en 1941 les Japonais d’attaquer l’URSS en Sibérie et c’est la Marine, demeurée jusque-là invaincue, qui sera chargée de l’attaque contre la flotte américaine du Pacifique. 26 juillet 1939 : Roosevelt dénonce le traité de commerce nippo-américain de 1911. 4 septembre 1939 : Le Japon proclame sa neutralité mais exige le retrait de Chine des forces des pays belligérants, ce qu’acceptent l’Angleterre et la France. Roosevelt limite pour sa part les exportations de matières premières destinées au Japon. Janvier-juillet 1940 : Ministère de l’amiral Yonai. 19 au 19 juin 1940 : À la faveur de la défaite de la France, le gouvernement japonais exige de l’amiral Decoux, gouverneur de l’Indochine, la fermeture de la frontière avec la Chine. Le 17 juillet, des accords anglo-nippons prévoient la fermeture de la route de Birmanie permettant d’acheminer du matériel vers Tchong-King. Juillet 1940 - juillet 1941 : Nouveau gouvernement du prince Konoe, avec Matsuoka aux Affaires étrangères et le général Tojo à la Guerre. La plupart des ministres venaient de l’armée du Kwantoung et avaient participé à la mainmise sur la Mandchourie. Konoe n’en souhaite pas moins parvenir à une solution négociée avec les Américains. 30 août 1940 : Matsuoka impose à la France de Vichy de concéder au Japon le libre passage à travers le Tonkin et la disposition d’aérodromes. Le Japon soutient ensuite les revendications de la Thaïlande sur certaines régions du Laos et du Cambodge et impose sa médiation dans ce dossier en mars 1941. 27 septembre 1940 : Signature du Pacte Tripartite avec l’Italie et l’Allemagne. Octobre 1940 : Dissous au cours de l’été, les différents partis politiques sont invités à fusionner au sein de l’Association nationale pour le service du Trône ou Taisei Yokusankaï. 13 avril 1941 : Un accord de non-agression est conclu entre le Japon et l’URSS, les dirigeants nippons pensant ainsi suivre les traces de l’Allemagne. Matsuoka fut donc d’autant plus surpris du déclenchement de l’opération Barbarossa le 22 juin 1941. 21 juin 1941 : Le Secrétaire d’État américain Cordell Hull réclame à l’amiral Nomura, devenu ambassadeur à Washington, l’évacuation de la Chine par les forces japonaises. Juillet-octobre 1941 : Ministère Konoe remanié dans lequel Matsuoka est remplacé par l’amiral Toyoda. Un ultimatum est remis à Vichy pour exiger huit aérodromes dans le sud de l’Indochine et la remise des bases de Camranh et de Saigon. Roosevelt réagit en bloquant les avoirs japonais aux USA et en encourageant les Hollandais des Indes néerlandaises à résister aux exigences japonaises en matière de fournitures pétrolières. 16 octobre : Le général Tojo remplace le prince Konoe démissionnaire. Il cumule les fonctions de président du Conseil, de ministre de l’Intérieur et de la Guerre, et même des Affaires étrangères pendant quelques mois dans ce gouvernement qui exercera une véritable dictature jusqu’en 1944. Novembre 1941 : Le nouveau cabinet décide de demander au gouvernement américain une réponse rapide à la proposition de maintien du statu quo en Indochine et de non-intervention américaine en Asie du Sud-Est – ce qui correspondait à la note remise le 6 août précédent à Washington par l’ambassadeur Nomura. Les demandes japonaises doivent en fait servir de prétexte à l’attaque prévue contre Pearl Harbor. Le 26 novembre, la flotte rassemblée à proximité des îles Kouriles prend la mer dans le plus grand secret et, le 2 décembre, l’amiral Yamamoto adresse à l’amiral Nagumo qui la commande l’ordre codé « Escaladez le mont Niitaka » qui doit déclencher l’attaque. 7 décembre 1941 : Depuis six porte-avions, les Japonais lancent contre Pearl Harbor – où est basée la flotte américaine du Pacifique – une attaque aéronavale de grande envergure qui marque le début de la guerre américano-japonaise, déclarée officiellement plusieurs heures plus tard. Dès le lendemain, les bases américaines des Philippines sont bombardées à leur tour. Guam est occupée le 10 décembre. Le même jour, la Royal Navy perd le Repulse et le Prince of Wales dans le golfe du Siam. 8 décembre 1941 : Les Japonais imposent à l’amiral Decoux un accord de défense qui place l’Indochine sous leur contrôle. 21 décembre 1941 : La Thaïlande signe un traité d’alliance avec le Japon, ce qui lui vaudra de récupérer, par un traité conclu le 20 août 1943, les territoires de Malaisie contrôlés jusque-là par les Anglais. 23 décembre 1941 : Les Japonais s’emparent de l’île de Wake. 25 décembre 1941 : Hong-Kong tombe aux mains des Japonais. 1er janvier 1942 : Invasion de la Birmanie. Aux Philippines, les Japonais entrent dans Manille mais les Américains résistent dans la presqu’île de Bataan sous les ordres de Mac Arthur installé dans l’île de Corregidor. 15 février 1942 : Le général Yamashita Tomoyuki, le « Tigre de Malaisie », s’empare de Singapour. 27 février : La flotte hollandaise, renforcée d’unités anglaises, américaines et australiennes, est détruite dans la mer de Java et, le 8 mars, le général Ter Poorten doit abandonner les Indes néerlandaises aux envahisseurs qui s’emparent également du nord de la Nouvelle Guinée, des archipels des Mariannes, des Marshall, des îles Gilbert et Ellice ainsi que des îles Salomon au nord-est de l’Australie qui apparaît directement menacée. En six mois, la Blitzkrieg japonaise aura remporté des succès spectaculaires et assuré aux forces nippones le contrôle d’un espace allant désormais des Kouriles à la Nouvelle Guinée et de la Mandchourie aux îles Gilbert. Les tenants du Dai Nihon, du « Grand Japon », peuvent se féliciter que la majeure partie de l’Asie du Sud-Est et du Pacifique occidental soit ainsi passée sous le contrôle de l’empire du Soleil Levant qui réalisait ainsi ses projets d’expansion les plus maximalistes. 9 avril 1942 : Fin de la résistance américaine à Bataan. Les 70 000 prisonniers subissent une « marche de la mort » qui coûtera la vie à 10 000 d’entre eux et qui, lors du procès entamé en janvier 1946, vaudra la peine de mort pour crime de guerre au général Homma. Les Américains cessent la lutte le 25 mai suivant à Leyte. Les Japonais contrôlent alors l’ensemble des Philippines mais, avant de se replier sur l’Australie, Mac Arthur a lancé son fameux « I will come back to Corregidor ». 18 avril 1942 : Raid de bombardement sur Tokyo des B 25 du colonel Doolittle, partis du porte-avions Hornet à 1 200 km des côtes japonaises. 7-8 mai 1942 : La bataille aéronavale de la Mer de Corail marque un premier coup d’arrêt à l’expansion japonaise. Les forces nippones doivent renoncer à la prise de Port-Moresby qui, sur la côte sud de la Nouvelle- Guinée, devait constituer une base de départ vers l’Australie. À partir de l’été de 1942, l’expansion japonaise atteint ses limites et le reflux va commencer au cours des mois suivants. Disposant d’une supériorité industrielle écrasante, les États-Unis vont entamer la reconquête méthodique du terrain perdu alors que la sphère de coprospérité de l’Asie orientale voulue par les Japonais ne demeure qu’un slogan creux, faute de capacités navales suffisantes pour assurer sa mise en œuvre. Progressivement isolé et coupé de ses conquêtes, le Japon sera en mesure d’opposer une résistance prolongée mais, dès la fin de 1942, la victoire est hors de portée pour les militaires au pouvoir à Tokyo. Faute de pouvoir importer les matières premières et le pétrole nécessaires, la machine de guerre japonaise révèle ses limites alors que l’approvisionnement de riz se révèle lui-même insuffisant. 3-4 juin 1942 : Bataille aéronavale de Midway qui voit la destruction de quatre porte-avions japonais alors qu’un seul porte-avions américain est perdu. L’occupation de trois îles des Aléoutiennes ne peut compenser cet échec. Le temps travaille désormais pour les États-Unis et l’occasion de Midway ne se représentera plus pour la Marine impériale. 1er août 1942 : Un pouvoir collaborateur est mis en place en Birmanie. Août 1942 - février 1943 : La bataille de Guadalcanal – livrée en parallèle avec les trois batailles navales des îles Salomon – tourne à l’avantage des Américains alors que les tentatives japonaises contre Port Moresby échouent également. Au cours des mois suivants, l’ensemble des îles Salomon est repris. 18 avril 1943 : Mort accidentelle de l’amiral Yamamoto. Mai-août 1943 : Les Américains reprennent les îles de l’archipel des Aléoutiennes (Attu, Kiska) perdues en 1942. 14 octobre 1943 : Traité d’alliance nippo-philippin qui place l’archipel sous la coupe du Japon. 30 octobre 1943 : Le gouvernement collaborateur chinois signe avec le Japon un accord d’évacuation totale de la Chine propre – la Mandchourie n’est pas concernée – à l’issue de la guerre mais Wang Tsin-Wei mourra le 10 novembre 1944 et les Japonais n’auront plus d’interlocuteur crédible en Chine. 5-6 novembre 1943 : Réunion à Tokyo de la Conférence de la Grande Asie qui rassemble des représentants de tous les régimes acquis au Japon ainsi que l’Indien Chandra Bose et l’Indonésien Soekarno qui reviendra de Tokyo sans illusions quant aux intentions japonaises à l’égard de son pays. 23 novembre 1943 : Les Américains s’emparent de Tarawa dans les îles Gilbert. 15 décembre 1943 : Débarquement américain en Nouvelle Bretagne où Rabaul est détruite. 4 février 1944 : Prise de Kwajalein dans les îles Marshall. Le 20, c’est le tour d’Eniwetok. 15 juin-6 juillet 1944 : Bataille pour Saïpan dans les Mariannes. Tinian et Guam sont prises ensuite. 18 juillet 1944 : Le général Koiso Kuniaki succède au général Tôjô à la tête d’un ministère jusqu’au-boutiste. 7 septembre 1944 : Annonce par le Japon de l’octroi de « l’indépendance » à l’Indonésie mais celle-ci ne sera effective que le 17 août 1945. 23 au 23 octobre 1944 : Le débarquement américain aux Philippines fait suite à la bataille navale de Leyte. Manille tombera en février 1945 mais Yamashita résistera dans l’intérieur jusqu’au 3 septembre 1945. Février 1945 : À la conférence de Yalta, Staline s’engage à entrer en guerre contre le Japon trois mois après la fin de la guerre en Europe. 19 février - mars 1945 : Les Américains entament la conquête d’Iwojima, au nord des Mariannes. 9 mars 1945 : Coup de force japonais contre les autorités françaises d’Indochine. 10 mars 1945 : Bombardements massifs de Tokyo au moyen de bombes incendiaires. 1er avril-juin 1945 : Bataille d’Okinawa, dans l’archipel des Ryu Kyu. 5 avril 1945 : Démission du ministère Koiso, remplacé par un cabinet modéré dirigé par l’amiral Suzuki Kantarô. 19 juin 1945 : Le rapport sur l’état des forces du pays remis par le secrétaire du gouvernement Sakomizu Hisatsume est particulièrement alarmiste et jure avec la décision prise le 6 juin par le Conseil suprême de la Guerre de poursuivre la lutte dans l’archipel. Des contacts sont cependant pris avec l’ambassadeur soviétique J.A. Malik pour solliciter une médiation de Staline. 26 juillet 1945 : Par la proclamation de Potsdam, les Alliés formulent les conditions qu’ils entendent imposer au Japon. 6 août 1945 : Bombardement nucléaire d’Hiroshima. 8 août 1945 : Entrée en guerre de l’URSS contre le Japon. Les forces soviétiques envahissent la Mandchourie. 9 août 1945 : Bombardement nucléaire de Nagasaki. 10 août 1945 : L’empereur déclare accepter les conditions fixées à Potsdam. Le 13 août, l’empereur déclare accepter la réponse de Byrnes, le Secrétaire d’État américain, selon laquelle lui-même et le gouvernement seraient soumis au commandement allié. Le 15, l’empereur s’adresse au pays pour lui demander de « supporter l’insupportable » et de cesser toute résistance. Le même jour, le ministre Suzuki se retire au profit d’un ministère confié au prince Higashikuni Naruhiko, un oncle de l’empereur. 29 août 1945 : Truman adresse à Mac Arthur (Supreme Commander for the Allied Powers, SCAP) des instructions qui lui donnent un pouvoir illimité pour diriger le pays dont le gouvernement national ne doit être qu’un simple organe d’exécution. 2 septembre 1945 : Signature de la capitulation japonaise en rade de Tokyo, à bord du cuirassé Missouri.  

Du miracle japonais aux incertitudes actuelles

Pour le Japon vaincu, 1945 apparaît comme "l'année zéro". Les territoires extérieurs sont perdus et des millions de réfugiés doivent regagner l'archipel. les capacités industrielles sont réduites à néant et c'est le général Mac Arthur, proconsul américain, qui gouverne le pays, confronté à une effroyable misère, du fait des immenses destructions entraînées par les bombardements aériens méthodiquement mis en oeuvre durant les mois qui ont précédé l'utilisation, à Hiroshima et à Nagasaki, les 6 et 9 août, de l'arme nucléaire. A partir d'une situation extrêmement difficile, le Japon vaincu va pourtant profiter de l'évolution de la situation internationale - le début de la guerre froide, la victoire communiste en Chine, la guerre de Corée - pour entamer sa reconstruction et son redémarrage. Dès les années soixante, le "miracle japonais" a fait son oeuvre. Jouant de nouveau de ses bas coûts de main d'oeuvre et du dynamisme de son commerce extérieur, dans le contexte de grande croissance qui s'installe durablement au lendemain de la guerre, le pays sait profiter des nouvelles conditions du transport maritime pour développer de vastes zones industrielles littorales qui vont faire rapidement de lui la troisième, puis la seconde puissance industrielle du monde, bénéficiant alors d'une croissance annuelle à deux chiffres. Un élan brisé en 1974 par les effets du premier choc pétrolier, mais le Japon rebondit en abandonnant à ses concurrents asiatiques, notamment coréens, les secteurs industriels traditionnels où il s'était imposé pour miser largement sur la recherche-développement et se poser en champion de l'innovation technologique, alors que l'épargne accumulée durant la période de croissance fait également de lui une puissance financière de premier plan. Le modèle japonais est alors cité en exemple et certains dirigeants de l'économie du pays se sentent même en mesure de tenir tête et de "dire non"aux Américains, jusqu'à ce qu'intervienne, dans les années 1990, l'éclatement d'une bulle immobilière qui plonge le pays dans une période prolongée de faible croissance, au moment où la Chine décolle et où se font sentir les effets du vieillissement accéléré de la population. La situation du Japon apparaît particulièrement dramatique au moment où se termine la guerre. Le rapatriement des militaires et des civils japonais dispersés outre-mer ramène vers l’archipel sept millions de personnes. La plupart des grandes villes ont été détruites par les bombardements stratégiques mis en œuvre à partir de l’automne de 1944 et l’appareil de production est à peu près anéanti. On a pu parler à juste titre pour le Japon, à propos de 1945, d’« année zéro ». 4 octobre 1945 : Le « proconsul » américain Douglas Mac Arthur annonce l’abrogation des lois contraires aux libertés individuelles, instaure la liberté de presse et supprime la gendarmerie militaire qui faisait fonction de police politique. Un nouveau ministère est constitué, dirigé par l’ancien ministre des Affaires étrangères modéré Shidehara, avec le prince Konoe comme vice Premier ministre – il se suicidera le 15 décembre quand il craindra d’être accusé de crimes de guerre. Ce cabinet dure d’octobre 1945 à mai 1946. 22 décembre 1945 : Une loi établit des syndicats organisés sur le modèle occidental. 27 décembre 1945 : L’accord de Moscou institue la Commission d’Extrême-Orient et le Conseil allié pour superviser la politique d’occupation mais Mac Arthur fera en sorte de pouvoir agir seul. 19 janvier 1946 : Création à Tokyo du Tribunal militaire d’Extrême-Orient, chargé de juger les responsables de la guerre. Il est le pendant du tribunal réuni à Nuremberg pour juger les chefs nazis. Parmi les vingt-huit accusés, les principaux sont le général Tôjô, les ministres Hirota, Koiso, Araki, Matsuoka et Shigemitsu ainsi que certains chefs de l’armée du Kwantoung. D’autres procès pour « violations des lois de la guerre » sont organisés par des tribunaux alliés sur le théâtre des crimes commis. 4 200 accusés seront jugés, dont 700 condamnés à mort et 2 500 à de lourdes peines de prison. Ce n’est que le 12 novembre 1948 que seront prononcées les peines du procès de Tokyo. Parmi les condamnés à mort, on compte Tôjô, Doihara (chef des services de renseignements de l’armée du Kwantoung), le général Igataki, Hirota, Matsui (responsable du sac de Nankin), Homma (accusé de la « marche de la mort » de Bataan), Kimura qui se voyait reprocher les crimes commis en Birmanie. Parmi les condamnations à mort, celle du général Yamashita, « le Tigre de Malaisie », apparaît fort discutable car on pouvait difficilement l’accuser des crimes commis dans la défense des Philippines. L’épuration est complétée par la dissolution de 1 300 organisations ou associations nationalistes et par la mise à l’écart de tout emploi public de 220 000 personnes jugées compromises avec le régime militaire. Une amnistie générale en faveur des victimes des purges d’après-guerre interviendra en juin-août 1951. 6 mars 1946 : Publication d’un projet de constitution qui sera votée par la nouvelle Assemblée élue le 10 avril 1946. Promulguée le 3 novembre, elle sera mise en application le 3 mai 1947. L’empereur, dont la personne n’est plus sacrée – le shintoïsme n’est plus religion d’État depuis le 15 décembre 1945 –, n’est plus que le garant de l’unité nationale et le symbole de l’État. Dès le 1er janvier 1946 Hirohito a déclaré que son pouvoir était lié « à la confiance mutuelle et à l’affection du peuple » et « non à de vieux mythes religieux », ce qui officialisait la fin de la tradition shintoïste en matière politique. La constitution instaure par ailleurs les libertés fondamentales, l’égalité politique et civile, la renonciation du pays à l’armée et la reconnaissance du droit syndical. Le suffrage universel est étendu aux femmes. Le pouvoir législatif appartient à une Assemblée bicamériste et le pouvoir exécutif à un ministère désigné par l’Assemblée et responsable devant elle. Mai 1946-avril 1947 : Gouvernement de Yoshida Shigeru. 23 juillet 1946 : Loi de liquidation des Zeibatsu accusés d’avoir soutenu la politique belliciste. Ils pourront assez facilement se reconstituer au cours des années suivantes. 27 septembre 1946 : Loi limitant le droit de grève. 21 octobre 1946 : Promulgation d’une loi de réforme agraire renforçant les petits propriétaires. 4 avril 1947 : Les Américains, soucieux de favoriser une reconstruction rapide de l’économie du pays, suspendent le paiement des réparations japonaises. 5 avril 1947 : Loi réglementant les conditions de travail. Avril 1947-février 1948 : Échec du ministère socialiste de Katayama Tetsu. Retour de Yoshida à la tête du gouvernement. La dévaluation du yen par rapport au dollar, le rétablissement de l’équilibre budgétaire, la reconstitution des chantiers navals, les faveurs faites de nouveau aux grandes entreprises pour des raisons de rationalisation de la production créent les conditions du redressement. Juillet 1948 : Loi « eugénique » de limitation des naissances légalisant l’avortement et organisant le planning familial. 24 janvier 1949 : Les élections générales sont marquées par un triomphe de la droite libérale (333 sièges), une défaite complète des socialistes (48 sièges), et une poussée des communistes (35 sièges). Un troisième cabinet Yoshida est constitué en février. Au cours des mois suivants, l’agitation communiste, parfois violente, se développe et Mac Arthur qui a déjà supprimé le droit de grève dans les services publics le 22 juillet 1948 décide alors d’appliquer aux communistes les lois d’épuration prévues contre les militaristes (7 juin 1950). Parallèlement, de nombreuses personnes épurées après 1945 bénéficient d’une amnistie. 15 avril 1949 : Adoption du plan Dodge recommandant une politique de déflation et de stabilisation monétaire (360 yens pour un dollar). 12 mai 1949 : Fin du paiement des réparations et des mesures de décartellisation contre les zeibatsu. 25 juin 1950 : Invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord. La guerre qui s’ouvre alors place le Japon dans une position très favorable puisqu’il apparaît aux Américains comme un partenaire indispensable pour la mise en œuvre de leur effort militaire dans le pays voisin. Le souci de contenir en Asie la poussée communiste que manifestaient la victoire de Mao en Chine, la lutte du Viet Minh en Indochine française et l’attaque nord-coréenne ne peut qu’encourager les Américains à normaliser rapidement leurs relations avec le Japon devenu, dans le contexte nouveau de la guerre froide, un partenaire indispensable. 10 août 1950 : Une police nationale de réserve de 75 000 hommes remplace les troupes américaines appelées en Corée et forme l’embryon des futures forces d’autodéfense. 10 avril 1951 : En raison de son différend avec Truman à propos de la guerre de Corée, Mac Arthur est limogé et remplacé par le général Ridgway. 8 septembre 1951 : La conférence de San Francisco réintègre le Japon dans le concert des nations. Quelques jours plus tard, Yoshida et Dean Acheson, le Secrétaire d’État américain signent un pacte de sécurité qui maintient les troupes américaines dans l’archipel, comme forces non plus occupantes mais alliées. Le traité est ratifié le 25 octobre. À partir de 1950, la reconstruction s’accélère et le Japon entre dans une phase de croissance qui va s’envoler littéralement au cours des années soixante. La population augmente rapidement De 43 millions en 1900, les Japonais sont passés à 71 millions en 1940 et à cent millions en 1967. Il s’agit de plus alors d’une population jeune : le million de morts de la guerre est compensé par un taux de natalité remonté à 31 pour mille dès les années 1945-1950 et par le retour de près de sept millions de Japonais d’outre-mer dans l’archipel. Le souhait des Américains de voir se reconstituer la puissance économique japonaise, l’efficacité et la discipline des travailleurs nippons, la force du consensus social et l’essor des échanges mondiaux dont le Japon profite à plein expliquent un redressement aussi rapide que spectaculaire, qui a pu mériter l’appellation de « miracle japonais ». Après une période qui voit la relance des industries de transformation tournées vers l’exportation et bénéficiant de la présence d’une main d’œuvre nombreuse et peu coûteuse, les Japonais développent – à la faveur de la baisse des coûts du fret maritime liée à la généralisation des transporteurs géants – une industrie lourde littorale (sidérurgie et pétrochimie « sur l’eau ») qui font de leur pays la troisième puissance industrielle du monde derrière les USA et l’URSS. Sans ressources en coke ou en fer, l’archipel nippon produira ainsi 90 millions de tonnes d’acier au début des années soixante-dix. Le choc pétrolier de 1973 vient compromettre la croissance japonaise, demeurée pendant une vingtaine d’années la plus forte du monde, mais le pays réagit en développant une meilleure organisation du travail et en privilégiant l’innovation technologique dans les secteurs les plus porteurs (télécommunications, électronique, informatique, bureautique, robotique, biotechnologies…), ce qui fera de lui, au début des années quatre-vingt-dix, un rival dangereux pour une économie américaine condamnée à une restructuration draconienne. 28 avril 1952 : Signature d’un traité de paix séparé avec la Chine nationaliste de Taïwan. 1er mai 1952 : Manifestations anti-américaines à Tokyo. 4 juillet 1952 : Vote par l’Assemblée d’une loi anti-subversive qui entraîne, à partir d’octobre, deux mois de violente agitation sociale, ce qui conduit en 1953 au vote de lois limitant le droit de grève et réprimant les activités communistes. 18 septembre 1952 : Veto soviétique à l’admission du Japon à L’ONU. 1er février 1953 : Débuts de la télévision au Japon. Juillet 1954 : Création des « forces d’autodéfense ». 7 décembre 1954 : Chute du gouvernement Yoshida, remplacé par un ministère Hatoyama qui rétablit des relations normales avec l’URSS en octobre 1956, sans régler pour autant la délicate question des îles Kouriles. 10 septembre 1955 : Admission du Japon au GATT. 15 novembre 1955 : Formation du Parti libéral démocrate, puissante force conservatrice qui va constituer le grand parti de gouvernement pendant près de quarante ans. 1956 : Dans le cadre de l’Année géophysique internationale, le Japon installe sur la côte de l’Antarctique la base Showa. 19 octobre 1956 : Normalisation des relations soviéto-nippones, suivie par la conclusion d’un accord commercial le 6 décembre 1957. 12 décembre 1956 : Le Japon est admis dans l’Organisation des Nations Unies. Février 1957 : Après le court intermède du ministère Ishibashi constitué deux mois plus tôt, formation d’un gouvernement dirigé par Kishi Nobusike, un ancien épuré de 1945, ancien ministre de Tôjô mais très favorable à l’alliance américaine fondée sur le pacte de sécurité de 1951, renforcé par le pacte de défense mutuelle du 8 mars 1954. 20 janvier 1958 : Conclusion d’un accord de réparations avec l’Indonésie, suivie par celle d’un accord analogue avec le Sud-Vietnam le 13 mai 1959. 23 juin 1960 : Le pacte américano-japonais est renouvelé par l’Assemblée malgré de nombreuses manifestations qui ont dissuadé le 16 juin le président Eisenhower de se rendre au Japon. Kishi démissionne en juillet, est remplacé par Ikeda Hayato qui donne la priorité au développement économique et se fixe comme objectif de « faire doubler le revenu national en dix ans ». L’enrichissement du pays permet au parti libéral-démocrate de conserver de confortables majorités lors des élections générales de 1963 et de 1967. 26 juillet 1963 : Le Japon est admis à l’OCDE. 1964 : Inauguration du Shinkansen, le train à grande vitesse de la ligne du Tokaïdo. Automne 1964 : Ikeda démissionne pour raisons de santé au moment où les Jeux olympiques de Tokyo témoignent en octobre du retour du Japon au premier plan de la scène internationale. (Sans la guerre déclenchée contre la Chine en 1937, les Jeux olympiques auraient dû avoir lieu dans la capitale japonaise en 1940.) C’est Sato Eisaku qui succède à Kishi. 1967 : Le PIB du Japon rejoint et dépasse celui de la France. 1968 : Kawabata Yasunari, l’auteur du Grondement de la Montagne et de Tristesse et beauté reçoit le prix Nobel de littérature. Les îles Bonin sont rendues la même année au Japon. 17 août 1969 : Loi réprimant l’agitation universitaire au moment où le gauchisme révolutionnaire bascule progressivement dans le terrorisme : l’attentat de l’aéroport de Tel Aviv est réalisé par l’Armée Rouge japonaise. 21 novembre 1969 : Conclusion à Washington de l’accord Nixon-Sato qui prévoit l’évacuation de certaines bases américaines ainsi que la restitution d’Okinawa et accroît le rôle du Japon dans la défense éventuelle de l’Asie orientale, de Taïwan à la Corée du Sud. Mars 1970 : Exposition universelle d’Osaka. 25 novembre 1970 : Suicide rituel de l’écrivain Yukio Mishima. 17 juin 1971 : Accord nippo-américain sur la restitution des îles Ryu-Kyu et d’Okinawa. 26 août 1971 : Le gouvernement japonais décide de faire flotter le yen au lendemain de la décision américaine de suspendre la convertibilité du dollar en or. Le 18 décembre suivant le yen est réévalué par les accords de Washington de près de 17 % par rapport au dollar. 15 mai 1972 : Restitution officielle d’Okinawa au Japon. Juillet 1972-1974 : Ministère de Tanaka Kakuei (formé le 7 juillet). Il sera contraint à la démission lors de la révélation de plusieurs scandales financiers qui lui vaudront même d’être arrêté en 1976 pour sa participation à l’affaire Lockheed. 1er septembre 1972 : Rencontre Nixon-Tanaka à Honolulu pour préparer le rapprochement sino-japonais, concrétisé le 29 septembre par les accords Chou En Lai – Tanaka. 13 février 1973 : La dévaluation de 10 % du dollar américain entraîne une hausse continue du yen sur le marché des changes. 1974 : Alors qu’il a connu un taux de croissance annuelle moyen de plus de 12 % entre 1965 et 1970, le Japon est frappé de plein fouet par la crise pétrolière née de la guerre israélo-arabe d’octobre 1973. Dépendant à 99 % de l’extérieur pour ses importations de pétrole et à 83 % pour sa consommation d’énergie en général, le Japon se trouve brutalement rappelé aux réalités de sa fragilité géopolitique – 81 % de son pétrole vient du Proche-Orient. Les pouvoirs publics doivent mettre en place à la fin de l’année 1973 un plan de rationnement qui affecte aussi bien les particuliers que l’appareil industriel. 1975 : Miki Takeo remplace Tanaka Kakuei au poste de Premier ministre alors que le pays doit affronter la transition difficile engendrée par la crise pétrolière. La croissance a été négative (- 2 %) et la production a chuté de 13 % en 1974 par rapport à l’année précédente. Les dépenses d’énergie ont été multipliées par quatre. En février, un traité de bon voisinage et de coopération est conclu entre le Japon et l’URSS mais tout rapprochement, même économique, demeure compromis tant que dure la guerre froide et que demeure posée la question des îles Kouriles. Septembre 1976 : Miki Takeo écarte Nakasone du ministère en raison des retombées de l’affaire Lockheed. Divisé, le Parti libéral démocrate recule aux élections de décembre. Fukuda remplace Miki le 24 décembre comme Premier ministre mais le scandale Lockheed n’a pas les conséquences électorales prévues (la gauche ne progresse pas). L’année 1976 a vu par ailleurs le pays sortir de la crise née du choc pétrolier de 1973 et retrouver un taux de croissance positif à 6 % (contre 2 % en 1975). 16 février 1978 : Signature d’un accord commercial avec la Chine, suivie le 12 août de la signature d’un traité de paix entre les deux pays, ratifié le 23 octobre à Tokyo où se rend en personne Deng Xiao Ping, le nouvel « homme fort » de Pékin. 7 décembre 1978 : Ohira Masayoshi remplace Fukuda Takeo à la tête du gouvernement et y demeure après les élections d’octobre 1979 mais il meurt dix jours avant celles de juin 1980 qui donnent une large victoire au PLD dont le nouveau leader, Suzuki Zenko, devient Premier ministre. 1985 : Le déficit de la balance commerciale entre USA et Japon atteint 45 milliards de dollars au détriment des premiers. Juillet 1986 : Les élections législatives confirment la domination du Parti libéral démocrate. Octobre 1987 : Noboru Takeshita succède à Yasuhiro Nakasone. 1988 : Le Japon réalise sur l’année une croissance de 5,7 %, ce qui confirme le dynamisme remarquable observé tout au long des années quatre-vingt, à l’issue desquelles l’indice Nikkei de la Bourse de Tokyo bat tous ses records ; l’excédent de la balance commerciale dépasse les 90 milliards de dollars. Mars 1988 : Inauguration du plus long tunnel sous-marin du monde (53 km), reliant l’île d’Honshu à celle d’Hokkaido. Décembre 1988 : Adoption d’une réforme fiscale, au risque de ralentir la consommation intérieure. 7 janvier 1989 : Mort de l’empereur « Showa » Hirohito. Son fils Akihito lui succède et prend le nom de règne de Heisei, « Succès de la Paix ». La cérémonie officielle de son couronnement aura lieu le 12 novembre 1990. Avril 1989 : Un scandale politico-financier fait chuter le gouvernement de Noburu Takeshita formé en octobre 1987. Il est remplacé en juin par Sousouké Uno. Les élections de juillet sont marquées par un recul du parti libéral-démocrate et la formation en août d’un nouveau gouvernement confié à Toshiki Kaifu. Septembre 1989 : Sony achète la Columbia Pictures – et Mitsubishi en fait bientôt autant avec le Rockfeller Center, après que les investissements japonais à travers le monde ont quintuplé en cinq ans –, ce qui prend valeur de symbole pour une Amérique qui se sent désormais menacée par la montée en puissance du Japon, devenu la deuxième puissance économique mondiale et le premier créancier de la planète. Février 1990 : La chute brutale des cours de la Bourse de Tokyo ouvre une décennie qui voit le modèle japonais entrer en crise. Janvier-février 1991 : Le Japon ne participe pas directement à l’action américaine menée au nom de l’ONU contre l’Irak mais y contribue financièrement à hauteur de 9 milliards de dollars. Avril 1991 : Visite à Tokyo de Mikhaïl Gorbatchev. Juin 1991 : L’éruption du volcan Unzen fait une trentaine de morts dont deux volcanologues français, Maurice et Katia Kraft. Octobre 1991 : Kiichi Miyazawa succède à Toshiki Kaifu. 8 décembre 1991 : Au lendemain du cinquantième anniversaire de l’attaque contre Pearl Harbor, le ministre japonais des Affaires étrangères présente des excuses aux Etats-Unis. Août 1992 : Mise en œuvre d’un plan de relance de l’économie pour faire face à la persistance du marasme ; le yen reste à un niveau très élevé, l’excédent commercial demeure mais la croissance est très faible et le déficit budgétaire augmente. Septembre 1992 : Début du déploiement d’un contingent japonais au Cambodge, dans le cadre de l’ONU. C’est la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale que des militaires japonais séjournent sur le sol d’un pays asiatique. Octobre 1992 : La visite de l’empereur Akihito en Chine marque un début de réconciliation du Japon avec son grand voisin. Juillet 1993 : Le G7 se réunit à Tokyo. Quelques jours plus tard, le Parti libéral-démocrate perd la majorité à l’occasion des élections législatives, pour la première fois depuis 1955. Kiichi Miyazawa doit céder la direction du gouvernement à Morihiro Hosokawa, un petit-fils du prince Konoe, qui présentera des excuses officielles aux pays victimes de l’expansionnisme japonais. Il fait réformer en novembre le système électoral et le mode de financement des partis. Avril 1994 : Tsutomu Hata succède à Morihiro Hosokawa à la tête du gouvernement mais il est remplacé dès le mois de juin par Tomiichi Murayama. 17 janvier 1995 : Le tremblement de terre de Kobe entraîne des destructions considérables et fait plus de 5 000 victimes. 20 mars 1995 : Attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo, organisé par la secte Aum Shinrikyo dont le gourou, Shoko Asahara, est arrêté le 16 mai suivant. Le procès s’ouvre en septembre et la secte est dissoute le 30 octobre. 1996 : Le chômage affecte 3,7 % de la population active japonaise. 22 avril 1997 : Fin de la prise d’otages entamée 127 jours plus tôt à l’ambassade japonaise de Lima. 8 mai 1997 : Le Parlement japonais reconnaît la spécificité culturelle des Aïnous, peuple aborigène ne survivant plus que sur l’île d’Hokkaido. 11 juillet 1997 : Début d’une crise boursière et monétaire de grande envergure dans tout le sud-est asiatique alors que le tassement de la demande intérieure entraîne une chute du PIB japonais. 1er novembre 1997 : Sommet russo-japonais de Krasnoiarsk. Boris Eltsine et Ryutaro Hashimoto évoquent la question des îles Kouriles dont les Russes pourraient négocier la rétrocession au Japon contre des investissements nippons utiles au développement de la Sibérie. Décembre 1997 : Conférence internationale de Kyoto consacrée à l’effet de serre. Avril 1998 : La récession se confirme au Japon. La défaite du Parti libéral démocrate aux élections sénatoriales entraîne la démission en juillet du gouvernement de Ryutaro Hashimoto. Le nouveau Premier ministre, Keizo Obuchi, annonce en novembre un plan de relance de l’économie, le huitième en six ans, pour éviter que le Japon ne connaisse une croissance négative pour la troisième année consécutive. 28 novembre 1998 : La visite du président chinois Jiang Zemin au Japon a surtout été l’occasion d’un étalage des divergences. Le gouvernement Obuchi n’a pas exprimé de repentance formelle à propos des crimes commis en Chine durant la guerre de 1937-1945 et s’est refusé à entériner la position de Pékin sur l’avenir de Taiwan, tout en reprochant à la Chine sa politique répressive vis-à-vis des dissidents. 13 août 1999 : Le Japon et les États-Unis prévoient d’installer un système commun de défense antimissiles, à la grande colère des dirigeants de Pékin qui s’indignent deux jours plus tard de la restauration du Kimigayo, le « Chant à la gloire de l’empereur », comme hymne national. Octobre 1999 : Mort d’Akio Morita, le « patron » de Sony, qui symbolisait les triomphes économiques et commerciaux remportés par le Japon jusqu’à la fin de la décennie quatre-vingt. 2000 : En avril Yoshiro Mori remplace Kenzo Obuchi à la tête du gouvernement et y demeure après les législatives du mois de juin. Le Japon connaît une éclipse relative sur le plan international, même s’il continue à représenter à lui seul 70 % de l’activité économique de l’Asie orientale. Il tente, en favorisant la conclusion d’accords entre banques centrales des pays de l’ASEAN, de prévenir une nouvelle crise monétaire régionale mais demeure sur la réserve lors du sommet nippo-européen de juillet et lors du forum de l’APEC (pour la coopération économique Asie-Pacifique) en novembre à Brunei. Aucune décision importante n’est prise lors du sommet du G8 réuni à Nago sur l’île d’Okinawa. 2001 : La persistance de la crise se confirme avec les chiffres donnés en mars (chômage record à 4,9 %), au moment où la Bourse de Tokyo plonge à son niveau le plus bas depuis quinze ans. En avril, Junichiro Koizumi remplace Yoshiro Mori à la tête du gouvernement et gagne les élections sénatoriales du mois de juillet suivant. En octobre, Renault renforce son alliance avec Nissan, ce qui confirme l’ouverture du capital japonais aux firmes étrangères. En décembre, un Livre blanc intitulé Sans réformes, pas de progrès est publié par le gouvernement alors que la croissance négative sera de 1 % sur l’année. 2002 : Le Japon organise avec la Corée du Sud la Coupe du monde de football mais il ne s’agit que d’un intermède et la crise structurelle que connaît le pays se poursuit en raison, pour une bonne part, des résistances opposées aux réformes par un système de pouvoir usé jusqu’à la corde par le clientélisme et la corruption. La mise à l’écart, en janvier 2002, de la très populaire ministre des Affaires étrangères Makiko Tanaka illustre bien les blocages qui continuent à peser sur un Japon disposant toujours de réserves et d’atouts considérables mais menacé par le vieillissement de sa population et les limites que révèle aujourd’hui le modèle si performant des décennies précédentes. Pour surmonter ses difficultés, le Japon est condamné à innover car les faibles coûts salariaux de ses concurrents asiatiques le placent dans une situation difficile sur le terrain de ses productions traditionnelles et à s’intégrer davantage à l’Asie orientale qui représente potentiellement le plus gros marché du monde, mais avec le risque de voir le concurrent chinois lui contester à terme son leadership régional. 17 septembre 2002 : Visite historique du premier ministre japonais à Pyong-Yang en Corée du Nord mais ce pays n’en annonce pas moins la relance de son programme nucléaire et c’est la Chine qui est invitée à « user de son influence » pour calmer Kim il Jong, le potentat nord-coréen. 28 octobre 2003 : Restructuration chez Sony. On prévoit sur trois ans la suppression de vingt mille emplois, dont sept mille au Japon. Le groupe rachètera cependant la Metro Goldwyn Mayer pour cinq milliards de dollars l'année suivante. 9 décembre 2003 : Pressé par l'allié américain, le Japon accepte d'envoyer en Irak un contingent de personnels "non combattants" d'un volume de six cents hommes affectés à l'aide humanitaire. Ces hommes seront rapatriés dans l'archipel en 2006. 10 décembre 2004 : Le Japon réforme sa politique de défense en renforçant son alliance avec les Etats-Unis et en annonçant sa participation à la mise en oeuvre d'un système anti-missiles. Avril 2005 : La publication d'un manuel scolaire présentant l'Histoire du XXe siècle sous un jour jugé "révisionniste" dans les pays voisins entraîne des manifestations de nippophobie en Chine où l'on rappelle le massacre perpétré à Nankin en 1937. 29 juin 2005 : Les banques Mitsubishi Tokyo Financial Group et Union Financial Japan Holdings fusionnent pour créer la Mitsubishi UFJ Financial Group, un épisode qui témoigne du souci des milieux financiers japonais de conserver leur compétitivité sur un marché financier mondial soumis à de fortes tensions. 10 juillet 2005 : Lancement d'un satellite scientfique japonais. Il marque la volonté de Tokyo de demeurer dans la course aux technologies de pointe en matière spatiale. 30 septembre 2005 : La haute Cour d'Osaka condamne les visites effectuées par le premier ministre au sanctuaire Yasukuni où sont honorés, parmi tous les morts tombés pour la patrie, les "criminels de guerre" jugés en 1945 par les Américains. Mais la Cour suprême rejettera cet arrêt en juin 2006. 19 avril 2006 : Incident en mer du Japon - entre Corée et Japon - à propos des îles Dokdo (Takeshima pour les Japonais) contrôlées par Séoul mais revendiquées par Tokyo. 5 juillet 2006 : La Corée du Nord procède à des tirs de missiles, ce qui suscite des protestations de Tokyo. 26 septembre 2006 : Abe Shinzo, du Parti Libéral Démocrate, devient premier ministre. 9 janvier 2007 : Un véritable ministère de la défense est constitué en remplacement de l'agence de défense japonaise installée en 1954. Le 13 mars suivant, un accord de défense est conclu avec l'Australie, c'est une première, le Japon d'après 1945 'n'ayant été allié jusque là qu'aux Etats-Unis depuis le traité nippo-américain de 1950. 11-13 avril 2007 : Visite au Japon du premier ministre chinois Wen Jiabao, ce qui témoigne d'un certain dégel des relations après les tensions survenues deux ans plus tôt. Le mois suvant Japon, Chine et Corée du sud relancent l'idée d'un fonds de solidarité monétaire asiatique. 29 juillet 2007 : Le PLD, qui contrôlait le Sénat depuis 1955, est battu par le Parti Démocratique du Japon( PDJ) lors des élections. 25 septembre 2007 : Fukuda Yasuo (PLD) accède au poste de premier ministre. Aso Taro lui succède un an plus tard. 1er octobre 2007 : Privatisation de la poste. 6-10 mai 2008 : Visite du président chinois Hu Jintao. 13 décembre 2008 : Pour faire face à la crise financière mondiale, les dirigeants chinois, japonais et sud-coréens se réunissent un sommet exceptionnel à Fukuoka, afin de renforcer leur coopération face à la situation. Janvier 2009 : Le Japon entre en récession, la pire depuis le choc pétrolier de 1973. En avril, le gouvernement annonce un troisième plan de relance de cent quinze milliards d'euros. 30 août 2009 : Le PDJ - Parti Démocrate du Japon remporte une victoire historique lors des élections législatives, en battant le Partai libéral démocrate qui dominait la vie politique nippone depuis des décennies Yukio Hatoyama devient premier ministre le 16 septembre, après s'être allié à deux petites formations:le PSD (Parti Social Démocrate et le NPP de centre-droit.Contrairement aux promesses avancées durant la campagne électorale, le nouveau premier ministre de centre-gauche ne pourra obtenir des Américains l'évacuation complète d'Okinawa et l'opinion japonaise devra se contenter d'un déplacement de la principale base US en un autre endroit de l'ïle. 2 juin 2010 : Démission de Yukio Hatoyama, fragilisé par un scandale financier. Il est remplacé par Naoto Kan. 14 septembre 2010 : Le premier ministre Naoto Kan est réélu à la présidence du PDJ, qui n'a toujours pas de majorité absolue au Parlement. Le temps du Japon triomphant, présenté comme un modèle d'efficacité au reste du monde, semble bien révolu. Le pays peine, malgré l'alternance intervenue en 2009, à trouver un équilibre politique durable. Alors que le vieillissement de la population apparaît des plus inquiétants - le taux de fécondité des femmes nippones est péniblement passé de 1,26 en 2005 à 1,37 en 2008, au moment où le chiffre de la population commence à baisser, de 127,6 millionsn d'habitants en 2008 à 127,4 en 2009 - les mesures natalistes promises par le nouveau gouvernement ne semblent pas à la hauteur du problème. Si le solde de la balance commerciale demeure positif à 83,5 milliards de dollars, la récession n'en a pas moins été sévère en 2008, avec une croissance de 0,6% contre 2,1% en 2007. Des chiffres qu'il faut confronter à ceux de la Chine ou des pays émergents, même si le retard de ceux-ci explique en partie leurs résultats spectaculaires. Si l'on ajoute que la dette japonaise pèse 205% du PIB, il est tentant d'établir un diagnostic des plus pessimistes pour l'avenir. L'annonce, au cours des derniers mois, de l'accession de la Chine au rang de deuxième économie mondiale (elle devance désormais le Japon, avec un PIB de 1337 milliards de dollars contre 1228 milliards à son concurrent) a été perçue comme une confirmation supplémentaire de l'affaiblissement relatif de l'archipel. Il faut cependant nuancer cette lecture de la situation. Si l'on considère le revenu par tête d'habitant, il est plus de dix fois supérieur au Japon. (39 000 dollars contre 3600) mais les inégalités sociales ont tendance à se creuser et des poches de misère sont apparues là où s'imposait jadis le modèle dominant et rassurant d'une très large classe moyenne aisée bénéficiant de la bonne santé économique du pays. La qualité de l'économie de services, le volume des équipements sociaux, un taux de criminalité parmi les plus faibles du monde, les performances qui demeurent en matière d'innovation (3,6% du PIB sont consacrés à la recherche-développement), les résultats obtenus en matière de sobriété énergétique, l'importance de l'épargne privée font que le Japon conserve de solides atouts dans le monde pour le moins incertain qui s'est mis en place au cours des premières années du XXIème siècle. Ses relations avec son environnement proche sont évidemment dominées par la confrontation avec la Chine que Tokyo ne souhaite pas voir devenir la superpuissance régionale. En ce domaine, c'est à l'évidence le court terme qui domine pour un Japon assez isolé en Asie orientale, ce que risque d'aggraver ses liens jugés trop étroits avec les Etats-Unis, qui comptents'appuyer sur lui pour contribuer au "containment" de la nouvelle puissance chinoise.    Les tendances lourdes qui se sont dégagées dans les premières années du nouveau siècle se sont confirmées  après la crise financière de 2008. L'économie a connu une récession en 2008 et 2009 . une situation liée au fait que  la dépendance aux exportations vers les Etats-Unis ne pouvait que la  fragiliser, au moment où le partenaire américain était spécialement affecté. . Les choses se sont aggravées en 2011 avec le tremblement de terre  qui a entraîné le tsunami  sur Fukushima. La catastrophe du 11 mars intervenait dans un contexte économique déjà particulièrement morose . Seize mille victimes ont été dénombrées, des équipements industriels ont été noyés et l'accident nucléaire est venu couronner le tout.  400 000 habitants ont dû  être déplacés dans  la région  de Tohoku. Le coût de la reconstruction a alors été estimé à  23 000 milliards d e yens  (215 milliards d'euros). L'accident nucléaire de Fukushima a entraîné  l'arrêt de la quasi totalité des  54  réacteurs nucléaires du pays alors que le secteur assurait  plus du quart de ala production d'électricité de l'archipel. Il a fallu compenser en important du gaz destiné aux centrales thermiques . Des importations qui ont entraîné, pour la première fois depuis longtemps, un déficit inattendu de la balance commerciale . La situation s'est trouvée aggravée par des facteurs extérieurs tels que les inondations survenues en Thaïlande qui ont fait s'envoler es prix du riz importé ou les  inquiétudes relatives à la dette européenne qui ont également affecté les exportations japonaises . Celles-ci ont chuté de 12% sur  l'année 2011 alors qu'elles ont été, depuis des décennies, le principal moteur d ela croissance nippone. Les travaux d e reconstruction n'en ont pas moins dopé l'emploi et permis une reprise de la croissance  dès 2012.  Des résultats obtenus au prix d'une aggravation de la dette publique,  qui représente alors 200% du PIB L'accident de Fukushima et les exigences d e l'opinion publique  ont également obligé le gouvernement à réviser complètement sa politique énergétique et à envisager le développement des énergies alternatives, solaire et éolienne, qui avaient pourtant été abandonnées en 2005.  L'année 20123 s'avérant positive, tous les espoirs d'un redémarrage  semblaient permis mais 2014 a vu le retour de la récession, ce qui a mis en évidence les limites des "abenomics", le s réformes économiques du premier ministre Shinzo  Abé, destinées à sortir l'archipel de  quinze années de déflation pour le remettre sur la voie d'une croissance solide et durable.  La croissance demeure cependant en dessous de 1% et la hausse de la TVA,  inévitable au vu de l'ampleur du déficit public,  a freiné la con,sommation intérieure  et contribué à la  récession .La baisse du yen a également fait monter les prix des produits importés. A l'inverse, cette baisse profite aux exportations mais fait monter les prix de l'énergie importée. En décembre 2014, les élections législatives  ont été, malgré une importante abstention, remportées par Shinzo Abé.  La reprise a profité, en 2015-2016, d'une  explosion du tourisme  (19 millions de visiteurs étrangers) L'augmentation du niveau de vie des voisins chinois et sud-coréens explique, dans une large mesure, cet essor qui devrait se confirmer. En décembre 2015, un accord a été trouvé avec Séoul à propos des crimes d guerre commis en Corée para l'Armée japonaise durant le second conflit mondial. Tous les contentieux historiques apparus avec la  Chine et la Corée ne sont pas aplanis pour autant et ces deux pays  s'inquiètent du développement et de la modernisation des "forces d'auto défense "japonaises,  un point sur lequel Shinzo Abé s'est fortement engagé . Le gouvernement a remis en service une partie des centrales nucléaires et la popularité d e Shinzo Abé n'en apparaît pas moins solidement établie . En octobre 2015 le Japon s'est associé à  la mise sur^pied  du Partenariat Transpacifique, une zone d e libre-échange  réunissant douze nations riveraines du Pacifique . le gouvernement commence également à se préoccuper du vieillissement accéléré d e la population et souhaite encourager la natalité,  dans le but de voir le taux de fécondité  passer rapidement de 1,4 à 1,8 enfants par femme.   Shinzo Abé a renforcé en 2016 sa mainmise sur le pouvoir qu'il occupe depuis décembre 2012. Sa formation, ,je Parti Libéral Démocrate  a remporté les élections sénatoriales de juillet, ce qqui a permis au premier ministre  de disposer, avec son parti et ses alliés,  de deux tiers des sièges aux deux chambres. Encouragé par ce succès, Shinzo Abé a avancé sur ses projets de réarmement  de la force d'auto-défense et  a fait admettre le principe d'éventuelles interventions à l'extérieur. Bénéficiant d'une popularité incontestable (60% d'opinions favorables), le premier ministre  doit cependant compter avec la volonté de l'empereur Akhito d'abdiquer au profit de son fils  Naruhito  le  souverain étant en désaccord avec son premier ministre sur sa lecture, jugée trop nationaliste d de l'histoire  nippone et sur ses projets de révision de la constitution imposée jadis, au lendemain de la seconde guerre mondiale, par l'occupant américain . La question de la relance de la croissance demeure toutefois posée et les "abenomics" - relance budgétaire, assouplissement  monétaire et réformes structurelles - n'ont pas obtenu les résultats escomptés. . La persistance de la déflation et d'un énorme déficit budgétaire (240% du PIB) demeurent des obstacles qu'il sera difficile de surmonter. Le Japon doit également compter avec la nouvelle politique annoncée à Washington par Donald Trump. Celle- ci devrait en effet conduire à une remise en cause d e l'accord transpacifique de libéralisation du commerce et à une demande américaine d'une participation financière plus grande du  Japon aux efforts d e défense communs, dans le contexte d'une montée en puissance chinoise qui  inquiète vivement les dirigeants de Tokyo. 

Pour en savoir plus

GENERALITES • Augustin Berque : Dictionnaire de la civilisation japonaise, Hazan, 1994 • Martin Collcutt : Atlas du Japon, Editions du Fanal, 1989 • Danielle Elisseeff : Histoire du Japon, Editions du Rocher, 2001 • Vadime et Danielle Elisseeff: La civilisation japonaise Arthaud 1987 • Francine Herail: Histoire du Japon. Horvath 1990 • Louis Frédéric: Japon. L'Empire éternel Editions du Félin 1985 • Louis Frédéric: Le Japon. Dictionnaire et civilisation Collection "Bouquins" Robert Laffont 1996 • Edwin O; Reischauer: Histoire du Japon et des Japonais • François Toussaint: Histoire du Japon Fayard 1969 LE JAPON, DES ORIGINES A LA PERIODE CONTEMPORAINE • Vadime Elisseeff: L'archéologie japonaise Collection "Archeologia Mundi" Nagel 1974 • Michel Vié: Histoire du Japon.Des origines à Meiji Collection "Que sais-je?" Presses Universitaires de France 1969 • George Sanson: Histoire du Japon. Des origines aux débuts du Japon moderne Fayard 1988 • Francine Herail: La cour du Japon à l'époque de Heian, aux Xe-XIIe siècles Collection "La vie quotidienne" Hachette 1995 • Louis Frédéric: La vie quotidienne au Japon à l'époque des Samouraïs 1185-1603 Hachette 1968 • Daniele Elisseeff : Hideyoshi, bâtisseur du Japon moderne, Fayard, 1986 • Françoise et Micko Macé: Le Japon d'Edo Belles Lettres 2006 • Edwin O. Reischauer: Histoire du Japon et des Japonais Points-Histoire Seuil 1979 • Philippe Pons: D'Edo à Tokyo. Mémoires et modernités Bibliothèque des Sciences humaines Gallimard 1988 RELIGION ET SPIRITUALITE • Louis Frédéric : Le shinto. Esprit et religion du Japon, Bordas, 1972 • Robert Linssen : Le Zen, sagesse d'Extrême-Orient ou nouvel art de vivre ?, Marabout-Université, 1969 • Ivan Morris : La noblesse de l'échec. Héros tragiques de l'Histoire du Japon, Gallimard, 1975 • Maurice Pinguet: La mort volontaire au Japon Gallimard 1984 • Brian Victoria: Le Zen en guerre 1868-1945 Albin Michel 1997 ART ET LITTERATURE • Danielle et Vadim Elisseeff: L'art de l'ancien Japon Citadelles Mazenod 1982 • Jean Jacques Tschudin et Daniel Struve : La littérature japonaise, Collection "Que sais-je?", Presses Universitaires de France, 2008 • Gaston Renondeau : Anthologie de la poésie japonaise classique, UNESCO-Gallimard, 1971 LE JAPON D'AUJOURD'HUI • Francis Joyaux: Géopolitique de l'Extrême-Orient Complexe 1993 • Jean François Sabouret : Japon, peuple et civilisation, La Découverte, 2004 • Jean-François Sabouret : La dynamique du Japon, Editions de la Fondation Saint-Simon, 2005 • Michel Vié : Le Japon contemporain, Collection "Que sais-je?", Presses Universitaires de France, 1991