Clio
Des voyages dans le monde entier en compagnie de conférenciers passionnés
  Trouver votre voyage
Lettres et brochures
S'abonner aux lettres électroniques de Clio

Pour vous abonner à nos lettres électroniques, merci de nous indiquer votre adresse mél.

Votre mél


Abonnez-vous à nos
    lettres électroniques

Nous suivre
  Haut de page
Le Chili
Le lieu où finit la terre

  Partir avec Clio
  01 53 68 82 82
  Nous contacter
Dans une Amérique latine qui a vu s'affirmer au cours de la dernière décennie l'émergence du géant brésilien, la mise en œuvre de l'expérience bolivarienne engagée au Venezuela par Hugo Chavez, la sortie de crise de l'Argentine et le réveil de l'indianité dans les pays andins, le Chili occupe dans les medias européens une position plus discrète et la nouveauté que fut, en mars 2006, l'arrivée au pouvoir de la socialiste Michelle Bachelet semble aujourd'hui bien oubliée. Le Chili n'en est pas moins, depuis une vingtaine d'années, l'un des pays sud-américains dont les performances économiques apparaissent les plus satisfaisantes, alors qu'il ne compte que seize millions d'habitants, concentrés pour l'essentiel dans sa partie centrale. Il le doit aux cours élevés du cuivre, le principal produit d'exportation, mais aussi à la restructuration autoritaire inspirée de l'idéologie libérale importée des Etats- Unis qui fut réalisée sous la dictature du général Pinochet. L'ouverture sur l'extérieur a garanti le maintien d'un taux de croissance élevé et l'afflux des investissements extérieurs s'est poursuivi, soutenu par la sécurité juridique et un environnement administratif et réglementaire jugé acceptable. L'entrée dans le XXIe siècle se présente donc sous des auspices plutôt favorables et le souvenir de la période autoritaire s'estompe. Mais l'Histoire du Chili ne saurait se résumer à l'échec du régime Allende et au coup d'Etat perpétré en 1973 par l'armée, encouragée par un gouvernement américain soucieux d'empêcher l'apparition d'un deuxième Cuba en Amérique latine. Héritière de la longue présence hispanique, cette jeune nation apparue au début du XIXe siècle s'est affirmée, au même titre que sa grande voisine argentine, comme l'une des plus européennes du continent. C'est à travers son Histoire qu'elle a déterminé la formation d'une identité originale, née par ailleurs d'une disposition territoriale exceptionnelle.

Du désert d'Atacama aux glaces antarctiques, des milieux divers fortement contrastés

Territoire allongé et étroit, étendu du 17e au 56e degré de latitude sud, doté d’une superficie de 756 945 kilomètres carrés (à laquelle il faut ajouter les 1 250 000 km2 sur lesquels il exerce sa souveraineté dans le continent antarctique étendu au-delà du détroit de Drake), le Chili – dont le nom vient du terme quechua Chilemapu qui signifie « le pays froid » – s’étire du nord au sud sur 4 270 kilomètres sur la façade pacifique de l'Amérique du Sud, avec une largeur moyenne de 190 kilomètres (et n'excédant pas 350 km). Il faut ajouter à ce territoire les îles Juan-Fernandez situées à 650 km de Valparaiso et l'île de Pâques qui, rattachée en 1888, se trouve à 3 700 km des côtes chiliennes. Le Chili a des frontières communes avec le Pérou au nord, la Bolivie et l’Argentine à l'est. Coincé entre les crêtes andines et le littoral du Pacifique, le Chili se confond avec le versant occidental de la partie méridionale de la cordillère, mais s'élargit, au sud, à l'ensemble de la chaîne et déborde même, à hauteur du détroit de Magellan et de la Terre de Feu, sur le plateau patagon. Le pays est le fruit d'une intense activité tectonique, là où s'effectue la subduction de la plaque de Nazca sous la plaque sud-américaine. Ce contexte géophysique bien particulier explique la fréquence des séismes qui affectent la région et l'intensité de l'activité volcanique, en même temps que le violent contraste qui oppose – à hauteur du 27e parallèle, sur une distance réduite de 300 km – les sommets andins dont l'altitude est supérieure à 6 000 mètres et les fosses marines plongeant à près de 8 000 mètres de profondeur. L'étirement en latitude du pays explique par ailleurs une très grande diversité climatique, qui voit coexister les déserts du Nord et les glaciers méridionaux du Hielo continental. Etendu du 17e au 27e degré de latitude, le Norte Grande se confond pour l'essentiel avec le désert d'Atacama. Le relief présente ici, d'ouest en est, trois composantes successives. Large en moyenne d'une cinquantaine de kilomètres, la cordillère côtière s'élève en moyenne à 1 500 mètres et se termine, au nord d'Iquique, sur une impressionnante falaise dominant la mer. Une dépression, la Pampa del Tamarugal traversée par le rio Loa, occupe le centre de la région. Le versant occidental de la chaîne andine proprement dite forme, à l'est, un piedmont qui – constitué de sédiments détritiques et d'épanchements volcaniques, et creusé de profondes vallées – s'élève progressivement jusque vers 4 000 mètres pour former l’Altiplano dominé par des cônes volcaniques s'élevant jusqu'à 6 000 mètres. Cette région connaît une aridité extrême. Les eaux froides du courant de Humboldt – qui longe la côte au nord de Valparaiso – font que les précipitations sont rarissimes (sauf durant les années marquées par le phénomène du Nino). Au fur et à mesure que l'on s'éloigne du littoral où survit une faible végétation de buissons et de cactus, on pénètre le domaine du désert tropical sec, caractérisé par la sécheresse de l'air et par d'énormes écarts thermiques quotidiens. La végétation est ici complètement absente, avant de réapparaître modestement en altitude plus à l'est, où tombent 200 à 300 millimètres d'eau par an, de quoi permettre l'apparition d'un tapis de graminées qui fait le bonheur des lamas. L'aridité s'atténue sensiblement au fur et à mesure que l'on s'avance vers le sud pour gagner le Norte chico qui s'étend jusqu'à 33 degrés de latitude. La dépression centrale et l'Altiplano disparaissent au profit de la haute montagne – dont les sommets dépassent 6 000 m, notamment à Los Ojos del Salado, point culminant du Chili à 6 893 m – et d'une moyenne montagne s'abaissant progressivement, à partir de 3 500 mètres, vers les côtes de l'océan Pacifique. Quelques vallées transversales se trouvent parcourues par des cours d'eau descendant, comme l'Elqui, des Andes vers la mer. Les précipitations augmentent – passant de 25 mm annuels à 444 mm entre les 27e et 33e degrés de latitude – et le paysage change en conséquence, le mattoral (formation végétale correspondant à une steppe à arbustes) succédant au jaral composé de petits buissons xérophiles. La chaîne côtière qui s'étire à l'ouest du Chili central (entre 33 et 42 degrés de latitude sud) ne dépasse guère 1 000 mètres d'altitude, mais elle sépare de l'océan la vallée centrale, longue de 970 kilomètres qui rappelle par sa structure la Grand Vallée californienne et s'élargit en s'abaissant progressivement vers le sud. A l'est, la cordillère s'abaisse également vers le sud où les sommets n'atteignent plus que 3 000 mètres au-delà du 37e parallèle, alors qu'ils se dressent le plus souvent à 5 000 ou 6 000 mètres au nord. La région centrale du pays est le domaine, en dessous de 1 500 mètres d'altitude, d'un climat de type méditerranéen particulièrement favorable dont profitent les habitants de Santiago et de Valparaiso. C'est là que se concentre la majeure partie de la population et que s'étendent, entre les vallées des fleuves Aconcagua et Bio-Bio, les plus riches zones agricoles du pays. A partir du 39e parallèle, la transition s'opère avec le domaine du climat océanique, marqué par des précipitations beaucoup plus abondantes (de 370 mm à Santiago à 2 500 mm à Valdivia, située au bord de l'océan). L'amplitude thermique annuelle demeure faible, avec des hivers encore doux et des étés frais. Alors que la forêt de feuillus et de pins remplace la végétation méditerranéenne, la dépression centrale se prolonge pour rejoindre la mer jusqu'à Puerto Montt, au sud de Valdivia, à proximité de la grande île de Chiloe. A partir de là et jusqu'au cap Horn, situé à 56 degrés de latitude sud, la cordillère des Andes s'abaisse alors que la côte, ponctuée d'îles (archipel des Chonos), est découpée de nombreux fjords, anciennes vallées glaciaires envahies par les eaux lors de la hausse du niveau marin survenue à la fin de la dernière glaciation. Nettement moins élevés qu'au nord, les sommets andins peuvent encore atteindre 3 000 mètres d'altitude, ce qui explique la formation de nombreux glaciers, qui forment en Patagonie une véritable calotte glaciaire de 18 000 kilomètres carrés. Après le détroit de Magellan, qui fait intégralement partie du territoire chilien, les Andes se prolongent en Terre de Feu, partagée avec l'Argentine, dans la cordillère de Darwin. Le Chili déborde, à hauteur du détroit, sur le plateau de Patagonie où la faiblesse des précipitations contraste avec les pluies très abondantes qui s'abattent sur la côte pacifique, battue par des vents puissants. De manière générale, ce Grand Sud chilien présente des conditions climatiques très difficiles et n'est évidemment guère peuplé, si l'on excepte les « villes » de Punta Arenas et Puerto Natales. Il n'en constitue pas moins, notamment à hauteur du canal de Beagle, immédiatement au nord du cap Horn, un enjeu stratégique important, théâtre d'une querelle frontalière déjà ancienne entre Chili et Argentine. Les trois îles de Picton, Nueva et Lennox forment l’objet précis de la rivalité opposant les deux pays et il a même fallu recourir, en 1978, à l'arbitrage de la reine d'Angleterre pour éviter qu'ils n'en viennent à un affrontement armé, arbitrage confirmé, après la guerre anglo-argentine de 1982 pour la possession des Malouines, grâce à l'intervention du pape Jean-Paul II. La possession des îles a été reconnue au Chili, sans que cela implique pour lui la jouissance d'une zone économique exclusive, véritable enjeu de la dispute dans la mesure où elle permettrait aux Chiliens d'envisager un partage des eaux antarctiques plus favorable pour eux que ce qui a été prévu lors du traité conclu en 1881 (selon lequel l'Atlantique était le domaine de l'Argentine, le Pacifique demeurant celui du Chili. Les dirigeants de Santiago espèrent bien jouer un rôle dans l'éventuelle mise en valeur à venir de l'Antarctique, et une école géopolitique constituée dans les années cinquante a formulé le concept d'une « mer du Chili » englobant l'île de Pâques, une partie de l'Antarctique et même certaines des Antilles australes qui appartiennent pourtant aujourd'hui à la Grande Bretagne. Une revendication un peu surprenante, mais justifiée par la géologie, les terres concernées étant présentées comme des prolongements de la cordillère andine... Vers le nord, le contentieux n'est pas moins lourd avec la Bolivie qui, au XIXe siècle, s'est vue privée par son voisin du Sud de façade maritime. Le projet récent d'un long tunnel permettant aux Boliviens d'accéder à la côte semble avoir retenu l'intérêt dans les deux capitales concernées, mais les contraintes techniques de mise en œuvre d'un tel chantier reportent sans doute fort loin dans l'avenir le recours à cette solution.

Le Chili des peuples premiers

Les premiers autochtones dont on a trouvé les traces en terre chilienne ont dû s'y installer vers 10000 avant J.-C. Ils vivaient de la cueillette, ainsi que de la chasse et de la pêche de gibiers et de poissons aujourd'hui disparus. Des espèces végétales et animales nouvelles apparaissent vers 7000 avant J.-C. et c'est de la fin de cette période primitive que datent des hameçons retrouvés aux environs de Cobija. C'est vers 3000 avant J.-C. que commence la période « ancienne » dite « de Chinchorro » (du nom d'un site fouillé à l'extrême nord du Chili) représentée à Camarones, Conanoxa, Pisagua, Uquique, Caleta Huelen et Taltal. La culture précéramique de cette période ignore l'agriculture, mais connaît la fabrication de paniers, les techniques de la pêche et de la fabrication des armes de chasse. Le tissage n'est pas non plus inconnu, même s'il demeure encore rudimentaire, et des ornements de têtes sont constitués de plumes et de fibres végétales. La période qui succède à celle de Chinchorro, dite aussi « des hauts plateaux », est marquée par l'influence qu'exerce le grand foyer culturel andin de Tiahuanaco, avant que n'intervienne la conquête inca. Plus au sud, l'homme a atteint la pointe extrême de l'Amérique méridionale au plus tard au cours du dixième millénaire avant J.-C. C'est en fait à cette date que remontent les traces d'occupation relevées par l'archéologue Julius Bird dans les grottes de Fell et de Palli Aike, sur la rive nord du détroit de Magellan. Plus à l'ouest et au nord, les sites de l'île Englefield, de la grotte d'Eberhard ou celui, plus septentrional, de Los Toldos (qui a permis de définir une industrie « toldénienne » d'armes et de grattoirs qui a pu être comparée, quoique beaucoup plus récente, aux productions aurignaciennes européennes) apparaissent comme autant d'étapes pour les populations venues du nord à ces époques anciennes. Dans le Chili central, les vestiges d'un camp de chasseurs découverts à La Laguna de Tagua Tagua ont été datés de 9400 avant J.-C. L'outillage mis au jour sur les sites d'El Chanar et de El Sauce, dans la région de La Serena, sont sans doute contemporains ou légèrement postérieurs. Le nom de Terre de Feu désigne la vaste île qui s'étend entre le détroit de Magellan et le canal de Beagle, mais aussi les archipels qui longent la côte occidentale du Chili jusqu'à l'île Chiloe si l'on retient les traits communs aux différentes populations autochtones de cette vaste région. Celle-ci est demeurée peuplée par des groupes très primitifs ignorant le propulseur, la poterie et le tissage, jusqu'au début du XXe siècle qui vit la disparition des Yaghans, Alakalufs et autres Onas, et la quasi disparition des Chonos installés un peu plus au nord, sur les côtes de l'archipel portant leur nom. L'étude des populations chiliennes installées du sud du Pérou à la Terre de Feu a permis de distinguer nettement les agriculteurs évolués des marches méridionales de l'espace de civilisation des Andes centrales (Atacamènes, Diaguites et Araucans ) qui ont subi, à des degrés divers, l'influence de l'Empire inca, et les chasseurs-pêcheurs-collecteurs de l'extrême sud du continent, demeurés à un niveau culturel très bas. Au nord du Chili, les Atacamènes ont remplacé les Chango, peuple ignorant l'agriculture et la céramique dont d'ultimes représentants subsistaient encore au XVIe siècle à hauteur du rio Loa. Installés jadis dans les provinces de Tacna, Arica, Atacama et Antofagasta, les Atacamènes, présents également dans le nord-ouest argentin, ont vu leur culture atteindre son apogée du VIIe au Xe siècle de notre ère, durant la période correspondant à celle de la culture andine de Tiahuanaco. Etablis dans la vaste zone désertique séparant la chaîne côtière qui longe le Pacifique et la cordillère des Andes, ils vivaient dans de rares oasis et formaient des communautés aux effectifs restreints. Ils parlaient le kunza, une langue disparue au XIXe siècle et différente du quechua et de l'aymara, les principales langues amérindiennes de la région. Cultivateurs, ils ne disposaient que d'un outillage rudimentaire, mais savaient mettre en œuvre une irrigation efficace. Ils élevaient des lamas et des alpacas qu'ils utilisaient pour le transport des marchandises et dont la laine, le cuir et les os constituaient autant de matières premières. La chasse – pratiquée avec des arcs et des frondes – la pêche et la cueillette fournissaient des ressources complémentaires indispensables. Ces populations pratiquaient le tissage et la poterie et connaissaient la metallurgie de l'or, de l'argent et, surtout, du cuivre qui, combiné à l'étain, permettait de fabriquer le bronze. Des découvertes impliquant l'existence de rituels funéraires révèlent l'importance accordée à la religion, mais celle-ci nous demeure largement inconnue. Les Diaguites étaient installés au sud de la province d'Atacama et dans celle de Coquimbo. Ils parlaient également une langue originale, aujourd'hui complètement disparue, le kakan. Ce sont des agriculteurs, même s'ils continuent à pratiquer chasse et cueillette, et ils maîtrisent très bien la technique des cultures en terrasses. Regroupés en villages, ces agriculteurs élevaient le lama et la vigogne et connaissaient les techniques de la céramique et de la métallurgie. C'est au sud de la province de Coquimbo et du 30e degré de latitude que s'étend, au-delà du rio Maule, le territoire des Araucans, installés dans le Chili central jusqu'à hauteur de l'île de Chiloe. Etablis entre le rio Aconcagua et le rio Bio Bio, les groupes septentrionaux étaient désignés sous le nom de Picunché, alors que ceux installés au sud du Bio Bio étaient les Mapuche et les Huilliche. Plus à l'est, les Pehuenche se répartissaient entre les deux versants des Andes. L'étendue de leur aire d'expansion faisait vivre les Araucans dans des milieux divers, des zones quasi désertiques du nord aux régions de climat océanique très humides de la région de l'île de Chiloe ou aux vallées des Andes. Pratiquant une langue commune, les Araucans avaient une culture matérielle identique fondée sur l'agriculture, la chasse et la pêche. Redoutables guerriers utilisant arcs, lances, frondes et massues, ils opposèrent une résistance farouche aux Incas, puis aux Espagnols qu'ils parvinrent même à tenir un temps en échec. Leur religion, de type chamanique, semble étrangère à celle du monde andin, dont l'influence apparaît en revanche évidente dans le domaine de la civilisation matérielle. La culture picunché des Araucans du Nord disparut très rapidement au lendemain de la conquête effectuée par les Espagnols de 1536 à 1540. Installés au sud du Bio Bio, jusqu'au cours de la rivière Tolten, les Mapuche parvinrent à préserver plus longtemps leur identité. Cultivateurs de maïs, les Mapuche avaient domestiqué le lama et le chien et pratiquaient encore la culture sur brûlis, tout en continuant à tirer des ressources de la pêche et de la cueillette. Davantage pêcheurs que leurs voisins du Nord, les Huilliche occupaient le territoire étendu depuis le rio Tolten jusqu'à l'île de Chiloe où ils se trouvaient en contact avec les Chonos, dont le genre de vie était plus proche de celui des Fuégiens que du leur. Moins évolués, les Pehuenche installés plus à l'est vivaient dans les forêts des versants andins et leur principale ressource résidait dans la cueillette des pignons des araucarias, dont ils tiraient une sorte de pain. Dans les vastes espaces à peu près vides qui s'étendent plus au sud, la barrière formée par la cordillère des Andes a séparé deux milieux bien différents : d'une part, une côte et des archipels pacifiques soumis à un climat frais et très pluvieux, d'autre part, les pampas et les steppes continentales de l'est, subissant un froid rigoureux, les deux régions étant battues par des vents violents. Des conditions naturelles aussi difficiles expliquent la faiblesse des peuplements, même si les plus anciens sont identifiés dès le dixième millénaire avant J.-C. La distinction bien sommaire établie par Magellan entre les Patagons, rencontrés au nord du détroit portant le nom du fameux navigateur, et les habitants de la Terre de Feu aperçus au sud, n'est plus recevable et le nom de « Fuégiens » n'est guère plus employé aujourd'hui que celui de Patagons. On préfère désormais les désigner respectivement comme « pécheurs- chasseurs des archipels » et comme « chasseurs des pampas ». Ce sont les premiers qui constituent les populations du Sud chilien, de l'île de Chiloe au cap Horn, car les côtes de la Patagonie argentine, battues par des vents très violents, se sont révélées impropres à l'installation de communautés de pêcheurs primitifs. Le territoire des Chonos s'étendait de l'île de Chiloe jusqu'à la péninsule de Taitao et au golfe de Penas, sur un littoral long de cinq cents kilomètres. Installé dans un milieu d'îlots et de fjords barré à l'est par la cordillère des Andes (le mont Fitzroy s'y élève encore à 3375 m et les glaces éternelles apparaissent au-dessus de 600 m), ces pêcheurs ont disparu au XIXe siècle, après s'être sans doute métissés avec leurs voisins du Nord et du Sud. Plus au sud, les Alakaluf – ou Qawashgar – occupaient une région allant du golfe de Penas au détroit de Magellan. « Nomades de la mer » – selon l'expression de J. Emperaire qui les a étudiés au milieu du XXe siècle – ils vivent essentiellement des ressources que leur procure celle-ci. Dotés d'un outillage minimal, ils sont habiles à fabriquer des canots de planches ou d'écorce qui commandent tous leurs déplacements. Les groupes qu'ils formaient étaient limités à la réunion de quelques familles. Si nous avons connaissance de l'existence de rites funéraires élémentaires, cela ne permet guère d'imaginer ce qu'étaient les croyances religieuses de ce peuple qui utilisait une langue originale le distinguant nettement de ses voisins les Yaghan (ou Yamana), établis sur la côte occidentale de la Terre de Feu. A la différence des Alakaluf, qui plaçaient leurs morts dans une peau de phoque cousue pour les enterrer ou les placer dans un canot et les immerger, les Yaghans pratiquaient la crémation. De plus grande taille et établis dans l'Est de la Terre de Feu, les Onas – ou Selk'nam – étaient des chasseurs dont la culture matérielle était différente de celle des pécheurs des côtes occidentales. Ces populations, les plus australes du monde, ont cependant un point commun : c'est leur brutale disparition, sous le coup des maladies importées par les Blancs, de la concurrence qui les a opposés aux éleveurs de moutons dans le cas des Onas ou aux chasseurs de phoques dans celui des Yaghans et des Alakalufs. Les actions de protection engagées par les missions salésiennes (dans l'île chilienne de Dawson) ou protestantes ont également contribué – même si ce n'était évidemment pas le but poursuivi – à la disparition de ces populations dont les ultimes survivants se trouvèrent transformés en assistés et dont le genre de vie n'avait plus sa place dans le monde du XXe siècle.

A la conquête de terres inconnues et hostiles

25 septembre 1513 : Vasco Nunez de Balboa découvre l’océan Pacifique qu’il baptise du nom de mer du Sud. 21 octobre 1520 : Les navires de l’expédition du Portugais Fernando de Magellan, qui longent la côte de Patagonie depuis quelques semaines, arrivent en vue d’un détroit, aujourd’hui appelé détroit de Magellan. Depuis leurs bateaux, les marins aperçoivent des feux de bivouacs indigènes et baptisent cette côte du nom de Terre de Feu. 28 novembre 1520 : Magellan et ses hommes sortent du détroit et se dirigent vers le nord-ouest, s'éloignant ainsi des côtes chiliennes. 1532-1533: Conquête du Pérou par François Pizarre qui met fin à l'Empire inca. 1535 : Les conquistadores brûlent de connaître les terres qui s’étendent au sud du Pérou dont la conquête reste inachevée. Ils redoutent d’être devancés par des concurrents venus du rio de la Plata. 1535-1537 : Diego de Almagro – arrivé trop tard à Quito et à Cuzco pour bénéficier du partage des dépouilles de l'Empire inca – se voit accorder le Chili par Pizarre, à condition d'aller le conquérir. Il met donc sur pied une expédition. Accompagnés de porteurs indiens, ses hommes partent de Cuzco (l’antique capitale du Tawantinsuyu, l’empire des Quatre-Quartiers) pour gagner le Nord de l’actuelle Argentine où le climat devient plus rude et le relief plus escarpé. Bien que les Indiens lui conseillent d’attendre le dégel pour entreprendre le franchissement des Andes, Almagro s’entête, sous-estime les rigueurs de l'hiver austral et passe le terrible col de Copiapo. Au cours de leur expédition, les conquistadores découvrent la vallée de l’Aconcagua, à la fois rivière et point culminant des Andes, et le fleuve Maipo qui les mène jusqu'à un port naturel, Aliamapa, qu’ils baptisent Valparaiso, tant sa beauté leur fait penser, au sortir du désert, à une image du Paradis. Toutefois, ils ne parviennent pas en ce bout du monde qu’est le détroit de Magellan et doivent rebrousser chemin après s’être heurtés aux Mapuches, des indigènes Araucans qui les empêchent de franchir le rio Maule. Déjà, les Incas avaient affronté ce peuple guerrier, sans plus de succès. Le Chili, avec ses immenses étendues désertes et son climat rude, ne recèle pas les richesses escomptées et n’a rien de l’El Dorado dont ont rêvé les Espagnols. Cette expédition – relatée par Cristobal de Molina – ne constitue donc qu'une parenthèse pour Almagro qui se hâte de retourner au Pérou, de peur que Pizarre ne l’évince totalement du pouvoir. 1538 : Assassinat de Diego de Almagro, conquistador du Chili. Janvier 1540 : Pedro de Valdivia, qui a servi dans les Flandres et en Italie avant de gagner le Nouveau Monde et de rejoindre Pizarro au Pérou, quitte Cuzco, accompagné de onze compagnons et d’un millier d’Indiens, après avoir obtenu l’autorisation de conquérir le Chili. Il est conscient de l’intérêt stratégique de cette contrée dont l'extrémité méridionale se confond alors avec le détroit de Magellan, voie de passage obligée entre Atlantique et Pacifique. 1541 : Le Nord et le centre du pays, anciennes possessions de l’Empire inca, sont rapidement soumis. Valdivia y fonde la ville de Santiago (le 24 février), à proximité de gisements aurifères. Santiago est ainsi nommée car saint Jacques, le saint patron de l'Espagne, serait apparu pour donner la victoire aux conquistadores lors d'un combat livré sur place. Le Chili est habité par des tribus connues sous le nom d’Araucans, parmi lesquelles figurent les Mapuche. On estime leurs effectifs à 300 000 âmes. Très structurés, ces peuples vivent de l’agriculture et s’organisent selon des liens de parenté et sur une base territoriale. Ils sont hostiles aux Espagnols qu’ils empêchent de s’établir sur leurs terres. En novembre 1541, ils parviennent même à détruire Santiago. 1544: Valdivia fonde la ville de La Serena (au sud du désert d'Atacama, au nord de l'actuelle Valparaiso), rasée lors d'une attaque indigène en 1549, puis reconstruite. 1547: Valdivia regagne le Pérou plongé dans la guerre civile pour se rallier au camp fidèle à l'autorité royale et opposé aux ambitions de Gonzalo Pizarre. Il y participe, en 1548, à la bataille de Jaquijauaan. Il rejoint ensuite le Chili en 1549 A la fin de la décennie 1540, Vaca de Castro, envoyé du roi au Pérou dont il devient le gouverneur, décide de relancer les expéditions vers le Chili. Il ne désespère pas de trouver un jour l’Eldorado. 1549 : La Serena, rasée lors d’une attaque indigène, est reconstruite. La même année, Lagasca est nommé gouverneur du Chili. Janvier 1550 : Valdivia effectue une nouvelle tentative de conquête de la partie méridionale du Chili mais se heurte à une armée indienne qui l'empêche d'avancer plus loin. Le conquistador écrit alors à Charles Quint : « Il y a une trentaine d’années que je suis au service de Votre Majesté et j’ai lutté contre beaucoup de nations, mais jamais je n’ai vu autant d’acharnement dans le combat que chez ces gens-là. » Pour la première fois, les Espagnols sont confrontés à une résistance qu'ils ne peuvent briser. Une lutte à mort, d’une rare violence, s’engage dès lors entre les deux camps. 1550 : Après avoir réussi à terroriser les Indiens en leur infligeant de cruelles mutilations, Valdivia parvient à obtenir une trêve dont il profite pour fonder Concepcion, première ville d’Araucanie. Les conquistadores s’aventurent ensuite dans la vallée de Cauten où ils édifient en 1551 le fort de La Imperial et continuent vers le rio Tolten, aux pieds de la cordillère. Villarica est élevée en 1552 et Jeronimo de Alderete fonde la ville de Valdivia en l’honneur de son chef. Cependant, les Indiens ne peuvent accepter qu'un grand nombre d'entre eux soient envoyés dans les mines d’or de Concepcion et, surmontant leurs désaccords, ils se liguent contre les envahisseurs. 1553 : Fondation des forts de Arauco, Purén et Tucapel, ainsi que de la ville de Los Confines. Mort – le 25 décembre, dans le fort de Tucapel –, de Pedro de Valdivia, torturé et tué par des Mapuche commandés par l’Indien Lautaro, son ancien palefrenier. Cette victoire indigène redonne courage aux Indiens. Lautaro, que les chroniqueurs espagnols qualifient de libertador, tant il suscite l’admiration, forme les siens à l’équitation afin de lutter à armes égales contre les Espagnols. Le gouverneur Francisco Villagran est contraint d'abandonner Concepcion. 1554 : Lautaro songe à s’emparer de Santiago. Face à des rebelles indigènes aussi déterminés, les Espagnols pratiquent la méthode de la terre brûlée et affament les Indiens. Le Chili vit dans un état de chaos envenimé par les luttes entre les conquistadores, Francisco de Villagran, Rodrigo de Quiroga et Francisco de Aguirre. Tous trois souhaitent s’emparer des territoires englobant toutes les régions s'étendant du désert d’Atacama au détroit de Magellan ainsi que le Tucuman, sur le versant oriental des Andes, dans l’actuelle Argentine. Cet ensemble constitue pour les Espagnols la « Nouvelle Extremadure » (ils ont ainsi désigné sous le nom de Nouvelle Espagne et de Nouvelle Galice les terres mexicaines, sous celui de Nouvelle Grenade les hauts plateaux colombiens, sous celui de Nouvelle Andalousie les régions de l'Orénoque et des Guyanes jusqu'au bassin amazonien, sous celui de rio de la Plata la région de l'estuaire du même nom et de son arrière pays ; le nom local de Pérou a, en revanche, été conservé pour désigner ce qui était le cœur de l'ancien Empire inca). Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les Espagnols contrôlent mal le Chili qui a tout d’un espace marginal, voire hostile. Il attire cependant les métis qui, insatisfaits de leur place dans la société péruvienne, sont nombreux à quitter le Pérou pour le Chili où ils espèrent, à la faveur de la guerre qui y sévit de manière endémique, une destinée plus enviable. On applique alors au Chili le système de l'encomienda qui, mis en place pour la première fois en 1503 aux Antilles, consiste à confier à des colons espagnols des villages entiers d'Indiens encadrés par leurs caciques. Les colons disposaient ainsi d'une main-d'œuvre qu'ils devaient en contrepartie s'engager à évangéliser. Les encomenderos ne constituaient qu'une minorité privilégiée, même si l'encomienda ne fut jamais déclarée héréditaire. Les autres Espagnols formaient une population impatiente de participer à des entradas en terre insoumise où ils espéraient trouver l'or et la fortune. 1557 : Le gouverneur de Nouvelle-Estrémadure, Garcia Hurtado de Mendoza, fils du vice-roi du Pérou, débarque à Coquimbo, au sud de La Serena. Il transfère à ses soldats une partie des encomiendas déjà existantes. 1557 : Francisco de Villagran tue Lautaro. La guerre n’est pas achevée pour autant ; au contraire, elle reprend de plus belle. A Millarapué, en Araucanie, des milliers d'Indiens en armes, menés par Caupolican, défient les Espagnols. L’armée de Mendoza parvient à l’emporter et le chef des Mapuche est capturé et exécuté. Même après leur défaite à la bataille du fort de l’Arauco, les Indiens demeurent insoumis. Cette guerre a inspiré l'un des chefs-d’œuvre de la littérature épique espagnole, La Araucana, écrit par Ercilla, l'un des combattants qui ont accompagné Mendoza au Chili. Au siècle suivant, le célèbre dramaturge espagnol Lope de Vega écrira à son tour une pièce intitulée, elle aussi, La Araucana. 1569 : La guerre se poursuit au Chili où, depuis l’arrivée des Espagnols, ces terres du bout du monde n’ont jamais connu de répit. Considérée comme terminée une première fois en 1561, la conquête est constamment remise en question par les révoltes indigènes. 1575 : Un tremblement de terre détruit toutes les villes situées au sud du rio Bio-Bio. 1578 : Sac de Valparaiso. Les corsaires anglais sont nombreux à croiser au large des côtes chiliennes, mais l’Anglais Francis Drake, qui a également attaqué la Serena et Arica, ne peut prendre Mocha, défendue par les tenaces Araucans. Il est cependant le premier depuis Magellan à parvenir à passer le détroit éponyme. Les Hollandais s'attaquent pour leur part à l'île de Chiloé sans réussir à s'en emparer. 1592 : Martin Garcia de Loyola, vainqueur de l’Inca Tupac Amaru à Vilcabamba, prend ses fonctions de gouverneur du Chili. Ce neveu d’Ignace de Loyola arrive en compagnie de Jésuites, les premiers missionnaires du Chili. 1598 : Martin Garcia de Loyola meurt sous les coups des Mapuche avant d’avoir pu consolider le pouvoir espagnol au Chili. Les Indiens assiègent La Imperial et Valdivia et la rébellion demeure toujours aussi menaçante. 1599 : Les Araucans tuent le corsaire hollandais Simon Cordes ainsi que plusieurs dizaines de ses hommes. A la fin du XVIe siècle, l’extraction de l’or – qui a retenu en priorité jusque-là l'intérêt des conquérants – commence à se ralentir. Tout ce que produit par ailleurs le Chili doit transiter par le Pérou avant de suivre le long processus qui conduit les marchandises exportées en Europe à partir de l'isthme de Panama. Région périphérique et toujours peu sûre de l'Empire espagnol d'Amérique, le Chili n'a alors guère à voir avec les brillantes colonies établies au Mexique, au Venezuela, en Nouvelle Grenade ou au Pérou.

Le Chili colonial (XVIIe - XVIIIe siècles)

1600 : Du fait du coût des guerres araucanes, la colonie coûte davantage qu'elle ne rapporte, malgré ses ressources en or et en cuivre, et le roi Philippe III d’Espagne doit lui accorder le real situado, une aide financière annuelle fournie par l'exploitation de l'argent des mines du Potosi. Soit 300 000 pesos d'or qui permettent d'entretenir au Chili une armée permanente de deux mille hommes. 1601 : Alonso de Ribera, un militaire, arrive au Chili avec mission de le pacifier. Secondé par des soldats aguerris, il entreprend la construction d’une muraille défensive qu’il déplace peu à peu vers le sud. 1616 : Alors que les Hollandais s’intéressent dès le début du siècle au Chili, la Compagnie des Indes orientales ouvre, grâce à Le Maire et Schouten, la route du cap Horn pour les navires marchands qui assurent la liaison entre l’Europe et l’Asie. 1623 : Le Hollandais Jacob l’Hermitte explore la Terre de Feu et les archipels du Sud du Chili dont il établit des cartes qu’utiliseront par la suite ses compatriotes. 1626 : La guerre avec les Indiens reprend pour une quinzaine d’années. Pendant la décennie 1640, les Hollandais tentent sans succès de s’allier aux Indiens contre les Espagnols. 1640 : Avec le gouverneur Francisco Lopez de Zuniga, on s’achemine vers un compromis. Des caciques, des encomenderos et des militaires se réunissent en « Parlement » sur les rives du rio Quillin et conviennent d’un accord : l’Araucanie demeure indépendante en échange de la libre entrée des missionnaires sur le territoire. La paix sera de courte durée. 1641 : Violent tremblement de terre à Santiago. 1643: Le Hollandais Heindrick Brouwer débarque à Chiloe et y incendie la ville de Castro, mais échoue dans sa tentative de prendre Valdivia. 1655 : Les Mapuche, alliés aux Picunches, se rebellent contre les violences dont ils sont victimes. Les territoires situés entre le Bio-Bio et le Maule en sortent dévastés. 1680 : Le pirate anglais Barthelemy Sharp et son équipage incendient la ville de La Serena qui connaît à nouveau le même sort en 1686. 1681 : La Couronne espagnole interdit l’esclavage des Araucans, qui était le principal motif des guerres incessantes opposant conquistadores et indigènes. Le Chili dispose de suffisamment de main-d’œuvre métisse pour se passer des Indiens. Dans les années qui suivent, les Espagnols pénètrent dans le Sud par le biais des commerçants et des missionnaires et non par la force. 1697 : Ouverture à Chillan d’un collège qui a pour vocation d’éduquer en castillan les fils des caciques. 1700 : Arrivée au pouvoir de Philippe V qui entreprend les réformes, dites « bourboniennes », qui permettent une amélioration de la qualité du personnel administratif. 1723 : Nouvelle rébellion indigène. 1739 : A la suite de l’attaque anglaise contre Puerto-Bello (sur la côte atlantique de l'isthme de Panama), la couronne autorise les navires marchands à emprunter le chemin du cap Horn : les conditions du commerce entre les colonies espagnoles et la métropole s’assouplissent. Il faut compter avec la menace que constituent les corsaires anglais, Guillaume Dampier au début du siècle (dont l'un des hommes, Alexander Selkirk, abandonné sur l'île Juan-Fernandez, fournira à Daniel Defoë le modèle de son Robinson Crusoë) et George Anson à partir de 1740. 1743 : Création d’un tribunal de commerce à Santiago et fondation de la Casa de Moneda : le Chili peut désormais frapper sa propre monnaie. Grâce aux réformes bourboniennes, qui se révèlent d’une grande efficacité, les douanes sont mieux organisées et les impôts allégés ; le commerce chilien prospère. 1758 : Création à Santiago d’une police pour lutter contre la délinquance. La société reste cependant violente et nombreux sont ceux qui s’adonnent à l’alcoolisme et au jeu. 1758 : Fondation de l’Université de San Felipe à Santiago qui dispense des cours de théologie, de médecine, de droit et de rhétorique. Elle est essentiellement fréquentée par les élites créoles qui aspirent à de hautes fonctions à la tête du Chili. Cependant, les Chiliens regrettent que la plupart des postes à responsabilité soient réservés à des Espagnols qui favorisent leurs compatriotes au sein de l’administration. A ce sujet de mécontentement s’ajoutent la lenteur de la justice et la corruption. 1766 : Les Mapuche se soulèvent devant la tentative espagnole de franchir le Bio-Bio et de fonder des cités en territoire indien. 1774 : Nomination d’ambassadeurs mapuches à la cour de Santiago. Les relations s’améliorent entre indigènes et colons. 1776 : Création de la vice-royauté de Buenos Aires dotée de la province de Cuyo où se trouvent les villes de Mendoza, San Juan et San Luis qui dépendaient jusque-là du Chili. 1778 : L’Espagne libéralise le commerce avec l’empire d’Amérique. Pendant la décennie 1780, la révolution et l’indépendance américaines constituent un modèle pour les élites créoles en quête de plus de liberté. En revanche, la Révolution française, son lot de violences et l’exécution de la famille royale horrifient bien plus qu’ils n’attirent. 1786 : Dans le cadre des réformes bourboniennes et pour plus d’efficacité, l’administration du Chili est divisée en deux intendances, celle de Santiago et celle de Concepcion, toutes deux placées sous l’autorité d’un intendant dont la fonction est à la fois militaire, administrative et juridique. Celui de Santiago est également gouverneur du Chili. Chaque intendance est divisée en districts. 1787 : Les cités de Chiloë et de Valdivia reviennent dans le giron chilien. 1791 : Abolition de l’encomienda par le gouverneur Ambrosio O’Higgins. A cette date, seuls trois mille Indiens étaient encore concernés par ce système, mis en place au moment de la conquête pour fournir aux colons la main-d'œuvre nécessaire. 1793 : Accord durable trouvé par le gouverneur Ambrosio O’Higgins avec les Mapuche, les Huilliche et les Pehuenche qui demeurent toutefois insoumis. Une telle situation est inédite dans l’Empire espagnol d’Amérique où les représentants des souverains de Madrid n'ont guère été habitués à une telle résistance. 1796 : L’Espagne s’engage aux côtés de la France dans la guerre contre l’Angleterre. 1798 : Le Chili obtient son indépendance administrative vis-à-vis du Pérou. A la fin du XVIIIe siècle, le pays est parvenu à diversifier ses exportations et ses partenaires commerciaux. La part du Pérou a nettement diminué et ne correspond plus qu'au cinquième du commerce extérieur chilien. Le Chili produit à la fois des denrées agricoles (blé, vin, produits maraîchers) mais surtout du cuivre, de l’or et de l’argent, les deux derniers provenant des mines du Norte Chiaco, dans la région de Copiapo. La production artisanale locale est beaucoup moins dynamique et souffre de la concurrence étrangère et de la baisse des prix. 1805 : Au lendemain de la victoire qu'elle a remportée à Trafalgar, la Royal Navy est en mesure d'isoler de sa métropole l'Empire espagnol d'Amérique dont les activités exportatrices s'effondrent. 1808 : Lors du « guet-apens de Bayonne », Napoléon contraint le roi Charles IV et son fils Ferdinand à renoncer à la couronne d'Espagne qu'il donne à son frère Joseph. Tout d’abord acquis à la cause de leur roi légitime, les créoles se divisent rapidement en deux tendances. Les « patriotes » ou francisés (afrancesados) sont favorables à l’empereur français dont ils espèrent obtenir l’indépendance. Ceux que l’on nomme les Espagnols soutiennent indéfectiblement leur souverain renversé. L’un d’eux, le gouverneur Garcia Carrasco doit démissionner ; on espère apaiser les esprits en nommant à sa place Mateo de Toro Zembrano, âgé de 85 ans, sans succès. Dans le même temps, le succès rencontré par la publication d'un ouvrage intitulé Catéchisme politique chrétien – qui met en cause le système colonial – fragilise encore davantage l'autorité espagnole. 18 septembre 1810 : Réunion d’une assemblée dont les discussions sont animées par Juan Martinez de Rosas. Elle est fêtée aujourd’hui comme marquant le jour de l’indépendance du Chili. Elle n’a cependant fait qu’instaurer la liberté de commerce du Chili, alors très dépendant de l’étranger pour son approvisionnement, avec tous les pays du monde. Cette liberté lui permet de diversifier ses partenaires commerciaux qui sont désormais, outre l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne, la France et les Etats-Unis. L'assemblée a également prévu la réunion d'un Congrès. Juillet 1811 : Premier Congrès national du Chili. Il désigne une junte exécutive qui ne comprend pas les députés les plus « patriotes » partisans de l'indépendance. 15 novembre 1811 : Un jeune chef militaire, José Miguel Carrera, réalise le premier pronunciamiento de l'Histoire du pays. Il prend le contrôle de la capitale, assiège la salle de réunion du Congrès auquel il impose la nomination d'une nouvelle junte formée de « patriotes » fervents avant d'imposer finalement sa dictature personnelle. Seul Martinez de Rozas, homme le plus influent de Concepcion, ose s’opposer au nouveau pouvoir, ce qui lui vaut l’exil dans la ville argentine de Mendoza où il meurt bientôt. Carrera fait proclamer l'émancipation des enfants d'esclaves et c'est sous son gouvernement que sont choisies les couleurs du drapeau national et que des mesures sont prises en matière d'instruction publique. C'est également à ce moment que commence à paraître le premier journal imprimé : La Aurora de Chile. 1813 : Alors que le Pérou reste calme et fidèle à la couronne d’Espagne, celle-ci décide d’envoyer un corps expéditionnaire chargé de briser les velléités sécessionnistes au Chili. Avril 1814 : Les troupes patriotes chiliennes commandées par José Miguel Carrera et Bernardo O’Higgins perdent la bataille de Rancagua face aux troupes venues du Pérou demeurées fidèles au roi d’Espagne. Celles-ci sont commandées par le général Osorio qui entre en vainqueur dans Santiago et remet en vigueur les anciennes institutions. Une répression sans merci s’abat sur les patriotes dont les troupes fuient en Argentine. 1816 : L’Argentine se proclame indépendante. Le général José de San Martin, l’un des héros de l’indépendance de l’Amérique du Sud avec Simon Bolivar, décide alors de former une armée de libération du Chili avant d’entreprendre celle du Pérou. 1817 : L’Armée des Andes, formée de 4000 hommes, quitte Mendoza sous les ordres de San Martin, O’Higgins et Ramon Freire pour le Chili qu’elle atteint après une rude traversée de la cordillère. Février 1817 : Victoire des patriotes face aux troupes péruviennes engagées au Chili. Les habitants de Santiago s’assemblent en cabildo abierto et proposent le pouvoir à San Martin qui le refuse. O’Higgins est alors désigné Directeur suprême. 12 février 1818 : Proclamation de l’indépendance du Chili. Avril 1818 : Le Chili devient définitivement indépendant à la suite des victoires de Talcahuano et de Maipu. 1820 : Les Chiliens participent à la libération du Pérou qui obtient son indépendance en 1821.

Le Chili indépendant et la construction d'une nation unie

Une fois l’indépendance acquise, reste à constituer une nation unie autour de principes communs. Autant la chose paraît évidente dans les vieilles nations européennes, autant il faut la construire dans les nouveaux pays d’Amérique du Sud. Le Chili apparaît encore divisé entre partisans de l’indépendance et nostalgiques de l’Empire espagnol et, surtout, entre métis, créoles, Indiens, mulâtres, Noirs, tous éléments d’une nation bien disparate. 1823 : Première constitution de la République du Chili qui octroie de nombreux pouvoirs à l’exécutif. Elle n’est jamais appliquée. Celle qui lui succède en 1828, d'inspiration plus libérale et plus démocratique, ne l'est pas davantage. 1823 : Rébellion de l’armée du Sud qui renverse O’Higgins auquel succède Ramon Freire, héros de la guerre d’Indépendance. Ce libéral dirige seul le pays après avoir suspendu l'application de la constitution. 1826 : Démission de Freire. Ce caudillo militaire est remplacé par le général libéral Francisco Pinto, premier président de la République du Chili, tandis que le général Prieto, un conservateur, est élu vice-président. Ces deux hommes entrent bientôt en conflit et Prieto prend les armes à Concepcion contre le gouvernement. Avril 1830 : Défaite des libéraux favorables aux généraux Pinto et Freire à la bataille de Lircay. Le pouvoir revient aux conservateurs. Au cours de ce conflit, les clivages au sein de l’armée sont clairement apparus, entre tenants d'une forte centralisation et partisans d'un système fédéraliste. Sur le plan idéologique, les couches dirigeantes se partagent entre libéraux, largement inspirés par la franc-maçonnerie, très présente dans l'armée et qui a joué un rôle important dans la préparation des luttes de l'indépendance, et les conservateurs, le plus souvent grands propriétaires fonciers initialement fidèles au trône espagnol et demeurés sous l'influence de l'Eglise catholique. 1830 : Arrivée au poste de ministre de Diego Portales, un civil qui appartient aux estanqueros, c'est-à-dire les industriels et les commerçants. Il réorganise l’armée afin de stabiliser le pays et cherche à renforcer les pouvoirs de l’Etat qu’il souhaite fort. Il s’allie aux pelucones, c'est-à-dire les porteurs de perruques, aristocrates, grands propriétaires terriens, membres du clergé. Autant l’aristocratie, catholique et conservatrice, domine économiquement et socialement, autant elle jouit de peu de pouvoir politique. Les relations sont plutôt mauvaises entre aristocrates et militaires dont les chefs sont pour la plupart des francs-maçons et qui représentent une très grande force au Chili. Le Congrès octroie bientôt les pleins pouvoirs à Portales qui reçoit l’appui de l’ensemble de l’oligarchie chilienne. 1833 : Première constitution chilienne véritablement appliquée. Elle déclare le catholicisme religion d’Etat et la République une et indivisible. Le Congrès comprend une chambre des députés ainsi qu’un sénat qui votent des lois promulguées par le président de la République. Chaque Chilien de sexe masculin, de plus de 21 ans et sachant lire et écrire, est apte à voter. Le Président est secondé par six ministres. Enfin, le pouvoir judiciaire revient à un Tribunal suprême siégeant à Santiago. Estimant son devoir accompli, Portales abandonne les rênes du pouvoir pour retourner à ses affaires personnelles. 1835 : Le Chili compte approximativement un million d’habitants. 1837 : Faisant son retour en politique, Portales impose un net durcissement du pouvoir qui provoque des rébellions durement réprimées. Il meurt à la suite d’une mutinerie, preuve que l’armée n’était pas totalement maîtrisée et que la stabilité du Chili à laquelle il aspirait n’était pas encore atteinte. 1839 : Guerre contre la confédération du Pérou-Bolivie dont le Chili sort vainqueur à la suite de la bataille de Yungay, le 20 janvier. 1841 : Le commandant en chef de la campagne, le général Manuel Bulnes, devient président de la République, fonction qu’il occupe jusqu’en 1851. 1842 : Fondation de l’Université du Chili qui remplace celle de San Felipe. La Constitution stipule que l’éducation doit recevoir « l’attention très spéciale de l’Etat ». Le président Balmaceda œuvre grandement à cet effet, mais beaucoup reste à faire puisqu’en cette année, seuls 10 000 enfants fréquentent les écoles primaires. Ce chiffre sera multiplié par onze en 1887. 1848 : L’Etat chilien tente de développer l’immigration. La perte d'influence relative de l'Eglise catholique au sein des couches dirigeantes, dans un pays où une partie significative de la classe politique est affiliée à la franc-maçonnerie, explique pour une part l’arrivée de nombreux protestants originaires d’Europe du Nord. Après 1850, la production de blé s’accroît notablement grâce au recul de la frontière et à l’augmentation des surfaces cultivées. L’extraction de minerais tels que l’or, le cuivre, l’argent et le charbon connaît aussi un véritable essor. Les rentrées financières que cela procure à l’Etat lui permettent d’entreprendre de grands travaux d’infrastructures. 1851 : Les conservateurs au pouvoir remportent, à Loncomilla, une victoire contre les rebelles libéraux, menés par le commandant de la province de Concepcion, J.-M. de la Cruz. Plus que jamais, la paix intérieure est incertaine. De 1850 à 1870, le Chili construit 700 kilomètres de voies ferrées. Il produit et exporte de grandes quantités de salpêtre. 1850 : Fondation de la Sociedad de Igualdad qui réunit 2000 artisans chiliens. Très influencée par la révolution de 1848 en France, elle critique les conditions dans lesquelles vivent et travaillent les ouvriers. A la même époque voient le jour les syndicats, à l’origine des premières grèves. 1851 : Manuel Montt succède à Bulnes à la présidence où il reste jusqu’en 1861. Egalement conservateur, il poursuit les réformes entreprises par son prédécesseur, notamment sur le plan économique. Il promeut en outre l’éducation et les sciences. La personne de Montt est contestée chez certains des pelucones qui lui auraient préféré le général Cruz. 1855 : Introduction d’un code civil sur le modèle de celui de Napoléon. 1857 : Naissance d’une opposition de tendance ultramontaine au sein du parti Pelucon. Elle est défavorable à certaines décisions religieuses et, surtout, à la laïcisation progressive du gouvernement qui compte de nombreux libres penseurs. Les aristocrates ne se satisfont pas de soutenir le président et souhaitent plus de pouvoir effectif au sein de l’Etat. 1858 : Montt et ses partisans remportent les élections qui se déroulent librement. 1859 : L’opposition à Montt est, cette foi, parlementaire. Son mode de gouvernement autoritaire mécontente désormais, y compris dans les rangs conservateurs. Les provinces, en premier lieu celle de Concepcion, sont troublées, du fait de l'action des mouvements de guérillas et des montoneras, c'est-à-dire des gardes montées. Le mouvement prend une allure aussi bien politique que populaire, avec des revendications sur la propriété dans la région minière du Norte Chico. 1861 : Lorsque le mandat de Montt s’achève, l’Etat portalien apparaît stable et modernisé. Les deux présidents ont eu à cœur de réduire la corruption, de développer l’économie et l’éducation et y sont relativement bien parvenus. Le Chili apparaît, en comparaison avec ses voisins, comme un pays serein et prospère. De nombreux jalons, des piliers même, de la République chilienne ont été posés en seulement deux décennies. 1861-1871 : Présidence de Perez qui gouverne avec l’appui des libéraux et des conservateurs, plus que de son propre parti, le Parti national. 1864 : Les libéraux obtiennent de bons scores aux élections parlementaires et ne cessent, à partir de ce moment, d’accroître leur influence dans le pays. Perez s’appuyant sur les conservateurs, certains libéraux mécontents font une scission et créent le Parti radical qui entre dans l’opposition aux côtés du Parti national. 1865 : Loi qui autorise la liberté de culte. 1866 et 1874 : Traités entre le Chili et la Bolivie. Le premier obtient l’exploitation des mines de guano, cet engrais naturel issu des excréments d’oiseaux marins, de l’Atacama. Le conflit n’est toutefois pas éteint. 1871 : Le candidat du président Perez, Federico Errazuriz, remporte la victoire aux élections présidentielles et demeure au pouvoir jusqu’en 1876. Pendant son mandat, la politique se libéralise avec le soutien des libéraux et des radicaux. 1876-1881 : Le libéral Pinto est à la tête du Chili. 1878 : Le peso devient inconvertible. C’est le début d’une succession de dévaluations. 1879 : Le Chili affronte la Confédération Pérou-Bolivie en raison de différends frontaliers. C’est la guerre du Pacifique. Comme ailleurs en Amérique latine, l’armée dispose d’un grand pouvoir et joue un rôle prépondérant au niveau politique et international. Elle bénéficie de 20 à 40 % du budget de l’Etat. Elle est d’autant plus respectée qu’elle remporte sans cesse des victoires au XIXe siècle et permet au Chili de s’imposer comme une puissance face à ses voisins. 1881 : Signature d’un accord sur les frontières avec l’Argentine. 1881 : Après avoir remporté plusieurs victoires, l’armée chilienne entre dans Lima, la capitale péruvienne. 1881-1886 : Présidence de Santa Maria, libéral comme son prédécesseur. Il souhaite être, à l’image de Portales, un président au-dessus des partis. Très attaché à ses prérogatives et à son pouvoir de décision, il gouverne à la fois de manière autoritaire et libérale. Il est particulièrement anticlérical, ce qui aboutit à la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican. Dans le domaine économique, le pays prospère. Après plusieurs présidences libérales, les conservateurs sont opposés au principe d’un pouvoir présidentiel qu’ils estiment trop écrasant. 1883-1912 : 70 000 immigrants entrent durant cette période dans le pays. Beaucoup s'établissent dans les régions prises aux Araucans qui, après les grandes guerres de l'époque de la conquête, ont maintenu une résistance sporadique jusqu'à la décennie 1880. Les immigrants sont également nombreux à venir s’installer dans les grandes cités portuaires telles qu’Antofagasta et Valparaiso. 1884 : La victoire du Chili dans la guerre du Pacifique aboutit au traité d’Ancon. Le Pérou doit lui céder la province de Tarapaca ainsi que celles de Tacna et d’Arica pour une durée de dix ans. Le Chili conserve en outre la province bolivienne d’Antofagasta. Les territoires ainsi concédés sont riches en matières premières et ces annexions valent également au Chili d'augmenter sa population de cent mille âmes. 1884 : Loi instituant le mariage civil. Après l'abolition des tribunaux ecclésiastiques, cette mesure témoigne d'une laïcisation grandissante de la société et d'une perte d'influence relative de l'Eglise catholique dont s'éloignent les élites économiques et sociales gagnées au libéralisme, mais qui bénéficie toujours de l'adhésion de la majeure partie du peuple. 1886 : Arrivée au pouvoir de Balmaceda, ancien premier ministre de Santa Maria. Il tente de ramener la paix sociale et politique dans un Chili déchiré entre Eglise et Etat, cléricaux et anticléricaux. Pour la première fois, un président laisse un peu de liberté à l’élite nationale que constitue l’aristocratie dont les leaders s’organisent progressivement pour en finir avec le régime présidentiel tel qu’il existe. Balmaceda favorise un certain protectionnisme et entend développer l’industrie dans le pays. Sa politique économique et sociale est efficace : il fait construire de multiples infrastructures, crée de nombreux emplois, multiplie les écoles et les hôpitaux. 1887 : Fondation du Parti démocrate, ancré à gauche, par Malaquias Concha, Angell Guarello et Avelino Contardo. De nombreux leaders du mouvement ouvrier en sont issus, notamment Luis Emilio Recabarren. 1889 : Pour faire face à la spéculation sur le salpêtre, le gouvernement décide de prendre en main sa vente sur les marchés extérieurs. Une crise économique et politique suit bientôt. 1890 : L’Angleterre domine 70 % de l’industrie du salpêtre et les capitaux et investissements étrangers se multiplient dans le dernier tiers du XIXe siècle au Chili qui pâtit de sa dépendance vis-à-vis du Royaume-Uni. Le pays souffre en outre d’un manque d’industries manufacturières d’autant qu’il n’existe aucune véritable bourgeoisie qui ait pris en charge leur développement. 1891 : Pour endiguer l’instabilité ministérielle chronique, le président propose une réforme constitutionnelle à laquelle s’oppose le Congrès. Cette contestation se transforme bientôt en fronde puis en guerre et les congressistes rebelles forment des troupes soutenues par la marine et les Britanniques. Ils débarquent à Valparaiso et ont rapidement raison des forces gouvernementales. 17 septembre 1891 : Les rebelles entrent victorieux dans Santiago, provoquant le suicide du président Balmaceda, le 19 septembre. Durant la présidence de ce dernier, le régime présidentiel a disparu au profit d’un système parlementaire au sein duquel le Congrès joue un rôle prépondérant, au service de l'oligarchie qui dominera le pays jusqu’en 1924. 1891 : Arrivée au pouvoir du capitaine Jorge Montt, chef de l’escadre et du comité révolutionnaire qui viennent de s’emparer du pouvoir. Les conservateurs l’emportent, mais leur victoire demeure sans lendemain car les libéraux gagnent en popularité au cours des deux décennies suivantes, d’autant qu’ils bénéficient du soutien des partisans de l’ancien président Balmaceda. L’oligarchie se rallie en grande partie au libéralisme, espérant ainsi peser d’un plus grand poids dans le pays. Dès 1891, se développe le système du cohecho qui consiste à acheter le vote des électeurs et permet de contrôler le vote de nombreux paysans. Alors que, jusqu’en 1891, on dissociait parfaitement armée, oligarchie et Etat, les deux derniers tendent à se confondre tandis que se dresse désormais, face à eux, l’armée, alliée aux classes moyennes. L'instabilité gouvernementale freine, par ailleurs, le développement et la mise en œuvre de grands projets étatiques censés favoriser l’indépendance économique et l’industrialisation du Chili, nécessaires pour lui permettre d'échapper aux dominations étrangères d'abord anglaise, puis américaine après la première guerre mondiale. 1895 : La population chilienne, qui frôle les 2 700 000 habitants, a plus que doublé en six décennies ; cependant, le pays demeure sous-peuplé et les migrations ne suffisent pas pour surmonter cette situation. 1896 : Arrivée de l’Allemand Emil Körner à la tête de l’Académie de Guerre où il entame une profonde modernisation de l’armée qui recrute désormais les officiers au sein des classes moyennes et non plus parmi les aristocrates castillans. 1897 : Fondation de l’Union Socialista, issue de l’alliance entre le Groupement fraternel ouvrier et le Centre social ouvrier, qui milite en faveur d’une collectivisation des moyens de production. Elle est très influencée par les théories marxistes et anarchistes. Au tournant des XIXe et XXe siècles, se développent des sociétés de résistance dont les positions, semblables à celles des syndicats, sont marquées par l’anarchisme. Une presse anarchiste se met également en place. Bientôt, tous ces mouvements fusionnent en une Fédération des travailleurs du Chili. 1900 : Naissance du Parti socialiste qui compte, dès 1902, de nombreuses ramifications à travers le pays. Comme les autres partis de gauche, il ne survit pas très longtemps. 1900 : Une loi rend obligatoire le service militaire. L’armée sert de creuset et approfondit la culture politique des conscrits auxquels elle enseigne le goût de la démocratie et des idées libérales. Elle s’intéresse de plus en plus aux problèmes de la société qu’elle ressent en son sein. Autant dire que cela prépare un vent de contestation. 1904 : Naissance de la Convention mancomunale qui rassemble des mancomunales, c'est-à-dire des organisations de travailleurs chiliennes. Elle publie le Manifeste des travailleurs de Tarapaca signé par une centaine de milliers d’ouvriers et qui exige la nationalisation de très nombreux services. 1900-1914 : 75 % des recettes fiscales sont issus des droits à l’importation et à l’exportation. 1907 : Association entre les mancomunales et les sociétés de résistance qui rejettent la violence prônée par les anarchistes. Le mouvement ouvrier est mal accueilli par le gouvernement qui n’hésite pas à réprimer ses actions et à arrêter certains leaders. Lors de grèves dans la région d’Iquique, des mineurs et des membres de leurs familles, soit 1000 à 3000 personnes, sont tués par l’armée. 1907 : Loi sur le travail hebdomadaire, tandis qu’une loi sur les logements ouvriers avait été votée l’année précédente. En revanche, le projet de Code du travail est rejeté par l’opposition formée des représentants de l’oligarchie. 1907 : La population du Chili atteint le chiffre de 3,2 millions de personnes, dont 43 % vivent dans les villes. Elle sera de 3,7 millions en 1920, date à laquelle Santiago concentrera 13,5 % de la population du pays. 1909 : Création de la Fédération des ouvriers du Chili (F.O.C.H.) qui rassemble des ouvriers de tous les secteurs. D’abord dirigée par Paulo Marin Pinuer, elle passe ensuite entre les mains du socialiste Recabarren. 1912 : Naissance du Parti ouvrier socialiste (P.O.S.) sous la direction de Recabarren. Ce parti conçoit la société comme un système binaire au sein duquel s'opposent capitalistes et travailleurs, les premiers profitant du travail des seconds pour s’enrichir. Il est en quête d’avancées sociales et politiques pour l’ensemble des Chiliens. 1913 : Les exportations diminuent très sensiblement du fait de la crise politique en Europe et de la guerre, l’année suivante. 1915 : Les capitaux américains placés au Chili s’élèvent à 16,7 millions de dollars alors qu’ils n’étaient que de 625 000 dollars une décennie auparavant. Les Américains s’intéressent tout particulièrement à l’industrie minière dans laquelle ils obtiennent des concessions. Dans les années vingt, les classes moyennes prennent de l’importance et adhèrent en quantité au Parti radical. En même temps, le mouvement ouvrier se développe, dans le sillon de la révolution bolchevique. 1920 : La F.O.C.H. adhère à la IIIe Internationale à l’occasion du congrès de Rancagua. L’année suivante, la Fédération compte 80 000 adhérents. 1920-1924 : Gouvernement d’Alessandri qui se situe à la charnière entre deux époques : celle de la domination de l’oligarchie et celle qui voit l’arrivée au pouvoir de nouveaux acteurs politiques et sociaux. Alessandri appartient à l’Alliance libérale et combat avec force l’oligarchie omniprésente et toute puissante qui décline temporairement. La lutte des classes débute au Chili car Alessandri, comme son successeur, prend appui sur le parti radical et sur les ouvriers en quête de droits. Cependant, une fois au pouvoir, il s’avère incapable de réformer le pays qui s’enfonce dans une crise économique et politique plus profonde encore. Le climat socio-politique ne cesse de se dégrader ; seize cabinets ministériels se succèdent : l’instabilité ministérielle est à son comble. Juillet 1920 : L’armée chilienne est mobilisée sans véritable raison aux frontières péruvienne et bolivienne. Cette mobilisation témoigne de l’incohérence et de la crise qui touchent l’Etat et l’armée elle-même. Entre 1920 et 1924, l’échec de la politique d’Alessandri est criant et les réformes promises demeurent à accomplir. 1921 : 500 grévistes trouvent la mort à San Gregorio, lors de grèves à Antofagasta, province dont Recabarren est le député pour le P.O.S. 1922 : Le P.O.S. se transforme en section chilienne de la IIIe Internationale et devient bientôt le Parti communiste chilien. 1924 : Mort de Recabarren dont les membres du Parti socialiste chilien se considèrent comme les héritiers, à l’inverse des communistes. 1924 : Les salaires des militaires, comme ceux de nombreux employés de l’administration, ne sont plus versés depuis plusieurs mois. L’atmosphère est donc fort tendue. 2 septembre 1924 : Des officiers entrent dans le Congrès pour signifier leur mécontentement vis-à-vis du pouvoir en place. 5 septembre 1924 : Les mêmes officiers présentent au président une pétition qui comporte de nombreuses revendications telles que la révision de la constitution ainsi qu’une réforme économique et militaire. 8 septembre 1924 : Le Congrès vote toutes les lois réclamées par le Comité militaire, si bien que le président Alessandri démissionne et s’exile aux Etats-Unis. Une junte militaire prend alors le pouvoir contre la volonté du Comité.

Le Chili en quête de stabilité

23 janvier 1925 : La junte est renversée par les officiers du Comité militaire qui rappellent Alessandri. Toutefois, l’entente entre le président et les militaires est de courte durée. 5 mars 1925 : L’armée se rebelle contre le gouvernement d’Alessandri et s’installe au pouvoir où elle demeure jusqu’en 1932. Elle n’était pas intervenue dans la politique du pays depuis le renversement de Balmaceda auquel elle avait participé en 1891. L’état de siège est décrété dans plusieurs provinces du pays qui passent directement sous le pouvoir du ministre de la Guerre, Carlos Ibañez. La situation sociale est également tendue : des grèves ouvrières éclatent tandis que se tient le premier Congrès des salariés qui déclare son amitié à l’URSS. La pression s’amplifie avec la préparation des élections présidentielles. Alessandri démissionne du fait de sa mésentente avec Ibañez. 30 août 1925 : Nouvelle constitution qui sert de référence jusqu’en 1973 et qui rétablit le régime présidentiel. 23 décembre 1925 : Emiliano Figueroa remporte les élections présidentielles. 9 août 1927 : Carlos Ibañez est chargé de former un nouveau gouvernement. Il ne cache pas son intention d’établir un pouvoir fort et autoritaire et s’en prend aux communistes dont la presse est interdite. 27 mai 1927 : A la suite de la démission de Figueroa pour des raisons de santé, Ibañez est élu chef de l’Etat avec 98 % des voix. C’est le signe de la militarisation du pouvoir au Chili. Il instaure petit à petit un régime dictatorial auquel l’opposition divisée n’oppose que très peu de résistance. Le Parti communiste est déclaré hors-la-loi tandis qu’est créée la Confédération républicaine pour l’action civique, destinée à soutenir le président en place. L’armée constitue un véritable soutien pour le pouvoir, ce qui n’empêche pas les complots tramés par des officiers durant toute la décennie. Ibañez développe un interventionnisme d’Etat ainsi que la planification de l’économie. Le pays entre dans une phase de croissance qui se caractérise par une modernisation des villes, une augmentation de la production, le développement des travaux publics et la mise en place d’infrastructures nouvelles. Les revenus issus du commerce extérieur contribuent au financement de l’action de l’Etat qui développe les universités, impose des lois sociales et rend obligatoire l’école entre 7 et 15 ans. Le régime d’Ibañez permet l’entrée des couches moyennes dans l’administration, la bureaucratie, l’enseignement et les professions libérales. En dépit des réformes et de la répression, une sourde opposition naît au sein des classes moyennes. 1929 : Le pays, dont l’économie dépend étroitement des investissements américains et britanniques, est touché de plein fouet par la crise économique. Les exportations de salpêtre chutent, le commerce extérieur et les revenus de l’Etat s’effondrent. Le chômage touche 10 % de la population. 1930 : Le Chili compte environ 4 300 000 habitants. 26 juillet 1931 : Une grève générale contraint Ibañez à démissionner et à s’exiler. 4 octobre 1931 : Victoire du radical, leader du Front national, représentant de la droite et de l’oligarchie, Juan Esteban Montero qui accède ainsi à la présidence sous laquelle les mouvements sociaux et la crise économique s’amplifient. Les syndicats se multiplient, influencés par l’anarchisme, le communisme et le socialisme. L’armée se divise entre droite et gauche et le pays est en proie à une agitation politique et sociale exacerbée. 1932 : Officiellement 70 000 travailleurs adhèrent à des syndicats. On en comptera le triple une décennie plus tard. 4 juin 1932 : Des opposants au président Montero survolent la ville en avion et lancent des tracts favorables à une République socialiste et dénoncent le gouvernement en place. En même temps a lieu un coup d’Etat soutenu par l’armée de terre, la marine et les carabiniers, sans grande réaction de la population. Une junte militaire prend la tête de l’Etat. Elle est dirigée par le général Puga qui fait appel à Marmaduke Grove, dont la personnalité prédomine au sein du gouvernement, au ministère de la Défense. Ce promoteur du socialisme est très populaire auprès des Chiliens et proclame la « République socialiste » qui ne dure que douze jours. Le nouveau gouvernement souhaite entreprendre des réformes socio-économiques et favoriser un interventionnisme étatique, ce à quoi s’opposent immédiatement les oligarchies, les entrepreneurs et les grands propriétaires fonciers. 16 juin 1932 : Un nouveau coup d’Etat militaire, mené par le général Moreno, renverse la junte, accusée de laisser trop de place aux communistes. Des élections sont prévues pour le mois d’octobre, et la nouvelle junte, formée essentiellement de généraux, décide de ne pas y présenter de candidat, consciente que l’armée ne bénéficie pas de suffisamment de soutiens. Cet épisode de république socialiste a donc été de courte durée mais servira par la suite de référence. 30 octobre 1932 : Arturo Alessandri remporte les élections présidentielles, talonné par Grove. Alors que les partis étaient exclus de la vie politique depuis l’arrivée au pouvoir des militaires en 1925, ils retrouvent le droit de s’exprimer. Le président propose d’ailleurs aux représentants des différents partis de former une coalition pour gouverner, et son offre est acceptée par les conservateurs, les libéraux, les radicaux et les démocrates. Les partis représentant les classes moyennes prennent le pas sur ceux de l’oligarchie. 1932 : Création d'un Parti national socialiste s'inspirant du modèle allemand mais dont l’existence sera brève. Il explique la crise que traverse le pays par la décadence de ses élites et le communisme est désigné comme l'ennemi principal. Avril 1933 : Naissance du Parti socialiste du Chili qui se veut l’héritier du mouvement ouvrier et de la République socialiste. Il est marqué par les idées marxistes, un fort nationalisme notamment économique et l’attachement à la démocratie. Il condamne les idées léninistes, puis le totalitarisme et la bureaucratie soviétiques et insiste sur son attachement aux libertés. Dans la même décennie, le Parti communiste revient sur le devant de la scène tandis que le Parti radical s’impose comme l’un des principaux partis du pays et fait son entrée dans les gouvernements alors que les partis libéral et démocrate sont en perte de vitesse. Les conservateurs gardent quant à eux un poids certain dans la vie politique du pays. 1934 : Une fraction des conservateurs fonde le premier Congrès social chrétien qui accepte des idées telles que l’intervention de l’Etat dans l’économie et, surtout, la collectivisation des terres. 1934 : Répression contre les paysans de Ranquil, dans le Chili septentrional particulièrement déshérité. 1935 : Naissance du Mouvement national de la jeunesse conservatrice qui fait scission d’avec le Parti conservateur en 1937 et adopte le nom de Phalange nationale. 1936 : A la suite de la grande grève des ouvriers du chemin de fer, les syndicats s’unissent pour former la Confédération des travailleurs chiliens (C.T.C.H.). En parallèle, le Parti socialiste se développe et devient un concurrent du Parti communiste pour le contrôle de la C.T.C.H. Mars 1936 : Création d’un Front populaire antifasciste qui résulte de l’union du Parti socialiste, du Parti communiste (qui applique les consignes données par Dimitrov lors du congrès du Komintern réuni en 1935) et du Parti radical. Il s’allie à la C.T.C.H. pour élaborer un programme politique commun qui prévoit le maintien des libertés, le développement et la protection des industries nationales, le contrôle des entreprises étrangères… 1938 : Loi de sécurité de l’Etat qui considère le droit de pousser à la grève comme un délit et condamne les partis qui font usage de la violence. 1938 : Tentative de coup d’Etat menée par de jeunes nazis qui subissent un revers ainsi qu’une sévère répression car ils n’ont pu obtenir le soutien de l’armée. La vie politique chilienne est alors fort instable, ce qui n’empêche pas le gouvernement de mener une politique économique efficace et d’atténuer en partie les conséquences de la crise de 1929. Le secteur industriel se développe dans le cadre de la création d’une industrie par substitution d’importations. Les oligarchies industrielles se renforcent face aux élites traditionnelles. La pauvreté demeure très présente dans l’ensemble du pays, aussi bien chez les paysans que chez les ouvriers, ce que ne cesse de dénoncer la gauche. Pour la première fois, un gouvernement civil a pris des mesures en faveur d’un développement économique qui favorise l’essor industriel. 25 octobre 1938 : Changement dans le paysage politique avec l’élection du radical Pedro Aguirre Cerda à la présidence de la République. A partir de cette date, les radicaux se succèdent au pouvoir jusqu’en 1952. 1939 : Le Chili est en partie dévasté par un tremblement de terre. 1939 : Le président Aguirre fonde la Corporacion de Fomento qui procède à la création d’industries nouvelles, notamment dans les secteurs de l’énergie, de la sidérurgie et de la métallurgie. Elle est à l’origine de la naissance de l’Empresa Nacional de Electricidad, de la Compañia de Acero del Pacifico et de la Empresa Nacional de Petroleo, entre 1944 et 1950. 1939 : Les socialistes, qui s’opposent à toute collaboration avec le Parti radical, créent le Parti socialiste des travailleurs, le P.S.T. A partir de 1939 et pendant la seconde guerre mondiale, le Chili rompt ses relations économiques avec les pays européens qui étaient des partenaires privilégiés. Les exportations de salpêtre et de cuivre chutent. 1940 : Le ministre socialiste Oscar Schnake se rend aux Etats-Unis où il obtient l’achat des excédents de salpêtre et de cuivre ainsi que des prêts. Pendant ces années de difficultés économiques, le Chili pratique une politique d’intervention de l’Etat. 1941 : Le P.S. quitte le Front populaire en raison d’un désaccord avec le P.C. qui a abandonné son discours antifasciste au moment du pacte germano-soviétique de 1939 à 1941. C’est la fin du Front populaire. 1942 : A la suite de la mort du président Aguirre Cerda ont lieu des élections présidentielles, remportées par le radical de droite, Juan Antonio Rios, élu grâce au soutien de la Phalange, du Parti agraire et des libéraux. Les socialistes intègrent le gouvernement qui rompt toutes relations diplomatiques avec l’Axe. 1943 : Les socialistes quittent le gouvernement, provoquant une nouvelle scission. Les partisans de la participation au gouvernement créent le Parti socialiste authentique. 1943-1944 : Le gouvernement de Rios réprime de nombreuses grèves et dissout des syndicats. 1945 : Le Chili connaît une pénurie de logements qui marque le début du développement des bidonvilles à la périphérie des grandes villes. Les paysans sont les plus pauvres : au sortir de la guerre, leur salaire est quatre fois inférieur à celui des ouvriers et le syndicalisme agricole demeure interdit jusqu’en 1947. 28 janvier 1946 : Répression d’une manifestation ouvrière Plaza Bulnes, à Santiago, à la suite de la dissolution de deux syndicats de l’industrie du salpêtre. Six personnes y perdent la vie et quatre-vingts sont blessées. Les socialistes font leur retour au gouvernement dans l’espoir d’éviter que de tels faits ne se reproduisent. Les gouvernements radicaux cherchent autant qu’ils le peuvent à limiter les activités syndicales et, surtout, les grèves dans le pays. 1946 : Le candidat de gauche, Gabriel Gonzalez Videla, sort victorieux des élections présidentielles contre son adversaire de droite, Cruz-Coke. Pour la première fois dans l’histoire du Chili, des ministres communistes entrent au gouvernement. 1947 : Victoire écrasante des communistes aux élections municipales. Sous la pression américaine et après la démission des ministres libéraux, Gonzalez Videla les exclut du gouvernement et rompt les relations diplomatiques avec l’URSS, ce qui entraîne des grèves de grande ampleur. 1948 : Pour faire face aux grèves, le gouvernement promulgue la « loi de défense de la démocratie » qui met hors-la-loi le Parti communiste. 40 000 communistes sont interdits de vote. Le Parti socialiste se divise entre partisans de la loi, menés par Bernardo Ibañez, et opposants, majoritaires au sein du parti, qui, avec Raul Ampuero et Salvador Allende à leur tête, créent le Parti socialiste populaire. Les rénovateurs du parti mènent une autocritique sans concession et parviennent à la conclusion que leur existence n’a en aucun cas permis de réduire les inégalités sociales et la pauvreté des couches sociales inférieures. Ils décident alors d’adopter une politique stricte à l’égard du Parti radical et des partis « bourgeois ». 1949 : A la conférence de Bogota, le Chili apparaît allié avec les Etats-Unis sur lesquels il aligne ses positions politiques et économiques. 1949 : Le droit de vote est accordé aux femmes. 1951 : L’agitation est à son comble dans l’ensemble des secteurs économiques et notamment celui du cuivre, essentiel à la vie du pays. 1952 : Fin de vingt-quatre ans de gouvernement du Front populaire et radical. Le bilan sonne comme un échec : seules les couches moyennes semblent avoir profité des avancées économiques tandis que les ouvriers en sont demeurés exclus. 1952 : Le général Carlos Ibañez del Campo remporte les élections présidentielles avec une écrasante avance sur les autres candidats. Cet ancien dictateur a mené une campagne dans laquelle il s’est affirmé comme un homme au-dessus des partis et des querelles claniques. Il promet de s’attaquer à la corruption et de régler les problèmes sociaux. Il forme son cabinet avec des membres du P.R., du P.S.P. et des petits partis ibanistes qui ne tardent pas à réclamer des postes dans l’administration : les problèmes posés par la corruption et le clientélisme sont toujours là. 1953 : Le P.S.P. quitte définitivement le gouvernement sur des désaccords avec Ibañez, particulièrement sur sa position vis-à-vis du péronisme. Le président ne dispose plus de la majorité au Parlement. D’un point de vue économique, le gouvernement entreprend de limiter l’inflation qui est alors de 72 % par an et crée un Institut du commerce. 1953 : Naissance de la C.U.T., Centrale unique des travailleurs, qui rassemble des ouvriers communistes et socialistes. 1953 : Création de la Superintendance de l’éducation publique qui a pour mission de faire diminuer le taux d’analphabétisme. Les universités chiliennes jouissent d’un grand prestige en Amérique latine dont elles reçoivent de nombreux étudiants. 1954 : Le produit national régresse et le Chili connaît à partir de la moitié de la décennie un ralentissement économique. La politique de substitution des importations ne se révèle guère efficace et ne contribue pas à l’augmentation des exportations. En effet, l’agriculture, délaissée au profit de l’industrie, est en retard : la quantité de terres exploitées cesse de croître et la production agricole diminue. Enfin, les terres restent concentrées entre les mains de quelques-uns et la structure agricole demeure très inégalitaire. Entre 1955 et 1964, l’importation des biens de consommation est multipliée par deux. Dès 1958, le solde de la balance commerciale est négatif, la dette extérieure augmente sans cesse, quintuplant entre 1960 et 1970. 1955 : Après avoir longtemps cherché le soutien de la gauche, Ibañez obtient celui de la droite dans sa lutte contre l’inflation. Son plan prévoit l’encadrement des prix, la réduction des dépenses et l’intervention de l’Etat. Il obtient une baisse de l’inflation, mais les industries souffrent de la diminution des aides financières. 1955 : La C.T.C.H. organise de nombreuses grèves ainsi qu’une grève générale. 1956 : Le pays est soumis à l’Etat de siège, dans un contexte de politique anti-inflationniste et d’application de la loi de défense de la démocratie. Il est de nouveau décrété à la suite de la manifestation de la Fédération des étudiants en mars 1957 qui fait vingt et un morts et quatre-vingt-deux blessés. 1956 : Fondation du Front d’action populaire (F.R.A.P.) qui rassemble le P.S.P., le P.S. et le P.C. Le P.S. s’inspire énormément du marxisme et refuse toute alliance avec le Parti radical ainsi qu’avec la bourgeoisie chilienne. 1957 : Le P.S.P. et le P.S. fusionnent sous le nom de Parti socialiste du Chili. 1957 : Aux élections parlementaires, le Parti radical et les partis de droite reprennent de la vigueur. La même année, un nouveau parti apparaît : le Parti démocrate-chrétien qui provient de la fusion du Parti conservateur social-chrétien et de la Phalange qui a souvent pris position en faveur de la gauche. Le Parti démocrate-chrétien se veut profondément progressiste et réformateur et promeut la diffusion de la petite propriété. Il dénonce l’athéisme et le totalitarisme des communistes, mais se prononce bientôt en faveur de la suppression des classes, y compris par la violence. Ces idées naissent en même temps que sont exprimées les nouvelles conceptions sociales et politiques d’une partie des prélats chiliens. 1958 : Ibañez accepte le programme de démocratisation que lui présentent les partis qui le soutiennent, dans le cadre de la campagne électorale qui l’oppose à Jorge Alessandri. 1958 : Le fils d’Arturo Alessandri, Jorge Alessandri, est élu à la présidence de la République grâce à l’appui des conservateurs et des libéraux. Il arrive en tête devant le candidat du F.R.A.P., Salvador Allende, et le démocrate-chrétien, Eduardo Frei. La droite, absente du pouvoir depuis de nombreuses décennies, fait ainsi son retour au plus haut niveau de l’Etat. 1959 : La décennie 1950 a été positive pour les syndicats qui regroupent 400 000 adhérents, contre seulement la moitié de ce nombre en 1951. 1959 : Tentative de relance de la construction et de développement des travaux publics. Une loi de réforme agraire, qui n’entre en vigueur qu’en 1964, est votée. Elle donne la possibilité d’exproprier les latifundia mal exploités. Le gouvernement a aussi à cœur de développer l’industrie, mais les importations l’emportent rapidement sur les exportations, en résultent un déséquilibre de la balance commerciale et une reprise de l’inflation. 1960 : Grève nationale des ouvriers qui protestent contre la hausse salariale de 10 %, jugée trop faible, que leur a accordée l’Etat. Une autre grève, qui mobilise plus de 250 000 travailleurs, a lieu en 1962. 1960 : La population du Chili est de 7 374 000 habitants. Elle a doublé en trente ans. Cette augmentation est uniquement le fait du très fort taux de natalité qui atteint les 35 pour mille et de la baisse constante du taux de mortalité. De surcroît, les Chiliens sont jeunes puisque la moitié de la population a moins de 19 ans. Le pays est urbanisé : plus de 62 % des habitants vivent en ville. Santiago est de loin la première ville du pays avec ses 1,3 million d’habitants, suivie de Valparaiso et de Concepcion qui comptent respectivement 250 000 et 148 000 habitants. Les inégalités sociales correspondent à des réalités géographiques : les plus démunis se trouvent dans les campagnes. Des différences notables existent également entre travailleurs de l’artisanat et ouvriers employés dans les grands groupes industriels. 1960 : Le taux d’analphabétisme est de 16,4 % contre 25 % en 1930, preuve des efforts significatifs de l’Etat en matière d’éducation. Les habitants des villes sont nettement plus favorisés que les ruraux. 1961 : La politique libérale, qui n’a pas donné les fruits escomptés, est abandonnée avec l’arrivée au ministère de l’Economie du radical Luis Escobar qui revient aux pratiques interventionnistes de l’Etat. 1961 : La droite remporte les élections législatives avec plus de 30 % des suffrages. Elle est particulièrement présente à Santiago et Valparaiso chez les couches supérieures, mais aussi parmi les employés et les ouvriers. Le Parti radical apporte son soutien au gouvernement dans lequel il entre. 1961 : Des changements interviennent au sein de l’Eglise catholique chilienne avec la nomination du cardinal Raul Silva Henriquez à l’archevêché de Santiago en mai. L’évêque de Talca, Manuel Larrain, se prononce en faveur d’une réforme agraire et distribue des terres appartenant à l'Eglise dès l’année suivante. De telles positions renforcent la rupture entre conservateurs et démocrates-chrétiens, dont le parti se développe. 1963 : Le Parti radical quitte le gouvernement ; c’est la fin du cabinet de « concertation nationale ». Seuls les libéraux et les conservateurs restent fidèles au président qui poursuit une politique économique libérale, dans la droite ligne de son prédécesseur Ibañez, et ne tarit pas d’efforts pour réduire l’inflation. 1963 : Le socialiste Salvador Allende est choisi comme candidat du F.R.A.P. dans l’optique des élections présidentielles qui doivent avoir lieu l’année suivante. En opposition, les libéraux, les conservateurs et les radicaux fondent le Front national antimarxiste, avec, pour représentant, le radical Julio Duran. 1963 : Les élections municipales voient la montée du Parti démocrate-chrétien au détriment des partis traditionnels (libéral, conservateur et radical). Le F.R.A.P. remporte des élections complémentaires, si bien que Julio Duran retire sa candidature. La droite se retrouve ainsi sans candidat et décide de reporter ses voix sur le candidat de la démocratie chrétienne. Surtout, le bilan économique de la droite est très médiocre avec une augmentation des bidonvilles autour des principales villes, des inégalités sociales croissantes et une augmentation de la dette que rien ne semble pouvoir arrêter. 1964 : Le Parti démocrate-chrétien recueille 55,6 % des votes aux élections présidentielles et obtient une large majorité de députés aux élections parlementaires de 1965. Eduardo Frei accède ainsi à la présidence avec le soutien de la droite. Pour la première fois depuis de nombreuses années, le Chili s’achemine vers un gouvernement sans coalition : le Parti démocrate-chrétien entend gouverner seul. Alors que les radicaux et les francs-maçons avaient jusque-là dirigé le pays et accepté de multiples collaborations politiques, le Parti démocrate-chrétien se refuse à toute ouverture vers la droite et propose un programme qui se résume ainsi : la révolution dans la liberté. Les radicaux entrent alors dans l’opposition et s’ancrent de plus en plus à gauche. Dès 1964, le président nouvellement élu lance un programme d’intégration nationale qui porte le nom de « Promotion populaire » et vise à faire du Chili une nation à part entière. 1964 : A la suite de l’échec de la candidature de Salvador Allende, le Parti socialiste entreprend une autocritique qui le conduit à opérer un virage à gauche. Il cherche à conquérir l’électorat des campagnes et des bidonvilles où il envoie des représentants. En 1966, le parti durcit sa ligne politique en décidant d’ajouter les idées de Lénine à celles de Marx. 1965 : Le Parti radical adhère à la Deuxième Internationale et dénonce, en 1967, les monopoles impérialistes. 1965 : Création du M.I.R., le Mouvement de la gauche révolutionnaire qui rassemble des maoïstes, des trotskistes ainsi que des dissidents des P.S. et P.C. La révolution castriste fait des émules au Chili, notamment à la suite de la Conférence tricontinentale de La Havane qui se tient en 1966 et a pour ambition de promouvoir la naissance de partis révolutionnaires dans l’ensemble de l'Amérique latine. 1966 : Premiers accords financiers entre le Chili et des firmes étrangères dans le domaine minier. Eduardo Frei, refusant la nationalisation complète de l’industrie du cuivre, entreprend une œuvre de chilénisation : l’Etat devient partenaire des firmes privées d’exploitation et s’engage à hauteur de 51 % du capital des entreprises. La production de cuivre s’accroît rapidement et les revenus que l’Etat en tire lui permettent d’endiguer le déficit budgétaire. 1966 : Fusion du Parti libéral et du Parti conservateur pour former le Parti national. A la fin des années soixante, les couches moyennes, qui n’ont cessé de voir leur poids s'accroître au sein de la société chilienne depuis le début du siècle, constituent près de 40 % de la population. Le sous-prolétariat, présent dans les campagnes et dans les bidonvilles ou poblaciones, est, pour sa part, estimé au quart de la population, ce qui est très élevé. 1967 : Plusieurs pas sont franchis en faveur d’une redistribution des terres. Tout d’abord, la fonction sociale de la propriété est introduite dans la constitution récemment réformée. En juillet, est votée une loi de réforme agraire qui rend possible l’expropriation de terres insuffisamment exploitées ou trop vastes. Ces dernières sont réparties entre les paysans par la Corporation de réforme agraire. La loi de réforme agraire, qui autorise la formation des syndicats agricoles, entraîne une montée de revendications paysannes en faveur d’une accélération du processus de distribution des terres. 1968 : L’Etat diminue les taxes à l’importation, mais l’économie continue à bénéficier d’une politique protectionniste. 1968 : Le malaise règne dans l’armée dont une promotion entière de l’Académie militaire démissionne. L’année suivante, des sous-officiers de l’Ecole de Santiago tentent un coup d’Etat qui échoue. 1969 : On compte 140 000 paysans au sein des trois fédérations agricoles du pays. La syndicalisation ouvrière a, quant à elle, progressé de 25 % entre 1964 et 1968. L’agitation ouvrière enfle et les manifestations se multiplient. 1969 : La droite, jusque-là en perte de vitesse, remporte 20 % des suffrages aux élections. Des groupes para-militaires apparaissent. 1969 : Naissance du Mouvement d’action populaire unitaire (M.A.P.U.) dont les membres proviennent de l’aile gauche du Parti démocrate-chrétien qui vient de subir une scission. Le M.A.P.U. s’allie avec l’Unité populaire pour former un parti d’obédience marxiste-léniniste. 1970 : On estime à 28 000 le nombre de familles ayant bénéficié de la réforme agraire. L’Etat avait espéré atteindre celui de 100 000. Entre 1960 et 1970, la production agricole s’est accrue grâce aux encouragements de l’Etat qui a favorisé le crédit. Avril 1970 : Les cours du cuivre commencent à baisser. 1970 : Trois candidats s’affrontent aux élections présidentielles : Salvador Allende pour les socialistes, Radomiro Tomic pour les démocrates chrétiens et Jorge Alessandri pour le Parti national. 4 septembre 1970 : Les élections sont remportées par Allende qui recueille 36 % des suffrages, talonné par Alessandri avec plus de 34 %. La constitution prévoit que le Congrès choisisse entre les deux premiers candidats si aucun ne bénéficie de la majorité absolue (50 % des voix). D’ordinaire, celui qui arrivait en tête était toujours désigné président par le Congrès. Le Parti démocrate-chrétien négocie son soutien à Allende en échange de sa signature d’un texte dans lequel il s’engage à maintenir les libertés individuelles et collectives. Septembre-octobre 1970 : Des milliers de Chiliens fuient en Argentine, effrayés par l’arrivée d’un marxiste au pouvoir. La Bourse est déstabilisée ; enfin, le commandant en chef de l’armée est assassiné deux jours avant le vote. 3 novembre 1970 : Allende arrive au pouvoir et forme le nouveau gouvernement avec des socialistes, des communistes, des radicaux, deux sociaux-démocrates et deux indépendants. Ils entendent poursuivre les réformes entreprises par les démocrates-chrétiens, comme la réforme agraire, en les accélérant et en les rendant plus efficaces. Il s’agit également de nationaliser le cuivre ainsi que de très nombreux secteurs de l’économie chilienne tels que le pétrole, la chimie lourde, l’énergie électrique, etc. Enfin, le nouveau gouvernement prévoit des réformes sociales qui doivent mettre fin à la différence entre ouvriers et employés, inscrite dans la constitution, réévaluer les salaires et construire de nouveaux logements pour faire face à la pénurie endémique. Ce programme, qui porte le nom de « voie chilienne vers le socialisme », rejette la violence et se dit favorable au respect des institutions en place. Il est favorable au développement d’une politique étrangère indépendante et active, à l’écart de l’influence américaine, et promeut le renforcement des relations avec Cuba et la Chine populaire. 1970 : Les relations avec Cuba sont rétablies et le Chili reconnaît la RDA, la Chine populaire, l’Albanie, le Vietnam et la Corée du Nord. En revanche, les liens avec l’URSS sont plus distants. Dès décembre 1970, le Parti démocrate-chrétien opère un virage à droite. Eduardo Frei en devient le leader et évince Radomiro Tomic. Fin 1971, l’aile droite est majoritaire et s’allie au Parti national pour abattre Allende. 1971 : Le PIB augmente de plus de 8 % tandis que le chômage et l’inflation diminuent. Cependant, dès l’année suivante, l’offre se révèle largement inférieure à la demande, particulièrement dans le secteur agricole. L’Unité populaire connaît de vifs débats sur la politique économique à mener. Juin 1971 : Assassinat d’Eduardo Frei par des partisans d’un groupe d’extrême gauche, la Vanguardia Organizada del Pueblo. Le P.D.C. entre alors dans une opposition radicale à l’Unité populaire. En janvier 1972, il rejoint le Parti national au sein d’une Confédération démocratique qui a pour fondement l’opposition au gouvernement en place. Elle propose sans cesse des réformes constitutionnelles que refuse systématiquement le président Allende. Juillet 1971 : Vote de la nationalisation du cuivre. Novembre-décembre 1971 : Visite de Fidel Castro qui traverse le pays et invite Allende à lui rendre visite l’année suivante. Le Chili adhère au mouvement des pays non alignés. Entre janvier 1971 et juin 1972, plus de 5 millions d’hectares sont expropriés. La réforme agraire progresse, cependant elle ne tient guère compte de la situation des travailleurs temporaires qui se dégrade ni des très petits propriétaires qui reçoivent très peu d’aides. 1972 : Un communiste est nommé ministre de l’Economie. Il ne peut endiguer la crise car la demande ne cesse d’augmenter tandis que le marché noir se développe. Le PIB et le pouvoir d’achat régressent et l’inflation reprend de plus belle. Septembre 1972 : 800 000 à un million de partisans de l'Unité populaire se rassemblent pour manifester dans les rues de Santiago leur soutien au pouvoir en place. Octobre 1972 : Les camionneurs – dont les syndicats sont hostiles au gouvernement d'unité populaire et qui appartiennent à une profession traditionnellement individualiste et organisée dans le cadre de petites entreprises rétives à l'intervention étatique – décrètent une grève illimitée à laquelle se rallient les commerçants de détail, des employés et des membres des professions libérales. L’instabilité se poursuit jusqu’au coup d’Etat de septembre 1973. L’Unité populaire en appelle à l’armée pour revenir au calme et fait entrer des militaires dans le gouvernement. Mars 1973 : Aux élections législatives, la gauche gagne des voix et obtient 63 députés contre 87 pour la Confédération démocratique. Le Parti socialiste devient le premier parti de l’Unité populaire alors que le Parti radical est en perte de vitesse. Cependant, peu à peu, les couches moyennes se tournent vers la droite en raison de l’inflation galopante et du clientélisme qui bloque leurs espoirs d’ascension sociale. Les relations se dégradent entre l’Unité populaire et les militaires dont certains sont à l’origine de plusieurs projets de coups d’Etat qui demeurent sans lendemain grâce à l’intervention du général Prats, commandant en chef de l’armée, auquel Allende laisse une importante marge de manœuvre. L’influence des Américains s’accroît au sein de l’armée chilienne dont ils forment, dans leur centre d'instruction de Panama, une partie des officiers. Dès le début de l’année, certains militaires se rapprochent de groupes nationalistes et anticommunistes radicaux. 29 juin 1973 : Le deuxième régiment de blindés lance une attaque, le Tancazo, contre le palais présidentiel. Le général Prats parvient à sauver le pouvoir en place, mais doit compter avec une opposition croissante de ses subordonnés vis-à-vis du gouvernement. 26 juillet 1973 : Nouvelle grève des camionneurs. L’extrême gauche se détache de plus en plus de l’Unité populaire et l’opposition à Allende provient aussi bien de la gauche que de la droite. Août 1973 : Le Mouvement de la gauche révolutionnaire (M.I.R.) ainsi que le P.S. et les autres partis d’extrême gauche demandent des armes au président. 9 août 1973 : Allende forme un nouveau gouvernement avec des militaires des trois armes, ce qui ne suffit pas à contenir le mécontentement qui gronde partout dans le pays. 20 août 1973 : Manifestation à laquelle prennent part des femmes de généraux. Elles défilent notamment contre le général Prats, ministre de l’Intérieur et commandant en chef de l’armée.

L'ère Pinochet

22 août 1973 : Un vote du Congrès déclare le président illégitime. Dès ce mois-ci, le gouvernement d’Allende ne maîtrise plus les agissements de l’armée qui organise des manifestations et réclame la démission du général Prats. 24 août 1973 : Le général Prats est remplacé par le général Pinochet, un légaliste qui est a priori défavorable au coup d’Etat que la droite réclame. 4 septembre 1973 : Manifestation de soutien au gouvernement en place à laquelle répond le lendemain une contre-manifestation. 11 septembre 1973 : La marine attaque le port de Valparaiso. Le palais présidentiel est bombardé et Allende, qui a refusé les propositions de fuite, y trouve la mort. Une junte militaire se met en place avec, à sa tête, le général Pinochet, commandant en chef de l’armée de terre, l’amiral Merino, commandant la marine, le général d’aviation Gustavo Leigh et le général commandant les carabiniers. La junte proclame la déchéance du gouvernement, la dissolution du Parlement et exige la reddition des principaux dirigeants de l’Unité populaire. Elle instaure en outre l’état de siège et l’état d’urgence. L’Unité populaire, le Parti communiste et le M.I.R. ne s’attendaient pas à un tel putsch, face auquel ils sont totalement impuissants. Le Chili s’engage dans une période de répression et de guerre civile qui fait trois mille victimes en une année. Quelques milliers de Chiliens fuient en Argentine.La junte affirme une idéologie profondément antimarxiste et déclare que « le concept de lutte des classes est contraire à celui d’unité nationale ». Elle prône un gouvernement fort dans la droite ligne de Portales. Début 1974 : Environ six mois après le putsch, le Parti démocrate-chrétien et l’Eglise chilienne prennent clairement leurs distances vis-à-vis du pouvoir en place. La junte opte pour une politique économique libérale, inspirée par les théoriciens de l'école de Chicago illustrée par Milton Friedman, mais l’inflation reprend. Les conceptions économiques de la junte sont influencées par les théories américaines, les entreprises nationalisées pendant la présence de l’U.P. au pouvoir sont privatisées, ce qui aboutit à la naissance de grands groupes privés. La part de l’industrie dans l’économie décroît. L’agriculture est modernisée, mais la junte n’abolit pas la loi de réforme agraire. 1974 : Après la dissolution de la Centrale unique des travailleurs (C.U.T.), il ne reste plus qu’un quart des confédérations de travailleurs qui lui étaient affiliées. Cependant, le décret-loi 198 reconnaît les syndicats existants et, entre 1973 et 1978, le nombre de syndiqués stagne, voire augmente. Selon les sources, il est de 600 000 à un million de personnes en 1978. La junte refuse la politisation des syndicats mais leur reconnaît un rôle au sein des entreprises. 30 septembre 1974 : Le général Prats est assassiné en Argentine. 1974 : Une carte de l’extrême pauvreté au Chili est dressée car la junte entend éradiquer la misère. Elle écarte ainsi les couches moyennes et supérieures des aides sociales afin de les concentrer sur les plus pauvres et de garantir ainsi l’égalité des chances. Plusieurs programmes voient le jour : la subvention familiale unique, la pension d’assistance aux personnes âgées ou invalides, les programmes d’alimentation scolaire, d’alimentation complémentaire et, enfin, la création de jardins d’enfants pour les enfants défavorisés de moins de cinq ans. L’ensemble de ces programmes est relativement efficace et s’adresse réellement aux plus misérables des Chiliens. Il s’accompagne dès 1976 d’un Programme d’emploi minimum pour les chômeurs que l’Etat emploie à des tâches d’utilité publique. 1975 : Nouveau ministre du Travail, S. Fernandez, qui est à l’origine de la création d’un syndicat favorable à la collaboration avec le gouvernement, l’U.N.T.R.A.C.H. Le ministre fixe la durée légale du travail à 48 heures, facilite les licenciements et organise un meilleur contrôle des syndicats. 1975 : L’Eglise chilienne fonde avec l’Eglise luthérienne le comité Pro Paz qui remet en cause la junte au pouvoir. En 1978, elle s’oppose au plan Laboral et demande plus de libertés. 1976-1977 : Plusieurs officiers supérieurs sont mis à la retraite anticipée. Le général Leigh, partisan d’une évolution vers la démocratie plus rapide, doit quitter le gouvernement de la junte en 1978 et d’autres généraux démissionnent. 1977 : La junte remplace la D.I.N.A. (Direction nationale des renseignements) par le C.N.I. (centre national d’informations) et accorde une amnistie générale pour les assassinats commis depuis le 11 septembre 1973.1977 : Lors du discours de Chacarillas du président Pinochet, ce dernier annonce les différentes étapes de l’institutionnalisation du régime. En effet, le coup d’Etat est interdit par la constitution et la junte tente sans cesse de légitimer sa présence au pouvoir.A partir de 1977, l’opposition se reconstitue, mais demeure très divisée ; le Parti socialiste compte ainsi une dizaine de branches. Dès 1974, l’Unité populaire tente de former un front antifasciste, mais l’alliance avec le Parti démocrate-chrétien se révèle très difficile car il refuse tout accord avec le P.C. et le M.I.R. Octobre 1977 : Le Parti démocrate-chrétien en appelle à la restauration de la démocratie par l’élection d’une assemblée constituante et la création d’une nouvelle constitution.Janvier 1978 : Le général Pinochet consulte les Chiliens par référendum sur la question suivante : « Face à l’agression internationale lancée contre le gouvernement de notre patrie, j’appuie le général Pinochet dans sa défense de la dignité du Chili et je réaffirme la légitimité du gouvernement de la République à diriger souverainement le processus d’institutionnalisation du pays. » Il recueille 20% de non et plus des deux tiers de oui. Avril 1978 : Pinochet fait appel à un civil, Sergio Fernandez, pour former un nouveau gouvernement.1978 : Les familles de disparus politiques, soutenus par l’Eglise, s’unissent pour réclamer la vérité sur le sort de leurs proches. 1978 : A la suite de nombreuses grèves, particulièrement dans le secteur du cuivre, le ministre Fernandez démissionne. Lui succède José Pinera qui élabore un nouveau plan, le plan Laboral qui prévoit la liberté d’affiliation syndicale au sein de l’entreprise et supprime la distinction entre les ouvriers et les employés. La grève est autorisée jusqu’à 59 jours. Cependant, le nombre de travailleurs syndiqués décline. En 1983, il n’est plus que de 320 000, ce qui ne l’empêche pas d’être le point de départ de l’opposition à la junte militaire. 1978-1979 : Découverte de charniers à Lonquen et au cimetière de Santiago. A la fin des années soixante-dix, l’économie a connu de multiples transformations inspirées par les théoriciens libéraux de l'école de Chicago. De nombreuses activités passées sous le contrôle de l'Etat ont été rendues au secteur privé. L'économie du pays s'est largement ouverte sur l'extérieur, l'agriculture a connu une rapide modernisation, alors que la concentration industrielle s'accélérait et que le secteur tertiaire prenait une part grandissante dans la production de richesses, tout cela au prix d'une forte inflation globalement défavorable aux couches salariées. Mais le contrôle du crédit établi après 1982 et le développement des investissements étrangers permettront d'obtenir une régression massive du chômage et le maintien d'une balance commerciale bénéficiaire. Août 1980 : Les textes de la nouvelle constitution et du Statut transitoire sont promulgués. La junte et le général Pinochet se voient accorder l'exercice de très larges pouvoirs jusqu’au 11 mars 1989. Ces deux textes sont approuvés par référendum le mois suivant. Le peuple désigne par la même occasion le général Pinochet comme président. Il déclenche la mise en œuvre de la modernisation du pays, qui s'engage également sur la voie de la décentralisation. Dans les années quatre-vingts, l’Etat s’engage en faveur de la scolarisation des jeunes enfants qui doivent poursuivre leurs études pendant huit ans. 80 % des enfants entrent dans le supérieur à la fin de la décennie, soit le double des effectifs recensés au cours de la précédente. 1980 : Plébiscite au sujet de la constitution. Les syndicats organisent un cahier de doléances, le Pliego nacional, signé par 400 syndicats et rédigé par la Coordinadora. Le Pliego aborde le problème des droits de l’homme et, à partir de ce moment, les grèves, menées par des leaders tels que Rodolfo Seguel ou Guillermo Torres, se multiplient.11 mars 1981 : La nouvelle constitution entre en vigueur. 1982-1983 : Le Chili connaît une crise économique de grande ampleur qui se traduit par une hausse du chômage, de l’inflation, du déficit budgétaire. Le pays est touché par des scandales financiers tant et si bien que l’Etat, poussé par le F.M.I., doit reprendre le contrôle de plus de 60 % du système bancaire et reconnaître la dette des grands établissements financiers à la tête des banques. Juillet 1982 : Marche de la faim à Santiago, organisée par les représentants syndicaux dont certains sont exilés du territoire chilien. Les syndicats représentent alors la principale force de pression et d’opposition face au régime. 1983 : Le mouvement syndical, uni en un Commando national des travailleurs (C.N.T.), appelle à trois journées de protestas, c'est-à-dire de grèves et de manifestations, qui ont lieu les 11 mai, 14 juin et 12 juillet. La répression des protestas fait vingt-six morts. En 1984, une autre protesta connaît un grand succès puisqu’elle paralyse une partie importante du pays. L’Etat décrète l’état de siège qui se prolonge pendant plusieurs mois. Jusqu’en 1989, les mouvements de ce type ne cessent de s’amplifier et le C.N.T. œuvre à l’union de l’opposition afin de déstabiliser le gouvernement. 1983 : Du fait de désaccords idéologiques importants avec le pape Jean-Paul II et des sympathies qu'il affiche pour les idées communistes, le primat et archevêque de Santiago, le cardinal Raul Silva Henriquez, est contraint de démissionner.De 1984 à 1987, l’emploi industriel, en pleine croissance, passe de 450 000 à 650 000 employés. Après la crise, l’agriculture bénéficie de très nombreux efforts et retrouve, dès 1984, un taux de croissance positif. Les exportations se développent et la production destinée au Chili s’améliore notablement. Grâce au concours de l’Etat, la balance commerciale redevient rapidement positive et atteint 2,3 milliards de dollars en 1988 tandis que le taux de chômage retombe à 6 %. Juin 1985 : Le gouvernement lève l’Etat de siège et ordonne une enquête sur la mort suspecte de trois communistes l’année précédente.1986 : L’Etat découvre des stocks d’armes que possède le Front Manuel-Rodriguez, la branche armée du Parti communiste. Aussitôt, l’Etat d’urgence est rétabli et le pays entre dans une période de vive tension que ne peut atténuer la visite du pape Jean-Paul II, en août 1987. 7 septembre 1986 : Le président Pinochet fait l’objet d’un attentat dont il réchappe de peu. 1986 : La part du budget de l’Etat réservée à l’armée est de 32 % alors qu’elle ne dépassait pas 10 % en 1973. Les militaires représentent une couche privilégiée de la population.1987 : La situation économique s’améliore nettement ; les protestas tendent alors à disparaître.Entre 1972 et 1988, l’espérance de vie s’accroît de huit ans, conséquence des efforts du gouvernement en matière de santé, notamment en faveur des plus pauvres qui bénéficient d’une aide sanitaire publique. Surtout, la mortalité infantile est passée de 73 à 19 pour mille. 30 août 1988 : Pinochet est déclaré candidat à la présidence et, selon la constitution, sa désignation par l’armée doit être confirmée par un plébiscite populaire. 5 octobre 1988 : Le plébiscite se tient en présence de nombreux observateurs internationaux. 56 % des suffrages expriment leur opposition à une nouvelle présidence de Pinochet. 1989 : Création de la Concertation des partis pour la démocratie qui désigne un candidat commun, le démocrate-chrétien Patricio Aylwin, en vue des élections du 14 décembre 1989. 14 décembre 1989 : Patricio Aylwin remporte les élections présidentielles avec 55,2 % des voix contre Hernan Buchi, ancien ministre des Finances de Pinochet. Ce dernier reste commandant en chef de l’armée jusqu’en 1998, et le nouveau président voit son pouvoir très limité par la constitution élaborée par la junte. Les hauts fonctionnaires, inamovibles, sont de fervents partisans de la junte, de même qu’une partie des sénateurs nommés par l’armée. Dès 1989 ont lieu des réformes pour une plus grande justice sociale. L’impôt sur les bénéfices des entreprises augmente afin de financer les aides sociales aux plus démunis. On préfère la négociation à l’affrontement social et le gouvernement trouve un accord sur les salaires avec les fédérations syndicales et la Confédération de la production et du commerce. Les droits des salariés s’améliorent. 1990 : Environ 40 % de la population peut être considérée comme pauvre, ce qui représente le double des années soixante-dix, mais l’extrême pauvreté a, pour sa part, beaucoup reculé. La société entière semble concernée par l’esprit d’entreprise et touchée par les valeurs du libéralisme économique. Entre 1990 et 1995, la Concertation des partis pour la démocratie reste en tête dans les scrutins. La vie politique est calme et stable et les affrontements populaires disparaissent, la Concertation cherchant à éviter tout conflit et toute opposition avec l’armée. Les prisons se vident et la répression politique cesse totalement. Pour ne pas mécontenter l’armée, seule une démocratie au niveau local est instaurée. Les gouvernements chiliens ne mettent pas en pratique leurs grands discours des années quatre-vingts, mais abordent leur pratique du pouvoir avec beaucoup de pragmatisme afin de mettre fin à une vie politique et sociale mouvementée, voire violente. D’un point de vue économique, ils poursuivent dans la voie libérale fixée par la Junte dans la mesure où les résultats étaient très positifs. La croissance est alors de plus de 6 % par an et les exportations ne cessent de croître. Le Chili apparaît en avance sur ses voisins latino-américains, mais exporte bien moins de produits industrialisés que les tigres asiatiques ce qui représente l’une des faiblesses de son économie. 1990 : Le président Aylwin ordonne une enquête pour la Vérité et la Réconciliation dont le rapport est remis le 8 février 1991. Celui-ci se doit d’établir la lumière sur le passé et, notamment, sur des disparitions politiques. Il en arrive à la conclusion que la Junte est à l’origine de l’assassinat de 3500 personnes et de 965 disparus (selon les chiffres du Monde du 12 février 1991).27 mars 1991 : Discours du général Pinochet qui dénonce les accusations du rapport Rettig sur les assassinats politiques et les disparitions. La marine le soutient dans ses déclarations alors que l’aviation et les carabiniers reconnaissent quelques excès. De 1990 à 1992, le pourcentage de pauvres diminue, passant de 40 à 32 % de la population. La part des indigents chute encore plus. C’est le résultat de la hausse des salaires et du recul du chômage. Les inégalités ne sont bien sûr pas effacées et l’écart entre les plus riches et les plus pauvres est toujours très conséquent. 28 mars 1993 : L’armée procède à une démonstration de force en représailles à l’inculpation de 200 militaires. Ces derniers ne peuvent cependant être condamnés en raison d’une loi d’amnistie de 1978. 11 décembre 1993 : Election du démocrate-chrétien Eduardo Frei à la présidence du Chili en tant que candidat de la Concertation. Puisque le nouveau président ne dispose pas au Congrès de la majorité des deux tiers des voix nécessaires pour modifier la constitution, il paraît peu probable qu’il parvienne à de véritables transformations dans le pays. Avril 1994 : Pour la première fois, des policiers sont condamnés à perpétuité pour l’assassinat de trois dirigeants communistes en 1985. 1995 : Le général Pinochet critique l’ouverture croissante de la vie politique aux civils au détriment de l’armée. Il jouit encore d’une influence certaine auprès des Chiliens avec une cote de popularité de 40 %. 1995 : Eduardo Frei présente un projet gouvernemental qui propose de cesser toutes les procédures légales contre les auteurs de violations de droits de l’homme. Février 1997 : Un juge espagnol, Manuel Garcia Castellon, déclare recevables les plaintes contre Augusto Pinochet déposées par l’Union progressiste des procureurs pour un délit de génocide à l’encontre de citoyens espagnols. 1998 : Les attaques contre le général Pinochet sont de plus en plus nombreuses. Plusieurs députés démocrates-chrétiens veulent soumettre à la Chambre des députés une accusation constitutionnelle à la suite de ses agressions contre le Parlement. Pinochet refuse alors de quitter le poste de commandant en chef le 26 janvier, comme il l’avait promis, et reste en fonction jusqu’au 10 mars. 21 janvier 1998 : Le juge chilien Juan Guzman Tapia déclare recevable une plainte pour « génocide » contre le général Pinochet, déposée par la présidente du P.C. chilien, Gladys Marin. Dès lors, les plaintes se multiplient à son encontre.16 octobre 1998 : Arrestation à Londres du général Pinochet, à l’initiative du juge espagnol Baltasar Garzon. Il est emprisonné pendant 15 mois et le gouvernement chilien se mobilise en faveur de sa libération. Mai 1999 : Le socialiste Ricardo Lagos remporte les primaires au sein de la Concertation. Il sera donc le candidat aux prochaines élections présidentielles et propose un programme pour une plus grande justice sociale. 1999 : Pour la première fois depuis 15 ans, l’économie chilienne entre en récession et le chômage atteint bientôt 10 %. Le mandat d’Eduardo Frei, jusqu’alors positif, se termine dans la difficulté. 12 décembre 1999 : Au premier tour des élections présidentielles, le candidat de la droite unie, Joaquin Lavin, ne recueille que 30 000 voix de moins que R. Lagos. 11 janvier 2000 : Le ministre britannique Jack Straw prend la décision de libérer le général Pinochet que les comptes-rendus médicaux jugent incapable d’affronter un procès.16 janvier 2000 : Les élections présidentielles sont remportées par Ricardo Lagos avec 51,32 %, contre 48,68 % à son adversaire. 3 mars 2000 : Le général Pinochet regagne le Chili où un triomphe offert par l’armée l’attend. 6 mars 2000 : Le juge Guzman demande à la Cour d’appel de Santiago de lever l’immunité parlementaire de Pinochet afin qu’il puisse être poursuivi au Chili. Le lendemain, l’Etat chilien s’associe à sa demande.25 mars 2000 : Le Congrès chilien approuve un amendement constitutionnel qui accorde l’immunité aux anciens présidents du Chili. 23 mai 2000 : La Cour d’appel de Santiago lève l’immunité parlementaire du sénateur à vie Pinochet. 8 août 2000 : La Cour suprême annonce la levée de l’immunité parlementaire du général. A cette date, 154 plaintes ont été déposées contre lui. 20 août 2000 : La Cour suprême chilienne annule l’ordre d’inculpation et d’assignation à résidence du général Pinochet par le juge Guzman.29 janvier 2001 : Le général Pinochet est traduit en justice et interrogé par le juge Guzman. 12 mars 2001 : Le général Pinochet est mis en liberté provisoire alors qu’il était assigné à résidence depuis la fin du mois de janvier.28 mai 2001 : Abolition de la peine de mort par le président Ricardo Lagos.9 juillet 2001 : Les poursuites contre le général Pinochet sont provisoirement suspendues pour raisons de santé. 16 décembre 2001 : Les élections législatives sont remportées par la Concertation démocratique, parti du président Lagos.17 mai 2002 : Le Chili et l’Union européenne signent un accord d’association qui prévoit la mise en place d’une zone de libre-échange. 1er juillet 2002 : La Cour suprême décide de la fin des poursuites judiciaires à l’encontre du général Pinochet.4 juillet 2002 : Le général Pinochet démissionne de son siège de sénateur à vie. 23 septembre 2002 : Accord de coopération scientifique et technique entre le Chili et l’Union européenne qui prévoit la création de programmes de recherche communs. Un autre accord de coopération est signé le 18 novembre 2002 afin de renforcer les liens politiques, notamment dans le cadre de la lutte anti-terroriste. 6 juin 2003 : Signature d’un accord de libre-échange entre le Chili et les Etats-Unis. 11 mars 2004 : Projet de loi autorisant le divorce au Chili. La loi entre en vigueur le 18 novembre.28 mai 2004 : Levée de l’immunité du général Pinochet par la Cour d’appel de Santiago du Chili, confirmée le 26 août suivant par la Cour suprême. 31 octobre 2004 : Les élections municipales sont remportées par la Concertation démocratique. 13 décembre 2004 : Inculpation du général Augusto Pinochet pour les crimes commis pendant l’expédition Condor dont le but était d’éliminer les opposants politiques aux régimes militaires en Amérique latine dans les années soixante-dix. La Cour suprême valide cette inculpation le 4 janvier 2005. 7 juin 2005 : Levée de l’immunité du général Pinochet qui devrait permettre des poursuites pour fraude fiscale et corruption. En même temps, la Cour d’appel de Santiago prononce un non-lieu dans le cadre de l’inculpation pour les crimes commis lors de l’expédition Condor. 16 août 2005 : Adoption de la réforme constitutionnelle décidée par le général Pinochet en 1980. 23 novembre 2005 : Le général Pinochet est arrêté et assigné à résidence pour fraude fiscale. Le lendemain, il fait l’objet d’un second mandat d’arrêt dans le cadre de l’opération Colombo qui consistait en l’assassinat de 119 opposants politiques, en 1975. 11 décembre 2005 : A l’issue de l’élection présidentielle, Michele Bachelet, candidate de la Concertation démocratique, arrive en première position devant Sebastian Pinera, candidat de la droite modérée.15 janvier 2006 : Michele Bachelet remporte les élections présidentielles avec plus de 53 % des voix. Elle est la première femme à accéder au poste de président du Chili.10 décembre 2006 : Mort du général Augusto Pinochet. Elle sonne la fin des poursuites contre sa personne. Selon la volonté de Michele Bachelet, seuls les honneurs militaires lui sont rendus. 24 juillet 2007 : Nouvel accord de coopération entre l’Union européenne et le Chili dans les secteurs de l’enseignement, de l’innovation et de la compétitivité. 9-11 novembre 2007 : Le 17e sommet ibéro-américain se tient à Santiago du Chili et réunit vingt-deux chefs d’Etats et de gouvernements d’Amérique latine, d’Espagne et du Portugal à propos de la cohésion sociale dans un continent où 220 millions de personnes, soit 40 % de la population, sont considérées comme pauvres.3 décembre 2007 : Ouverture de négociations pour l’adhésion du Chili à l’OCDE.2009 : Dans une Amérique latine qui a évolué sensiblement vers la gauche au cours des années précédentes (au Venezuela, en Bolivie, au Brésil, en Uruguay, en Equateur...) les pronostics électoraux ne semblent, paradoxalement, pas favorables à la présidente chilienne sortie victorieuse des élections de janvier 2006, mais rien n'est joué dans un pays qui semble avoir globalement réussi la délicate transition engagée avec la fin d'un régime autoritaire qui a largement contribué à la modernisation économique et à la transformation de la société.13 décembre 2009 et 17 janvier 2010: Elections présidentielles. Le représentant de la droite, Sebastian Pinera, est arrivé en tête au premier tour avec 44% des voix contre l'ex-président démocrate-chrétien Eduardo Frei ( 29,6% des suffrages), le candidat socialiste indépendant Marco Enriquez Ominami (20%) et celui du Parti Communiste Jorge Arrate ( 6% des suffrages). Au deuxième tour , le 17 janvier, S. Pinera l'emporte sur E. Frei par 51,61% des voix contre 48,38%. Quelques jours avant le second tour de cette élection présidentielle, le Chili a été admis le 11 janvier dans l'OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement Economique). Si on exclut le Mexique admis en 1994 il est le premier pays d'Amérique latine à être membre de l'organisation (il est le 31ème)27 février 2010: Quelques jours avant l'investiture du nouveau président, un violent séisme frappe la partie centrale du pays, faisant près de cinq cents morts et plusieurs centaines de disparus. Deux millions de Chiliens sont sinistrés et la reconstruction devrait coûter l'équivalent de 33 milliards d'euros, soit plus de 15% du produit intérieur brut.Empêchée par la constitution d'accomplir un second mandat de quatre ans, Michelle Bachelet quitte la scène avec 84% d'opinions favorables. 21 juillet 2010: Mort, à Santiago, de l'ancien leader communiste Luis CorvalanAvril 2011: Le Pérou, le Chili, le Mexique et la Colombie signet un accord de libre-échangeEté 2011: Le président Pinera doit faire face à une fronde étudiante et à une vive agitation sociale 2013: Le Chili affiche la plus forte croissance au sein de la zone OCDE et Santiago est classée comme la ville la plus attractive de l'Amérique latine, au point de dépasser la brésilienne Sao Paulo. Revenue au pouvoir en 2014, la socialiste Michelle Bachelet, qui avait déjà gouverné le pays de 2006 à 2010, tente de mettre en œuvre une réforme de l'éducation très contestée. L'Eglise catholique, l'opposition de droite, les associations de parents d'élèves mais aussi les démocrates-chrétiens qui font pourtant partie de la coalition au pouvoir, critiquent le projet gouvernemental que le pouvoir entend mettre en oeuvre au nom de la lutte contre les inégalités. Ces tensions ne compromettent en rien la reprise économique (4,1 % de croissance en 2013, 2 % en 2014, avec un chômage sous la barre des 6 % et une inflation ramenée à 2,6 %). De quoi financer un ambitieux programme de travaux publics. Même s'il reste dépendant du cours du cuivre, sa principale ressource à l'exportation (60 % des exportations et 18 % du PIB), le Chili, dont l'économie est ouverte sur le monde et présente une grande stabilité macroéconomique, fait donc figure de modèle en Amérique du sud. 2015 : voit cependant une réduction du taux de croissance ainsi qu'une dévaluation du peso, du fait de la baisse des prix du cuivre sur le marché international. Plusieurs scandales de corruption et de fraude fiscale ébranlent par ailleurs le régime. Madame Bachelet, dont le mandat doit aller jusqu'en mars 2018, a vu sa popularité baisser considérablement car il lui a fallu revoir à la baisse les mesures sociales et fiscales annoncées pendant sa campagne électorale. Le texte définitif de la nouvelle Constitution, qui doit remplacer celle de 1980 imposée par le général Pinochet, fait toujours l'objet de débats et n'a pas été adopté par le Congrès.Octobre 2016 : Considérées comme un test avant la présidentielle de novembre 1917, les élections municipales ont vu la défaite de la coalition de centre-gauche au pouvoir mais l'abstention a atteint 65 % alors que la popularité de la présidente est tombée à moins de 15 %, le plus mauvais score pour un président depuis le retour de la démocratie en 1990. L'abandon des réformes promises en amont explique la désaffection du public. La croissance devrait s'établir en 2017 entre 1,25 % et 1,75 %, ce qui apparaît insuffisant. A l'inverse, le chômage a légèrement reculé.17 décembre 2017 : Le candidat de la droite Sébastian Pineira est élu président de la République. Le nouveau gouvernement devrait bénéficier de la remontée des coûts du cuivre mais devrait rencontrer des difficultés à constituer une majorité parlementaire stable.