Après avoir
gouverné un empire de 50 millions d'âmes qui couvrait, à la veille
de 1914, une superficie de 676 000 kilomètres carrés, l'Autriche est devenue en
1919 un petit Etat enclavé
d'Europe centrale, étendu sur 83 000 kilomètres carrés et peuplé de 6,5 millions
d'habitants. L'Empire austro-hongrois qui constituait encore, à la
veille de la première guerre mondiale, l'une des cinq grandes
puissances européennes, a, en fait, implosé sous les coups de
boutoir militaires et idéologiques de ses
vainqueurs. Si l'histoire de l'Autriche est, aujourd'hui comme hier,
indissociablement liée au destin des Habsbourg, précisons que
l'entrée de cette prestigieuse famille dynastique sur la scène de
l'Histoire, au XIIIe siècle, s'inscrit dans la tradition
d'un rêve impérial qui remonte à Charlemagne (début du IXe
siècle), puis aux empereurs germaniques (du Xe au XIIIe
siècle). Ce rêve consistait à reconstituer en Europe l'Empire
romain d'Occident, disparu au Ve siècle, et à faire le
pendant à l'Empire romain d'Orient, devenu byzantin.
Au début du XXe siècle, à
une époque où l'Etat-Nation s'est imposé partout en
Europe, la pax austriaca n'en était pas moins parvenue à
faire vivre ensemble aux côtés de 12 millions d'Allemands et 10
millions de Magyars (qui constituaient le cœur
de l'Empire austro-hongrois), 22 millions de Slaves, 3 millions de
Roumains, sans oublier 800 000 Italiens. La multiplicité
d'influences culturelles de la Mitteleuropa permet de
comprendre la situation de carrefour de l'Autriche qui va constituer
pendant plusieurs siècles la pierre angulaire de cet espace
danubien. Espace d'autant plus soudé culturellement qu'il avait dû
affronter, aux XVIe et XVIIe siècles, la
menace et la réalité d'invasions ottomanes de grande ampleur. Ce
sera le génie des Habsbourg de faire vivre le sentiment d'une
communauté de destins au sein d'une sorte de koinè plurielle
et supranationale rassemblant des peuples aux identités multiples.
L'empereur François-Joseph aimait répéter qu'il s'adressait à ses
« peuples » et l'hymne impérial des Habsbourg était
chanté en onze langues. En ce sens, l'empire des Habsbourg n'a
jamais constitué la « prison des peuples » à laquelle on a tenté de le réduire. Les nationalités étaient respectées. Le
loyalisme à l'égard de l'empereur constituait un indiscutable
facteur de cohésion, tandis qu'une véritable communauté d'intérêts
unissait des peuples aux histoires et aux cultures différentes.
Au
cœur
de l'Europe centrale, un
territoire enclavé mais ouvert
Dans ses frontières actuelles, issues de
1945, l'Autriche se caractérise géographiquement par un espace très
allongé d'ouest en est, dont le relief de type alpin couvre 70 % de la superficie. Les Alpes autrichiennes, qui s'étendent sur près de 60 000 kilomètres carrés, présentent une série de chaînes
d'orientation ouest-est, découpées en massifs bien individualisés. Une chaîne centrale
élevée, où se succèdent les massifs cristallins de l'Ötzal et
des Hohe Tauern, forme un faîte granitique long de 250 kilomètres
et porteur de grands glaciers. Situé au sud des Hohe Tauern, le
Grossglockner constitue, à 3 797 mètres d'altitude, le point
culminant de l'Autriche. Des cols, tel celui du Brenner (au sud du
Tyrol), qui, à 1 316 mètres d'altitude, constitue le plus bas des
cols alpins, facilitent le franchissement de cette imposante chaîne
montagneuse centrale. Celle-là constitue
d'ailleurs une formidable ligne de partage des eaux, le drainage se
faisant, au nord, vers le Danube et au nord-ouest, vers le Rhin
(région du Vorarlberg). L'écoulement des eaux opère une direction
méditerranéenne, dans la région du Tyrol méridional et une
direction danubienne, à l'est de l'Autriche, avec deux fleuves, la Drave et la Mur, dont les vallées séparent les Alpes de
Carinthie et de Styrie (au sud) de la chaîne centrale (au nord). La
structure longitudinale en plis serrés des Alpes de Carinthie
s'ouvre par le col du Tarvis. La disposition de cet ensemble
hydrographique alpin est importante pour expliquer la situation
géographique de carrefour qui est celle de l'Autriche. Au nord du dispositif
montagneux central du pays, les vallées de l'Inn et du Danube
permettent, de fait, un passage ouest-est, la vallée longitudinale
de l'Inn constituant le couloir, de loin le plus important, vers
l'est tandis qu'à l'ouest, le Lech s'ouvre sur la Bavière. Le col
du Brenner assure, quant à lui, dans un axe longitudinal, la liaison
entre l'Europe du Nord et l'Italie. Ajoutons, concernant le relief
alpin, qu'au nord de la chaîne centrale de l'Autriche, au-delà du
sillon de l'Inn, de la Salzach, de l'Enns et de la Leitha (en gros
du Vorarlberg à la région de Salzbourg, en passant par le Nord du
Tyrol), les Préalpes calcaires offrent des sommets dénudés et,
dans la partie orientale, des reliefs karstiques grandioses.
À
côté de cet ensemble géomorphologique de type alpin qui couvre,
rappelons-le, plus de 70 % de la surface du pays, le Nord-Est et
l'Est de l'Autriche correspondent à un deuxième ensemble bien
circonscrit, celui du Bassin pannonien. Le bassin tectonique de
Vienne, morcelé en plusieurs unités (Weinviertel, Marchfeld,
Seewinkel), et qui s'identifie, de surcroît, au cœur
démographique, économique et politique du pays, se trouve à la
jonction de trois plaines : la plaine de Moravie, au nord de
Vienne, celle de Pannonie, au sud, et, enfin, entre les deux, la
vallée du Danube. Cette dernière, étroite à l'ouest, puis
s'élargissant à partir de Vienne (vers la plaine hongroise), est
riche en lœss, c'est-à-dire en alluvions
fertiles. L'altitude y varie de 365 mètres dans les
plaines de l'Ouest, à 185 mètres dans les basses plaines de l'Est,
situées en aval de Vienne. La région du lac de Neusiedl, à une
trentaine de kilomètres au sud de Vienne, évoque déjà la plaine
hongroise. Plus au sud encore, le Burgenland, ancienne marche
militaire frontalière de la Slovaquie, de la Hongrie et de la
Slovénie, et Land (se traduit par « Etat » en allemand et désigne par conséquent chacun des 9 Etats
fédérés constitutifs de la République d'Autriche depuis 1918. Les Länder
autrichiens ont des compétences moins étendues que les Länder allemands, par
exemple sur le plan judiciaire) tardivement intégré à l'Autriche (1921),
représente, en termes de relief, l'espace le plus plat du pays. Il
est formé de collines et de plaines qui caractérisent la transition
vers la grande plaine pannonienne, dont le cœur
se situe en Hongrie.
Un dernier ensemble géomorphologique
caractérise le territoire autrichien. Il s'agit du paysage de
l'Oberösterreich (Haute-Autriche), dont le Danube constitue
la frontière méridionale, et qui s'identifie au monde hercynien
d'Europe centrale : ce sont les paysages pittoresques de la
Wachau, là où le Danube s'encaisse, entre Linz et Krems, dans le
socle cristallin. Plus au nord, les vieux massifs hercyniens du
Mühlviertel et du Waldviertel sont des régions tabulaires,
couvertes de forêts, et qui ont été colonisées au Moyen Age.
En ce qui concerne le climat, le dispositif alpin autrichien,
véritable château d'eau, détermine
les conditions météorologiques du pays. Les massifs centraux
reçoivent, en moyenne annuelle, plus de deux mètres de précipitations
(en partie sous forme de neige). Les hivers, rigoureux dans la chaîne centrale du pays, le sont nettement moins dans le bassin
carinthien de Klagenfurt, au sud, où l'enneigement hivernal est moindre. De surcroît,
l'ensoleillement en altitude y est élevé, ce qui favorise le beau
temps hivernal (près de 2 000 heures de soleil par an à Villach, en
Carinthie). Le foehn, vent
dont le caractère sec et chaud provoque la fonte des neiges et qui
favorise le début de la vie végétative, est un phénomène
fréquent dans les grandes vallées. Les régions de plaine situées
à l'est de l'Autriche reçoivent en moyenne, quant à elles, moins
de 500 millimètres de précipitations par an. Le
climat y est de type continental, avec de fortes amplitudes
thermiques annuelles (des étés chauds mais des hivers souvent
rigoureux).
Au total, si l'Autriche est un pays
aujourd'hui enclavé entre sept Etats (l'Allemagne au nord-ouest, la
Suisse à l'ouest, l'Italie au sud-ouest, la Slovénie au sud, la
Hongrie au sud-est, la Slovaquie à l'est, et la République tchèque
au nord-est), des axes naturels permettent de se mouvoir dans les
quatre directions cardinales de l'Europe. On peut ainsi mieux
comprendre le rôle de
carrefour historique qui a été celui de
l'Autriche. Comme toujours, la géographie et l'Histoire
s'interpénètrent pour apporter dans le découpage territorial une
cohérence spatiale aux actions des hommes. De ce point de vue, ce
que l'on appelle la Vorderösterreich
(ou l'Autriche antérieure) désignera,
sur le temps long, les
anciennes possessions territoriales des Habsbourg en Bade, Souabe,
Alsace et Vorarlberg, autrement dit l'espace initial des seigneurs
Habsbourg, à l'ouest.
Le Tyrol y est parfois historiquement associé. L'appellation
d'Innerösterreich (ou
Autriche intérieure), surtout utilisée entre les XIVe
et XVIe
siècles, regroupait les contrées du Sud, Carinthie, Styrie,
Carniole, plus le comté de Gortiz, la marche wendique et Trieste sur
l'Adriatique. Le quart nord-est est désigné, quant à lui, comme la
Basse-Autriche. Vienne en constitue le centre et ce territoire
s'étend historiquement jusqu'au Burgenland voisin. Enfin, la
Haute-Autriche, au nord, a longtemps compris l'espace allant
approximativement de Linz à Salzbourg. A
ce découpage en
quatre entités géographiques s'est substitué, depuis 1918, une
Autriche divisée en neuf Länder,
sur le modèle fédéral allemand. A l'extrémité occidentale s'étend le Vorarlberg (capitale, Bregenz), puis le Tyrol (Innsbruck).
Frontaliers avec l'Italie et
la Slovénie, on trouve la
Carinthie (Klagenfurt) puis la Styrie (Graz) qui, elle, est
uniquement frontalière
avec la
Slovénie. Tout à l'est de l'Autriche, figure le Burgenland
(Eisenstadt), frontalier avec
la Hongrie. Vienne constitue à elle-seule un Land,
qui se trouve au cœur
de celui de Basse-Autriche (Sankt-pölken) et frontalier avec
la Slovaquie et une partie de la République
tchèque. Enfin, au nord, en
amont de Vienne, le Land
de Haute-Autriche (Linz) est frontalier avec
la République tchèque et
l'Allemagne tandis que celui
de Salzburg (capitale du même nom) jouxte
uniquement la Bavière allemande.
Chaque Land
est gouverné par un Landesregierung.
Avec environ 1,8 million d'habitants, soit 20 % de la population
du pays, Vienne dépasse
de très loin les autres villes (Graz, la deuxième ville d'Autriche
n'avoisine
« que »
les 200 000 habitants, suivie
de très près par Linz).
L'économie de l'Autriche,
notamment marquée par l'importance du tourisme, est aujourd'hui
l'une des douze plus riches au monde en termes de PIB par habitant. Avec
un secteur important de la sous-traitance, l'Autriche est
essentiellement un pays de petites et moyennes entreprises,
dynamiques dans l'industrie chimique (cellulose, pétrochimie),
électrique et électronique, l'industrie métallurgique et mécanique
(secteur phare de l'économie autrichienne qui permet – comme le
voisin allemand – l'exportation importante de machines-outils). Les
exploitations agricoles, dans les plaines de l'Est, sont de petites
tailles, d'où la méfiance des exploitants vis-à-vis des politiques
intégratrices de l'UE. Hormis l'élevage et la production laitière,
le reste de l'agriculture s'exporte peu. En revanche, compte tenu de
l'abondante surface boisée du pays, la
production de bois, cellulose et papier est massivement
tournée vers l'exportation.
Lorsque
l'on porte, en définitive,
son regard sur l'Autriche, il ne faut jamais perdre de vue que son
destin s'est longtemps
et souvent
identifié à un espace qui a
transcendé ses propres frontières. C'est avant
tout en chef d'orchestre que
l'Autriche a
par exemple affirmé,
singulièrement à
l'égard de la Bohême comme
de la Hongrie voisines, son
génie propre tout en s'efforçant
de
respecter
l’entité culturelle
amie.
Préhistoire, romanisation et mise en place des peuplements
Préhistoire
:
Des foyers de peuplement existent, en Europe centrale, dès le
Paléolithique comme l'attestent les fouilles des grottes de Mixmitz
en Styrie (Sud de l'actuelle Autriche). La Venus
de Willendorf, qui date de 25 000 ans av. J.-C., précède de quelque
cinq mille ans les fresques murales de Lascaux.
3500
av. J.-C.
:
Fondation
de « cités lacustres » sur le Mondsee
en Haute-Autriche.
VIIIe-IVe
siècle av. J.-C.
:
Age
d'or de la civilisation dite « de Hallstatt » à partir d'un foyer de peuplement d'origine vénéto-illyrienne, qui
s'étendit sur toute l'Europe centrale. Le
nom « Hallstatt » correspond précisément à celui d'une localité
située dans le
Salzkammergut
(région de Salzbourg). En
Haute-Autriche, ce premier âge du fer est fondé sur l'exploitation
et le commerce du sel dans des proportions jusqu'alors inconnues,
d'où
le nom de « Salzbourg ».
C'est au VIe
siècle avant J.-C. qu'est fondée par les Celtes Vindobona
(« ville blanche »), future Vienne.
IVe-Ier siècle av. J.-C. : Un tournant
s'opère au IVe siècle avant J.-C. qui fait entrer pour
environ trois siècles l'Europe centrale dans un second âge
du fer. Cette culture, dite « La Tène », se caractérise en Autriche par
l'apparition de la longue épée de fer, la fabrication locale
d'objets autrefois importés de Grèce ou d'Etrurie
et le début de la culture des nécropoles à tombes plates. Tout au
long de cette période, les Celtes ont progressé le long du Danube,
par vagues successives, contribuant à faire de cet espace un lieu de
production et une plaque tournante des échanges entre les Grecs, les
Etrusques et les peuples
du Nord. Une empreinte indélébile d'origine celtique est laissée
dans la toponymie autrichienne, qu'il s'agisse des fleuves (l'Inn),
des villes (Vienne).
Ier
siècle av. J.-C.
:
Sous le principat d'Auguste, à partir de 16-15 av. J.-C., la frontière
septentrionale de l'Empire romain est portée sur le Danube.
46 ap. J.C. : Tandis que les territoires sud-danubiens sont
soumis les uns après les autres à la puissance impériale romaine,
de nouvelles provinces sont créées sous le règne de l'empereur
Claude. A l'ouest, la
Rhétie (l'actuel Vorarlberg), avec Vindelicorum (Augsbourg)
comme capitale, sert à consolider le limes rhénan. Plus à
l'est, regroupant l'ensemble des pays alpins autrichiens, la province
du Norique, restée quelque temps un royaume autonome (regnum
Noricum), se trouve également entièrement intégrée à
l'Empire romain. Plus à l'est encore, la Pannonie est érigée en
province vers le milieu du Ier siècle de notre
ère. Sous Trajan, cette province sera divisée en Pannonie
supérieure avec Vindobona (Vienne) comme capitale et en
Pannonie inférieure, correspondant à l'actuelle Hongrie
occidentale.
180
: Au
moment où
la Pannonie prend une importance stratégique majeure avec
l'installation de grands camps romains comprenant des unités
d'élite, comme la Xe
Légion Gemina,
stationnée à Vindobona,
l'empereur
Marc-Aurèle, à
la suite de campagnes militaires victorieuses contre les Marcomans,
les Quades et leurs alliés Sarmates, meurt de la peste dans
la future capitale autrichienne, le 17 mars.
213
:
Vindobona
(Vienne) acquiert, sous l'empereur Caracalla, le statut prestigieux de
municipe.
238
:
Apparition des Goths sur le Danube.
378
:
La bataille d'Andrinople voit les Goths vaincre les armées romaines.
400
:
Destruction
de Vindobona
par les Germains.
Vers 440 : Les plaines du moyen-Danube servent de base de départ
aux raids dévastateurs menés par les Huns.
453 : A la mort d'Attila, vingt-trois ans avant la chute
définitive de l'Empire romain d'Occident, les Goths de Pannonie et
les peuples indigènes romanisés se soulèvent.
Vers
570 : Tandis
que des Germains (Bavarois) occupent le Tyrol, les Alpes
autrichiennes et la haute vallée du Danube passent sous le contrôle des Slaves. Dans
le même temps,
la plaine pannonienne devient la terre d'élection des Avars.
D'autres Slaves, les Slovènes, fuyant la poussée des Avars,
s'installent en Carniole et dans le bassin de Vienne.
582 : La prise de Sirmium par
les Avars constitue le prélude à leur établissement pour plus de
deux siècles sur le bassin moyen du Danube, incluant l'Autriche
actuelle.
791-811
:
La
poussée des Francs de Charlemagne vers l'est finit par soumettre
les Avars païens. Le
territoire (qui
ne porte pas encore le nom d'Autriche)
est intégré à
l'Ostmark
(marche de l'Est) de
l'empire
carolingien.
En
ayant doté le pays d'un substrat linguistique et culturel germanique
tout en facilitant l'établissement du catholicisme romain,
Charlemagne peut, à juste titre, être considéré comme le père de
l'Autriche médiévale. Le peuplement du pays, fait de Celtes
romanisés, de Bavarois et de Slaves germanisés, y est bigarré.
Afin de coordonner l'œuvre
de christianisation, l'évêché de Salzbourg est élevé en 798 au
rang de métropole. Empruntant l'axe de pénétration du Bassin
danubien, des missionnaires francs, encouragés par les évêchés de
Salzbourg et de Passau, arriveront, dans les premières décennies du
IXe
siècle,
en Bohême, d'où ils poursuivront leur mission d'évangélisation
jusqu'en Moravie et en Slovaquie occidentale. A cette date, le
territoire de l'actuelle Autriche est pleinement christianisé.
881 :
Les
Moraves du roi Svatopluk s'emparent de Vindobona
qui porte désormais le nom, sans doute slave, de Wiena (Vienne).
955 :
Après
avoir utilisé pendant plusieurs décennies les plaines du Danube
comme des bases arrière pour lancer des raids dévastateurs dans
toutes les directions, les Magyars sont vaincus à la bataille du
Lechfeld par l'armée du roi de Germanie, Othon. La
menace hongroise est définitivement conjurée. Première
conséquence, la marche orientale (Ostmark
de
Charlemagne) est reconstituée. Elle
s'appellera à partir de 996, en vieil allemand,
Ostarrichi,
mot qui a
donné Österreich,
francisé d'abord en « Austriche », devenu ensuite
« Autriche ».
962 :
Le
couronnement à Rome d'Othon Ier
comme empereur du Saint Empire romain germanique reconstitue en
Europe un empire qui contrôle un gigantesque espace à dominante
germanique allant de la Baltique à l'Italie.
Une première dynastie : les Babenberg
976
:
L'empereur Othon II nomme le
prince Léopold
(Liutpold) de Babenberg margrave (Markgraf,
c'est-à-dire « comte de la marche »). Les Babenberg vont
alors
régner
en dynastes ducaux sur
l'Autriche
jusqu'au milieu du XIIIe
siècle.
Durant
cette même période, la dynastie des Premyslide régnera sur la
Bohême
et
celle des Arpad sur la Hongrie.
1020
:
C'est
dans la seigneurie d'Argovie, au
cœur
de l'actuelle Suisse alémanique, qu'est édifié, sur un éperon
rocheux, dressé à 510 mètres au-dessus des eaux capricieuses de
l'Aar (entre Bâle et Zurich), le château des ancêtres de la
dynastie des Habsbourg. Le château d'Argovie, construit vers 1020 par un certain Radbot, s'appelait initialement Habichtsburg,
« le château (Burg)
des autours (Habicht) »,
en référence aux rapaces diurnes qui virevoltaient au-dessus du
piton rocheux. Selon la légende, Radbot aurait perdu puis retrouvé
l'un de ses oiseaux de proie sur la cime rocheuse qui lui apparut
alors comme le lieu idéal pour l'édification d'un château. C'est
une contraction de « Habichtsburg » qui donnera le nom Habsbourg.
1030
:
Le nom de « Wienne » apparaît pour la première fois.
1074
:
La marche de l'Est atteint la Leitha, rivière séparant l'actuelle
Autriche de la Hongrie.
1114 : Fondation par le margrave Léopold III et son épouse
Agnès d'Allemagne (fille de l'empereur germanique Henri IV) de
l'abbaye de Klosterneuburg, au nord de Vienne. L'église abbatiale
des chanoines augustins (à partir de 1133) abrite encore
aujourd'hui le tombeau de saint Léopold (le margrave fondateur,
canonisé en 1485 et qui deviendra officiellement en 1665 le saint
patron de l'Autriche). Par lettre de donation, le souverain
autrichien avait également contribué à la fondation en 1113 de
l'abbaye bénédictine de Melk en Basse-Autriche.
1133 : Trois ans avant sa mort, Léopold III le Pieux (1073-1136)
fait une donation permettant, au sud-ouest de Vienne, la fondation de
l'abbaye cistercienne de Heiligenkreuz, aujourd'hui la plus vieille
communauté cistercienne du monde. Le site entendait répondre au
besoin des Babenberg de protéger, par la grâce, la frontière
orientale, encore mouvante et ouverte, de l'empire. L'abbaye fut
fondée à la demande du fils du margrave Léopold, Otton, futur abbé
de l'abbaye cistercienne de Morimond en France et futur évêque de
Freising, ainsi que l'un des plus grands historiens du Moyen Age.
1137-1254
:
La dynastie Hohenstaufen fondée par le roi germanique Conrad III se
trouve pour plus d'un siècle à la tête de l'empire. Sous cette
dynastie culminera la lutte implacable entre l'idéologie impériale
et la théocratie pontificale, autrement
appelée « querelle des investitures ».
Si
les dynastes Babenberg seront amenés à soutenir la papauté, la
famille des seigneurs Habsbourg intégrera, quant à elle, la
clientèle des Hohenstaufen.
1147
:
Consécration à Vienne de la première église romane,
Saint-Etienne.
1156
:
Le margrave Henri II Jasomirgott obtient de l'empereur Frédéric Ier
Barberousse le titre de duc ainsi que le privilegium
minus
qui accorde à l'Autriche un statut privilégié dans le royaume de
Germanie. Vienne est choisie comme capitale par le nouveau duc de
Babenberg en lieu et place de Klosterneuburg.
1157 : Fondation du sanctuaire de Mariazell au nord-est de la
Styrie. Ce sera le plus important lieu de piété mariale de toute
l'Autriche.
1182 : Le roi de Jérusalem, Baudoin IV, octroie un morceau de
la Sainte Croix à Léopold V, duc de Babenberg (1157-1194). La relique
repose dans l'abbaye de Heiligenkreuz, fondée en 1133.
1192
:
Le duc Léopold
V obtient de l'empereur Henri VI l'investiture de la Styrie. Ainsi
s'amorce, sous l'autorité des ducs d'Autriche, une politique
d'unification de territoires qui sera parachevée au XIVe
siècle.
Vers 1200 : Vienne connaît avec le poète et chanteur de cour
Walther von der Vogelweide l'âge d'or des Minnesänger. Les
Babenberg offrent alors à l'Autriche une première notoriété
musicale européenne.
1241 : L'invasion mongole déferle jusqu'aux portes de
l'Autriche, dans la région orientale du Burgenland, provoquant
l'incendie de la ville d'Eisenstadt. Conséquence de l'invasion :
de nombreuses forteresses seront ultérieurement édifiées dans
cette région pour protéger la frontière orientale autrichienne.
1246
:
Défaite
hongroise à la bataille de la Leitha
au
cours de laquelle Frédéric II le Belliqueux, dernier duc de
Babenberg trouve la mort. Les rois Ottokar II de Bohême et Béla IV
de Hongrie revendiquent le trône laissé vacant en
Autriche.
1254-1273
:
Une période chaotique de deux décennies appelée le « Grand
Interrègne » suit l'extinction de la dynastie impériale des
Hohenstaufen. L'Autriche passe alors
sous
le contrôle d'Ottokar II de Bohême qui entreprend, à Vienne, la
construction de la Hofburg,
le
palais de gouvernement.
De l'avènement des Habsbourg à la Renaissance
1273-1291 : Règne de l'empereur Rodolphe Ier de
Habsbourg. Appartenant à une famille ayant fait partie de la
clientèle des Hohenstaufen, Rodolphe Ier, en mettant la
main sur l'héritage autrichien des Babenberg, devient l'un des
princes territoriaux les plus possessionnés du monde germanique. Il
bénéficie de surcroît du soutien du pape et du roi de Hongrie.
1273 :
Le
comte Rodolphe IV de Habsbourg, petit
suzerain
de quelques fiefs alsaciens
et de
Suisse alémanique, est élu, le
1er
octobre,
roi de Romains.
Le
24, il est couronné roi de Germanie à Aix-la-Chapelle. Sans jamais
recevoir des mains du pape la couronne impériale, il sera reconnu
par tous empereur. Un Habsbourg vient, pour la première fois, d'accéder au trône suprême sous le nom de Rodolphe Ier.
1276 : Mise au ban de l'Empire du
puissant roi de Bohême Ottokar II et à prise de contrôle de toute l'Autriche
par le nouvel empereur Rodolphe Ier de Habsbourg. Vienne acquiert à cette
occasion le privilège d'immédiateté (« Reichsunmittelbarkeit » en
allemand), c'est-à-dire un statut politique de type féodal qui était
traditionnellement accordé dans le Saint Empire romain germanique à une ville,
principauté ou abbaye. « Immédiateté » signifie ici « sans
intermédiaire ». Ce privilège accordé à Vienne eut pour contrepartie de
fournir à l'empereur aide et conseils par les autorités de la ville
1278 :
L'Autriche
et ses dépendances sont incorporées au patrimoine des Habsbourg à
l'issue de la bataille de Dürnkrut, livrée
le 26 août
dans le Marchfeld, et
qui
voit la défaite et la mort du puissant
roi
de Bohême Ottokar II Premyslide.
L'Autriche
allemande vient d'échapper à la menace d'une domination tchèque et
à l'intégration dans le royaume slave voisin.
1288 : Fondation, à
Vienne, de la Sankt-Nikolai-Bruderschaft, première guilde de
musiciens dont la fonction est officiellement « d'honorer Dieu
par l'art ». Elle sera d'une longévité impressionnante
puisqu'elle ne disparaîtra qu'en 1782, sur ordre de Joseph II.
1291 : Mort le 15 juillet de l'empereur Rodolphe Ier.
Le transfert de la dépouille du souverain Habsbourg dans la
cathédrale de Spire, en terre rhénane, témoigne d'un lien de
continuité avec le prestigieux passé impérial germanique puisque
c'est là qu'étaient inhumés la plupart des empereurs allemands,
qui avaient régné depuis le Xe siècle.
1292 : A peine les Habsbourg entrent-ils dans l'Histoire que la
dignité impériale leur échappe : leur puissance territoriale
inquiétant les princes-Electeurs, ces derniers portent leur choix,
le 5 mai, non sur l'héritier de Rodolphe, Albert, mais sur un prince
d'une lignée modeste de Rhénanie, Adolphe de Nassau. Celui-ci est
couronné à Aix-la-Chapelle, le 24 juin.
1298 : N'ayant pas tenu ses promesses faites aux grands
Electeurs, en menant notamment une politique expansionniste,
l'empereur Adolphe est destitué par la diète de Mayence, le 23
juin. Il est vaincu et trouve la mort face aux troupes autrichiennes
d'Albert à la bataille de Göllheim, livrée près de Worms, le 2
juillet. Six jours plus tôt, les princes-électeurs ont précisément élu Albert de Habsbourg, roi des Romains.
1298-1308 : Règne de l'empereur Albert Ier de
Habsbourg. Monté sur le trône du Saint Empire à la faveur des
déconvenues de son rival rhénan, Adolphe de Nassau, le souverain
Habsbourg n'obtiendra l'approbation papale qu'en 1303, non sans
d'importantes concessions, notamment des abandons de souveraineté en
Italie et une sujétion croissante de l'empereur au Saint-Siège.
1308 : Alors que la fin de la dynastie des Premyslides intervient
en 1306 avec l'assassinat du roi Venceslas III, les Habsbourg ne
profitent nullement de cette vacance politique en Bohême (et en
Hongrie) puisque l'empereur Albert est lui-même assassiné le 1er
mai 1308. Pendant plus d'un siècle, le trône impérial et le destin
de la Mitteleuropa (Europe centrale) échappent aux Habsbourg.
1308-1438 : La maison de Luxembourg prend le relais de celle des
Habsbourg pour assurer les rênes du Saint Empire avec trois
souverains (Henri VII de 1308 à 1313, son petit-fils Charles IV de
Luxembourg de 1355 à 1378 et, enfin, Sigismond, fils du précédent,
de 1410 à 1437). Deux autres souverains s'intercaleront durant cette
période : Louis IV (Wittelsbach) de 1313 à 1347 et Robert de
Palatinat de 1401 à 1410.
1309
:
Rattachement de la Bohême à l'empire.
1354
: Avec
la prise de Gallipoli, les Ottomans s'installent pour la première
fois dans la partie européenne de l'empire byzantin et entament la
conquête des Balkans. Douze ans plus tard, Andrinople tombe aux
mains des Turcs. La route du Danube est ouverte.
1355 : Tandis qu'il est élu empereur à la tête du
Saint Empire, Charles IV de Luxembourg intègre à ses possessions
territoriales la Silésie, les Lusaces et la Basse-Autriche. La
Bohême, épicentre de l'empire, devient l’état le plus puissant
et rayonnant d'Europe centrale.
1356 : La Bulle d'or codifie l'élection impériale, confiée à sept Electeurs que sont les archevêques de Cologne, Trèves et Mayence, le duc de Saxe, le roi de Bohême, le comte palatin du Rhin et le margrave de Brandebourg.
1365
:
Investi
du Tyrol par
son beau-père, l'empereur Charles IV de Luxembourg,
le duc Rodolphe IV de Habsbourg, fondateur de la cathédrale
Saint-Etienne,
crée l'université de Vienne sur le modèle de celle de Prague.
1389
:
Vaincus une première fois sur les rives de la Maritza en 1371, les
Serbes sont écrasés par les troupes ottomanes lors de la bataille
dite du « champ des Merles » à Kosovo. Les
Ottomans se rapprochent de l'espace danubien.
1419-1436
:
Guerres hussites en Bohême entre partisans de la réforme et
défenseurs de l'Eglise
catholique romaine.
1420 : Les Turcs brûlent l'église et la ville de Mariazell,
haut-lieu de la culture catholique autrichienne.
1433
:
Achèvement à Vienne de la flèche de la cathédrale Saint-Etienne.
1437 : La mort en décembre de l'empereur et roi Sigismond (de
la maison de Luxembourg) laisse vacants les trônes de Bohême et de
Hongrie ainsi que celui du Saint Empire, sur lequel le souverain
régnait depuis un demi-siècle. Cette vacance permet aux
Habsbourg, après plus d'un siècle d'éclipse impériale, d'opérer
un éclatant retour sur la scène politique d'Europe centrale dans la
mesure où le gendre du souverain défunt n'est autre que le duc
d'Autriche, Albert V de Habsbourg.
1438-1439 : Règne de l'empereur Albert II de Habsbourg. Malgré
la brièveté du règne, avec Albert II, une nouvelle carte de
l'espace danubien se dessine, qui prendra un siècle plus tard un
caractère durable : l'Autriche, la Bohême et la Hongrie se
trouvent unies – depuis Vienne – sous un même sceptre.
1438 :
Tandis
que la diète magyare reconnaît en janvier le duc Albert d'Autriche
comme roi de Hongrie et qu'au printemps, la diète pragoise reconnaît
le même duc d'Autriche comme roi de Bohême, le collège impérial,
réuni à Francfort, l'élit à la tête du Saint Empire sous le nom
d'Albert II. Pour la première fois depuis 1308, les Habsbourg se
retrouvent mêlés aux destinées du trône impérial, trône qu'en
réalité, ils ne devaient plus quitter – excepté un bref aparté
en 1742-1745 – jusqu'en 1918.
1439 : De retour d'une campagne contre les Ottomans, l'empereur
Habsbourg s'éteint en octobre en terre hongroise. Son cousin
Frédéric de Styrie lui succède.
1440-1493
:
Règne de l'empereur Frédéric III de
Habsbourg.
Tandis
que la Bohême de Georges Podebrady et la Hongrie de Matthias Corvin
retrouvent une « autonomie nationale », et voyant le
formidable héritage albertin se dérober sous ses pieds, l'empereur
Habsbourg se résout à consolider la base territoriale originelle de
l’Etat autrichien, c'est-à-dire la Basse-Autriche, l'Autriche
intérieure et ses prolongements adriatiques (acquisition du port de
Trieste puis de Fiume en 1471) à un moment où, à l'ouest, la
Vorderösterreich et le Tyrol, berceau de la dynastie Habsbourg,
échappent au contrôle de Vienne. L'empereur Frédéric III, malgré
ses faiblesses, aura une haute idée de la maison d'Autriche, résumée
dans la formule ou sigle AEIOU, Austriae
Est Imperare Orbi Universo
(« Il appartient à l'Autriche de gouverner le monde entier »).
1440 : Le prince Habsbourg Frédéric de Styrie est élu roi de
Germanie par le collège des princes-Electeurs sous le nom de
Frédéric III.
1452 : Frédéric III est officiellement intronisé à la tête
du Saint Empire. Il sera d'ailleurs le dernier empereur à se faire
couronner à Rome.
1453 :
La
« deuxième Rome », Constantinople, tombe aux mains des
Turcs. Le surcroît de prestige obtenu par les Ottomans marque le
début d'une lutte de longue haleine pour le contrôle de l'ensemble
de l'espace danubien aux dépens d'une Chrétienté appelée à être
de plus en plus divisée.
1477 :
Souhaitant
étendre son influence au-delà du cadre alpin de l'héritage
historique des Habsbourg, l'empereur
Frédéric
III unit, le
18 août, son
fils Maximilien à Marie de Bourgogne, héritière de Charles le
Téméraire, mort
quelques mois plus tôt.
La puissance patrimoniale des Habsbourg s'agrandit ainsi
de
la « franche » comté de Bourgogne et des Pays-Bas.
Matthias
Corvin rendra hommage aux desseins matrimoniaux de l'empereur
Frédéric III dans ces vers : « Que d'autres fassent la
guerre ; toi, heureuse Autriche, tu conclues des mariages. Et
les royaumes que Mars donne aux autres, c'est Venus qui te les
donne. » L'histoire se chargera, certes, d'apporter un sérieux
démenti à cette vision quelque peu irénique. Il n'en reste pas
moins qu'est ici présente en germe l'idée d'un empire chrétien
universel, idée que cherchera à concrétiser, en vain, Charles
Quint, au siècle suivant.
1482 : Défenseur de l'indépendance de la Hongrie face à
l'Autriche, et poursuivant une politique expansionniste, le roi de
Hongrie Matthias Corvin se lance à la conquête de la
Basse-Autriche, avec Vienne comme objectif.
1485 :
Matthias
Corvin entre triomphalement dans Vienne où il reçoit un serment de
fidélité des autorités municipales. Le roi de Hongrie fait
installer sa brillante cour dans la capitale autrichienne et y
développe les artefacts de l'esprit renaissant. Avec la formule
Aller
Erst Ist Österreich Verloren (« Avant tout, l'Autriche est perdue ! »), la devise AEIOU est immédiatement tournée en dérision par les Viennois qui
expriment là, la profonde défiance qu'ils ont toujours manifestée à
l'égard de Frédéric III. C'est donc à l'initiative des Hunyadi et
non des Habsbourg que le vaste ensemble territorial de l'époque
d'Albert II vient d'être partiellement reconstitué. La même année,
le margrave Babenberg du début du XIe
siècle, Léopold III, auteur de nombreuses donations au clergé
autrichien, est canonisé par l’Eglise de Rome. Il sera
officiellement le saint patron de la Basse-Autriche en 1665.
1490 : La mort, à Vienne, de Matthias Corvin provoque le retour
en Basse-Autriche de l'archiduc Maximilien.
1491 :
Souhaitant
reconstituer l'ancien empire d'Albert II,
Frédéric
III
signe avec
le roi de Hongrie et de Bohême, Vladislas Jagellon, un
traité de
paix
stipulant
qu'en cas de vacance du trône des Jagellon, la diète hongroise
devrait choisir le nouveau souverain parmi les héritiers de
Maximilien. Ainsi sont posées les bases d'une puissance
habsbourgeoise intégrant en Europe centrale la Hongrie et la Bohême.
Cette cohésion géopolitique danubienne sous le sceptre unificateur
des Habsbourg sera effective à l'extinction des Jagellon en 1526.
Elle perdurera quatre siècles.
1493-1519
:
Règne
de l'empereur
Maximilien
Ier
de
Habsbourg.
Au
même titre que Ferdinand II d'Aragon, le souverain Habsbourg incarne
toutes les vertus du prince de Machiavel. Non
seulement il est, avec Georg von Frundsberg, l'un de ses meilleurs
capitaines, à l'origine de la formation des « lansquenets »,
ces redoutables fantassins armés de pique qui s'illustreront
notamment sur les champs de bataille italiens, mais il se passionne
pour les arts et les lettres, organisant à Vienne des fêtes
somptueuses sur le modèle des cours italiennes. Il s'entoure
d'humanistes et d'artistes allemands de renom comme Ulrich von Hütten
ou Albrecht Dürer (qui réalisera le célèbre portrait de
l'empereur), sans parler d'un des plus illustres musiciens européens
de la Renaissance, Josquin des Prés, qu'il
fait venir à Vienne.
Aux
yeux de Maximilien, il
est nécessaire
que la
capitale de l'Autriche se
pare d'une communauté musicale de haut niveau composée de chanteurs
et d'instrumentistes internationaux. Surnommé
« Maximilien Sans le Sou », en raison des difficultés
financières chroniques de la monarchie autrichienne, le
souverain
n'en sera pas moins à l'origine d'un embryon d'administration
centralisée. Non seulement, à partir de l'empereur Maximilien, la
validation du titre impérial n'est plus subordonnée au couronnement
à Saint-Pierre de Rome (il
s'agit désormais d'une
démarche élective des princes réunis à Francfort),
mais, par
un savant jeu d'alliances matrimoniales, les
rêves de puissance du
souverain deviendront
au XVIe
siècle une réalité géopolitique. L'empereur
Maximilien
ouvre
en effet une période qui permettra
aux
Habsbourg, sur
le temps long, de rayonner sur un vaste espace allant de l'Alsace aux
Carpates et des Hautes-Alpes à l'Adriatique. L'Autriche
en sera le noyau politique et, surtout, moral.
1496 :
Obéissant
à une stratégie
matrimoniale visant
à contenir les appétits français en Italie,
l'empereur Maximilien marie son fils Philippe à Jeanne, héritière
d'Isabelle de
Castille
et de Ferdinand II
d'Aragon
(Rois
catholiques d'Espagne).
Cette alliance matrimoniale sera à la base du futur empire européen
des Habsbourg au XVIe
siècle.
1500 :
Naissance
au Prinzenhof
de Gand, en Flandre, du futur Charles Quint, fils de Jeanne de
Castille et du prince Habsbourg Philippe le Beau.
1506 : La mort de Philippe le Beau fait du jeune Charles de Gand
(Habsbourg) l'héritier présomptif de la couronne d'Espagne en même
temps que l'héritier direct de son grand-père Maximilien en
Autriche.
1508 :
Couronnement
de l'empereur Maximilien à Trente. L'expression de « Saint
Empire » romain germanique (Heiliges
Römisches Reich deutscher Nation)
s'impose.
1515 : En la cathédrale Saint-Etienne
de Vienne est solennisé le pacte de « succession mutuelle »
initié en 1491 entre Habsbourg et Jagellon.
Entre déchirures religieuses et menaces ottomanes
1517 :
Le
moine
augustin Luther publie ses quatre-vingt-quinze thèses à Wittenberg
dressant l'opinion allemande contre Rome. Très
rapidement, les prédications luthériennes, en provenance de Saxe,
pénètrent dans l'espace danubien où, logiquement, les
populations germanophones sont les premières touchées. C'est le
cas en Bohême, en Moravie, mais aussi en Autriche et, notamment, à
Vienne, qui sera à la fin du siècle à 75 % luthérienne.
1519-1556
:
Règne
de l'empereur
Charles
Quint de
Habsbourg.
Alors
qu'il est roi de Castille depuis 1516, le jeune prince Habsbourg,
dont le père est mort en 1506 et la mère déficiente mentalement,
s'est trouvé propulsé, à 19 ans, par
héritages cumulés, sur
le devant de la scène européenne à la tête d'un ensemble
territorial impressionnant qui s'étend de Séville à Vienne et de
Bruges à Prague. En lutte sur trois fronts (le roi de France, la
Sublime Porte ottomane et le protestantisme au nord de l'Europe), le
souverain Habsbourg se voudra le champion d'un
orbis christianus europeanus,
dessein qui se révélera, in
fine, un
échec.
1519
: Alors
que le 12 janvier s'éteint, à Wels, en Autriche, l'empereur
Maximilien Ier,
son petit-fils Charles est élu, le 28 juin,
à Francfort, roi
des Romains et empereur à la tête du Saint Empire romain germanique
sous le nom de Charles Quint. A l'origine du choix des princes-Electeurs, il y eut, à n'en pas
douter, la prise de conscience de la nécessité de recourir à un
prince suffisamment puissant pour stopper la progression inquiétante
des Turcs vers le cœur
de l'Europe danubienne.
1521
: Les
Turcs s'emparent de Belgrade dont
la forteresse constituait l'essentiel du dispositif de défense de la
Hongrie. Dans le souci de simplifier le gouvernement du très vaste
territoire dont il a la charge, Charles Quint confie à son frère
cadet, l'archiduc Ferdinand, l'administration de la Basse-Autriche et
de l'Autriche intérieure (Styrie, Carinthie, Carniole).
1522
:
Traité de Bruxelles par lequel Charles Quint ajoute
aux fonctions de
son frère,
Ferdinand, la
gestion de l'Autriche antérieure (Vorderösterreich), du Tyrol et du
Wurtemberg.
Ferdinand devient gouverneur ou lieutenant de l'empire et épouse à
Linz Anne Jagellon de Hongrie, dont le frère, Louis II, épouse, en
guise de mariage croisé,
Marie (sœur
de Charles Quint et de Ferdinand).
1526
: Le
29 août, les Turcs remportent en Hongrie une éclatante victoire
à la bataille de Mohacs au cours de laquelle le roi de Hongrie Louis
II Jagellon, lui-même,
trouve
la mort. Les
Ottomans sont désormais installés au cœur
de l'espace danubien et entendent bien poursuivre leur progression en
direction de Vienne. Le roi défunt de Hongrie n'ayant
pas d'héritier, l'ensemble de ses
possessions souveraines passent, comme
convenu,
entre les mains de la maison
des Habsbourg. C'est
la
véritable naissance de la monarchie
autrichienne qui rassemble pour la première fois sous une même
autorité (celle de Ferdinand de Habsbourg) les pays de la couronne
de Bohême, l'Autriche (haute et basse) et la couronne
de Hongrie-Croatie.
1528
:
Alors
que le XVIe
siècle a globalement épargné l'Europe danubienne des violences
religieuses observées en Allemagne, en France ou aux Pays-Bas, le
seul acte significatif et violent en Autriche, durant cette période,
concerne la décapitation
en
place publique,
à Vienne, du
chef anabaptiste
Balthazar Hubmaier.
1529
:
Tandis
que c'est aux Habsbourg qu'incombe la tâche de contenir la poussée
ottomane en Europe centrale, Soliman le Magnifique, à la tête de
120 000 hommes met, en septembre, le siège devant Vienne. Après
dix-huit jours de résistance, la capitale autrichienne est sauvée.
Elle restera toutefois sous la menace d'une nouvelle offensive
ottomane pendant encore un siècle et demi.
1532
:
A Güns, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Vienne, la
résistance
d'une petite garnison face à toute une armée ottomane contraint
le sultan à la retraite et permet
ainsi de
sauver le cœur
de l'empire. La Styrie et la Slavonie, plus périphériques, sont
dévastées.
1541
:
Prise de Buda par les Turcs.
1545-1563
:
Concile de Trente, aux origines de la contre-réforme catholique
engagée en Europe par l'Eglise
de Rome.
1552
:
Installation des jésuites à Vienne.
1555
: La
signature par Charles Quint de la paix d'Augsbourg scelle une paix de
compromis qui traduit, en
définitive, l'échec
du rêve d'une république
chrétienne universelle et entérine une durable division de l'espace
germanique entre des contrées septentrionales désormais acquise à
la Réforme et des régions, au sud, qui constituent, comme
l'Autriche, le bastion avancé de la contre-réforme catholique. La
paix d'Augsbourg voit triompher le
principe
Cujus regio, ejus religio
: les sujets adoptent une religion conforme à celle de leur prince.
1556
:
Abdication
de Charles Quint. On
distingue désormais un domaine des Habsbourg d'Espagne (comprenant, sous la férule de fer de Philippe II, fils de l'empereur déchu, les
possessions espagnoles, néerlandaises, bourguignonnes et italiennes)
et un domaine des Habsbourg d'Autriche, où Ferdinand hérite de son
frère du titre d'empereur sous
le nom de Ferdinand Ier.
Ce dernier ne régnera,
toutefois, que sur les pays germaniques et la Bohême, ne parvenant
nullement à imposer son pouvoir à la totalité de l'ancien royaume
médiéval de Hongrie-Croatie dont il a, depuis 1526, en principe,
hérité.
1556-1564
:
Règne
de l'empereur
Ferdinand
Ier
de
Habsbourg,
marqué
par la mise en place, à Vienne, d'une administration centrale
performante. Si,
dans l'ensemble des pays héréditaires de
la monarchie,
le souverain ne pourra empêcher l'afflux massif de pasteurs formés
à Wittenberg (en
Allemagne),
ainsi qu'une conversion non moins notable de la noblesse au
protestantisme, c'est
néanmoins sous
son règne que commence la reconquête catholique de la Mitteleuropa.
1556 : Création, à Vienne, par l'empereur Ferdinand Ier, du Hofkriegsrat, le Conseil de guerre chargé des affaires
militaires et du financement de la guerre. Cette création parachève
celles mises en œuvre depuis l'époque de Maximilien Ier,
à savoir la Hofkanzlei (la chancellerie de cour), le Hofsrat
(le Conseil aulique, instance judiciaire supérieure) et la
Hofskammer (la chambre chargée d'administrer les revenus de
la couronne).
1558 : Mort de Charles Quint dans le monastère hiéronymite de
Yuste (Estrémadure).
1560
:
Achèvement à Vienne du mur d'enceinte.
1564-1576
:
Règne
de l'empereur Maximilien II de
Habsbourg.
La liberté religieuse, d'inspiration
érasmienne,
que le
nouveau souverain Habsbourg
promeut, tranche avec la politique de son père et de son oncle et
inquiétera son entourage ainsi
que
la papauté. Cela
vaudra
même
au souverain le
sobriquet, sans doute excessif, d'« enfant terrible des
Habsbourg ».
1564 : À la mort, à
Vienne, de l'empereur Ferdinand Ier, l'héritage est
partagé entre ses trois fils, en vertu du vieux système germanique
de partition du pouvoir. L'aîné, Maximilien, conserve la dignité
impériale ainsi que la souveraineté sur la Bohême et la
Basse-Autriche, tandis que Ferdinand hérite du Tyrol et de l'Alsace
(Autriche antérieure) et que le cadet, Charles, reçoit la Styrie,
la Carinthie et la Carniole (Autriche intérieure).
1568
:
La paix d'Andrinople consacre le partage de la Hongrie entre
l'Autriche, les Turcs et une Transylvanie devenue protectorat
ottoman.
1569 : Maximilien II reconnaît le libre exercice du culte
évangélique aux nobles de Basse-Autriche dans leurs domaines. Si
l'empereur Habsbourg conserve dans son entourage des conseillers
protestants et des humanistes appelés Hochchristen (chrétiens
de cour), et s'il applique, par ailleurs, les décrets tridentins de
manière tout à fait sélective, on ne saurait pour autant en faire
un crypto-luthérien. Plein d'aversion pour les progrès du
calvinisme, il reste fidèle à certains sacrements et à la
vénération des reliques. En fait, profondément attaché aux idées
érasmiennes, il cherche avant tout, dans un souci d'équilibre et de
réconciliation, à s'élever au-dessus des frontières
confessionnelles tranchées.
1572
:
Fondation à Vienne de l'Ecole
espagnole d'équitation.
1576-1611
: Règne de l'empereur Rodolphe II de
Habsbourg.
Derrière
ce souverain adonné aux plaisirs ésotériques, le visage enserré
dans une collerette, comme pour soutenir son menton proéminent –
marque de fabrique morphologique des Habsbourg depuis le XVe
siècle – se profile un prince possédant une très haute idée de
la dignité impériale et de la fonction assignée par la Providence
à la maison d'Autriche. Médiocre chef militaire, Rodolphe II sera
un protecteur avisé des arts et des lettres.
1579 : Alors que la fin du XVIe siècle correspond à
un renouveau du catholicisme encouragé par le concile de Trente, la
progression du protestantisme dans l'empire des Habsbourg se trouve
progressivement enrayée grâce à une élite ecclésiastique
autrichienne désormais formée à Rome. En 1579 a lieu le premier
cas d'expulsion (à Gorizia, aux portes de l'Italie) d'une minorité
protestante hors de l'empire. Le phénomène se répète ensuite à
Graz en Styrie, à Lavant en Carinthie, puis à Vienne, grâce aux
efforts de Monseigneur Khesl, qui parvient à faire de la capitale
autrichienne un bastion de la contre-réforme catholique. Vers 1600,
les protestants récalcitrants seront sommés de choisir entre la
conversion ou l'exil. Tout en manifestant une profonde aversion à
l'encontre du luthéranisme, le catholicisme de Rodolphe II ne s'en
différencie pas moins de celui, tridentin, qui imprègne, au même
moment, la cour de Madrid où le souverain a grandi.
1582
:
Prenant prétexte d'un tremblement de terre à Vienne, Rodolphe II
décide de transférer la cour impériale à Prague (au château
royal du Hradchin) qui va redevenir pour trois décennies la capitale
et le centre de gravité de l'empire.
1593 : Nourrissant l'espoir de rassembler les chrétiens par la
persuasion, et s'inscrivant à sa façon dans la geste de Charles
Quint, Rodolphe II décide la reprise de la guerre contre les Turcs.
1599 : Le renouvellement par l'empereur Habsbourg de tous les grands officiers du royaume de Bohême ne concerne plus que des
catholiques.
1606 : Tandis qu'une alliance est scellée en Hongrie entre le
prince calviniste Bocskai et les Turcs, l'archiduc Matthias, frère
de Rodolphe II, craignant de perdre définitivement le territoire
magyar, n'hésite pas, en juin, à signer un compromis avec les magnats
hongrois. Cinq mois plus tard, le même Matthias, contre l'avis de
son royal frère, conclut avec les Turcs la paix de Zsitva Torok.
1608 : Matthias se fait élire en novembre roi de Hongrie par la diète, tout en obtenant le trône d'Autriche. Rodolphe II ne conserve plus
que la Bohême, la Lusace et la Silésie. On voit bien que les
divisions politiques ne se calquent plus sur le modèle
confessionnel puisque deux princes catholiques Habsbourg s'affrontent
pour le pouvoir.
1609 : Alors que Matthias n'hésite pas à prendre la tête de
troupes réunies par les ordres protestants pour marcher sur Prague
et détrôner sont frère, la noblesse tchèque en profite pour
imposer à Rodolphe II la reconnaissance officielle et écrite de la
tolérance religieuse. C'est la fameuse « Lettre de Majesté » du 9
juillet 1609, édictée par le roi et qui va constituer, autant
l'aboutissement d'un processus amorcé au XVe siècle que
le point de départ d'une tragique phase de convulsion qui débouchera
sur la guerre de Trente Ans.
1611
:
La santé mentale de l'empereur se dégradant, son frère Matthias
parvient à se faire nommer à la tête d'une régence qui sera de
courte durée, puisque le souverain impérial abdique le 11 novembre
et meurt quelques mois plus tard, le
20 janvier 1612.
1612-1619
:
Règne
de l'empereur Matthias
Ier
de Habsbourg.
La
monarchie autrichienne est plus affaiblie et fragmentée que jamais.
On peut alors parler d'une fédération de diètes plus que d'une
véritable monarchie.
1612 : Bien qu'il ait prévu de respecter les engagements de la
Lettre de Majesté, l'empereur Matthias prend la décision de quitter
Prague pour réinstaller la cour et le pouvoir à Vienne.
1618
:
Tandis
que le prophète silésien Christoph Kotter, décryptant
l'Apocalypse, n'hésite pas à prédire la fin des Habsbourg à
un moment où le camp réformé atteint une puissance qu'il n'a
jamais eue en Europe centrale,
la
défenestration de Prague, en
mai 1618 (deux lieutenants royaux et
leur secrétaire précipités
dans le vide depuis les fenêtres du palais par des chefs
protestants) marque le premier acte de la guerre de Trente Ans. Les
trois victimes ayant eu, grâce aux feuillées, la chance de s'en
sortir vivants puis de quitter Prague, le camp catholique n'hésitera
pas à crier au miracle. Par crainte de voir se reproduire à
l'intérieur de la maison d'Autriche la rupture qui était intervenue
aux Pays-Bas en 1566, l'empereur Matthias déclenche, dès l'été
1618, des opérations militaires en Bohême, lesquelles déboucheront
sur une impasse.
La
même année, l'opéra – théâtre
chanté né en Italie – fait son apparition à Vienne.
1619-1637
: Règne de l'empereur Ferdinand II de
Habsbourg.
Succédant
à son cousin Matthias,
mort sans héritier, le nouveau souverain impérial est d'emblée
destitué comme roi de Bohême au profit de l'électeur palatin
Frédéric V. Ferdinand II,
se voudra
le champion de la contre-réforme et
le défenseur d'un
catholicisme de combat.
1619 : Alors que, le 20 mars, s'éteint à Vienne l'empereur
Matthias, les protestants, après s'être emparés de la Moravie en
mai, menacent cette fois directement la capitale autrichienne. C'est
que l'année 1619 a failli voir les prophéties millénaristes
calvinistes se produire. En effet, Vienne est assiégée et prise en
tenaille, d'une part par les forces fédérées de Lusace, de
Silésie, de Bohême et de Moravie, d'autre part par les protestants
de Haute et Basse-Autriche, enfin, et surtout, par les forces du prince
calviniste de Transylvanie, Gabriel Bethlen. Ce dernier est assuré
d'être le champion devant faire tomber le papisme tant honni depuis
plus d'un siècle, et qu'incarnent, à Vienne, les Habsbourg. Comme
plus tard, en 1848-1849, le salut des Autrichiens va venir de l'est,
en l'occurrence des « cosaques » ou cavaliers d'Ukraine
polonaise, ces derniers étant dirigés par le magnat catholique Druget de Homona immédiatement érigé, à Vienne, en héros. Dès
le départ, le conflit a une dimension européenne puisque le roi
d'Espagne, lui-même champion de la cause catholique, décide
d'intervenir depuis les Pays-Bas espagnols et le Milanais, pour
soutenir massivement l'empereur Habsbourg de Vienne.
1620
: Eclatant
succès remporté,
le 8 novembre, par
les
forces impériales combattant au nom de Ferdinand II lors de la
bataille, restée légendaire, de la Montagne blanche, aux portes de
Prague. Frédéric
quitte la Bohême : il est resté pour l'histoire le
« Winterkönig »,
le roi d'un hiver.
1621 :
Mise
au ban de l'empire de Frédéric V.
1627
:
En vertu de la Constitution
renouvelée,
la monarchie devient héréditaire dans la famille des Habsbourg, et
la Bohême perd une grande partie de ses privilèges. A
l'exception des juifs qui jouissent de la protection impériale, tout
le royaume de Bohême est redevenu catholique. En Haute-Autriche, où les
premières expulsions datent de 1624, le catholicisme est rendu
obligatoire l'année suivante, et la noblesse doit, en 1627, choisir
entre la conversion ou l'exil.
1628-1629
:
Victoires militaires des généraux de Ferdinand II, Tilly et
Wallenstein.
1629
:
Les
Habsbourg de Vienne peuvent
s'appuyer sur l'édit de restitution pour imposer la rétrocession à
l’Eglise catholique de tous les biens ecclésiastiques, bénéfices
et abbayes, sécularisés depuis 1552. La
paix d'Augsbourg est mise à mal.
1630-1632 :
Après l'éviction et la mise au ban de l'empire de Frédéric V en
1621, après la défection du Danemark en
1629,
la cause protestante trouve, en
1630, un
autre champion, rapidement identifié au « Lion du Nord »
annoncé par les prophéties, en la personne du roi de Suède,
Gustave II Adolphe, lequel
est encouragé
par certains princes protestants allemands comme,
en sous-main, par les agents de Richelieu. Le
roi luthérien
se révélera le plus redoutable chef de guerre du premier XVIIe
siècle européen. Les noms de Breitenfeld et de Lützen, où il
trouve la mort, en
1632,
à la tête de son armée, résonnent comme autant de violentes
défaites militaires infligées aux catholiques.
1634
:
Assassinat de Wallenstein sur ordre de l'empereur Ferdinand
II. Le souverain Habsbourg subit
alors
fortement
la
double influence
des jésuites
et du « parti espagnol » de la Cour, inquiets des
propositions de compromis entre protestants et catholiques émises
par le brillant général, fondateur
de l'armée autrichienne moderne.
1635
:
Après
dix-sept années de guerre qui ont littéralement épuisé et ruiné
les belligérants, l'empereur Ferdinand II signe, le 30 mai, le
traité de Prague qui vise à suspendre l'édit de restitution pour
une période de quarante ans. Les puissances étrangères – au
premier rang desquelles la France, qui s'estime totalement lésée –
ne l'entendent toutefois pas ainsi. Après s'être engagée par
procuration pendant une décennie, la France de Louis XIII et de
Richelieu entre, en mai 1635, dans la guerre ouverte contre les
Habsbourg de Vienne et de Madrid. Le conflit devient véritablement
européen : treize années seront encore nécessaires pour
parvenir à une paix définitive et durable.
1637 : Mort à Vienne de l'empereur Ferdinand II dont le
caractère impitoyable et féroce s'est plus rapproché, en
définitive, de celui des dignitaires de Madrid que de ses
prédécesseurs viennois.
1637-1658
:
Règne
de l'empereur Ferdinand III de
Habsbourg.
Le
souverain poursuit
la lutte engagée par son père tout en laissant la porte ouverte aux
négociations, désireux de satisfaire au mieux les intérêts
de la maison
d'Autriche après deux décennies de conflit.
1645
:
Défaite des troupes impériales à la bataille de Jankau (Bohême).
Vienne est menacée par les Suédois
qui envahissent la Basse-Autriche et assiègent Brno.
1648
:
Signature des traités de Westphalie qui marquent la fin de la guerre
de Trente Ans et entérinent le principe
cujus regio, ejus religio, qui
veut que la confession des sujets d'un pays soit en conformité avec
celle de leur prince.
Avec l'indépendance de la Confédération helvétique, les Habsbourg
de Vienne perdent définitivement la terre de leurs ancêtres. Le
traité stipule, par
ailleurs, la
cession à la France d'un certain nombre de leurs possessions
héréditaires d'Autriche antérieure (Vorderösterreich)
en Haute-Alsace et dans le Sundgau, en plus de l'abandon des terres
d'empire en Basse-Alsace. La diète de Prague fixe une fois pour
toutes, à l'empereur Habsbourg, les limites de son autorité en
reconnaissant une pleine souveraineté aux princes territoriaux. Avec
les traités de Westphalie, un nouvel ordre européen est né :
le traumatisme des guerres de religion a accouché du jus
publicum europaeum,
l'établissement d'un droit des gens en Europe qui met fin au
caractère absolu et illimité des conflits religieux. Ce droit
reconnaît pleinement la souveraineté des Etats
et la légitimité des conflits limités pour régler les différends.
Les vaincus seront désormais admis à la table des négociations,
évitant ainsi toute rancœur
ou idée de revanche. Cet ordre européen sera définitivement
caduc après 1918.
1658-1705
:
Règne
de l'empereur Léopold Ier
de
Habsbourg
qui
va incarner l'absolutisme habsbourgeois et
l'idéal du prince chrétien,
dans
une époque où les Ottomans ont, une dernière fois, fait trembler
Vienne et où Louis XIV établit son hégémonie en Europe.
Peu
porté sur la chose militaire, l'empereur apparaît volontiers comme
un souverain imprégné de culture et de sciences. Il saura, en
revanche, s'entourer de capitaines d'armées, parmi les plus
talentueux d'Europe, tels Montecuccoli, Charles de Lorraine et, surtout, le prince Eugène.
1664
:
Tandis que l'Autriche est à nouveau menacée par les armées du
sultan, Raimundo Montecuccolli, qui commande une armée
internationale constituée de contingents autrichiens, hongrois,
saxons et brandebourgeois, en même temps que de six mille Français
envoyés par Louis XIV,
écrase, le
1er
août,
les forces ottomanes lors de la bataille du Raab, dite aussi « de Saint-Gothard ».
1665
:
L'Autriche antérieure (Vorderösterreich),
amputée de l'Alsace, revient dans le giron souverain des Habsbourg.
Le très populaire margrave du XIe
siècle, Léopold III,
beau-frère de l'empereur germanique Henri IV, canonisé en 1485,
devient officiellement le saint patron de l'Autriche. Ce
saint catholique est fêté le 15 novembre.
1676 : Affichant une piété et une grande ferveur religieuse,
l'empereur Léopold Ier consacre ses Etats
à la Sainte Vierge, promue en 1676 « généralissime en temps
de guerre et plénipotentiaire dans les négociations de paix ».
1683
:
Le
grand vizir Kara Mustafa, grisé par les succès diplomatiques et
militaires remportés en Hongrie, se résout, en juillet, à
intervenir plus à l'ouest et à marcher sur Vienne, surnommée la « pomme d'or ». Cent cinquante-quatre ans après, c'est
le second
siège de la
capitale autrichienne
par les forces ottomanes. Alors que la ville résiste
depuis soixante jours,
défendue avec
acharnement par
les
11 000 hommes du
comte Starhemberg auxquels
se sont joints les milices du bourgmestre Liebenberg,
le duc Charles V de Lorraine, à
la tête de l'armée impériale,
et le roi de Pologne Jean III Sobieski unissent leurs forces pour
remporter, le
11 septembre, contre
les Turcs la victoire décisive du Kahlenberg. Après
un siège tenace qui ébranla la conscience des Européens, Vienne
est définitivement sauvée et la monarchie autrichienne avec. A
partir de ce moment, la vague ottomane connaît
un reflux qui ne cessera plus, l'Autriche engageant une reconquête
méthodique de l'Europe danubienne et
balkanique.
Le
spectre d'une invasion ottomane, qui aura duré un siècle et demi,
est enrayé. La reconquête de la Hongrie peut commencer. Dès le 16
octobre, la prise d'Esztergom, l'ancienne capitale du royaume de
Hongrie, par Charles de Lorraine, en constitue le prélude.
Du Baroque aux Lumières
1684
: Constitution, à l'instigation de l'empereur Léopold Ier,
de la Sainte-Ligue (Venise, le Saint-Siège, la Pologne et des
principautés allemandes), engageant la monarchie autrichienne dans
un conflit prolongé contre l'Empire ottoman. Première édition du
manuel d'économie politique de Johann Joachim Becher, Österreich
über alles, wann es nur will (L'Autriche au-dessus de tout, pourvu
qu'elle le veuille), qui inspirera tous les souverains Habsbourg
du XVIIIe siècle.
1686
: Buda, « le bouclier de l'Islam » comme l'appelaient les
Turcs, tombe à son tour, libérée par le prince Eugène et par le
duc de Lorraine, à la tête d'une armée composée de soldats de
toutes les nationalités.
1687
: Après 161 ans d'occupation turque, la ville de Mohacs est reprise
par le prince Eugène. La diète hongroise vote, en témoignage de
reconnaissance, le principe de l'hérédité de la couronne de
Hongrie dans la maison de Habsbourg. La Transylvanie se place sous la
protection habsbourgeoise.
1688 : Après 167 ans d'occupation ottomane, Belgrade est, quant à elle, une première fois libérée par les forces du prince Max-Emmanuel de Bavière. Au lendemain de la défaite
du Kahlenberg devant Vienne pour les Turcs, le Grand Sultan de l'Empire
ottoman, Mehmed IV, fit envoyer un émissaire à Belgrade ou s'était replié le
Grand Vizir vaincu, Kara Mustafa. Celui-ci accepta le lacet de soie apporté par
l'émissaire et avec lequel, selon la tradition ottomane, devaient être
étranglés les dignitaires vaincus du Croissant. Le Grand Vizir sera ensuite
décapité par les janissaires sur ordre de l'émissaire du Sultan. La tête du vizir est rapportée à Vienne, au cardinal de Collonitz, lequel en fait présent au magistrat de la ville pour qu'elle demeure déposée dans l'Arsenal.
1689 :
En accord avec l'Angleterre, pour briser toute tentative d'hégémonie
de Louis XIV sur le continent, l'empereur Léopold Ier
participe à la guerre de la ligue d'Augsbourg, déclenchée en 1689
et qui mobilise, à l'ouest de l'Europe, des forces autrichiennes
considérables aux dépens de la lutte à poursuivre au sud du Danube
contre la Sublime Porte. Cette conflagration européenne retardera de
dix ans la conclusion de la paix avec les Turcs.
1697
: C'est à Zenta que l'armée du prince Eugène de Savoie renoue avec
le succès en infligeant aux forces ottomanes une écrasante et
humiliante défaite. Suivant la formule des Turcs eux-mêmes, l'armée
du sultan vient de connaître là, son « jour de deuil ».
1698
: Ministre et généralissime transformé en riche mécène, le
prince Eugène de Savoie fait construire à Vienne un palais,
l'Himmelpfortsgasse et surtout le palais d'été du Belvédère
(dû à l'architecte Lukas von Hildebrandt) qui fait alors
concurrence à Schönbrunn.
1699 :
La paix de Karlowitz scelle la libération de la Hongrie historique,
avec la Transylvanie, mais sans le Banat de Temesvar. La même année
sont célébrées les premières grandes festivités dans la partie
centrale du palais de Schönbrunn, achevé six ans plus tôt.
L'empereur Léopold Ier avait confié à l'architecte
Fischer von Erlach le soin de bâtir un nouveau palais qui se devait
d'être, à Vienne, l'équivalent du Versailles de Louis XIV.
1700 :
Comme en 1689, le déclenchement de la guerre de Succession d'Espagne
mobilise les forces autrichiennes sur deux fronts et entraîne un
ralentissement de la progression des Habsbourg au sud du Danube
contre l'Islam ottoman.
1705 :
Mort de l'empereur Léopold Ier après un règne d'une
durée exceptionnelle de 47 ans. La méthode de gouvernement de
l'empereur aura été calquée sur celle, absolutiste, de l’Etat
louis-quatorzien. En près de cinq décennies de règne, la fiscalité
autrichienne aura quadruplé, l'accroissement des impôts permettant
notamment d'augmenter les effectifs de l'armée impériale, lesquels
sont passés de 10 000 hommes en 1618, au début de la guerre de
Trente Ans, à plus de 120 000 hommes en 1705.
1705-1711
: Règne de l'empereur Joseph Ier de
Habsbourg. Le nouveau souverain Habsbourg, fils de Léopold Ier,
est confronté à deux guerres, l'une d'ampleur
européenne (la guerre de Succession d'Espagne) et l'autre, plus
circonscrite, aux portes de l'Autriche, à savoir la guerre
d'indépendance menée par le chef hongrois Rakoczi (soutenu par la
France de Louis XIV) contre les Habsbourg.
1707 :
A l'occasion d'une diète tenue à Onod, les chefs de la révolte
hongroise proclament la déchéance des Habsbourg.
1711 :
La paix de Szatmar clôt l'épisode insurrectionnel hongrois. Après
deux siècles d'occupation ottomane et de guerre, la Hongrie retrouve
enfin la paix dans le cadre de ses frontières historiques, mais sous
la férule de Vienne. Elle s'insère désormais dans l'ensemble
habsbourgeois, la Gesamtösterreich, « l'Autriche
unie ».
1711-1740
: Règne de l'empereur Charles VI de Habsbourg. L'Autriche,
renforcée par la reconquête de la Hongrie, devient le relais de
l'Italie pour la propagation du baroque.
1711
: La Pummerin, l'énorme bourdon de la cathédrale
Saint-Etienne de Vienne, est fondue avec le bronze de cent
quatre-vingts canons pris aux Turcs.
1713
: L'empereur Charles VI organise, par la Pragmatique Sanction, l'éventuel accès au trône d'une fille (ce sera Marie Thérèse). Moyennant
l'affirmation de leurs droits et privilèges particuliers, l'empereur
Charles VI négocie avec les assemblées locales de Silésie, de
Croatie, de Transylvanie, des Pays-Bas ainsi qu'avec les diètes de
Bohême et de Hongrie qui, toutes, reconnaissent cette Pragmatique
Sanction.
1714
: Au traité de Rastatt, l'Autriche renonce définitivement à
l'Espagne, mais conserve les Pays-Bas ainsi que le Milanais et le
royaume des Deux-Siciles (ce dernier échappera définitivement aux
Habsbourg lors du traité de Vienne de 1738 au profit des Bourbons).
Avec la fin de la présence des Habsbourg en Espagne, l'Autriche
devient la seule représentante de la dynastie. La parenthèse
ouverte en 1516 est refermée.
1716 :
Le prince Eugène fait son entrée à Timisoara, libérant la ville
des Turcs.
1717
: La poussée autrichienne vers le Danube permet au prince Eugène de
remporter sous les murs de Belgrade une grande victoire sur les
Turcs.
1718
: La paix de Passarowitz confirme la poussée des Habsbourg vers les
Balkans et le Bas-Danube en leur octroyant la petite Valachie, le
Banat de Temesvar et le Nord de la Serbie. Avec des possessions
s'étendant sur près de 600 000 kilomètres carrés et englobant environ
24 millions d'âmes, la monarchie autrichienne connaît alors sa plus
grande extension territoriale. Ouverture à Vienne, la même année, de la manufacture d'Augarten.
1725-1735 :
L'Angleterre, la Prusse, les Provinces-Unies, le Danemark et
l'Espagne reconnaissent la Pragmatique Sanction de 1713.
1738 :
Lors de la conclusion de la paix de Vienne, qui met un terme à la
guerre de Succession de Pologne, la France reconnaît la Pragmatique
Sanction, moyennant la renonciation de François-Etienne, le mari de
Marie-Thérèse et gendre de l'empereur Habsbourg, à son héritage
lorrain.
1737-1739
: Guerre austro-turque. Le traité de Belgrade de 1739 marque un coup
d'arrêt à l'expansion autrichienne dans les Balkans et efface en
partie les gains territoriaux issus de la paix de Passarowitz.
Belgrade est restituée aux Turcs.
1740-1780
: Règne de l'impératrice Marie-Thérèse de Habsbourg.
1740-1748
: Guerre de Succession d'Autriche.
1740 :
A la mort de l'empereur Charles VI, une histoire inédite commence.
Pour la première fois dans l'histoire de la maison d'Autriche, une
femme va détenir les rênes suprêmes du pouvoir. Comme
l'impératrice Marie-Thérèse, le roi de Prusse, Frédéric II,
vient d'accéder au trône. Il entreprend de s'emparer de la Silésie,
possession que les Habsbourg détenaient depuis deux siècles et qui
leur fournissait le quart de leurs ressources. Marie-Thérèse se
montre inflexible : « Plutôt les Turcs devant Vienne,
plutôt la cession des Pays-Bas à la France, plutôt des concessions
à la Bavière et à la Saxe que de renoncer à la Silésie ! » Ainsi commence la guerre de Succession d'Autriche.
1741
: S'estimant en position de force, Frédéric II impose en avril le
lieu de la bataille, Mollwitz, au sud de Breslau, provoquant la
déroute des forces autrichiennes du général Neipper. Le sort de la
Silésie est réglé. Le projet de partage des possessions des
Habsbourg par les Etats voisins, qui avaient pourtant tous reconnu
la Pragmatique Sanction de 1713, constitue l'étape suivante.
L'Electeur de Bavière Charles-Albert, cousin par alliance de
Marie-Thérèse, réclame la couronne de Bohême, tout en briguant le
trône impérial. La France appuie la revendication bavaroise,
bientôt soutenue par la Savoie et l'Espagne. Il en va désormais de
la survie de la maison d'Autriche. Marie-Thérèse n'a d'autre
recours que d'appeler à l'aide ses frères hongrois, recevant un
écho favorable de la diète magyare, laquelle vote la levée d'une
armée de 40 000 hommes. Pour la première fois de son histoire, la
Hongrie se met au service de la défense de la Gesamtösterreich.
Les troupes franco-bavaroises, qui ont pénétré en Haute-Autriche,
sont désormais à moins de cent kilomètres de Vienne alors que
Charles-Albert vient de se proclamer archiduc d'Autriche !
Durant cette année tragique est fondé, à Vienne, devant la
Hofburg, le premier Burgtheater.
1742 :
Au grand dam de Marie-Thérèse et de son mari, François, candidat
malheureux, le collège électoral réuni à Francfort choisit, en
janvier, Charles-Albert, qui prend le nom de Charles VII, comme
empereur à la tête du Saint Empire. Pour la première fois depuis
trois siècles, le titre impérial échappe aux Habsbourg. Cette
éclipse ne durera que trois ans. En juin 1742, le traité de Berlin
accorde la presque totalité de la Silésie à la Prusse. Ouverture,
la même année, à Vienne, de la première loge maçonnique.
1743 :
Entrée solennelle de Marie-Thérèse dans Prague à l'été. La
réintégration de la Bohême dans le giron Habsbourg permet de
préserver l'union des Etats héréditaires.
1745
: La mort de Charles VII, le 20 janvier, débouche sur l'élection de
François-Etienne de Lorraine, époux de Marie-Thérèse, à la tête
du Saint Empire, sous le nom de François Ier de
Habsbourg-Lorraine. On parlera, en effet, désormais, de la dynastie
des Habsbourg-Lorraine.
1746 :
Création à Vienne d'un collège de jésuites qui prend le nom de
Collegium Theresianum, véritable pépinière de diplomates et
de fonctionnaires.
1748
: Depuis 1746, la guerre de Succession d'Autriche ne concerne plus
que la France et le Royaume-Uni, qui poursuivent la lutte hors du
territoire allemand. La paix d'Aix-la-Chapelle, conclue en 1748, met
officiellement fin au conflit et débouche sur la validation
définitive de la Pragmatique Sanction de 1713. En vertu de ce
traité, l'Autriche est toutefois contrainte de céder Parme et
Plaisance aux Bourbons ainsi que la Silésie à la Prusse. En
reconnaissance du rôle joué par les Magyars pendant la guerre,
Marie-Thérèse va s'efforcer de redonner à la Hongrie un prestige destiné à flatter ses sujets. C'est d'ailleurs un corps d'élite de hussards
hongrois qui est désormais chargé d'assurer la garde personnelle de
l'impératrice à Vienne, tradition qui perdurera jusqu'en 1918.
1749
: Achèvement du château de Schönbrunn.
1750
: A partir du milieu du XVIIIe siècle, dans toute
l'Autriche, le Baroque évolue vers le rococo. Ornementation
surchargée, profusion de dorures, de niches, de fausses tentures,
baldaquins démesurés expriment bien l'exportation, en Europe
centrale, du baroque italien et de sa puissance théâtrale, sous une
forme spécifique.
1751 :
S'inspirant des réformes entreprises par la Prusse du roi-sergent
Frédéric-Guillaume Ier, Marie-Thérèse et Haugwitz
mettent sur pied le financement et l'entretien d'une armée
permanente de plus de 100 000 hommes. C'est dans cette perspective
qu'est créée l'académie militaire de Wiener Neustadt pour
former les cadres de l'armée impériale.
1755 :
Trois ans après son installation à Vienne, le compositeur Gluck est
nommé directeur musical de la cour. On peut dire que c'est du règne
de Marie-Thérèse que date l'élévation de Vienne au rang de
capitale de la musique. L'impératrice se passionne pour l'art
lyrique de l'opéra italien tout en promouvant les premières
créations allemandes de Gluck. Elle n'hésite pas à multiplier les
salles de concert, que ce soit dans la Hofburg, aux châteaux de
Schönbrunn ou de Laxenburg ou encore au théâtre de la Porte de
Carinthie, la souveraine aimant elle-même danser, jusque tard dans
la nuit, y compris lorsqu'elle est enceinte de quatre mois !
1756
: Kaunitz, chancelier et chef de la diplomatie autrichienne, organise
le renversement des alliances. L'Autriche est désormais l'alliée de
la France contre la Prusse et l'Angleterre. La guerre de Sept Ans
commence.
1757 :
Frédéric II étant parvenu, en mai, à mettre la main sur Prague,
les forces autrichiennes du maréchal Daun contre-attaquent et
parviennent à y déloger les troupes prussiennes. Le maréchal
autrichien est fait grand-croix de l'Ordre de Marie-Thérèse, ordre
créé spécialement pour la circonstance et qui restera jusqu'en
1918 la plus haute décoration militaire autrichienne.
1762
: Le jeune Mozart, âgé de six ans, se produit pour la première
fois au château de Schönbrunn devant l'impératrice Marie-Thérèse
et son mari.
1763
: Par la paix d'Hubertsbourg signée en janvier, l'Autriche perd une
seconde fois la Silésie aux dépens de la Prusse. La stratégie de
Kaunitz d'encercler et de rabaisser la Prusse s'est, en définitive, retournée contre l'Autriche.
1765 :
Mort à Vienne de François Ier de Habsbourg-Lorraine.
Joseph II devient corégent avec sa mère Marie-Thérèse pour les
affaires militaires et extérieures.
1770
: Comme confirmation du rapprochement entre la France et l'Autriche,
Marie-Antoinette, fille de Marie-Thérèse, épouse le futur Louis
XVI.
1772
: La Galicie et la Lodomérie sont incorporées à la monarchie
autrichienne dans le cadre du premier partage de la Pologne.
1773 :
Formée par les jésuites, Marie-Thérèse se résigne à les
expulser, favorisant l'essor d'autres ordres comme celui des
piaristes, lesquels donneront une impulsion moderne à l'enseignement
des élites. Fervente catholique, l'impératrice souhaite incarner
dans tout l'empire la pietas habsburgica tout en renforçant
le contrôle de l’Etat sur l’Eglise. Jamais la souveraine ne
cherchera à s'engager dans la voie proposée par Kaunitz puis par
Joseph II de dissoudre les ordres religieux et de confisquer leurs
biens. Elle exprimera des réserves tout aussi fermes à l'égard de
la franc-maçonnerie. S'inscrivant sur le plan religieux dans le
prolongement de Charles Quint et de ses successeurs, Marie-Thérèse
a voulu faire de Vienne et de son empire la citadelle du catholicisme
en Europe. Si la liberté du culte est tolérée en Hongrie, le
protestantisme est interdit en Autriche comme en Bohême.
1780 :
Mort, à Vienne, de l'impératrice Marie-Thérèse. Sous son règne,
la monarchie autrichienne est devenue un Etat de 22 millions
d'habitants, indiscutablement plus opulent, plus étendu et mieux
administré qu'en 1740. S'appuyant sur l'énergique comte Haugwitz,
l'impératrice a pu mener à bien une politique de modernisation de
l’Etat, débouchant sur le quadruplement du nombre de
fonctionnaires en quatre décennies de règne, soit 20 000 hommes,
chiffre considérable pour l'époque. Par ailleurs, l'usage de
l'allemand dans l'armée, l'administration, l'enseignement, comme la
colonisation du Banat et de la Batchka par des paysans allemands
témoignent de la volonté de l'impératrice de faire de la monarchie
habsbourgeoise un Etat foncièrement allemand.
1780-1790
: Règne de l'empereur Joseph II de Habsbourg-Lorraine.
Imprégné
et porté par les idées de l'Aufklärung, le fils aîné de
Marie-Thérèse fait triompher à Vienne le despotisme éclairé, mais
ses réformes connaissent un échec global face à la résistance des
états nobiliaires. En dix ans de règne, ce seront tout de même
près de 6 000 décrets et 11 000 lois nouvelles qui auront été
promulguées : un record !
1781
: Promulgation dans l'empire, en octobre, d'un édit de
tolérance qui octroie un statut légal aux protestants et aux juifs,
cependant que l’Eglise catholique est mise au pas et contrôlée
par l’Etat. Par ailleurs, le servage personnel est aboli en
Autriche comme dans les pays de la couronne de Bohême. La même
année, alors qu'il se brouille avec l'archevêque de Salzbourg,
Mozart se résout à s'installer à Vienne. Son existence gyrovague y
sera impressionnante : dix années passées à Vienne
occasionneront onze changements de logements ! L'empereur Joseph
II, lui-même musicien de formation, va soutenir les travaux en
allemand du compositeur virtuose, au grand dam du parti italien de la
cour. Ce choix est en concordance avec celui de l'empereur de
valoriser l'unité culturelle de l'empire aux dépens de la réalité
multinationale de ce dernier. Le mot d'ordre est d'adopter, dans
l'administration, l'enseignement ou l'armée, la langue parlée par
le plus grand nombre, à savoir l'allemand.
1782 :
Joseph II décide la suppression de tous les monastères
contemplatifs, les œuvres de charité étant prises en charge par
l’Etat. Au total, ce sont les biens de quelques sept cents abbayes et
monastères qui seront confisqués.
1783 :
Despote éclairé et étatiste forcené, Joseph II promulgue la
suppression de toutes les écoles de théologie dans les couvents et
instaure des « séminaires généraux », où des
jansénistes, voire des libres penseurs, se partagent l'enseignement
des futurs prêtres.
1788-1791
: Guerre austro-turque qui voit, en 1789, le vieux maréchal
autrichien von Laudon reprendre Belgrade.
1790-1792
: Règne de l'empereur Léopold II de Habsbourg-Lorraine.
1791
: Mort de Mozart, le 5 décembre, à Vienne, à l'âge de 36
ans. La disparition du compositeur prodige survient quelques
mois après la représentation dans la capitale autrichienne de son
dernier opéra, La Flûte enchantée, la plus viennoise de ses
œuvres lyriques, en même temps que fondatrice de l'opéra allemand.
1792-1835
: Règne de l'empereur François II (puis François Ier)
de Habsbourg-Lorraine.
1792-1815
: Durant vingt-trois ans, les Habsbourg sont en guerre contre la
France révolutionnaire puis contre Napoléon Ier.
1792
: A un moment où l'Autriche apparaît en Europe comme le champion
de la contre-révolution, la France, sous l'influence des députés
girondins de l'Assemblée législative, déclare, le 20 avril, la
guerre au « roi de Bohême et de Hongrie ».
1794 :
La tactique des soldats professionnels autrichiens et prussiens
coalisés étant apparue quelque peu compassée face à l'élan
patriotique des armées de la Révolution, la première phase de la
nouvelle « guerre de vingt-trois ans » tourne à
l'avantage de la France, au lendemain de la victoire de Fleurus en
juin. Les Autrichiens perdent définitivement les Pays-Bas qui leur
revenaient de droit depuis 1713, même si, plus largement, ce
territoire s'inscrivait dans l'héritage de Charles Quint.
De Napoléon à Sadowa : entre convulsions révolutionnaires et défense de l'ordre établi
1797
: Pour soutenir le patriotisme autrichien, Joseph Haydn compose un
hymne à la gloire de l'empereur, le fameux Gott erhalte
Franz den Kaiser, (« Dieu protège
l'empereur François »), joué pour la première fois,
le 12 février 1797, au Burgtheater de Vienne et dont le texte
de Lorenz Léopold Haschka se veut une réplique monarchique à La
Marseillaise. Ce chant patriotique restera l'hymne impérial
autrichien jusqu'en 1918. Au lendemain du traité de Bâle de 1795,
la France révolutionnaire, hormis l'Angleterre, n'a plus qu'un
adversaire sur le continent : l'Autriche et ses alliés
italiens. Le Directoire décide, depuis Paris, de lancer
simultanément trois armées en direction de Vienne pour en finir
avec le « perturbateur » d'Europe centrale. Mais les
Autrichiens contraignent l'armée du Rhin à une humiliante retraite
jusqu'en Alsace, tandis que l'archiduc Charles, le meilleur tacticien
et stratège du côté Habsbourg, taille en pièces, à Altkirchen,
l'armée de Sambre-et-Meuse du général Jourdan. Seul le général
Bonaparte, en Italie septentrionale, parvient à faire sauter un à
un tous les verrous autrichiens. Les Habsbourg découvrent un nouvel
adversaire intrépide qui va électriser, pendant plus de quinze ans,
la population autrichienne. Vienne n'est plus qu'à une centaine de
kilomètres quand un armistice est conclu, qui met face à face
Bonaparte et l'archiduc Charles, frère de l'empereur François II.
Les deux hommes savent qu'il ne s'agit que d'une pause dans un duel
qui devra, tôt ou tard, accoucher d'un vrai vainqueur. Le traité
de Campoformio, signé le 17 octobre, fait définitivement perdre aux
Autrichiens les Pays-Bas, la rive gauche du Rhin tandis que la perte
de la Lombardie est compensée par l'obtention de la partie orientale
de la Vénétie, de l'Istrie et de la Dalmatie. Le traité de
Lunéville de 1801 confirmera globalement ces positions
territoriales.
1800 :
Double défaite pour les Autrichiens à Marengo en Italie, le 14 juin, face à Bonaparte (désormais Premier consul) puis à Hohenlinden en
Bavière, le 3 décembre, face au général Moreau.
1804
: Anticipant la disparition du Saint Empire sous l'effet de la
chevauchée napoléonienne (Napoléon s'étant, de surcroît,
proclamé empereur des Français en mai), François II, tout en
conservant la couronne et les insignes impériaux à Vienne, imagine
alors de créer une dignité impériale propre à la famille des
Habsbourg, laquelle rassemble les possessions héréditaires
de la dynastie (Autriche, Bohême et Hongrie). C'est ainsi que
l'empire d'Autriche est créé le 11 août 1804, comme une nouvelle
entité politique au cœur de l'Europe. L'annonce n'en sera toutefois
faite solennellement que le 7 décembre, à Vienne, sans cérémonie
de couronnement, cinq jours après qu'en grande pompe, à Notre-Dame
de Paris, Napoléon a lui-même posé sur sa tête, sous les yeux du
pape, le diadème impérial. L'empereur François II reste toutefois,
pendant encore deux ans, le titulaire de la vieille institution
impériale du Saint Empire. Il porte alors, pendant cette courte
période, le double titre d'empereur romain germanique (François II)
et d'empereur héréditaire d'Autriche (François Ier). Le
compositeur Joseph Haydn est nommé citoyen d'honneur de la ville de
Vienne alors que les Viennois le vénèrent et l'appellent « papa ».
1805
: Audition, à Vienne, de la troisième symphonie de Beethoven,
« L'Héroïque », initialement composée en l'honneur de
Napoléon. Alors qu'il s'apprêtait à débarquer en Angleterre,
Napoléon se voit contraint de se retourner et marcher contre
l'Autriche qui vient d'attaquer la Bavière, alliée de la France.
Victorieux à Ulm, le 20 octobre, l'empereur des Français fait son
entrée le 13 novembre dans la capitale autrichienne qu'il fait
occuper par ses grognards, s'installant lui-même au palais de
Schönbrunn, avant de marcher en direction des troupes austro-russes
qu'il écrase, le 2 décembre, à Austerlitz (Slavkov) en Moravie.
Par la paix de Presbourg, les Habsbourg, non seulement renoncent à
leurs possessions dispersées de la Vorderösterreich, cédant
à la Bavière, le Vorarlberg, le Tyrol et le Trentin, mais
abandonnent, de surcroît, à la France, la Vénétie, annexée au
royaume d'Italie, l'Istrie (moins Trieste) et la Dalmatie, rattachées
à l'Empire français.
1806
: Dissolution définitive du Saint Empire romain germanique
remplacé par une confédération du Rhin (Rheinischer Bund),
dont Napoléon se veut le protecteur et qui en exclue l'Autriche. Le
souverain Habsbourg a cessé d'incarner le principe de légitimité
dans l'espace allemand. Comprenant la nécessité de recentrer le
destin de l'Autriche vers l'Europe danubienne, il renonce
solennellement, le 6 août, à la prestigieuse couronne du Heiliges
Reich Deutscher Nation (le Saint Empire de nationalité
germanique). A Vienne, c'est dans l'église des
Neufs-Chœurs-des-Anges qu'est officiellement prononcée la
dissolution de la vénérable institution presque millénaire, en
même temps que la naissance de l'empire d'Autriche. La couronne d'or
et les insignes royaux, dont l'empereur François aura été le
dernier titulaire, ont été déposés dans la salle du Trésor de la
Hofburg (la Schatzkammer) où ils sont toujours conservés.
1807 :
Le Tyrolien Josef von Hormayr exalte l'idée nationale autrichienne
en entreprenant une œuvre qui ne sera achevée qu'en 1812, Le
Plutarque autrichien ou Vie et portraits de tous les souverains et
des plus célèbres généraux, hommes d’Etat ou savants de
l'empire autrichien. La mission première de l'âme
autrichienne est non seulement de constituer un promontoire culturel
du monde germanique, mais aussi de défendre et promouvoir la
confession catholique et les valeurs traditionnelles menacées par
toute velléité révolutionnaire.
1808
: Inauguration,
à Vienne, dans le quartier de Schottenfeld, de l'Apollo, temple
de la danse. A partir de 1808, à la faveur des difficultés
rencontrées par les armées françaises en Espagne, l'objectif de
Vienne est clairement de reconstituer son potentiel militaire en vue
de rejoindre la coalition toujours orchestrée par l'Angleterre.
Cédant aux pressions de son frère Jean, véritable zélateur du
concept d'armement populaire, l'archiduc Charles organise la levée
de 150 bataillons de Landwehr dans les régions alpines de l'Autriche
(Salzbourg, Styrie). Le sentiment national retrouve des couleurs à
Vienne. Des cercles littéraires, tenus par des femmes comme la
poétesse Karoline Pichler (fervente nationaliste dont la mère avait
été familière de Marie-Thérèse) participent de cette
effervescence patriotique autrichienne.
1809
: Tandis qu'on édite, à Vienne, les ballades guerrières de
Collin (Wehrmannslieder) et à l'heure où la revanche
d'Austerlitz a enfin sonné, l'archiduc Charles, à la tête d'une
imposante armée de 200 000 hommes, devance en rapidité d'exécution
les plans de campagne de Napoléon, franchit l'Inn et s'enfonce en
Bavière. Simultanément, dans le Tyrol, l'aubergiste Andreas Hofer
devient le chef d'un soulèvement contre les Franco-Bavarois. La
fulgurante riposte napoléonienne débouche sur la seconde occupation
de Vienne par les armées françaises. Napoléon établit ses
quartiers à Schönbrunn et obtient, après un intense bombardement,
la capitulation des Viennois, le 13 mai. Au grand dam des
Autrichiens, le scénario de 1805 se répète, à cette différence
qu'ils ont, cette fois, massé 150 000 hommes sur la rive gauche du
Danube et sont bien décidés à engager toutes leurs forces pour
contrer l'envahisseur français. La victoire autrichienne d'Aspern
(Essling), en mai, confirme cette résistance tenace, mais ne peut
empêcher une nouvelle victoire de Napoléon quelques semaines plus
tard, à Wagram, au nord-est de Vienne. La paix de Schönbrunn,
signée le 14 octobre, est catastrophique pour l'Autriche : elle
consacre la perte de l'évêché de Salzbourg et de l'Innviertel,
cédés à la Bavière, mais surtout, la fin de tout accès à la mer
Adriatique, avec la cession à la France, de Trieste, de l'Istrie, de
la Carniole et d'une partie de la Carinthie et de la Croatie,
regroupées sous le nom de provinces Illyriennes. D'autre part, au
nord-est, la Galicie est abandonnée au grand-duché de Varsovie et à
la Russie. L'Autriche paie chèrement son implication dans la
cinquième coalition : les Habsbourg perdent 110 000 kilomètres
carrés de territoires et trois millions et demi de sujets. L'armée
autrichienne est limitée à 150 000 hommes tandis que le pays doit
verser à son vainqueur une lourde indemnité de guerre d'un montant
de 85 millions de francs-or. Alors que l'empire des Habsbourg
apparaît hors-jeu pour longtemps, Metternich est nommé chancelier
et chef de la diplomatie autrichienne. En coordination avec
Talleyrand, le diplomate autrichien échafaude un plan selon lequel
le mariage de la fille aînée de l'empereur d'Autriche,
Marie-Louise, avec Napoléon (alors, sans héritier, et en quête
d'une pérennité dynastique de son trône), pourrait servir de
« caution » diplomatique au jeu des deux puissances
française et autrichienne. Aux yeux de Metternich, un rapprochement
officiel entre la France et l'Autriche permettrait d'ébranler
quelque peu l'alliance privilégiée de Napoléon et du tsar tout en
laissant le temps à l'Autriche de se réinsérer en douceur dans le
concert européen pour, à terme, se retourner contre la France aux
côtés de l'Angleterre et de la Russie. C'est au moment de la
deuxième occupation de la ville par les Français que s'éteint,
dans son appartement viennois, le compositeur Joseph Haydn. Maître
de la capitale, Napoléon ordonne qu'un cortège d'officiers et de
soldats français forme une haie d'honneur autour du cercueil, entre
l'église et le cimetière. L'empereur des Français s'inclinera
également personnellement devant le tombeau de Marie-Thérèse et de
son mari à la crypte des Capucins.
1810
: Napoléon épouse en mars l'archiduchesse Marie-Louise, fille de
l'empereur d'Autriche, François Ier. Capturé en janvier,
Andreas Hofer tombe, le 20 février, à Mantoue, sous les balles d'un
peloton d'exécution français. Cet ultime épisode de chouannerie
alpine promeut rapidement le vaillant chef du Tyrol au rang de héros
national.
1811
: Naissance de l' « Aiglon », fils de Napoléon et
petit-fils de l'empereur d'Autriche, honoré du titre de « roi
de Rome » en 1814, puis de duc de Reichstadt, en 1818.
1814
: Le 31 mars, le prince von Schwartzenberg, qui représente
l'empereur d'Autriche, défile dans Paris en tête du défilé des
troupes coalisées, à la droite du tsar. La première abdication de
Napoléon entraîne le triomphe de Metternich qui se voit accorder
par l'empereur François Ier, ainsi que ses héritiers, le droit de porter les
armes de l'Autriche dans le premier champ de leurs armoiries. Le 16
juin, Vienne réserve un accueil triomphal à son empereur. C'est une
indiscutable revanche pour l'Autriche, cinq ans après le désastreux
et humiliant traité de Vienne qui lui avait été imposé par
Napoléon.
1815 :
Le 9 juin, neuf jours avant l'épilogue de Waterloo, l'acte final du
congrès de Vienne, qui a fait de la capitale autrichienne, neuf mois
durant, le cœur diplomatique de l'Europe, aboutit à une refonte de
la carte politique du vieux continent. La perte, pour les Habsbourg,
des Pays-Bas autrichiens (vieil héritage de Charles Quint) et des
possessions dispersées de la Vorderösterreich en Allemagne
du Sud, est compensée par leur mainmise sur le royaume de
Lombardie-Vénétie et sur les principautés d'Italie centrale.
Surtout, sont confirmées dans leurs frontières d'avant 1792, les
possessions héréditaires des Habsbourg situées dans la moyenne
vallée du Danube (pays autrichiens, Bohême et Hongrie). Le Saint
Empire est remplacé par une Confédération germanique (Deutscher
Bund), présidée par l'empereur d'Autriche et dont les Etats
souverains de Bohême et d'Autriche font partie. La Hongrie, qui
possède sa Constitution propre, en est exclue.
1815-1835
: Apogée du « Système » de Metternich fondé sur
l'équilibre des puissances et le maintien de la paix en Europe, dans
le cadre de la « Sainte Alliance ». Le système
s'impose également contre les diverses revendications nationales et
libérales. Cette période, prolongée jusqu'en 1848, correspond, à
Vienne, à un épanouissement culturel intense lié à l'essor de la
bourgeoisie : le Biedermeier. En cette ère de paix et de
prospérité, le temps est la prédominance du goût artistique sur
les considérations politiques. La capitale des Habsbourg se confond
désormais avec le théâtre, la musique et la danse. C'est l'époque
où le Theater an der Wien affiche complet avec les drames de
Grillparzer et les pièces de boulevard, en dialecte viennois, de
Nestroy et de Raimund. La valse, révolution autant culturelle que
sociale, fait, quant à elle, tourbillonner toute la société
viennoise. D'immenses salles sont alors construites et exclusivement
réservées à la valse, au premier rang desquelles l'Apollo,
en plein cœur de Vienne, et d'une contenance de quatre mille places.
1816
: Création, par le comte Kolowrat, d'une Banque nationale
autrichienne jouissant du monopole de l'émission de billets de
banque convertibles en or.
1819
: Dans le cadre d'une extension de la censure et pour contrer les
velléités nationalistes allemandes de certains leaders politiques,
mise à l'index, en Autriche, des œuvres de Goethe, Schiller,
Lessing, Fichte et Hegel, chantres de la nation allemande.
1828 :
Mort, à Vienne, de Franz Schubert, le plus autrichien de tous les
compositeurs de l'âge classique et romantique. Inhumé au cimetière
viennois de Währing, dans une tombe toute proche de celle de son
modèle Beethoven, le jeune prodige, mort à 32 ans, aura marqué
l'histoire de la musique par l'incroyable fécondité de son œuvre,
soit près de mille compositions dont six cents Lieders. Le
demi-siècle viennois qui sépare l'Idomeneo de Mozart des
trois dernières Sonates pour piano de Schubert peut, à juste
titre, être comparé, pour les arts, au temps de gloire de Florence
à la Renaissance ou de Venise à l'époque baroque.
1832
: Construction d'une voie ferrée de 130 kilomètres entre Linz et
Ceske Budejovice, permettant de relier la vallée du Danube à la
Bohême. En 1847, le Nordbahn est achevé, qui relie Vienne
aux pays de la couronne de saint Venceslas, tandis que le Südbahn
s'apprête à relier la capitale autrichienne à Trieste. En 1848, le
réseau ferroviaire autrichien compte, au total, 1 622 kilomètres de
lignes en exploitation.
1835-1848
: Règne de l'empereur Ferdinand Ier
de Habsbourg-Lorraine, dit « le Débonnaire ». Durant ce règne, la
destinée de l'Autriche est toujours dominée par la personnalité de
Metternich.
1842
: Le chef prussien Otto Nicolaï fonde l'Académie philharmonique, ancêtre du célèbre Wiener Philharmoniker (l'orchestre philharmonique de Vienne).
1848
: Le 13 mars, alors qu'une délégation tchèque est envoyée à
Vienne pour présenter une pétition réclamant l'égalité des
Tchèques et des Allemands ainsi que la liberté de la presse, ou
encore la mise sur pied de gardes civiles en Bohème, la capitale
autrichienne devient, à son tour, le foyer d'une formidable
effervescence révolutionnaire. La monarchie ou la dynastie ne sont
nullement mises en cause. La cible de l'émeute vise clairement
Metternich qui se voit contraint à l'exil en direction de
l'Angleterre. Une page de l'histoire de l'Autriche se tourne. De
surcroît, par crainte de troubles, l'empereur Ferdinand, appuyé par
le nouveau gouvernement, cède sur toute la ligne aux revendications
des émeutiers. Les concessions offertes ne contribuent, toutefois,
nullement à apaiser les tensions dans l'empire d'autant qu'une
seconde vague révolutionnaire, partie de Paris, éclate en juin
1848. A Prague, le général autrichien Windischgrätz obtient,
après le pilonnage systématique des positions rebelles, la
capitulation des insurgés pragois. En Italie septentrionale, le
vieux maréchal Radetzky, venu à bout des patriotes italiens, fait
une entrée triomphale dans Milan. Mais la révolution en Hongrie
inquiète singulièrement Vienne par les volontés ouvertement
sécessionnistes de son leader, Lajos Kossuth. Comme une tâche
d'huile, la révolution éclate à nouveau à Vienne où barricades,
pioches, fusils et marteaux transforment la capitale des Habsbourg en
chaudron incandescent. La répression est confiée au général
Windischgrätz qui utilise la puissance de feu de l'artillerie pour
mater les révolutionnaires qui déposent les armes le 31 octobre.
L'empereur Ferdinand le Débonnaire ayant clairement montré,
du fait de ses déficiences, ses limites et son incompétence,
l'abdication du souverain en faveur de son neveu François-Joseph,
le 2 décembre, à Olmütz, répond au dessein de faire émerger un
homme fort à la tête de l'empire pour vaincre la révolution
hongroise. Entouré de ministres inflexibles, le jeune souverain
Habsbourg, âgé de 20 ans, se voudra le parangon de la fermeté et
de la souveraineté dans la conduite des affaires politiques. A
Vienne, tandis que Johann Strauss père célèbre la victoire des
forces autrichiennes sur les insurgés italiens en composant La
Marche de Radetzky, son fils compose une Marche de la
Révolution et des Barrikadenlieder.
1848-1916
: Règne de l'empereur François-Joseph Ier de
Habsbourg-Lorraine.
1849
: François-Joseph demande l'aide du tsar Nicolas Ier pour
écraser la révolution hongroise. Kossuth, qui s'était proclamé
président-gouverneur de Hongrie, est contraint à l'exil. Partisan
de l'exercice du droit de grâce et indigné par les méthodes de
répression impitoyables du général Haynau et par les agents les
plus zélés de la camarilla viennoise, François-Joseph n'en
a pas moins affiché une fermeté et une résolution qui ont eu
raison des idéaux libéraux et des élans de romantisme
révolutionnaire. C'est la revanche « posthume » de
Metternich. Les révolutions ont cependant posé un acquis : le
régime seigneurial est partout aboli dans l'empire tandis que
l'égalité des droits des sujets de la monarchie habsbourgeoise est
reconnue. Les révolutions ont par ailleurs soulevé un problème qui
demeure latent et dangereux pour le devenir et la pérennité de
l'empire danubien des Habsbourg : la question de la coexistence
des nationalités, à l'intérieur d'un cadre monarchique devenu
parfaitement multinational.
1850
: L'Autriche, qui a rétabli l'ordre chez elle, s'oppose à une unité
allemande sous domination prussienne. François-Joseph contraint le
roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV à la « reculade
d'Olmütz ». Les Habsbourg reforment ainsi à leur
profit la Confédération germanique de 1815, mais viennent de
remporter ici leur dernier succès face à une Prusse plus que jamais
revancharde.
1851
: Le 31 décembre, l'abolition de la constitution octroyée le 4
mars 1849, entraîne la naissance d'un système absolutiste.
N'échappant pas à cette loi de l'Histoire qui veut que les
secousses révolutionnaires cèdent rapidement la place à des
régimes d'ordre, l'Autriche devient pour la première fois – l'espace de quelques années seulement – une véritable
monarchie absolue, sans contrôle des notables et où l'allemand va
s'imposer comme la seule langue officielle. L'abolition des droits
féodaux est toutefois maintenue.
1854
: Mariage de François-Joseph avec Elisabeth de Bavière
(« Sissi »). Achèvement de la ligne ferroviaire
Vienne-Trieste.
1855
: Symbole du retour en force des valeurs traditionnelles, le
Concordat, signé le 18 août, permet à l'Eglise catholique
autrichienne de retrouver un pouvoir qu'elle avait perdu à l'époque
joséphiste, notamment dans le domaine de l'enseignement.
1858
: Dans le cadre d'une politique urbaine de grands travaux engagée
par l'Etat, démolition à Vienne des fortifications qui, moins de
deux siècles plus tôt, avaient permis de résister aux Turcs. Les
anciens remparts sont remplacés par de grands boulevards avec
immeubles ceinturant le cœur historique de Vienne. Cette Ringstrasse
associera volontiers culture (opéra, Burgtheater, musées), science
(l'université) et vie politique (parlement, Rathaus).
1859
: Les défaites autrichiennes sur les champs de bataille italiens de
Magenta et de Solferino débouchent sur l'armistice de Villafranca,
signé le 11 juillet entre François-Joseph et Napoléon III. Les
Habsbourg perdent alors définitivement le Milanais, ne conservant
plus, en Italie, que la Vénétie.
1861
: La Patente, signée en février, prend le contre-pied de la
politique fédéraliste ébauchée l'année précédente par
François-Joseph. Cette politique réoriente l'Autriche vers un
régime centralisateur, de surcroît favorable à la bourgeoisie
allemande, tandis qu'elle confirme la subordination de la Hongrie à
la politique de Vienne.
1863
: A Vienne, Johann Strauss fils obtient une véritable consécration
en étant nommé directeur des bals de la Cour
(Hofballmusikerdirektor), titre qui lui permet de laver
définitivement ses « péchés » révolutionnaires de
1848.
1864
: La liberté de la presse permet à Max Friedländer de fonder, à
Vienne, le grand journal de référence, la Neue Freie Presse,
d'inspiration nationale-libérale. La même année, le compositeur
allemand Richard Wagner, dont la situation financière est devenue
catastrophique, est contraint de quitter Vienne pour échapper à ses
créanciers. Après Mozart, c'est la deuxième fois, en moins d'un
siècle, que la capitale européenne de la musique se prive des
talents d'un compositeur d'exception. Wagner aura, un temps, nourri
l'espoir de réaliser dans la capitale des Habsbourg son rêve de
réforme théâtrale, lequel exigeait des moyens de plus en plus
imposants : un effectif de cent trois musiciens, la construction
derrière l'orchestre d'une paroi spéciale destinée à améliorer
l'acoustique et celle d'une scène d'opéra aux dimensions inconnues
en Europe, sans parler du train de vie somptueux qu'il entendait
mener et faire mener aux musiciens. Le maître de Bayreuth n'en sera
pas moins une source d'inspiration totale pour les grands chefs
viennois de la fin du XIXe siècle, qu'il s'agisse de
Bruckner, de Wolf ou de Mahler. Il aura également permis de
trancher, en faveur de l'opéra allemand, le débat, longtemps
entretenu à Vienne, sur la supériorité présumée de l'art musical
italien.
1865 :
La politique d'administration directe de la Hongrie, depuis Vienne,
subit un tournant lorsque Ferenc Deák, porte-parole de l'opinion
publique hongroise, jette les bases d'un compromis acceptable qui
concilie le respect de la souveraineté de la Hongrie et les
impératifs de sécurité de la monarchie habsbourgeoise.
1866
: En envisageant la disparition de la Confédération germanique (à
son profit) et en poussant les Autrichiens à déclarer la guerre à
la Prusse, Bismarck obtient à Sadowa (en Bohême), le 3 juillet
1866, la « bataille » historique pour le contrôle de
l'espace germanique. Le destin a tranché : les forces
autrichiennes vont être écrasées par la remarquable organisation
tactique de l'armée prussienne. La paix de Prague, signée le 23
août, entérine la dissolution de la Confédération germanique et
l'exclusion de l'Autriche des affaires allemandes. Bismarck a les
mains libres pour réaliser, sous l'égide de la Prusse, l'unité
allemande. Les Habsbourg sont, non seulement chassés d'Allemagne,
berceau de leur maison dynastique, mais ils subissent simultanément
la perte de la Vénétie en Italie septentrionale, ce qui pousse
Vienne à choisir, pour la monarchie habsbourgeoise, un destin
désormais proprement danubien en direction des Balkans.
Le temps du compromis austro-hongrois
1867
: Après Sadowa, l'accord de l'Autriche avec la Hongrie prend plus
que jamais son sens. Le compromis austro-hongrois est formellement
adopté le 30 mars 1867 et consacre l'union de deux Etats souverains
au sein d'une même monarchie. François-Joseph ne règne plus en
Hongrie comme empereur d'Autriche, mais seulement comme « roi
apostolique de Hongrie ». On parle désormais
d'Autriche-Hongrie ou bien de Double Monarchie, c'est-à-dire d'un
Etat formé de deux entités politiques bien distinctes. Celles-ci
sont délimitées par une petite rivière affluente du Danube, la
Leitha, d'où le nom de Transleithanie donné au royaume de Hongrie,
et celui de Cisleithanie pour désigner tout le reste, dont
l'Autriche fait partie. Ce dualisme va perdurer un demi-siècle, jusqu'en 1918. Au cours de cette période, l'Autriche-Hongrie va
s'identifier à une véritable puissance danubienne, au cœur de la
Mitteleuropa.
1868
: Promulgation d'une loi instituant dans l'empire des Habsbourg le
service militaire obligatoire sur le modèle prussien. « Une
et indivisible », telle est alors la devise de l'armée
austro-hongroise, plus exactement de l'armée impériale et royale
(KuK, pour Kaiserlich und Königlich). Simultanément,
une nouvelle législation scolaire d'inspiration libérale abolit les
principales dispositions du Concordat de 1855 en établissant une
école élémentaire obligatoire et laïque sous le contrôle de
l'Etat (les prêtres étant toutefois autorisés à enseigner le
catéchisme dans les mêmes locaux).
1869
: Inauguration, à Vienne, du Staatsoper, le nouvel opéra de
style néo-Renaissance où l'on joue, pour l'occasion, le Don Juan
de Mozart.
1870
: Installation de l'orchestre philharmonique de Vienne au
Musikvereinsgebäude, où se donnera tous les ans, à partir
du 31 décembre 1939, le Neujahrskonzert, le concert Strauss
du Nouvel An.
1873
: Vienne organise l'Exposition universelle, cinq fois plus grande que
celle de Paris de 1867 (cinquante mille exposants vont accueillir, au
total, 7 millions de visiteurs). Alliance des trois empereurs
(Guillaume Ier, François-Joseph et Alexandre II) en vertu
de laquelle l'Autriche-Hongrie et la Russie s'engagent à respecter
le statu quo dans les Balkans et à se consulter en cas de
besoin.
1877
: Création, à Vienne, du bal le plus célèbre, l'Opernball (bal
de l'Opéra) réservé à la Cour.
1878
: Alors qu'ils contestent le traité de San Stefano qui, suite aux
victoires de la Russie sur l'Empire ottoman, consacre l'indépendance
de la Serbie, du Monténégro, de la Roumanie ainsi que la naissance
d'une Grande Bulgarie, les dirigeants austro-hongrois obtiennent, lors du congrès de Berlin qui se tient la même année,
un mandat d'occupation militaire et administrative sur la
Bosnie-Herzégovine, pour une durée de trente ans.
L'Autriche-Hongrie devient dès lors une puissance balkanique,
ajoutant deux millions de Slaves (Serbes et musulmans de Bosnie) à
sa population.
1879
: Conséquence du traité de San Stefano, signé l'année précédente,
l'Autriche-Hongrie et l'Allemagne concluent une alliance défensive,
la Duplice, dirigée principalement contre la Russie. Le schéma de
la Sainte Alliance de 1815 a vécu, tout comme l'accord signé en
1873. L'antagonisme austro-russe autour de la question des Balkans
est devenu un enjeu géopolitique de premier ordre.
1880 :
Alors que l'influence allemande en Cisleithanie et dans le reste de
l'empire ne cesse de se réduire, la décennie 1880 coïncide paradoxalement avec l'apparition d'un courant deutschnational
qui rencontre un écho certain dans les milieux universitaires
viennois ainsi qu'auprès de nombreuses associations étudiantes
comme la Libertas, la Teutonia ou la Germania.
C'est l'époque où, redoutant la slavisation de la Cisleithanie,
Georg von Schönerer, qui s'illustre comme le chantre autrichien du
pangermanisme, propose le rattachement des pays allemands de la
monarchie habsbourgeoise, Bohême comprise, au Reich allemand de
Bismarck. Dans le même temps, les pangermanistes du Programme de
Linz, qui cherchent à concrétiser le vieux rêve allemand de
Mitteleuropa, réclament l'abolition du Compromis de 1867
ainsi que l'abandon des provinces annexées par l'Autriche depuis
1772 (Dalmatie, Bosnie-Herzégovine, Galicie et Bukovine), tout en
promouvant la création d'une union douanière avec l'empire
allemand, la Hongrie et les pays balkaniques.
1882
: Etendue à l'Italie, la « Duplice » devient la « Triplice » (ou Triple-Alliance). Elle sera renouvelée en 1912.
1885
: S'inspirant de la politique sociale menée par Bismarck en
Allemagne, le comte Edouard Taaffe, ami personnel de François-Joseph,
instaure en Autriche les premières lois sociales (journée de
travail limitée à 11 heures, travail des enfants interdit ainsi que
celui de nuit pour les femmes) augmentées en 1887 de l'assurance
obligatoire pour tous les travailleurs et d'une représentation
paritaire accordée aux ouvriers. Deux ans plus tard, lors du IIe
Congrès de l'Internationale socialiste, Victor Adler déclare que
« l'Autriche possède la meilleure législation sociale du
monde après l'Allemagne et la Suisse », preuve s'il en est,
que conservatisme aristocratique et avancées sociales ne sont
nullement antinomiques dans l'Europe du XIXe siècle.
Pied-de-nez également à l'idée distillée par l'idéologie
maçonnique française d'une « prison des peuples »
installée au cœur de la Mitteleuropa.
1888
: A Vienne, inauguration, avec Esther de Franz Grillparzer,
du nouveau Burgtheater situé sur le Ring.
1889 :
Suicide de l'archiduc Rodolphe à Mayerling.
1892 :
Adoption par l'Autriche-Hongrie de l'étalon-or et d'une nouvelle
unité monétaire, la Couronne (Krone), dont la valeur est de
moitié inférieure à celle du traditionnel florin (Gulden).
1897 :
C'est le 3 avril 1897, le jour même de la mort de Johannes Brahms,
incarnation du conservatisme musical, que quarante peintres,
graveurs, architectes et sculpteurs se sont rassemblés à Vienne
pour former le célèbre mouvement « dit de la Sécession », dont
la figure de proue est l'artiste Gustav Klimt. Le courant
sécessionniste, autrement appelé Jugendstil, l'équivalent
viennois de l'Art nouveau, se veut une forme d'avant-gardisme qui se
traduit par une mise à l'écart (excepté certaines œuvres de
Klimt) des thèmes classiques ou mythologiques, avec une
géométrisation prononcée des formes et une accentuation des traits
sur fond de couleurs plus ou moins vives. Comme tout mouvement, le
Jugendstil génère la publication d'une revue (Ver Sacrum)
mais n'échappera pas à des scissions internes. Pour autant, le
succès est incontestable. Il apparaît d'ailleurs quelque peu
paradoxal dans une ville, Vienne, qui a toujours affiché, et ce dans
tous les domaines, un esprit farouchement conservateur et hostile à
tout avant-gardisme. Il est significatif qu'il faille attendre
l'année 1975 pour que l’Etat autrichien se porte officiellement
acquéreur du célèbre pavillon de la Sécession, surnommé « la
Tête de chou dorée ».
1898
: Assassinat à Genève de l'impératrice Élisabeth d'Autriche
(Sissi) par un anarchiste italien. Ayant d'emblée mal supporté la
pesante étiquette viennoise, la dépression était devenue dans les
couloirs de Schönbrunn ou de Laxenburg la grande guetteuse de
l'impératrice. En revanche, passionnée par la Hongrie, par sa
langue et ses traditions, jouant notamment un rôle politique non
négligeable dans le Compromis de 1867, Sissi tiendra, chez les
Magyars, sa revanche, en restant une reine aimée, adulée et fêtée
par tout un peuple. Admirée et respectée à Budapest, critiquée,
voire honnie, à Vienne, son destin s'identifie, en définitive, à
un climat crépusculaire qui préfigure la fin tragique que
connaîtront les Habsbourg avec l'entrée dans le siècle de 1914.
1901 :
Deux ans après la mort du célébrissime Johann Strauss fils, son
frère cadet, Eduard, prend la décision de dissoudre l'orchestre
familial, mettant ainsi fin à soixante-seize ans de gloire et de
succès de cette grande dynastie de compositeurs viennois. Six ans
plus tard, à la fabrique de poêles et de fourneaux de Mariahilf, en
plein cœur de Vienne, le même Eduard Strauss, longtemps envieux de
la réussite de ses deux frères, Johann et Josef, fait froidement et
délibérément disparaître tout l'héritage artistique (manuscrit)
de la famille, contemplant, cinq heures durant, hiératique,
impénétrable, assis dans son fauteuil, les innombrables partitions,
correspondances, œuvres et arrangements inédits dévorés par les
flammes. Cette fin n'a aucun égal dans toute l'histoire de la
musique.
1905
: Fondation, à Vienne, par Klimt, du mouvement de la Kunstschau
dont les disciples seront Egon Schiele et Oskar Kokoschka.
1907
: Adoption du suffrage universel (masculin) en Cisléithanie.
1908
: La présence à Belgrade, depuis 1903, d'une nouvelle dynastie,
celle des Karageorgevitch, farouchement hostile aux Habsbourg, pousse
les dirigeants austro-hongrois à décider, unilatéralement,
l'annexion pure et simple de la Bosnie-Herzégovine, ouvrant ainsi
une crise européenne qui est perçue comme une humiliation de la
Russie. A Vienne, à l'heure où la médecine acquiert une
réputation internationale avec Semmelweis ou le chirurgien
Billroth, Sigmund Freud fonde, grâce à sa méthode clinique de la
psychanalyse, qui fait de lui l'homme le plus célèbre de la
« Vienne 1900 », la Société viennoise de psychanalyse.
1912
: Adoption dans l'empire austro-hongrois du service militaire porté
à deux ans tandis que l'armée d'active (impériale et royale) est
désormais renforcée d'unités de réservistes (Landwehr en
Autriche et Honved en Hongrie). Les officiers
d'active, au nombre de 27 000, sont pour l'essentiel formés à
l'Académie militaire Marie-Thérèse de Wiener-Neustadt, à
proximité de Vienne. Ils donnent leurs ordres en allemand mais
doivent apprendre la langue vernaculaire de leurs soldats, utilisée
pour le service courant. Commandées par le général Conrad von
Hoetzendorf, le meilleur stratège de l'empire, les forces
austro-hongroises alignent désormais 48 divisions d'infanterie et 11
de cavalerie. S'y ajoute une artillerie en voie de modernisation.
Enfin, l'armée austro-hongroise dispose d'un excellent service de
renseignements, l'Evidenzbureau, qui permettra pendant toute
la durée du premier conflit mondial de compenser l'infériorité
numérique et matérielle de ses effectifs. Sur le plan naval, enfin,
la flotte des SMS (Seiner Majestät Schiff) atteint un tonnage
honorable de 264 000 tonnes (le quart de la Marine impériale
allemande). Elle comprend 12 cuirassés, 7 croiseurs, 55 torpilleurs
et 6 sous-marins. Ajoutons qu'une force aéronavale autrichienne sera
tout juste créée en 1914 et basée à Pola en Croatie.
1913 :
Face aux guerres balkaniques, malgré une mobilisation partielle, le
parti belliciste de Vienne reste dans une position d'attente et
d'observation. Il n'en sera pas de même, un an plus tard, lors de la
crise de Sarajevo où la volonté d'en découdre sera, cette fois, la
plus forte.
1914
: Assassinat, à Sarajevo, le 28 juin, de l'archiduc héritier
François-Ferdinand et de son épouse Sophie Chotek par un jeune
nationaliste serbe. A la suite d'un ultimatum adressé le 23 juillet à
Belgrade, l'Autriche-Hongrie entre, le 28 juillet, en guerre contre
la Serbie. Parfaitement informé des intentions de la chancellerie de
Berlin et de l'état-major allemand, François-Joseph s'adresse alors
à ses peuples dans une proclamation que le Wiener Zeitung
publie le 29 juillet : « J'ai tout examiné et tout pesé.
C'est la conscience tranquille que je m'engage sur le chemin que
m'indique mon devoir. » N'ayant, alors, absolument pas saisi
les potentialités nouvelles et inépuisables du matériel industriel
mis au service de la guerre moderne, le vieil empereur Habsbourg
apparaît comme un souverain du XIXe siècle qui
entretient l'illusion de corriger la Serbie en déclenchant, contre
elle, une campagne-éclair comparable à celles qui avaient assuré
en 1848-1849 les victoires de Windischgrätz et de Radetzky.
François-Joseph a, il est vrai, été fortement influencé par le
parti de la guerre qu'incarnent, à Vienne, des hommes comme le
général von Hoetzendorf ou le ministre de la guerre Krobatin, sans
parler du ministre des Affaires étrangères, Berchtold. Comme
partout en Europe, le parti belliciste s'est appuyé sur des opinions
publiques chauffées à blanc. Fin juillet, le jeu des alliances fait
le reste et déclenche en quelques jours l'embrasement de l'Europe.
Pour l'Autriche-Hongrie, la guerre se fait sur deux fronts. Face aux
Russes, les forces austro-hongroises vont se battre à un contre
quatre et se voient contraintes d'opérer des replis jusqu'à
l'arrivée des renforts allemands qui permettent la grande victoire
de Limanowa-Lapanov, en décembre, sur le front de l'Est.
Simultanément, sur l'autre front, après une résistance plus âpre
que prévue des Serbes, les Autrichiens finissent par s'emparer de
Belgrade, le 2 décembre 1914. Immédiatement reprise, la capitale
serbe sera à nouveau réoccupée en 1915, mais, cette fois, grâce à
l'intervention des forces bulgares entrées en guerre aux côtés des
Empires centraux. Contrairement aux estimations des ennemis de
l'Autriche-Hongrie, lesquels pronostiquaient une désagrégation de
l'armée impériale autrichienne dès les premiers chocs, les hommes
de toutes les nationalités ont fait leur devoir. Les pertes sont
extrêmement lourdes : alors qu'à l'été 1914, l'armée
austro-hongroise comportait après mobilisation 3 350 000 hommes sous
les armes, elle en a perdu plus d'un million, quatre mois plus tard !
1915
: L'année 1915 correspond, pour l'Autriche-Hongrie, à un
incontestable redressement militaire. Tout d'abord, l'offensive des
Carpates se solde par un grand succès puisque les Russes reculent sur
plusieurs centaines de kilomètres et que la Hongrie n'est plus
menacée. La reprise par les Autrichiens de la Galicie et de la
Bukovine, suivie, le 15 août, de l'occupation de Varsovie,
provoquent à Vienne un enthousiasme qui laisse augurer une fin
rapide et prochaine de la guerre. Entre-temps, l'entrée en guerre,
en mai, de l'Italie aux côtés de l'Entente, a modifié la donne en
ouvrant un troisième front qui contraint le général von
Hoetzendorf à prélever des divisions sur les deux fronts russe et
serbe, où sont déjà engagées les armées austro-hongroises. Les
Italiens commettent toutefois l'erreur de ne pas attaquer
immédiatement et laissent passer leur chance. C'est enfin le succès
de la campagne de Serbie qui aboutit à l'occupation du pays puis à
la mise hors de combat du Monténégro suite à l'entrée en guerre
de la Bulgarie aux côtés des Empires centraux, à l'automne. Alors
que cette série de succès permet aux dirigeants de l'Empire
d'Autriche-Hongrie de voir l'avenir sous un meilleur jour, c'est
depuis la Suisse, que le Tchèque Masaryk lance publiquement son
projet de destruction de l'empire bicéphale austro-hongrois tandis
qu'Edvard Benes, autre adversaire de toujours des Habsbourg, publie,
à Paris, un ouvrage intitulé Détruisez l'Autriche-Hongrie !
1916
: Les Autrichiens encaissent le choc de l'offensive russe du
général Broussilov, déclenchée le 4 juin. Les pertes sont
colossales : en 12 jours, les 4e et 7e
armées perdent 50 % de leur effectif ! Une nouvelle fois,
les renforts allemands vont permettre d'enrayer l'avance russe. Alors
que la Roumanie est entrée en guerre, le 27 août, aux côtés de
l'Entente, le général von Hoetzendorf, en liaison avec le général
allemand Falkenhayn, organise une campagne fulgurante qui aboutit
après six semaines de combat à la prise de Bucarest et à
l'occupation quasi-intégrale du pays. Le 21 novembre, l'empereur
François-Joseph s'éteint à Vienne après un règne d'une longueur
exceptionnelle (68 ans de règne). Il est remplacé par son
petit-neveu, Charles Ier de Habsbourg-Lorraine, qui prend
le commandement en chef de l'armée et s'installe au GQG. Le jeune
souverain semble par ailleurs répondre aux espoirs de ceux qui, en
Autriche-Hongrie, souhaitent une union de tous les Slaves du Sud,
dans le cadre d'un empire rénové.
1916-1918
: Règne de l'empereur Charles Ier de
Habsbourg-Lorraine.
1917
: Alors que l'Empire austro-hongrois, après trois années de
guerre, fait la rude expérience de la guerre totale avec le blocus
mis en place par les puissances de l'Entente, un vent d'espoir semble
paradoxalement souffler sur fond de nouvelle Pax austriaca.
Dès son avènement, l'empereur Charles Ier manifeste
clairement son intention, pour sauver la Double Monarchie, de
rechercher une solution pacifique au conflit. Un certain nombre
d'éléments l'expliquent. D'abord, il apparaît évident, aux yeux du
souverain Habsbourg, quand bien même la situation militaire
serait-elle favorable, que toute prolongation du conflit risquerait,
à terme, de placer l'Autriche-Hongrie sous la tutelle absolue de
l'Allemagne. Ensuite, l'empereur Charles est parfaitement conscient
que le rapport des forces et la durée du conflit jouent en faveur de
l'Entente, surtout depuis l'entrée en guerre des Etats-Unis, le 2
avril. Enfin, le monarque autrichien n'ignore pas non plus qu'une
prolongation de la guerre, avec son cortège de souffrances civiles
et de privations liées au blocus, ne pourrait qu'attiser les
troubles et les secousses révolutionnaires du type de celles qui ont
éclaté en Russie, en février. « Nous avons à combattre un
nouvel adversaire beaucoup plus dangereux que l'Entente : la
révolution internationale ! » écrit Charles Ier à
Guillaume II, en avril. C'est dans cette perspective qu'il faut
replacer les deux tentatives de paix séparée proposées au
printemps par le souverain Habsbourg à l'Entente et, notamment, à la
France, par l'entremise de Sixte et Xavier de Bourbon-Parme, frères
de l'impératrice Zita et officiers dans l'armée belge. D'autant
qu'à ce moment-là, le gouvernement français est alors dirigé par
Aristide Briand qui n'apparaît pas comme un ennemi irréductible des
Habsbourg. Dans une lettre du 24 mars, l'empereur Charles s'engage
même à appuyer « les justes revendications françaises
relatives à l'Alsace-Lorraine », le rétablissement de la
Belgique comme Etat souverain avec le maintien de son empire
colonial et le rétablissement d'une Serbie indépendante avec un
accès à la mer. Mais c'est sans compter sur les ennemis
irréductibles de l'Autriche-Hongrie qui entendaient maintenir comme
but de guerre la disparition de la Double Monarchie. En France,
Alexandre Ribot, connu pour son hostilité aux Habsbourg, vient de
succéder à Aristide Briand et les négociations sont court-circuitées d'autant que l'Italie ne peut supporter un
rabaissement des promesses territoriales qui lui ont été faites
lors du traité de Londres de 1915. Quant à l'Allemagne, elle ne
semble guère disposée à accepter l'initiative de son allié
autrichien. De toute façon, le plan de paix est contrarié à
Vienne même. Devant une conjoncture favorable aux Autrichiens
(cuisante défaite italienne à Caporetto le 24 octobre,
décomposition du front russe suite au renversement du régime
tsariste en octobre), le clan des partisans de la poursuite de la
guerre, à Vienne, se trouve renforcé. Ces derniers sont alors
convaincus qu'un ultime effort peut rendre la victoire encore
possible.
1918
: Alors que la monarchie austro-hongroise est entièrement tombée
sous la coupe de l'Allemagne et que son destin est suspendu au sort
des armes sur le front de l'Ouest, la situation militaire semble,
jusqu'au début de l'été 1918, assez favorable. La paix de
Brest-Litovsk, signée le 3 mars 1918, libère les Empires centraux
de la guerre russe tandis que celle conclue à Bucarest, le 16 mars,
met fin à la guerre avec la Roumanie. Simultanément, les fronts
italien et serbe sont solidement tenus par les armées
austro-hongroises. Sur le front, l'armée demeure loyale. A
l'intérieur, malgré les grèves et les difficultés
d'approvisionnement, le loyalisme des populations est patent. La
situation se renverse à partir du 8 août, « jour de deuil de
l'armée allemande » sur le front de l'Ouest, tandis que tout
le front oriental cède en quelques semaines (offensives des Serbes
et de l'armée d'Orient contre les positions turques et bulgares).
Pour les forces austro-hongroises, la fin du conflit intervient à
l'automne 1918, lorsqu'à la suite de la victoire italienne de
Vittorio Veneto, un armistice est conclu à Villa Giusti, près de
Padoue, le 3 novembre. L'Autriche-Hongrie bascule officiellement dans
le camp des vaincus. Le bilan humain de la guerre est très lourd.
L'Autriche-Hongrie déplore 1 200 000 morts auxquels il faut ajouter
478 000 hommes morts dans les camps de prisonniers, dans les Balkans
et à l'Est. Trois millions d'hommes sont rentrés blessés dans leurs foyers. Trois jours après celle qui vient d'être proclamée en
Allemagne, la république voit le jour en Autriche, le 12 novembre
1918. Pour la première fois depuis 1526, les Allemands d'Autriche
constituent un Etat autonome. Le 11 novembre, l'empereur Charles Ier
de Habsbourg-Lorraine, pressé par ses ministres, a signé
l'abdication qui signifie la fin de la monarchie des Habsbourg. L'un
des buts de guerre de l'Entente a ainsi été atteint.
Du traumatisme de la fin de l'empire à l'intégration dans l'Union européenne
1919
: Karl Seitz (SDAP, le parti social-démocrate des travailleurs) est
élu, le 5 mars, comme premier président de la république fédérale
d'Autriche. Deux mois après celui imposé à l'Allemagne lors du
traité de Versailles, le traité de Saint-Germain-en-Laye, signé le
19 septembre, règle le sort de l'Autriche. Pour la première fois
dans l'histoire moderne et contemporaine, la paix est dictée du
vainqueur au vaincu. L'ordre westphalien, issu du XVIIe
siècle, a vécu : aucune délégation autrichienne, pas plus
qu'allemande ou hongroise n'est admise à participer à l'élaboration
des traités. Après avoir gouverné un empire de 50 millions d'âmes,
Vienne devient la capitale d'un petit Etat enclavé de 83 000
kilomètres carrés et peuplé de 6,5 millions d'habitants. Héritière
d'une partie de la Cisleithanie, la république autrichienne est
sommée de renoncer à ses territoires non allemands et se trouve
ainsi territorialement réduite à l'ancienne Ostmark (marche de
l'Est) de l'époque de Charlemagne. Les vainqueurs de 1918, ne
souhaitant par ailleurs faire aucun cadeau au Reich allemand vaincu,
les articles 80 et 88 du traité de Versailles interdisent
explicitement toute réunion (Anschluss) de l'Autriche avec
l'Allemagne, alors même que la revendication était émise par une
partie notable des Autrichiens eux-mêmes. De mars 1919 à octobre
1921, la famille impériale des Habsbourg se retrouve en exil en
Suisse. Il faut garder à l'esprit que c'est à l'extérieur de ses
propres frontières que s'est joué le sort de l'empire et de la
dynastie des Habsbourg (en France, notamment, où a pesé, dès les
débuts de la guerre, l'influence conjuguée des slavisants et
germanophones de la Sorbonne et du Collège de France d'une part, les
hommes de l'émigration tchèque, leaders autoproclamés comme Benes
ou Masaryk d'autre part, lesquels ont pu s'appuyer sur une
intelligentsia occidentale idéologiquement
acquise à la destruction de l'édifice austro-hongrois). En
échafaudant la cartographie nouvelle de l'Europe centrale et
orientale, le Comité d'études, fondé en 1917 et présidé par
Ernest Lavisse, regroupant les « meilleurs » historiens
et géographes français du temps, a fait preuve d'irréalisme en
bâtissant sur les décombres de la Double monarchie
austro-hongroise des Etats totalement artificiels tels que la
Tchécoslovaquie ou la Yougoslavie, qui n'ont fait que reconstituer
des Autriche-Hongrie en miniature. Une formidable boîte de Pandore
concernant la question des minorités nationales est ouverte.
1920
: Élection, le 9 décembre, de Michael Hainisch (sans parti) comme
deuxième président de la république fédérale d'Autriche.
Inauguration, la même année, du festival de Salzbourg, conçu, dès
1917, par l'écrivain Hugo von Hofmannstahl, en collaboration avec le
metteur en scène de théâtre Max Reinhardt ainsi que le compositeur
allemand Richard Strauss. Dans un contexte de prise de conscience du
déclin de l'Europe, consécutif au grand suicide de 1914-1918, la
ville natale de Mozart est choisie pour jouer et reproduire, sur
scène, des œuvres musicales ou pièces de théâtre qui honorent
les fondements classiques de la culture européenne.
1921
: Après l'échec de deux tentatives de restauration monarchique en
Hongrie, la famille impériale des Habsbourg trouve refuge, en
novembre, à Madère. En Autriche, où il n'entend nullement accepter
une restauration monarchique, le gouvernement socialiste, dominé par
la figure de Karl Renner, peut compter sur les syndicats et surtout
sur les ligues paramilitaires comme le Republikanischer Schutzbund
(ligue de défense républicaine), mise sur pied en 1920, ou encore
sur les milices ouvrières de la Garde rouge, intégrées à la
nouvelle armée, la Volksheer, d'où l'on avait exclu les
anciens officiers de l'armée impériale. A l'est de l'Autriche,
création officielle du Burgenland, après que les germanophones
locaux ont décidé, en 1918, de rester autrichiens (suite à la
séparation d'avec la Hongrie voisine).
1922
: Charles Ier de Habsbourg-Lorraine, dernier souverain
d'une très longue et prestigieuse dynastie européenne, très
malade, s'éteint en exil à Madère. Les obsèques de Funchal
montrent trois couronnes placées autour du cercueil, l'une pour
l'Autriche, l'autre pour la Hongrie et une dernière représentant
les symboles de l'armée impériale et royale. A Vienne, où la Neue
Freie Presse se veut laudative, un service funèbre est célébré
en la cathédrale Saint-Etienne, en présence du chancelier Schöber.
1924
: Dans le cadre d'une politique d'assainissement monétaire est
créée, en Autriche, une nouvelle monnaie, le schilling, en
remplacement de la couronne. Surnommé l'Alpendollar, le
schilling devient pour une décennie la devise forte de l'Europe
danubienne.
1927 :
Après une phase d'instabilité politique, au début des années
vingt, due aux déchirements entre sociaux-démocrates, nationalistes
agrariens et chrétiens-démocrates, le parti catholique de Monseigneur Seipel devient le parti dominant en Autriche. C'est alors que se
renforce la Heimwehr, la « milice patriotique »
née en 1919 et dirigée par le prince Ernest Starhemberg. A
dominante chrétienne-sociale, cette ligue regroupe les sociétés de
gymnastique et associations d'anciens combattants ainsi que les
organisations paramilitaires des pays alpestres. Leur objectif est de
défendre l'ordre traditionnel tout en luttant contre le marxisme
rampant des sociaux-démocrates autrichiens.
1928 :
Election, le 10 décembre, de Wilhelm Miklas (CSP, parti
social-chrétien) comme troisième président de la république
fédérale d'Autriche.
1931
: A Vienne, la faillite du Kredit-Anstalt (cessation de
paiement d'une banque qui avait acquis une situation monopolistique)
constitue le point de départ d'une crise économique et financière
qui va se propager dans toute l'Europe centrale. Tous les progrès
accomplis depuis 1924 se trouvent anéantis en quelques mois.
Production et consommation autrichiennes retombent à un niveau
inférieur à celui de 1913. Le nombre de chômeurs double pour
atteindre le chiffre record de 400 000, au printemps 1931, cependant
que le schilling s'effondre en perdant 25 % de sa valeur. Déjà
demandé en 1919, sous une forme directe par Vienne et Berlin, le
rattachement de l'Autriche à l'Allemagne fait cette fois l'objet
d'une proposition indirecte, sous forme d'une Union douanière.
Londres, Paris et Prague opposent une fin de non-recevoir.
1932
: C'est en pleine crise économique, à un moment où la droite
autrichienne cherchait « un homme fort », qu'Engelbert
Dollfuss devient, en mai, le nouveau chancelier d'Autriche. Comme
pour la Hongrie de l'amiral Horthy, on peut, à propos de l'Autriche,
parler d'un Etat autoritaire national-catholique, foncièrement
antibolchévique et qui fait preuve de méfiance aussi bien à
l'égard des grandes démocraties occidentales qu'à l'égard du
national-socialisme en Allemagne, après 1933. Au lendemain de
l'arrivée d'Hitler au pouvoir en Allemagne, Dollfuss fera
immédiatement interdire les activités des nationaux-socialistes
autrichiens.
1934
: Redoutée depuis tant d'années, circonscrite en 1927, la guerre
civile finit par éclater, en février, à Vienne, au lendemain de
l'insurrection du Parti social-démocrate autrichien qui est mis hors
la loi. Le Karl Marx Hof, cité ouvrière modèle en même
temps qu'emblématique bastion du prolétariat en lutte, sert de
théâtre à de violents affrontements entre les hommes armés du
Schutzbund et l'armée, laquelle reçoit l'ordre de tirer au
canon. Après avoir espéré réitérer les sacrifices héroïques de
1848, le Schutzbund et le SPÖ finissent par être dissous. Le
1er mai, une nouvelle Constitution catholique et
corporatiste est promulguée, qui contribue à faire de l'Autriche un
« Etat chrétien allemand », conforme aux principes
proclamés par Pie XI dans l'encyclique Quadragesimo Anno.
Tentant un coup d’Etat national-socialiste visant à prendre le
contrôle de l'Autriche, Hitler fait assassiner Dollfuss en juillet.
Adversaire résolu d'Hitler, le chancelier défunt pouvait compter
sur le soutien diplomatique de l'Italie pour contrer toute tentative
d'Anschluss orchestrée par Berlin. Nourrissant encore à cette
époque l'espoir d'une grande politique danubienne appuyée sur les
aspirations de l'Autriche et de la Hongrie, mécontentes des traités
de 1919-1920, et mobilisant ses divisions d'élite sur le
Brenner, Mussolini est le seul, de tous les dirigeants européens, à
l'été 1934, qui s'oppose au projet hitlérien d'annexion de
l'Autriche au Reich. Kurt von Schuschnigg remplace Engelbert Dollfuss
comme chancelier et va s'efforcer de poursuivre avec énergie et
fermeté la politique nationale catholique de son prédécesseur.
1935 :
Le chancelier Schuschnigg autorise l'abolition partielle des décrets
« anti-Habsbourg » (loi d'exil dite Habsburgergesetz)
de 1919.
1937 :
Le chancelier Schuschnigg fait appel à l'archiduc Otto de Habsbourg,
fils de l'empereur Charles Ier, avant de
comprendre rapidement, devant le veto formel d'Hitler, de l'Italie et
de la Petite Entente, le caractère illusoire de tout projet d'une
restauration monarchique en Autriche. On connaît le mot célèbre et
plein de morgue de Benes, déclarant, à la veille de l'Anschluss,
qu'il « valait mieux avoir Hitler à Vienne que les
Habsbourg ».
1938
: L'Autriche ne pouvant plus compter sur le soutien diplomatique de
l'Italie, cependant que l'Angleterre, en pleine politique
d'appeasement, considère de plus en plus ouvertement la
perspective d'Anschluss comme une affaire intérieure allemande,
Hitler comprend rapidement qu'il a les mains libres pour réaliser
son projet d'annexion de l'Autriche dans le cadre du Grand Reich, à
condition toutefois d'agir en douceur. Le 11 mars, Schuschnigg
démissionne. Sans aucune base légale, Arthur Seyss-Inquart le
remplace à la Chancellerie. Le lendemain, aux premières heures du
jour, la Wehrmacht pénètre sur le territoire autrichien sans
rencontrer de résistance armée. Trois jours plus tard, Hitler fait
une entrée triomphale à Vienne sur la Heldenplatz, « la
place des Héros », où 200 000 personnes l'accueillent en
libérateur. Sans cesse réclamé par l'opinion autrichienne depuis
1919, l'Anschluss répond alors au vœu de la très grande majorité
des Autrichiens. En 1926, une revue était même apparue qui
s'intitulait der Anschluss. Le plébiscite du 20 avril (97 %
des électeurs ont voté « oui » à l'Anschluss) confirme l'adhésion
massive des Autrichiens à l'intégration dans le Grand Reich. A
cette occasion, le socialiste Karl Renner, futur président fédéral
de la IIe république d'Autriche après 1945, s'est
ouvertement prononcé en faveur du « oui ». Dans toute l'Autriche, des
timbres sont aussitôt émis à l'effigie d'Hitler, portant tous la
mention deutsches Reich. L'Hôtel impérial de Vienne devient
une annexe de la Wilhelmstrasse de Berlin. Les Länder
autrichiens sont transformés en Gaue, districts
administratifs dirigés par des Gauleiter. La première
république d'Autriche a vécu. L'Anschluss ouvre à l'Allemagne les
portes du monde danubien. La population juive de Vienne qui
représente 10 % des habitants de la capitale subit un sort
allant de l'arrestation ou incarcération (10 000 personnes) à
l'émigration (60 000). Le plus célèbre émigrant viennois est
alors le docteur Freud qui meurt en exil à Londres en 1939. Lors de
la « Nuit de cristal », le 9 novembre 1938, Vienne subit
la destruction de quarante-deux synagogues.
1945
: Après avoir supporté un violent bombardement le 12 mars, Vienne est, du
5 au 13 avril, le théâtre d'une terrible bataille de six jours qui
oppose les soldats soviétiques aux Allemands dans les rues éventrées
de l'ancienne capitale des Habsbourg. La cathédrale Saint-Etienne
est détruite à 45 % dont la célèbre Pummerin, le
bourdon de 22,5 tonnes qui, symboliquement, avait été coulé en
1711 avec les boulets de canons abandonnés par les Turcs. L'Autriche
n'a nullement été épargnée par la guerre. Au total, 380 000
Autrichiens ont été tués dans les rangs de la Wehrmacht. A
cela s'ajoutent 12 000 Viennois morts dans les bombardements de
1945 et 130 000 juifs disparus dans les camps de concentration. Le
territoire autrichien a lui-même abrité le camp de Mauthausen,
situé à quelques kilomètres à l'est de Linz et où sont morts
plus de 110 000 victimes. Au lendemain de la capitulation du 8 mai,
l'Autriche est soumise à une occupation quadripartite. La zone
d'occupation soviétique comprend le Burgenland, la Basse-Autriche
(qui facilite les communications entre la Tchécoslovaquie et la
Hongrie) et Vienne. Le statut de la capitale autrichienne est
comparable à celui de Berlin avec quatre zones d'occupation
soviétique, américaine, britannique et française. Si les
Soviétiques se livrent, comme partout ailleurs en Europe orientale,
à un démantèlement des usines considérées comme « biens
allemands », la normalisation politique intervient assez
rapidement. Le 20 décembre, Karl Renner (SPÖ) est élu premier
président de la IIe république fédérale d'Autriche.
Son gouvernement socialiste remet notamment en vigueur les lois
« anti-Habsbourg » de 1919.
1947
: La IIe république fédérale d'Autriche adopte le Land
Der Berge, Land Am Strome comme nouvel hymne national autrichien.
1951 :
Theodor Körner (SPÖ) est élu, le 21 juin, (deuxième) président
de la IIe république fédérale d'Autriche.
1953
: Création, à Vienne, par le chef d'orchestre Nikolaus Harnoncourt,
du Concentus Musicus, une pratique nouvelle de la
musique baroque des XVIIe-XVIIIe siècle.
1954 :
Mort du grand chef allemand, Wilhelm Furtwängler, qui a régné
vingt-cinq ans en maître sur les destinées du Wiener
Philarmoniker. Lui succéderont d'autres chefs prestigieux
comme Karl Böhm, Herbert von Karajan, Leonard Bernstein, Lorin
Maazel ou Claudio Abbado.
1955
: Offrant des gages de neutralité et de renoncement à tout
nouvel Anschluss, le chancelier Raab se rend à Moscou pour préparer
le traité du Belvédère, signé à Vienne le 15 mai. En vertu de ce
traité, l'Autriche est officiellement reconnue, quelques mois plus
tard par l'ONU comme un Etat souverain. Le retour à la normale est
symboliquement marqué par la réouverture solennelle de l'opéra de
Vienne, partiellement détruit par les bombardements de 1945.
1957 :
Fondation, à Vienne, sous l'égide de l'ONU, du siège de l'AIEA
(l'Agence internationale de l'énergie atomique) pour promouvoir
l'usage pacifique et limité de l'arme nucléaire. La même année,
tandis qu'Adolf Schärf (SPÖ) est élu, le 2 mai, (troisième)
président de la IIe république fédérale d'Autriche,
Otto de Habsbourg obtient la nationalité autrichienne sans toutefois
avoir le droit de revenir dans son pays natal. La persistance de la
dévotion populaire, le culte des Habsbourg pour la Vierge de
Mariazell permettent, par ailleurs, au sanctuaire catholique de
Styrie, de fêter son huitième centenaire.
1959 :
L'Autriche intègre, avec six autres pays, l'AELE (l'Association
européenne de libre échange). Ces pays constituent, entre eux, une
zone de libre échange pour contrebalancer la Communauté économique
européenne créée par le traité de Rome (signé deux ans plus
tôt).
1961 :
Rencontre Kennedy-Khroutchev à Vienne. Cette conférence
internationale illustre la conception de « Suisse
danubienne » définie par Karl Renner en 1947. Une nouvelle
conférence dans la capitale autrichienne aura lieu, sept ans plus
tard, au lendemain du Printemps de Prague.
1965 :
Franz Jonas (SPÖ) est élu, le 9 juin, (quatrième) président de la
IIe république fédérale d'Autriche. Installation, la
même année, à Vienne du siège de l'OPEP, l'Organisation des pays
exportateurs de pétrole.
1974 :
Rudolf Kirchschläger (sans parti) est élu, le 8 juillet,
(cinquième) président de la IIe république fédérale
d'Autriche.
1966 :
Ayant officiellement renoncé, en 1962, à ses prétentions sur le
trône, l'archiduc Otto de Habsbourg est autorisé à fouler le sol
autrichien.
1982
: Retour triomphal à Vienne, après soixante-trois ans d'exil, de
l'impératrice Zita.
1986 :
Kurt Waldheim (ÖVP) est élu, le 8 juillet, (sixième) président de
la IIe république fédérale d'Autriche.
1989
: Décision historique du ministre des Affaires étrangères
hongrois, Gyula Horn, de démanteler le rideau de fer entre la
Hongrie et l'Autriche. Reçu à Budapest, qui venait de remettre en
place la statue de son arrière-grand-tante, l'impératrice Sissi,
l'archiduc Otto de Habsbourg récupère à cette occasion la
nationalité hongroise. L'Autriche rend un vibrant et solennel
hommage à son ancienne impératrice, morte en Suisse, à 97 ans, et
inhumée à Vienne dans la crypte des Capucins. Selon le protocole
traditionnel des Habsbourg-Lorraine, on a sorti de la Hofburg le
carrosse funéraire qui avait porté, en 1916, le cercueil de
François-Joseph Ier.
1992 :
Thomas Klestil (ÖVP) est élu, le 8 juillet, (septième) président
de la IIe république fédérale d'Autriche.
1995
: L'Autriche, en même temps que la Suède et la Finlande, intègre
l'Union européenne, qui passe alors de 12 à 15 Etats-membres. La
même année, l'Autriche est, au même titre que la République
tchèque, la Slovaquie et la Hongrie, admise à l'OMC (Organisation
mondiale du commerce).
1996 :
Le château de Schönbrunn, à Vienne, est classé au patrimoine
mondial de l'UNESCO.
2000
: Percée du FPÖ (Parti autrichien de la liberté) de Jörg Haider
qui remporte 26,9 % des voix lors des élections législatives
en Autriche. Ce succès pousse Haider, gouverneur de Carinthie, à
négocier l'entrée de son parti dans le gouvernement conservateur de
Wolfgang Schüssel. L'Autriche devient, l'espace de quelques
semaines, un Etat diplomatiquement en « quarantaine », jusqu'à ce qu'une Commission de sages dépêchée par l'Union
européenne décrète que le pays est gouverné par une coalition ne
remettant nullement en cause le fonctionnement de la démocratie
autrichienne.
2002 :
Le 1er janvier, les billets et pièces en euros se
substituent au schilling autrichien, créé en 1924.
2004
: Béatification, à l'initiative du pape Jean-Paul II, du dernier
souverain Habsbourg, Charles Ier d'Autriche. Heinz Fischer
(SPÖ) est élu, le 8 juillet, (huitième) président de la IIe
république d'Autriche.
2005 :
Après avoir été responsable du FPÖ (Freiheitliche Partei
Österreichs) pour le Land et la ville de Vienne,
Heinz-Christian Strache devient, le 23 avril, président du FPÖ, en
remplacement d'Ursula Haubner, partie adhérer au BZÖ (Bündnis
Zukunft Österreichs), fondé début avril par son frère, Jörg
Haider, ancien chef du FPÖ. Ce dernier disparaîtra dans un
accident de voiture le 11 novembre 2008.
2007 :
En septembre, le Saint Père Benoît XVI se rend à Heiligenkreuz
ainsi qu'à Mariazell, à l'occasion du 850e anniversaire
de la fondation de ce haut-lieu de piété mariale.
2008
: L'Autriche, qui avait fourni jusqu'en 2001 un bataillon aux forces
de maintien de la paix dirigées par l'OTAN en Bosnie-Herzégovine,
prend le commandement de la Force opérationnelle multinationale -
Sud de la KFOR.
2009 :
Ouverture du procès en béatification de Zita, la « Servante
de Dieu » par l'évêque du Mans, Monseigneur Le Saux.
2011 :
Mort de l’archiduc Otto de Habsbourg, âgé de 98 ans, dans sa
résidence de Pöcking en Bavière. Vibrant au souvenir d'une
histoire pluriséculaire, Vienne se pare d'une forêt d'étendards
aux couleurs des provinces de l'ancien empire. C'est dans la crypte
des Capucins, à Vienne, que repose le corps d'Otto de Habsbourg, au côté de son épouse, l'archiduchesse Regina, disparue en 2010.
2013 :
A l'occasion des élections législatives, tenues le 29 septembre,
pour élire les 183 députés de la 25e législature du
Conseil national autrichien (pour un mandat de 5 ans), le FPÖ
effectue une percée en obtenant 20,5 % des voix, améliorant
son score des élections législatives précédentes de 2008, où le
parti de Heinz-Chritian Srache avait enregistré 17,5 % des
suffrages. Dans le même temps, la droite classique du Parti
populaire autrichien (ÖVP) obtient son pire résultat à un scrutin
législatif avec 24,1 %, tout comme les sociaux-démocrates (le
SPÖ, longtemps le plus grand parti du pays), qui enregistrent un
score historiquement faible avec 26,8 % des suffrages, restant
toutefois la première formation du pays avec 52 députés sur 183.
2015 :
Les élections régionales, tenues le 31 mai, en Styrie (l'un des
neuf Länder d'Autriche) constituent un triomphe pour le Parti
autrichien de la liberté (FPÖ), lequel progresse de seize points
par rapport aux élections régionales de 2010. Le FPÖ, avec 26,8 %
des voix, soit 14 députés, obtient le meilleur score électoral de
son histoire, tandis que les formations traditionnelles de droite
(ÖVP) et de gauche (SPÖ) enregistrent, quant à elles, leur plus
mauvais score depuis 1945, à savoir, respectivement, 28,5 % et
29,3 % des voix. Les résultats dans le Burgenland voisin
traduisent la même tendance et confirment la percée, comme du reste
partout ailleurs en Europe, des forces dites « populistes » face aux
partis de gouvernement traditionnels, à bout de souffle. Comme c'est
le cas en France, on assiste en Autriche à la fin du bipartisme et à
l'avènement d'un tripartisme appelé à durer et à bouleverser
l'échiquier politique. Une
tendance confirmée par la « crise des réfugiés » de
2015, l’Autriche se trouvant directement confrontée aux flux
migratoires en provenance des Balkans.
2016 :
Les élections présidentielles ont vu Alexander van der Bellen,
candidat indépendant soutenu par les écologistes, l’emporter sur
le candidat d’extrême-droite du FPÖ, Norbert Hofer. Une première
élection a été annulée au vu du faible écart séparant le deux
candidats mais Alexander van der Bellen l’a finalement emporté
avec 53,79 % des suffrages. La poussée nationaliste est
évidemment liée à l’afflux régulier d’immigrants, notamment
musulmans, dont l’intégration est manifestement en panne.
2017 :
Les élections législatives du 15 octobre ont vu le jeune ministre
des affaires étrangères, Sebastian Kurz, arriver en tête à
l’issue du scrutin avec 31,5 % des suffrages. Il s’est
entendu avec le FPÖ d’extrême-droite pour bâtir une coalition
gouvernementale qui a renvoyé dans l’opposition les sociaux
démocrates du SPO (26,9 % des voix). Heinz Christian Strache,
le leader du FPÖ, est devenu vice-chancelier et ses amis ont pris
les portefeuilles de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires
étrangères.. Dix-sept ans après l’expérience de Jorg Haider,
cette arrivée de la droite « populiste » aux affaires
n’a pas suscité en Europe la même mobilisation et le même rejet.
Les résultats économiques sont tout à fait encourageants, avec un
chômage au plus bas un tourisme très dynamique et un tissu de
petites et moyennes entreprises particulièrement performantes. Le
jeune Sebastian Kurz s’est imposé en Europe et manifeste sa
proximité avec la Hongrie, l’Italie et la Russie, de quoi le
ranger parmi les « populistes » dénoncés par les médias
occidentaux. La situation de l’Autriche n’en apparaît pas moins
tout à fait favorable en 2018.