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La Sicile
La lente genèse d'une identité

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Socle massif de forme triangulaire pointé vers l’ouest (ce qui lui valut le nom de Trinacrie donné par les Grecs), la Sicile est une grande île méditerranéenne dont les côtes sont baignées au nord par la mer Tyrrhénienne, à l’est par la mer Ionienne et au sud par les eaux du golfe des Syrtes qui la séparent de l’Afrique. Placée à mi-chemin de Naples et de Tunis, de Gibraltar et d’Alexandrie ou de Marseille et d’Athènes, elle occupe une position de carrefour qui explique les convoitises dont elle fut l’objet au fil des siècles. Elle n’est séparée que de trois km de la péninsule italienne par le détroit de Messine, mais celui-ci constitua pourtant à plusieurs reprises un obstacle sérieux. Étendue sur 27 500 km2, l’île présente un relief assez simple. Elle est dominée à l’est par la masse imposante de l’Etna, qui s’élève à plus de 3 300 m. Au nord de ce puissant édifice volcanique qui a donné à la région de Catane la fertilité de ses sols, les monts Péloritains occupent l’angle nord-est de la Sicile. Les monts Nébrodes et les Madonies bordent la côte septentrionale, au large de laquelle s’étend l’archipel des Lipari (les anciennes îles Éoliennes) et où s’ouvrent d’étroites plaines littorales comme celle où s’est développée l’ancienne colonie punique de Panorme, la future Palerme. Dominée par le mont Eryx, la pointe occidentale indique l’archipel des îles Aegates, alors que la côte méridionale présente une allure régulière jusqu’aux monts Héréens qui s’élèvent à l’angle sud-est de l’île. C’est là que s’ouvrent les vastes terroirs de Géla, d’Agrigente et de Sélinonte. Doucement incliné vers le sud, le plateau central est un vaste terroir à blé qui correspond à ces « prairies d’Enna » où, selon la tradition, Hadès, le dieu des enfers, avait enlevé Koré, la fille de Déméter, ramenée chaque année à la lumière du jour pour apporter à la terre les moissons nourricières nécessaires aux humains.

De la préhistoire au Ier millénaire avant J.-C.

Il faut attendre le paléolithique supérieur pour observer, en Sicile, les premières traces d’une présence humaine. Ce sont des sites du sud-est de l’île, entre Syracuse et Marina di Ragusa, qui ont livré le mobilier le plus important. Le gisement le plus ancien, qui correspond à l’abri de Fontana Nuova, remonte à l’aurignacien. D’autres sites – tels ceux de San Corrado, de la grotte Giovanna, de la grotte Corrugi de Pachino – ont été occupés à des périodes plus récentes du paléolithique et ont livré des outils de silex et de quartzite correspondant à des industries de type gravettien. Dans l’ouest de l’île, les grottes de Levanzo et d’Addaura ont révélé des gravures rupestres représentant des danseurs… Fin du VIe millénaire : Développement en Sicile de la révolution néolithique apportée par des envahisseurs venus de l’est, de la péninsule balkanique ou du Proche-Orient. La culture qui résume cette évolution est celle de Stentinello. Ses représentants pratiquent l’agriculture et l’élevage, utilisent frondes et meules à grain, travaillent le silex mais aussi l’obsidienne des îles Lipari. Ils pratiquent le commerce maritime, construisent des villages retranchés entourés de fossés (du type villagio trincerato) et fabriquent aux époques les plus hautes une céramique à impression qui sera ensuite incisée et peinte. Avec les sites de Matrensa, Megara Hyblaia et Paterno, celui de Stentinello correspond à la « zone orientale » du néolithique sicilien. La zone « tyrrhénienne » est dominée par la culture qui s’est développée dans les îles Lipari grâce à l’extraction de l’obsidienne, matière première très recherchée à l’époque pour ses qualités de dureté et son utilisation dans la fabrication des couteaux et des pointes de flèche. IIIe millénaire avant J.-C. : Période correspondant à l’âge du cuivre ou chalcolithique. Les îles Éoliennes déclinent à cette époque et les cultures successives de Piano Conté et de Piano Quartara ne connaissent qu’une poterie dépourvue de décor. Les sites siciliens de Conzo, de Piano Notaro et de la Grotta Chiusazza au sud-est, de Malpasso et Sant' Ippolito dans l’intérieur, de la Conca d’Oro au nord-ouest, ont livré en revanche une poterie peinte qui révèle des contacts avec la Méditerranée orientale. Outre la métallurgie du cuivre, ces cultures sont caractérisées par des hypogées taillés dans le rocher qui seront typiques de la Sicile pendant tout l’âge du bronze et du fer. -2000 -1400 : âge du bronze ancien. Apparition de la métallurgie du bronze. La Sicile se trouve alors sur les voies maritimes qui conduisent de l’Égée et du Proche-Orient jusqu’à l’Atlantique et aux îles Britanniques. L’activité des îles Éoliennes connaît alors un certain renouveau, dont témoigne la culture de Capo Graziano (sur l’île d’Alicudi) et de Milazzo (sur la côte septentrionale de la Sicile). La culture la plus représentative de cette période est celle de Castelluccio, du nom d’un site proche de Noto – installé sur un éperon rocheux isolé par deux vallées profondes – où elle a été étudiée par le grand archéologue sicilien Paolo Orsi. Elle s’est développée dans les parties méridionales et sud-orientales de l’île. Cette culture est également caractérisée par des tombes à chambre creusées dans la roche calcaire. -1400 -1250 : Âge du bronze moyen. Au nord de l’actuelle Syracuse, Thapsos, qui apparaît comme le site le plus caractéristique de ceux correspondant à cette période, est un vaste établissement entouré d’une enceinte, le plus important que l’on connaisse à cette époque en Méditerranée occidentale. Ses occupants entretiennent des relations maritimes suivies, notamment avec les Mycéniens (ce dont témoignent les restes d’un grand palais du type anaxtoron et une céramique caractérisée par des coupes montées sur un haut pied tubulaire). La Sicile de l’époque importe aussi des vases de Malte (du type correspondant aux trouvailles réalisées sur le site maltais de Borg in Nadur), des archipels égéens et de Chypre. Les cultures de Conca d’Oro, au nord-ouest, et de Vallelunga au nord-est ne semblent plus, en revanche, entretenir de relations avec les Mycéniens, très présents dans le reste de l’île, surtout entre -1600 et -1400, notamment à Agrigente, Matrensa, Cozzo del Pantano et Buscemi où ils semblent avoir établi de véritables comptoirs. Ils sont également à Filicudi et Panarea dans l’archipel des Lipari où le site de Portella a par ailleurs livré de grandes jarres à inhumation analogues à celles découvertes sur le site ibérique d’El Argar. Durant la période suivante, l’incinération s’impose progressivement sous l’influence des populations venues de la péninsule italique et porteuses d’une culture protovillanovienne. Cette migration correspondrait à celle des « Ausoniens » évoqués par les textes antiques. -1250 -750 : Âge du bronze récent et début de l’âge du fer. De vastes bouleversements affectent le bassin méditerranéen à la fin du Ier millénaire. Ils correspondent aux mouvements des « peuples de la mer » rejetés d’Égypte par Ramsès III et responsables de la destruction de l’Empire hittite en Asie Mineure et de la cité commerçante d’Ougarit (Ras Shamra) sur la côte syrienne. Ces bouleversements sont aussi à l’origine de l’intervention de nouvelles vagues d’envahisseurs en Corse, en Sardaigne et en Sicile. Venus de la péninsule italique d’où ils ont été chassés par les Opiques, les Sicules ont occupé à la fin du IIe millénaire la partie orientale de l’île, en refoulant vers le centre et l’ouest les Sicanes, population autochtone que l’on suppose proche des Ibères. Les Sicules parlent un dialecte italique indo-européen, utilisent le cheval et l’araire et sont des cousins des Latins appelés à fonder Rome. À l’extrême ouest, les Élymes sont installés dans la région d’Égeste et du mont Éryx ; leur origine reste incertaine et une tradition ancienne en fait même des descendants des Troyens (Énée en personne aurait établi le culte de l’Aphrodite Érycéenne). Fournies par Thucydide ou d’autres auteurs anciens, ces informations ont été globalement confirmées par l’archéologie. Le site le plus caractéristique de ceux remontant à cette époque demeure celui de Pantalica, dans l’arrière-pays de Syracuse, dont les nécropoles ont livré près de 5 000 sépultures. Les populations se replient alors vers l’intérieur, et les soucis de défense et de sécurité prennent le pas sur les préoccupations purement commerciales. La tradition transmise par Hellanicos place à cette époque (XIIIe siècle) l’arrivée des Sicules venus d’Italie. Le site de Pantalica occupe un éperon montagneux isolé. Il correspond sans doute à l’ancienne Hybla, une capitale sicule, ce que semble confirmer la découverte des vestiges d’un palais de type mycénien, équipé d’un atelier de fonte du bronze. Fin IXe-début du VIIIe siècle avant J.-C. : Les commerçants phéniciens venus des cités maritimes des côtes syrienne et libanaise sont certainement présents sur les côtes siciliennes depuis la fin du IIe millénaire avant J.-C., ce dont semble témoigner la découverte près de Sélinonte d’une statuette de bronze, datée des XIIe – XIe siècles, représentant le dieu Reshef. La création de Carthage (Qart Hadasht) en -814, à proximité de l’actuelle Tunis, fait passer leurs établissements sous le contrôle de cette nouvelle métropole. Les principaux points d’appui des Puniques en Sicile sont situés à l’ouest de l’île, à Motyé, Solunte et Panorme (la future Palerme). Installée sur l’île de Sant Pantaleo, à 8 km au nord de Marsala, la colonie de Motyé présente, avec son tophet (lieu de sacrifices), ses stèles et ses terres cuites figurées, des caractères typiquement phéniciens. Elle sera détruite en -397 par Denys l’Ancien, et la présence punique se déplacera alors à Lilybée (Marsala) qui résistera à Pyrrhus en -276 puis tombera aux mains des Romains en -241. Panorme, la principale base navale punique sur la côte nord de la Sicile, notamment lors de l’attaque des Carthaginois contre Himère en -480, sera prise par Pyrrhus en -276 puis tombera, comme Solunte, aux mains des Romains en -254.

Le coeur de l'Occident grec

Le souvenir des anciennes relations entre le monde égéen et la Sicile s’est maintenu au cours des périodes sombres qu’a connues le monde grec à partir de la fin du IIe millénaire. Le mythe de Dédale, le génial architecte constructeur de Camicos – la capitale du roi des Sicanes Cocalos (la future Agrigente ?) – poursuivi jusqu’en Sicile par Minos qui y trouve la mort, en témoigne. Dans l’Odyssée, Homère évoque les dangers qui, sur les côtes de Sicile, menacent les navigateurs égarés dans les mers occidentales ; mais les Lestrygons (géants anthropophages que l’on localise aussi au sud du Latium), les Cyclopes et les deux monstres marins Charybde et Scylla ne sont peut-être que le produit des fables répandues par les marins phéniciens pour dissuader leurs rivaux grecs de venir concurrencer leur fructueux commerce. vers -760 : Les contacts se rétablissent entre le monde grec et la Sicile à la faveur du vaste mouvement d’expansion et de colonisation helléniques qui se prolonge jusqu’au milieu du siècle suivant et qui entraîne vers l’ouest Chalcidiens, Mégariens, Corinthiens, Rhodiens et Crétois. -757 : Des Chalcidiens venus d’Eubée fondent au cap Schiso – au nord de l’Etna, sur les derniers contreforts des monts Péloritains, près d’une vallée favorable au blé et à la vigne – la colonie de Naxos. Celle-ci sera détruite par Denys l’Ancien en -403. Installée à proximité, Tauromenion succédera à Naxos. Thucydide donne comme date de fondation -734, mais les recherches archéologiques font conclure à une date plus ancienne d’une vingtaine d’années, ce qui vaut également pour les autres dates de fondation données par l’auteur de La Guerre du Péloponnèse, à l’exception toutefois de celle de la fondation de Syracuse. -752 : Les Naxiens s’installent au sud de l’Etna, à Leontinoi, qui peut exploiter la « plaine blonde » de l’arrière-pays. Une autre colonie chalcidienne est établie à Catane la même année, dans la région où se trouvent les sols les plus riches de l’île. La chronologie traditionnelle donne la date de -729. -750 : Les Chalcidiens fondent Zancle, la future Messine. Après la fondation de Rhegion sur la côte italienne (la future Reggio de Calabre), ils seront maîtres du détroit. Des Doriens de Mégare et de Corinthe fondent la colonie de Mégara Hyblaia, sur la côte du golfe d’Augusta (-728 selon Thucydide). -733 : Des Corinthiens conduits par Archias atteignent la côte héréenne, au sud-est de la Sicile, et s’établissent sur l’île d’Ortygie, non loin des marais de Syraco, pour fonder la colonie qui deviendra Syracuse, sur un site particulièrement favorable (l’étroit chenal séparant l’île de la terre ferme permet la communication entre le Grand et le Petit Port et, en remontant, dans l’arrière-pays, la basse vallée de l’Anapos, il est aisé d’atteindre Pantalica, l’ancienne capitale sicule). -716 : S’avançant vers l’ouest, les Zancléens fondent Mylai, puis s’installent en – 648 à Himère. -689 : Rhodiens et Crétois fondent Géla à l’embouchure du Gélas, le « fleuve froid », et installent ainsi la présence dorienne sur la côte sud de la Sicile. -663 : Les Syracusains fondent Acrai, à une trentaine de kilomètres dans l’arrière-pays de leur cité. Avec les fondations de Casmenai en -643, puis de Camarina en -598, ils exploitent la majeure partie de l’espace agricole du sud-est de la Sicile. Seconde moitié du VIIe siècle : Catane recourt à Charondas, un législateur étranger, pour définir ses institutions. -650 : Venu de Megara Hyblaea, Pamylos fonde Sélinonte, qui deviendra, à l’embouchure de l’Hypsas, la plus importante cité du sud-ouest de la Sicile, dans la région considérée, après celle de l’Etna, comme la plus fertile de l’île (la chronologie traditionnelle donne – 628). Heracleia Minoa sera fondée par Sélinonte à une date ultérieure qu’il est impossible de préciser. -608 : À Léontinoi, le polémarque Painaitios organise le massacre des « Cavaliers », les oligarques de la cité, et se fait tyran, fournissant ainsi le modèle de régime politique qui prévaudra largement tout au long de l’histoire de la Sicile grecque. Les plus célèbres de ces tyrans de l’époque archaïque seront Phalaris d’Agrigente, Peithagoras et Euryléon à Sélinonte, Cleandros et Hippocratès à Géla. -582 : Des colons venus de Géla fondent à 120 km à l’ouest de cette ville celle d’Acragas (Agrigente), à proximité de l’embouchure de la rivière portant ce nom. -580 : La poussée grecque est contenue dans l’ouest de l’île. La cité indigène d’Égeste (qui deviendra Ségeste à l’époque romaine) limite l’expansion du territoire de Sélinonte. Alors que le poète Stésichore d’Himère appelle à la colonisation de l’ouest sicilien, Pentathlos, que la tradition présente comme un descendant d’Héraclés, échoue dans sa tentative d’installer à Lilybée une colonie de Cnidiens et de Rhodiens qui gagnent finalement les îles Éoliennes (archipel des Lipari). À la fin du siècle, en -510, le Spartiate Dorieus est également vaincu par les Égestains alliés des Puniques, et sa troupe s’établit à Heracleia Minoa, à l’embouchure de l’Halycos, aux frontières du territoire d’Agrigente. - 570 -554 : Tyrannie de Phalaris à Agrigente. -570 : Premières monnaies grecques de Sicile à Sélinonte et Himère. -565 : Débuts de la construction du temple d’Apollon à Syracuse. -550 : Camarina est vaincue et détruite par Syracuse. -550 -500 : Construction des temples C et F de Sélinonte. -505 : Cleandros devient tyran de Géla. Il est assassiné en -498. Son frère Hippocratès lui succède, soumet les cités chalcidiennes de Naxos, Léontinoi et Zancle avant de menacer Syracuse, mais l’intervention de Corinthe et de Corcyre le contraint à conclure la paix. Il conserve Camarina mais meurt en -491 alors qu’il assiège Megara Hyblaia. C’est le commandant de la cavalerie, Gélon, qui hérite de son pouvoir, détruit Mégara Hyblaia en -483 et s’empare de Syracuse en -482. Il s’installe dans cette dernière ville pour en faire sa capitale et confie Géla à son frère Hiéron. -480 : Grande victoire des Grecs sur les Carthaginois à Himère. Théron, tyran d’Agrigente depuis -488, a imposé son protectorat à cette cité après en avoir chassé le tyran Terillos qui, avec Sélinonte, a recherché l’alliance punique. Assiégé dans Himère, Théron reçoit le secours de son gendre Gélon de Syracuse, de Léontinoi et de Géla, et la défaite carthaginoise est totale. Des milliers d’esclaves vont ainsi fournir la main d’œuvre nécessaire aux grands travaux entrepris alors à Syracuse et Agrigente. Himère voit le triomphe de l’hellénisme occidental au moment où les cités grecques sortent victorieuses des guerres médiques. Sélinonte a été seule à se ranger du côté punique mais, après 480, elle se rapproche de Syracuse et d’Agrigente et constitue pour un temps avec elles une sorte de triarchie siciliote. -480 -460 : Construction du temple dorique d’Athéna à Syracuse, des grands sanctuaires d’Agrigente, du temple E de Sélinonte et du temple d’Himère. 478 : À la mort de Gélon, son frère Hiéron lui succède et s’assure le contrôle du détroit de Messine. Son règne, qui dure jusqu’en -466, voit l’apogée de Syracuse qui accueille alors les poètes Épicharme et Sophron, le rhéteur Corax, les poètes épiques Simonide, Bacchylide et Pindare alors qu’Eschyle y fait représenter ses Perses en -470 (si l’on en croit la tradition, il mourra à Géla en -456). -474 : Victoire navale de Hiéron contre les Étrusques au large de Cumes. -472 : Hiéron bat Thrasydée, fils et successeur de Théron disparu l’année précédente, et impose son protectorat à Agrigente et à Himère. -466 : Mort d’Hiéron. Son frère Thrasybule, le dernier des Deinoménides (les fils de Deinoménès), lui succède mais, dès -461, la révolte est générale dans « l’empire syracusain » qui se désagrège au cours des années suivantes. Dans la plupart des cités, des régimes démocratiques, le plus souvent éphémères, succèdent vers cette époque aux tyrannies qui s’étaient établies depuis un siècle et demi. -451 : Le roi des Sicules Doukétios est vaincu par la coalition formée par Agrigente et Syracuse. Il reprend la lutte en -446 mais meurt en -440 et sa disparition marque, avec la destruction de Paliké – la plus importante des citadelles sicules –, la fin des révoltes indigènes dans l’est de l’île. -435 : Mort d’Empédocle. Né en -490 et chef du parti démocratique à Agrigente, le philosophe – qui avait tenté de réaliser dans sa Nature de l’Univers, dont quelques fragments nous sont parvenus, la synthèse des réflexions des Ioniens, des Éléates et d’Héraclite – serait mort en se jetant dans le cratère de l’Etna pour se fondre avec le feu originel et obtenir ainsi l’immortalité. - 427 -425 : En lutte avec Syracuse, Léontinoi, alliée de Rhegion et de Naxos, charge le sophiste Gorgias de rechercher l’alliance d’Athènes ; mais la flotte athénienne est battue dans le détroit de Messine, la paix est conclue à Géla et, en -422, une garnison syracusaine s’installe à Léontinoi et en chasse l’oligarchie fortunée. vers -425 : Construction du temple de Ségeste. -416 : Syracuse soutient les prétentions de Sélinonte sur Égeste, dans le cadre d’une politique visant à imposer en Sicile l’hégémonie dorienne. - 415 -413 : L’expédition de Sicile, conduite par les Athéniens contre Syracuse, se conclut sur un désastre total. Désireux de soutenir leurs alliés de Naxos et de Catane contre Syracuse, les Athéniens, déjà engagés depuis -431 dans la guerre du Péloponnèse, envoient en Sicile une puissante expédition navale (35 000 hommes, plus de 200 navires de combat et de transport) commandée par Nicias et Alcibiade. Menacé de poursuites du fait des soupçons de sacrilège qui pèsent sur lui après la mutilation des Hermès, Alcibiade s’enfuit à Sparte, la cité ennemie d’Athènes, et y excite le parti de la guerre. Le Lacédémonien Gylippe parvient ainsi à entrer dans Syracuse assiégée pour renforcer les défenseurs commandés par Hermocratès, et l’armée de secours athénienne amenée par Démosthène ne peut changer le cours de la lutte, qui se termine sur une défaite totale des Athéniens. Sept mille survivants prisonniers sont alors enfermés dans les Latomies, les carrières de Syracuse. -409 : Menacée par Sélinonte, Égeste – la cité des indigènes Élymes établis dans l’ouest de l’île – a fait appel aux Carthaginois. Petit-fils d’Amilcar, le vaincu d’Himère en -480, Hannibal débarque à Lilybée et assiège la grande cité grecque de l’ouest sicilien. Sélinonte est prise et détruite. Sa population est entièrement massacrée ou réduite en esclavage. Himère subit ensuite le même sort. -406 : Le Carthaginois Himilcon pille et brûle Agrigente. -405 : Géla et Camarina sont détruites à leur tour ; mais une épidémie de peste sauve Syracuse où Denys l’Ancien, qui s’est imposé comme tyran, achète la retraite punique. -397 : Un an après la reprise de la guerre entre Syracuse et Carthage, les Grecs prennent Motyé mais subissent une défaite navale devant Catane. -396 : Victoire totale de Denys sur les Carthaginois qui assiégeaient Syracuse et voient leur flotte en grande partie détruite. Le tyran prend Solunte aux Carthaginois en -393 et impose son autorité à toute la Sicile, sauf Égeste et Panorme. Il bat les cités grecques d’Italie en -388 lors de la bataille de l’Eloporos, prend Rhegion et installe même une base à Locres en -387, ce qui lui assure le contrôle du détroit de Messine. Denys fait fortifier Ortygie et, sur la terre ferme, deux murailles nord et sud protègent la colline des Épipoles et convergent vers le fort de l’Euryale. Achevé en -385, ce système fortifié garantit la sécurité de Syracuse et de sa flotte abritée dans le Petit Port. -375 : Victoire de Denys sur les Carthaginois de Magon à Cabala, dans l’ouest de la Sicile. Il est ensuite battu à Cronion (près de Thermae, l’ancienne Himère) et, après un nouvel échec devant Lilybée, doit reconnaître aux Puniques le contrôle d’un tiers de l’île (à l’ouest d’une ligne allant du cours de l’Halykos à Thermae) alors que le centre et l’est sont rendus à l’hellénisme. - 367 : À la mort de Denys l’Ancien, son fils Denys le Jeune lui succède et attire à sa cour les philosophes Aristippe de Cyrène et Platon (déjà accueilli à Syracuse en -389, le philosophe y reviendra en -361). - 357 -355 : Oncle de Denys, Dion le chasse de Syracuse, puis d’Ortygie, avant d’être lui-même assassiné par ses mercenaires en – 354. -344 : Revenu à Syracuse deux ans plus tôt, Denys remet Ortygie au Corinthien Timoléon qui doit faire face aux menaces que représentent Léontinoi et les Carthaginois. Il bat ceux-ci en -341 dans l’ouest de l’île, sur les bords du Crimisos. -337 : Timoléon, qui a établi la démocratie à Syracuse et repeuplé la ville, abandonne le pouvoir. -319 : Agathocle s’empare du pouvoir et soulève la foule contre les aristocrates. -311 : Vaincu par les Carthaginois et assiégé dans Syracuse, Agathocle débarque au cap Bon et attaque le territoire punique. -305 : La paix est rétablie avec Carthage après une deuxième incursion en Afrique en -308 -307. C’est en -307 qu’Agathocle prend le titre de roi. -291 : Après s’être emparé des îles Lipari, de Crotone, d’Hipponion et de Corcyre, Agathocle s’allie avec Pyrrhus et Démétrios Poliorcète mais meurt en – 289. -278 -276 : Pyrrhus, roi d’Épire et gendre d’Agathocle, qui rêve de faire pour l’hellénisme en Occident ce qu’Alexandre a fait pour lui en Orient, intervient en Sicile contre Carthage, prend Panorme et Éryx, mais échoue devant Lilybée avant de se replier sur Tarente et de repasser l’Adriatique après s’être heurté aux Romains.

Les siècles de la Sicile romaine et byzantine

-269 : Les Syracusains se choisissent pour chef Hiéron II, jeune capitaine de Pyrrhus, vainqueur des mercenaires Mamertins (enfants de Mars) qui ravageaient l’île et qui ne conservent que Messine mais font appel aux Romains qui interviennent ainsi pour la première fois en Sicile en -268. -264 -241 : Première guerre punique entre Rome et Carthage. -263 : Le consul romain Appius Claudius force Messine à entrer dans l’alliance romaine et traite avec Hiéron II, qui ne conserve que Syracuse, Léontinoi et Tauromenion. C’en est fini de l’autonomie de l’hellénisme en Occident. -262 : Agrigente est prise par les Romains après un siège de six mois ; elle est réoccupée en -255 par les Carthaginois et définitivement soumise à Rome en – 210. -260 : Le général romain Duilius est vainqueur sur mer des Carthaginois à Mylai. -256 : Victoire des Romains au cap Ecnomos. Ils passent en Afrique sous le commandement de Régulus et de Manlius Vulso pour y poursuivre la lutte contre les Puniques, mais le Lacédémonien Xanthippe vient défendre Carthage et Regulus est fait prisonnier en –255. -247 -246 : L’arrivée en Sicile d’Hamilcar Barca permet à Carthage de reprendre l’initiative dans l’ouest de l’île. -241 : Victoire navale des Romains aux îles Aegates. et prise de Lilybée. Le traité mettant fin à la première guerre punique – au cours de laquelle Hiéron II est demeuré neutre – abandonne à Rome la Sicile tout entière. L’île est débarrassée de la présence punique, mais au profit de Rome dont le petit État syracusain n’est plus qu’un protégé. -227 : La Sicile romaine est gouvernée par un préteur. -218 -201 : Deuxième guerre punique. -216 : Mort de Hiéron II, à l’âge de 90 ans. Son règne a été une époque de prospérité et de rayonnement culturel, marquée par la présence du poète Théocrite à Syracuse et par la rédaction de l’Histoire de Sicile de Timée de Tauromenion. Malgré les succès remportés par Hannibal au cours de la deuxième guerre punique, Hiéron II est demeuré fidèle à l’alliance romaine. -215 : Les Romains s’emparent de Léontinoi. -214 : La Sicile se soulève contre Rome. Le petit-fils de Hiéron, Hieronymos, qui n’est âgé que de quinze ans veut se rapprocher de Carthage mais il est assassiné par les tenants du parti proromain. Un gouvernement républicain s’installe alors à Syracuse et porte au pouvoir Épycides et Hippocratès qui sont favorables aux Puniques et reçoivent le soutien d’une armée carthaginoise commandée par Mutine. -214 -212 : Siège de Syracuse par les Romains, à l’issue duquel Archimède (né en -287) trouve la mort au moment où la ville est livrée à un pillage général. -210 -205 : M. Valerius Laevinius termine la reconquête de la Sicile. -205 : Scipion, qui a été élu consul, se fait attribuer le gouvernement de la Sicile, y rétablit la paix et, en -204, part de Lilybée avec une flotte nombreuse et un corps expéditionnaire imposant pour porter la guerre en Afrique, en territoire carthaginois où il remportera en -202 la victoire décisive de Zama, qui conclut la deuxième guerre punique. -201 : Fixation du statut de la Sicile, première province romaine. Cinq cités – Centuripe, Ségeste, Panorme, Halaesa et Halicyoe – demeurent libres. Messine, Tauromenion et Neetum – qui avaient été favorables à Rome avant la chute de Syracuse – lui sont liées par un pacte d’alliance (foedus) et ne dépendent pas de l’autorité du gouverneur, dont relèvent en revanche directement cinquante-sept cités « sujettes » dont le territoire est devenu ager publicus, propriété du peuple romain qui le loue à des particuliers ou à des communautés moyennant des redevances encaissées par le trésor public. Syracuse, Éryx, Lilybée, Sélinonte comptent au nombre de ces cités vaincues. Elles vont supporter en priorité le poids de l’impôt, et les préteurs nommés par Rome et chargés d’établir son assiette et d’organiser son recouvrement vont mettre l’île en coupe réglée. IIe siècle : Rome organise en Sicile, le plus souvent au profit de la classe noble des « chevaliers » (equites), le régime de la grande propriété et assure ainsi le développement de la production céréalière, qui fait bientôt de l’île son « grenier à blé ». Il faut alors recourir à une main-d’œuvre servile toujours plus nombreuse, fournie par les guerres victorieuses menées contre Carthage et en Orient. -146 : Après la chute et la destruction de Carthage, Scipion Émilien rend aux Siciliens leurs œuvres d’art dérobées par les Puniques. -139 : Première guerre servile. Rassemblés dans la région d’Enna autour de leur chef, le Syrien Eunous, les esclaves révoltés prennent Taormine et Agrigente et sèment la terreur dans l’île pendant sept ans. Ils échouent devant Messine et, assiégés dans Taormine, sont finalement vaincus par le consul Rupilius qui en tue une vingtaine de milliers. -122 : Le gouverneur romain de la Sicile devient propréteur installé à Syracuse, investi du commandement en chef et jugeant sans appel. Contre l’arbitraire du préteur, les Siciliens n’ont aucun recours pendant qu’il est en fonction (généralement pour un an) mais peuvent le poursuivre devant les tribunaux de Rome après sa sortie de charge. Le préteur est assisté de deux questeurs installés respectivement à Syracuse et Lilybée et chargés du recouvrement des impôts. -104 : Deuxième grande guerre servile, qui voit des Sicules insurgés se joindre aux esclaves commandés par Triphon, puis Athénion. Il faut cinq ans au consul Aquilius pour en venir à bout. vers -90 : Naissance à Agyrium, au pied de l’Etna, de Diodore de Sicile, mort vers -20 et auteur d’une Bibliothèque historique dont quelques volumes nous sont parvenus. -70 : Procès de Verrès qui a été propréteur en Sicile de 73 à 71 ; corrompu, il s’y est scandaleusement enrichi en multipliant les abus de pouvoir et en pillant les temples pour revendre à Rome des œuvres d’art grecques alors très prisées. Il fournit à Cicéron, qui avait été questeur à Lilybée, l’occasion de ses célèbres plaidoiries. -67 : Campagne victorieuse de Pompée contre les pirates qui infestent les côtes siciliennes. -39 : Les triumvirs Octave, Antoine et Lépide négocient avec Sextus Pompée – le fils de l’ancien adversaire de César, qui a pris le contrôle de la Corse, de la Sardaigne et de la Sicile – le traité de Misène mais, au nom d’Octave, Agrippa détruira la flotte du rebelle à Naulocque en – 36, et l’invasion de l’île par Lépide le contraint à s’enfuir en Orient. L’autorité romaine est dès lors rétablie sur la Sicile. -27 : Après l’instauration du principat, Octave Auguste fait de la Sicile une province sénatoriale confiée à un proconsul et met fin à l’affermage des impôts. Il lui octroie ensuite le droit latin ; la citoyenneté romaine est ensuite généreusement accordée, mais c’est l’édit de Caracalla de 212 qui fera de tous les Siciliens libres des citoyens romains à part entière. 44 ap. J.-C. : Saint Pierre envoie d’Antioche à Syracuse saint Marcien ; il y fonde un oratoire qui deviendra l’église San Giovanni au IVe siècle. Vers 45–49 : Au cours de son premier voyage missionnaire en Occident, saint Paul fait escale à Syracuse et à Messine où la tradition veut qu’il ait traduit une lettre adressée par la Vierge aux habitants de cette dernière ville. Une autre tradition – tardive puisqu’elle ne semble pas remonter au-delà du XVIIe siècle – fait passer saint Pierre par Palerme. IIe siècle : Tombes chrétiennes les plus anciennes connues en Sicile. Les catacombes de Syracuse, Lilybée, Panorme et Agrigente datent du siècle suivant. 265 : Nouvelle guerre servile. 278 : Syracuse est pillée par une bande de Francs. fin du IIIe siècle : Construction, au sud-est d’Enna, de la villa aux mosaïques de Piazza Armerina. 410 : Les Goths d’Alaric, qui ont mis à sac Rome, sont arrêtés par le détroit de Messine et renoncent à envahir la Sicile. 439 : Les Vandales s’emparent de Carthage, construisent une flotte, prennent Lilybée, échouent devant Palerme et assiègent Syracuse, puis se replient après avoir négocié avec l’empereur la reconnaissance de leur pouvoir sur les plus riches régions d’Afrique. 468 : Les Vandales annexent la Sicile après l’échec de l’expédition impériale contre Carthage. 476 : Genséric abandonne l’île au roi germain Odoacre qui vient de déposer Romulus Augustule, le dernier empereur romain. Les Vandales conservent Lilybée. mais ils en seront chassés par Odoacre en 486. 491 : Le roi des Ostrogoths Théodoric, qui a conquis l’Italie l’année précédente, s’empare de la Sicile où les Vandales étaient réapparus. Il marie sa fille à leur nouveau roi et lui donne Lilybée en dot. L’île est gouvernée par un « comte de la province de Sicile » et demeure un grenier à blé assez prospère où les curiales – qui formaient la bourgeoisie municipale héréditaire – étaient responsables sur leurs biens de la bonne rentrée des impôts. Les Goths ont seuls le droit de porter les armes. Adeptes de l’hérésie arienne, ils se heurtent au clergé catholique vers la fin du règne de Théodoric, disparu en 526. 534 : Bélisaire reconquiert l’Afrique du Nord pour le compte de l’Empire byzantin. Devenu empereur en 527, Justinien a conçu le projet de restaurer l’unité impériale et a mis à profit le renversement du roi vandale Hildéric, son allié, par un rival, Gélimer, pour intervenir en Occident, avec le soutien d’Amalazonte, la fille de Théodoric alors régente du royaume ostrogoth. 535 : L’assassinat d’Amalazonte conduit Justinien, qui revendiquait Lilybée, à intervenir en Sicile où Bélisaire peut conquérir l’île en quelques semaines sans rencontrer de résistance, à l’exception de celle opposée par Palerme. Byzantine pour près de trois siècles, la Sicile n’est pas rattachée à la préfecture d’Italie ni, plus tard, à l’exarchat de Ravenne mais dépend directement du pouvoir impérial de Constantinople. Un patrice exerce en son nom le gouvernement civil alors qu’un dux commande les forces militaires. Au fil du temps, les exigences de la défense imposent la confusion des pouvoirs civils et militaires entre les mains d’un « stratège » responsable de l’île devenue, comme les autres provinces de l’Empire, un « thème ». 549 : Le roi goth Totila vient saccager la Sicile, qui constitue alors la base arrière de la tentative de reconquête byzantine de l’Italie du Sud où Narsés repousse les Goths alors qu’Artaban les chasse définitivement de Sicile en 551. La pression fiscale exercée par l’administration byzantine et les querelles religieuses encouragent le retour vers la terre, et les villes se dépeuplent. Les grands domaines (latifundia) demeurent la base de l’économie agricole de l’île, mais l’esclavage disparaît progressivement au profit du salariat ou du colonat. 652 : Première incursion musulmane en Sicile au cours de laquelle l’exarque de Ravenne, Olympe, est tué en luttant contre les envahisseurs. Cette tentative demeure sans lendemain. 663 : L’empereur Constant II s’installe à Syracuse pour fuir les troubles qui agitent alors Constantinople. Adepte du monothélisme qu’il tente vainement d’imposer aux Siciliens, il se rend très impopulaire en prétendant accroître la pression fiscale. Il est renversé et exécuté en 668 et un certain Mizizios se fait proclamer empereur. 718 : Le stratège de Sicile, Serge, fait proclamer empereur Basile Tibère. 725 : L’interdiction du culte des images par l’empereur byzantin Léon l’Isaurien se heurte à l’opposition de l’Église sicilienne. Pour briser cette résistance, l’empereur la rattache à l’autorité du patriarche de Constantinople en 732. Ce rattachement à Constantinople rétablit en Sicile la prépondérance de la langue grecque sur le latin. fin VIIIe siècle : Un ancien favori de l’impératrice Irène, Elpidios, se dresse à son tour contre l’autorité de Byzance qui envoie une armée pour réduire le soulèvement. Ces tentatives successives de sécession isolent progressivement la Sicile au sein de l’Empire byzantin. 827 : Révolte d’Euphémios, qui fait appel à l’émir aghlabide de Kairouan.

Le temps de l'Islam et des normands (652-1194)

652 : Première incursion arabe en Sicile, suivie en 669 d’une nouvelle intervention qui voit le pillage de Syracuse. Les razzias se multiplient après l’installation des Arabes en Tunisie. 740 : Syracuse, assiégée de nouveau par les Arabes, doit accepter de payer tribut. Les incursions se raréfient dans la seconde moitié du VIIIe siècle pour reprendre au début du IXe, malgré la conclusion de trêves éphémères. 827 : À l’appel du rebelle Euphémios, l’émir Ziadet-Allah de Kairouan envoie en Sicile une armée commandée par Asad, qui trouve la mort en assiégeant Syracuse alors qu’Euphémios est tué en assiégeant Enna (Castrogiovanni). 830 : Un important renfort musulman venu d’Espagne écarte la menace que faisait peser sur les envahisseurs une armée byzantine. 831 : Palerme est prise et devient la capitale de la Sicile musulmane. Messine tombe à son tour en 842, suivie de Castrogiovanni, au centre de l’île, en 859. 878 : Syracuse tombe aux mains des Arabes. 902 : Taormine (l’ancienne Tauromenion) est prise et mise à sac par l’émir aghlabide Ibrahim II. Comme jadis les Carthaginois, les musulmans s’installent en majorité à l’ouest de l’île, dans la région du Val di Mazara où de nombreux chrétiens se convertissent. La colonisation du Sud-Est fut plus tardive et moins intense. Au nord-est, la région du Val Demone apparaît comme un foyer de résistance. 910 : Fin de la dynastie aghlabide en Tunisie. La Sicile prend de fait une large autonomie par rapport à la dynastie shi’ite fatimide qui a installé sa capitale au Caire. 947 : Chargé par le calife fatimide Al Mansur de gouverner l’île, Al Hassan bat les Byzantins en Calabre et établit la dynastie kalbide, dont les émirs gouverneront la Sicile jusqu’en 1040. Ce siècle correspond à une grande période de prospérité pour la Sicile, qui ajoute alors l’horticulture et de brillantes productions artisanales à sa tradition céréalière. Palerme – dont la population et alors estimée à 300 000 habitants – devient l’une des plus brillantes capitales du bassin méditerranéen. 962 : Quand l’émir Ahmed tente de briser la résistance des chrétiens dans l’est de l’île, la flotte byzantine envoyée à leur secours par l’empereur Nicéphore Phocas est détruite dans le détroit de Messine, et la prise de Rametta conclut victorieusement la campagne musulmane. 965 : Les dernières cités tributaires qui n’avaient pas perdu leur autonomie lors de la conquête musulmane disparaissent. 1038 : Sous le règne de l’empereur byzantin Michel le Paphlagonien, Georges Maniakès débarque avec une armée dans l’est de l’île, prend Messine, bat les musulmans à Rametta et à Traïna et réussit à s’emparer de Syracuse. Il est sur le point de prendre Palerme quand sa disgrâce réduit à néant le résultat de la campagne. Les Arabes n’ont obtenu qu’un sursis car l’opposition entre Ibn ath-Tumnah, le maître de Syracuse, et Ibn al-Hawwas, qui contrôle Castrogiovanni, va favoriser les entreprises des Normands qui ont commencé à s’installer en Italie du Sud depuis plusieurs décennies. 1043 : Guillaume Bras de fer, fils de Tancrède de Hautevllle, seigneur normand du Cotentin, s’empare de Melfi, en Pouille. 1059 : Le pape Nicolas II reconnaît le frère de Guillaume, Robert Guiscard, comme « duc de Pouille et de Calabre et duc futur de Sicile ». À cette date, les Normands se sont déjà emparés de Reggio de Calabre, et Ibn ath Tumnah les appelle à l’aide. 1061 : Les Normands s’emparent de Messine, prennent Traïna mais échouent devant Castrogiovanni puis, en 1064, devant Palerme. 1071 : Roger, le plus jeune frère de Robert Guiscard, s’empare de Catane. 1072 : Palerme tombe aux mains des Normands après six mois de siège. Robert Guiscard est proclamé suzerain de l’île et conserve sous son autorité directe Palerme, la moitié de Messine et le Val Demone, le reste de la Sicile revenant à Roger qui devait encore en effectuer la conquête. Il prend Trapani en 1077 et Taormine en 1079, mais la résistance musulmane, conduite par l’émir Ben Avert, est plus vigoureuse que prévu. 1085 : Les Normands prennent Syracuse. Agrigente tombe en 1086 et Noto en 1091. Entre-temps, Roger s’est emparé de Malte (1090). Après la mort de Robert, il se débarrasse de la suzeraineté de son neveu Roger Borsa et impose même son autorité sur plusieurs villes de Calabre. 1098 : Roger se voit reconnaître le titre de légat apostolique et peut ainsi nommer directement les évêques. 1101 : Mort du « Grand Comte » Roger. Son fils aîné, Simon, meurt en 1105. Le cadet, Roger II, ne sera majeur qu’en 1112. Jusqu’à cette date, c’est sa mère, la comtesse Adélaïde, qui assure la régence. Elle installe à Palerme la capitale de l’État normand jusque-là établie à Melito, en Calabre. 1118 et 1125 : Deux tentatives de la flotte normande contre les côtes tunisiennes se terminent sur des échecs. 1127 : À la mort de son cousin Guillaume, disparu sans héritier, Roger se fait couronner à Salerne duc de Pouille, à la grande colère du pape Honorius II qui convoitait l’héritage du défunt mais qui doit reconnaître en 1128 le fait accompli. 1129-1143 : Construction de la chapelle Palatine de Palerme. 1130 : Roger II se faire reconnaître comme roi par l’antipape Anaclet Pierleoni et est couronné à Palerme le jour de Noël. 1135 : L’émir de Mahdia accepte le protectorat sicilien, et une base navale normande est établie à Djerba. 1137 : Lancée contre Roger par le pape Innocent II, l’armée de l’empereur Lothaire doit battre en retraite en Italie du Sud. 1139 : Fait prisonnier, Innocent II doit investir à son tour le roi « de Sicile, du duché de Pouille et de la principauté de Capoue ». Dans le royaume normand, le souverain, qui a fait rentrer la Sicile dans le giron de l’Église romaine, veille à la coexistence pacifique des diverses religions (catholiques, chrétiens grecs, juifs et musulmans). 1141-1148 : Construction de la cathédrale de Cefalu. 1146-1149 : Les Normands se rendent maîtres de toutes les villes du littoral africain entre Tripoli et Tunis. 1149 : Le pape Eugène III reconnaît de nouveau le monarque sicilien dont il sollicite l’intervention contre les Romains rebelles à son autorité. 1154 : Mort de Roger II. Son fils, Guillaume Ier, lui succède et règne jusqu’en 1166. 1156 : Guillaume bat les Byzantins qui menaçaient l’Italie du Sud. 1156-1160 : Perte des positions gagnées en Afrique du Nord sous Roger II. 1160 : Le premier ministre, Maion de Bari, est assassiné à Palerme, et l’émeute dégénère en pogrom antimusulman. 1165 : Le roi de Sicile se réconcilie avec la papauté – qui voit en lui un contrepoids nécessaire face à l’empereur Frédéric Barberousse – et installe à Rome Alexandre III. 1166-1189 : Règne de Guillaume II. Régence de Marguerite de Navarre jusqu’en 1171. 1168 : Le chancelier et archevêque de Palerme Étienne du Perche, protégé de Marguerite, doit fuir pour la Terre Sainte devant l’hostilité des Siciliens. 1169 et 1175 : Pise et Venise s’entendent avec le roi normand de Sicile. 1174 : Échec de la flotte sicilienne devant Alexandrie. 1177 : Conclusion, pour quinze ans, de la trêve de Venise entre Guillaume II et Frédéric Barberousse. 1178 : Fondation de l’abbaye de Monreale, suivie en 1185 de la construction de la nouvelle cathédrale de Palerme. 1185 : Échec de l’offensive lancée par Guillaume II contre l’Empire byzantin. Prise de Durazzo et de Salonique, suivie du désastre d’Amphipolis et du repli de la flotte lancée contre Constantinople. 1186 : Mariage du futur empereur Henri VI et de Constance, fille posthume de Roger II, tante de Guillaume II, héritière du royaume de Sicile au cas où ce dernier mourrait sans enfant. 1189 : À la mort de Guillaume II, les Siciliens portent sur le trône Tancrède, comte de Lecce, bâtard du fils aîné de Roger II. Les tensions éclatent entre le bâtard et sa grande tante, Constance. 1190 : En route pour la Terre Sainte dans le cadre de la troisième croisade, Philippe Auguste et Richard cœur de Lion hivernent en Sicile et interviennent dans la crise de succession. Le souverain anglais, furieux du traitement de sa sœur Jeanne, veuve de Guillaume II, menace Tancrède et met à sac Messine. Le roi français joue le rôle de médiateur entre les croisés et les Siciliens.1191 : L’empereur Henri VI – qui a succédé à Frédéric Barberousse, disparu l’année précédente lors de la troisième croisade – échoue dans sa tentative de conquérir la Sicile. février 1194 : Tancrède meurt, quelques mois après son héritier présomptif, le prince Roger. La voie est dès lors libre pour Henri VI dont l’épouse, Constance, met au monde la même année le futur Frédéric II. Soutenu par Gênes et Pise, Henri VI bat près de Catane les barons fidèles au jeune Guillaume III – deuxième fils de Tancrède, qui disparaîtra peu après – et se fait couronner à Palerme le jour de Noël.

Une île très convoitée

1197 : Mort d’Henri VI à Messine. Régence de Constance. Elle meurt l’année suivante, et c’est le pape Innocent III qui devient le tuteur du jeune Frédéric. 1208 : Innocent III remet le pouvoir à Frédéric, qui règne en Sicile mais semble avoir perdu l’empire passé à Othon IV. Élu empereur en 1212, Frédéric l’emporte et est couronné en 1215 à Aix-la-Chapelle, puis à Rome en 1220. 1221-1223 : Répression des révoltes musulmanes. Déportation des rebelles à Lucera, en Italie du Sud. 1225 : Par son deuxième mariage avec Yolande, fille de Jean de Brienne – roi de Jérusalem –, morte en 1228, Frédéric peut faire valoir des droits sur la couronne de Jérusalem. 1227 : Grégoire IX excommunie Frédéric II. 1228-1229 : « Étrange croisade » de Frédéric II, qui obtient par la négociation avec le sultan d’Égypte la royauté sur Jérusalem, définitivement reperdue en 1244. 1230 : Paix de San Germano entre le pape Grégoire IX et Frédéric II. 1231 : Rédaction des Constitutions du royaume de Sicile, dites Constitutions de Melfi, qui posent les principes d’une monarchie absolue et centralisatrice. 1245 : Innocent IV fait excommunier l’empereur par le concile de Lyon. 1246 : L’expulsion des derniers rebelles musulmans marque la fin de l’islam en Sicile. 1250 : Mort de l’empereur Frédéric II. Conrad IV devient empereur et roi de Sicile. 1254 : Mort de Conrad IV. Manfred, prince de Tarente – bâtard légitimé de Frédéric II – exerce la régence pour le compte de Conradin, fils du défunt, né en 1252. 1258 : Le bruit de la mort de Conradin ayant couru, Manfred se fait couronner roi à Palerme. 1262 : La fille de Manfred, Constance, épouse Pierre III d’Aragon. 1265 : Le pape Urbain IV donne le royaume de Sicile à Charles d’Anjou, frère du roi de France Louis IX (saint Louis). 1266 : Manfred est vaincu et tué à Bénévent. Le royaume est occupé par les Français. Débuts du pouvoir angevin sur le royaume de Naples. 1268 : Victorieux à Aquila, Conradin, excommunié par le pape Clément IV et venu reconquérir son royaume contre les Angevins, est surpris et vaincu à Tagliacozzo. Il s’enfuit avec son allié Frédéric d’Autriche mais, arrêtés par Jean de Frangipane, ils sont livrés à Charles d’Anjou qui les fait décapiter à Naples. À l’annonce de sa venue, toute la Sicile s’est soulevée contre les Angevins, à l’exception de Messine et de Palerme. La répression angevine est féroce. 1270 : Croisade de saint Louis en Tunisie, suscitée en partie par Charles d’Anjou, désireux de renforcer sa position en Méditerranée centrale, ce que confirment ses initiatives en Grèce et dans les îles Ioniennes en 1272. 30 mars 1282 : Révolte des « Vêpres siciliennes ». Une rixe se déclenche le lundi de Pâques dans la banlieue de Palerme, devant l’église San Spirito, entre la foule qui attend pour assister aux vêpres et des soldats français. L’occupation angevine était odieuse aux Siciliens, ulcérés que Charles ait installé sa capitale à Naples. De nombreux Français sont alors massacrés et le mouvement – préparé par Jean de Procida, l’ennemi juré des Angevins – gagne rapidement toute l’île. août 1282 : Pierre III d’Aragon – qui avait épousé la fille de Manfred – débarque à Trapani puis se fait couronner roi de Sicile à Palerme en septembre. Il chasse de l’île les Angevins revenus assiéger Messine et Roger de Lauria, qui commande la flotte aragonaise, lui garantit la maîtrise de la mer. Les appels à la croisade lancés contre lui par le pape Martin IV demeurent sans effet. 1285 : Mort de Pierre III d’Aragon. Son deuxième fils, Jacques, devient roi de Sicile, mais il en confie la lieutenance générale à son frère Frédéric quand il doit monter lui-même, en 1291, sur le trône d’Aragon. En mars 1296, Frédéric se fait proclamer roi sous le nom de Frédéric II (Frédéric II de Hohenstaufen étant considéré comme Frédéric Ier de Sicile), ce qui entraîne la rupture avec l’Aragon. 1298-1302 : Frédéric doit lutter à la fois contre les Angevins et les Aragonais, mais la paix de Caltabellotta reconnaît finalement sa souveraineté sur le royaume de Trinacrie. 1310 : Frédéric soutient l’intervention de l’empereur Henri VII en Italie et apparaît lié au parti gibelin, ce qui vaut à la Sicile d’être visée en 1321 par un interdit pontifical. 1326-1327 : Frédéric soutient l’intervention de Louis de Bavière en Italie. 1337 : Mort de Frédéric. Pierre II (1337-1342) et Louis Ier (1342-1355) lui succèdent. 1348 : La Sicile est affectée par la peste noire, qui tue l’infant Jean, lequel était un régent énergique. 1353 : Le gouvernement royal et la cour sont transférés de Palerme à Catane. 1355-1377 : Règne de Frédéric III le Simple. Le royaume est plongé dans le désordre. 1372 : La reine Jeanne de Naples renonce aux prétentions angevines sur la Sicile. C’est la fin de la lutte entre les deux royaumes. 1390 : L’infante Marie, héritière du trône de Sicile, est mariée à Martin le Jeune, petit-fils du roi Pierre IV d’Aragon. 1392-1398 : L’île est conquise par les Aragonais. 1409 : Martin le Jeune meurt sans descendance et son père, le roi d’Aragon Martin Ier le Vieux, récupère la Sicile mais la confie à sa belle-fille Blanche de Navarre. 1410 : Mort de Martin Ier d’Aragon. Guerre civile entre les partisans de Blanche de Navarre et ceux de Bernard de Cabrera. 1413 : Les représentants de la Sicile demandent à Ferdinand Ier d’Antequera, devenu roi d’Aragon en 1412, d’envoyer dans l’île l’un de ses fils comme « roi séparé » ; mais c’est un vice-roi aragonais qui leur sera donné en 1415, l’infant Jean de Penafiel rappelé dès l’année suivante. 1416-1458 : Règne du roi d’Aragon Alphonse V le Magnanime. Il fait de la Sicile une base arrière pour la conquête de Naples, lui reconnaît une relative autonomie mais lui impose de lourds impôts. 1443 : Alphonse V réalise la conquête du royaume de Naples. Déjà maître de la Sardaigne et de la Sicile, la possession de l’Italie du Sud lui donne un vaste empire en Méditerranée occidentale. 1458 : Mort d’Alphonse V. Son fils naturel, Ferdinand, conserve Naples. La Sicile revient au frère d’Alphonse, le roi d’Aragon Jean II de Penafiel, marié avec Blanche de Navarre, veuve de Martin le Jeune. 1478 : Établissement de l’Inquisition espagnole, installée en Sicile en 1487, supprimée lors de la révolte de 1516, puis rétablie en 1519. 1479 : Ferdinand II succède à Jean II. Il est marié en 1469 à Isabelle de Castille, ce qui permet, puisque celle-ci est devenue reine en 1474, la réalisation de l’unité espagnole sous l’autorité des « Rois catholiques ». 1492 : Les juifs de Sicile ont le choix entre la conversion ou l’expulsion.

De la Sicile espagnole au royaume bourbonien

1504 : Par le traité de Lyon, la France de Louis XII doit reconnaître la domination espagnole sur l’Italie du Sud. 1516 : Révolte de la Sicile contre le vice-roi Hugo de Moncada, désavoué par Charles Ier d’Espagne – qui deviendra Charles Quint après son élection impériale. 1517 : Répression d’une nouvelle tentative de sécession organisée par un aristocrate, Squarcialupo, qui est trahi et assassiné. Le duc de Monteleone, un Italien, demeure vice-roi jusqu’en 1535. 1523 : Échec d’un nouveau complot ourdi à Rome et visant, avec le soutien du roi de France, à l’indépendance de la Sicile. L’île constitue, tout au long du XVe siècle, une base d’opérations d’une importance majeure dans la lutte contre les Ottomans et les Barbaresques. 1535 : Les vaisseaux siciliens participent à l’expédition victorieuse menée par Charles Quint contre Tunis. C’est à Palerme que l’empereur célèbre sa victoire. 1536-1546 : Ferrante Gonzaga devient vice-roi de Sicile. 1547-1557 : Un Espagnol, Juan de Vega, occupe la fonction de vice-roi. 1565 : Les tercios espagnols d’Alvaro de Bazan envoyés en renfort depuis la Sicile par le vice-roi Garcia de Toledo obligent les Turcs à lever le siège de Malte. 1571 : Victoire de la Sainte Ligue contre la flotte ottomane à Lépante. 1611-1615 : Le vice-roi Pedro Tellez de Osuna réagit vigoureusement contre la piraterie barbaresque. Sous la domination espagnole, la Sicile est soumise au pouvoir d’un vice-roi mais, trop éloignée du pouvoir central, elle est le plus souvent mal administrée et subit une forte pression fiscale. Elle dispose de deux cours souveraines, la Magna Regia Curia, autorité judiciaire suprême, et la Regia Camera, chargée des affaires de finances. Organisé sur le modèle des cortès de la couronne d’Aragon, le Parlement comprenait trois « bras » : ecclésiastique, militaire et domanial, ce dernier représentant les villes. La population n’augmentait que très lentement (un million d’habitants à la fin du XVIIe siècle) et la prédominance des grands domaines ruraux, généralement mal exploités, constituait un frein pour le développement de l’île. Les greniers officiels (les caricatori, au nombre d’une douzaine) chargés de contrôler le commerce des grains prélevaient des droits excessifs et entretenaient la misère des masses paysannes, confrontées à une précarité constante. 1647 : La population misérable de Palerme se soulève. Le vice-roi Los Veles réprime le mouvement et fait pendre son chef, Nino La Pelosa. L’insurrection reprend sous la direction de Giuseppe d’Alesi qui chasse le vice-roi et tente d’installer un gouvernement populaire ; mais il est assassiné le 22 août et l’ordre est rétabli. 1669 et 1693 : Violentes éruptions de l’Etna, qui font respectivement 20 000 et 60 000 victimes dans la région de Catane. Seize éruptions auront lieu au XVIIIe siècle, dix-neuf au XIXe et une douzaine au XXe. 1674 : Messine se soulève contre l’autorité espagnole et bénéficie du soutien du roi de France qui lui envoie le duc de Vivonne ; mais Louis XIV abandonne la place dès 1678, à la veille de la paix de Nimègue, ce qui vaut à la ville de sévères représailles. 1693 : Un terrible séisme affecte l’est de la Sicile mais, au cours des années suivantes, plusieurs des villes ruinées sont entièrement reconstruites, dans un superbe style baroque. C’est le cas de Noto, Ragusa et Modica (avec son église San Giorgio), rebâties dans une parfaite unité de conception par l’architecte Rosario Cagliardi. 1700-1713 : Guerre de Succession d’Espagne. Avant la mort de Charles II, le dernier Habsbourg d’Espagne, Louis XIV et l’empereur avaient en vue le partage de ses États. Naples et la Sicile devaient revenir au roi de France, qui comptait les échanger contre la Lorraine et la Savoie. Mais le testament de Charles II, qui attribue tout son héritage au duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV (devenu roi d’Espagne sous le nom de Philippe V) déclenche une guerre européenne de treize ans à l’issue de laquelle, lors du traité d’Utrecht, la Sicile est donnée au duc de Savoie Victor-Amédée, entré dans la coalition antifrançaise en 1703. La Sardaigne et le royaume de Naples reviennent à l’empereur Charles VI. Victor-Amédée et son vice-roi, Annibale Maffei, réduits à l’impuissance par le différend qui les oppose au pape à propos de la délégation apostolique, ne parviennent pas à imposer leur autorité. 1717-1720 : L’Espagne s’intéresse de nouveau à la Sicile en la personne d’Élizabeth Farnèse, deuxième épouse de Philippe V qui, avec le soutien de son ministre, le cardinal Alberoni, entend assurer à son fils une principauté en Italie. Exploitant une provocation de l’empereur Charles VI – l’arrestation à Milan du Grand Inquisiteur, mort peu après en prison – Philippe V s’empare de la Sardaigne et envahit la Sicile (juillet 1718), mais il se heurte à la Quadruple Alliance formée par la France, l’Angleterre, les Provinces-Unies et l’empire ; la destruction de sa flotte par les Anglais au cap Passaro (août 1718) l’oblige à chasser Alberoni (décembre 1719) et à renoncer à ses projets. Lors de la signature du traité de Madrid de janvier 1720, l’île revient à l’empereur, qui donne en échange la Sardaigne au duc de Savoie. 1733-1738 : Guerre de Succession de Pologne. Elle est conclue par la paix de Vienne, qui donne à l’infant Don Carlos le royaume de Naples et de Sicile (où il a été proclamé roi dès mai 1735 sous le nom de Charles VII) en échange du duché de Parme qui passe à l’empereur. C’est ainsi qu’est établie la dynastie des Bourbons de Naples, qui régnera sur l’Italie du Sud et la Sicile jusqu’en 1860. 1759 : Charles VII devient Charles III d’Espagne et laisse son royaume de Naples à son fils mineur Ferdinand (il atteindra sa majorité et commencera son règne personnel en 1767) qui y régnera jusqu’en 1825. L’épouse du roi, Marie-Carline de Habsbourg, sœur aînée de Marie-Antoinette, fera prévaloir, en raison de sa liaison avec l’ambassadeur anglais John Acton, l’influence britannique à Naples, puis à Palerme. 1780 : Ferdinand IV confie la Sicile au vice-roi Domenico Caracciolo, ancien ambassadeur à Paris acquis aux idées des Lumières, qui ne pourra mettre en œuvre son programme de réformes en raison de l’hostilité des privilégiés et de l’indifférence des masses populaires. 1782 : Suppression de l’Inquisition. 1789 : Ferdinand IV promulgue un édit interdisant la franc-maçonnerie. 1793 : Le royaume de Naples déclare la guerre à la France révolutionnaire. Des « jacobins » sont emprisonnés et quelques-uns exécutés à Naples et en Sicile. 1796 : Vainqueur en Italie, Bonaparte conclut la paix avec Naples, sans exiger l’amnistie pour les sympathisants locaux de la Révolution française. janvier 1799 : Les troupes françaises du général Championnet s’emparent de Naples et y fondent l’éphémère République parthénopéenne. Le roi Ferdinand IV – qui s’était allié aux Autrichiens l’année précédente au sein de la deuxième coalition – se réfugie en Sicile grâce à l’amiral Nelson mais quitte Palerme pour rejoindre Naples dès que les victoires de Souvarof entraînent l’évacuation de l’Italie du Sud par les Français. Ceux-ci ont dû faire face à l’insurrection contre-révolutionnaire « sanfediste » (de la Sainte Foi) encouragée depuis Palerme par la cour et le ministre Ruffo. Après le départ des Français, la répression antijacobine est très sévère (120 exécutions). février 1806 : Ferdinand, qui a rejoint la troisième coalition, est détrôné par Napoléon qui donne son royaume à son frère Joseph Bonaparte ; le roi déchu peut conserver la Sicile, sous la protection de l’Angleterre, pendant que Joseph Bonaparte, puis Murat à partir de 1808, règne à Naples. 31 mars 1808 : Alliance entre Ferdinand et l’Angleterre, qui écarte toute paix séparée avec Napoléon. Les tentatives de reconquête lancées sur le continent et l’insurrection calabraise se terminent sur des échecs. 1812 : Sous l’influence du représentant anglais, Lord Bentink, la Sicile reçoit une constitution libérale (inspirée de celle adoptée en Espagne la même année) garantissant les libertés individuelles, la séparation des pouvoirs et l’abolition des droits féodaux. 1815 : Exécution de Murat. Ferdinand rejoint Naples et rétablit le régime absolutiste. 1816 : Le roi unifie ses États et devient Ferdinand Ier, roi des Deux-Siciles. 1820 : Révolte de l’ouest de la Sicile à l’annonce du déclenchement de la révolution libérale conduite à Naples par le général Pepe. Ferdinand Ier doit mettre en vigueur la constitution de 1812 mais une armée autrichienne, en application des décisions prises lors des congrès de Troppau et de Laybach, envahit le royaume des Deux-Siciles, bat les libéraux et permet la restauration de l’absolutisme. 1837 : Une épidémie de choléra fait 40 000 morts à Palerme, ce qui engendre une nouvelle insurrection, brutalement réprimée. 12 janvier 1848 : Déclenchement de la révolution à Palerme. Le baron Riso constitue une garde nationale. Toute l’île est soulevée à la fin du mois, et une assemblée élue sur la base de la constitution de 1812 est réunie en mars dans l’église San Domenico de Palerme. Les discussions avec le pouvoir napolitain n’aboutissent pas, le monarque est déclaré déchu et un gouvernement provisoire présidé par Ruggero Settimo est constitué. septembre 1848 : Ferdinand II, il re bomba, fait bombarder Messine par sa flotte et débarque des troupes pour entreprendre la reconquête de la Sicile, réalisée par le général Filangeri qui rétablit l’absolutisme napolitain après avoir repris Palerme aux révolutionnaires en mai 1849. 1857 : Un exilé sicilien, Giuseppe La Farina, fonde la Société nationale italienne, qui se donne pour objectif la lutte pour l’indépendance contre l’occupation autrichienne et pour l’unité italienne derrière la maison de Savoie. mai 1859 : Mort de Ferdinand II. François II lui succède. 1859 : La guerre qui oppose l’Autriche au Piémont et à la France permet le rattachement de la Lombardie, de l’Émilie et de la Toscane au royaume de Piémont, qui unifie ainsi sous son autorité la majeure partie de l’Italie du Nord. 1860 : L’insurrection préparée par le républicain Francesco Crispi et organisée en Sicile en avril 1860 depuis le couvent de La Gancia décide Garibaldi à intervenir à la tête de « l’expédition des Mille », avec le soutien tacite de Cavour, premier ministre piémontais. Le 11 mai, les Mille débarquent à Marsala. Le 14, Garibaldi se proclame dictateur au nom du roi Victor-Emmanuel. Les troupes napolitaines sont vaincues le 15 à Calatafimi, près de Ségeste, et Palerme tombe le 29. L’île est entièrement conquise à la fin du mois de juin et Garibaldi peut franchir le 20 août le détroit de Messine. Les mesures sociales annoncées par le libérateur en faveur des paysans créent cependant une situation révolutionnaire qui inquiète l’aristocratie dirigeante, vite convaincue qu’il est de son intérêt de jouer la carte de l’unité italienne. 21 octobre 1860 : Les Siciliens se prononcent par plébiscite (432 000 oui contre 600 non) en faveur du rattachement au royaume d’Italie, officiellement proclamé en mars 1861.

La Sicile dans l'unité italienne

1861 : La vente des anciens fiefs et des terres appartenant à des congrégations religieuses supprimées profite à l’aristocratie et à la bourgeoisie urbaine. L’application dans l’île de la loi de conscription piémontaise déclenche une révolte qui ne sera brisée qu’en 1865 par l’armée du général Govone, au prix de 2 500 tués chez les rebelles. Le banditisme « bourbonien » s’installe alors et traduit le rejet, par la population qui le soutient, du nouvel État italien. C’est à cette époque que naît la Mafia. 1863 : Vote de la loi spéciale Pica sur le « brigandage ». 1866 : Nouvelle révolte, consécutive aux conditions scandaleuses de la vente des biens ecclésiastiques. Palerme tombe pour quelques jours aux mains des insurgés. L’augmentation de la fiscalité entretient le mécontentement. Elle est due au fait que la dette du royaume de Naples a été unifiée avec celle du Piémont au sein du nouveau royaume, ce qui amène les méridionaux à financer par leurs impôts les investissements qui assurent alors le décollage industriel du nord du pays. 1876 : Enquête parlementaire sur la situation économique et sociale de la Sicile. 1887 : Établissement du protectionnisme. Le libre échange adopté par le royaume d’Italie dans les années 1860 ruine les quelques productions artisanales siciliennes ; il profite pour un temps aux exportations de blé, mais le protectionnisme prive ensuite l’agriculture sicilienne de ses débouchés et impose au Midi d’acheter les produits industriels du Nord, trop chers pour être compétitifs sur le marché international. 1892 : Création à Palerme des faisceaux de travailleurs qui réclament le partage des terres. 1893-1894 : De graves troubles sociaux s’étendent dans l’île, mais l’ordre est rétabli par le gouvernement de l’ancien républicain F. Crispi qui instaure l’état de siège. 1900 : La population de l’île est alors d’environ trois millions d’habitants et l’expansion démographique, malgré l’ampleur de l’émigration (1 200 000 Siciliens ont quitté l’île entre 1871 et 1950) engendre une menace de surpopulation. À cette époque, l’analphabétisme concerne encore 70 % de la population. 28 décembre 1908 : Le tremblement de terre de Messine fait 60 000 morts. 1922 : Marche sur Rome de Mussolini. Instauration du régime fasciste. 1924-1929 : Le préfet Cesare Mori mène la lutte contre la Mafia et réussit à rétablir la légalité dans certaines régions. 10 juillet 1943 : Débarquement allié en Sicile, facilité par les contacts établis entre les services de renseignement américains et la Mafia. Palerme est prise le 22 juillet, Catane le 5 août. 3 septembre 1943 : Signature à Cassibile de l’armistice entre le gouvernement Badoglio et les Alliés. mars 1944 : Réunion d’une assemblée consultative sicilienne. 15 mai 1946 : Un statut d’autonomie régionale est promulgué par décret. Le premier parlement sicilien est élu en avril 1947. Il désigne la Giunta et son président, qui forment le gouvernement sicilien. 26 février 1948 : Le statut particulier de la Sicile, et d’autres régions comme la Sardaigne, le Trentin ou le Val d’Aoste, est approuvé comme loi constitutionnelle de la République italienne. juillet 1950 : Mort de Salvatore Giuliano, « bandit d’honneur » servant en réalité les intérêts des grands propriétaires et de la Mafia qui, après avoir été un chef de maquis séparatiste au lendemain de la guerre, a réalisé, le 1er mai 1947, à l’occasion d’un rassemblement paysan, le massacre de Portella de la Ginestra. août 1950 : Création de la Cassa per il Mezzogiorno destinée à financer le développement de l’Italie du Sud. En Sicile, l’exploitation des ressources en soufre, en gaz naturel et en pétrole de l’île a contribué au développement, dans les années soixante, de pôles chimiques importants à Augusta et Port Empédocle, à côté d’Agrigente, et a permis, avec l’essor du tourisme et les subventions de Rome, suivies bientôt par celles de Bruxelles, un certain décollage économique de l’île. décembre 1950 : Réforme agraire prévoyant l’expropriation des domaines de plus de 300 hectares. Ses effets demeureront limités. 1962 : Création d’une commission parlementaire de lutte contre la Mafia. septembre 1982 : Assassinat à Palerme du général dalla Chiesa, chargé de la lutte contre la Mafia. Mai 1992 : Assassinat du juge Giovanni Falcone par la Mafia. Sa mort brutale mobilise l'Etat et l'opinion publique : trois ans plus tard, 41 personnes sont jugés, dont le commanditaire et parrain Toto Riina, condamné à perpétuité pour sa participation à 150 meurtres. Au cours des trente dernières années, la lutte contre la Mafia s’est intensifiée et la société civile a commencé à prendre ses distances avec la « Pieuvre » dont la capacité de nuisance demeure cependant, même si l’organisation doit compter avec la concurrence des sociétés criminelles du continent établies à Naples et en Calabre. Ainsi, les arrestations de Bernardo Provenzano en 2006 et de Salvatore  Lo Piccolo l'année suivante sont souvent dues à des trahisons entre groupes rivaux.2011 : Le renversement en Libye du régime de Khadafi a plongé ce dernier pays dans un chaos total, générateur de nouvelles vagues d’immigrants venus de toute l’Afrique subsaharienne, mais aussi du Proche-Orient déstabilisé après les « printemps arabes » et leurs suites. La petite île italienne de Lampedusa, très proche des côtes libyennes et tunisiennes, mais aussi la Sicile est spécialement concernées par cette invasion d’un genre nouveau. Cette situation a bouleversé les équilibres politiques locaux d’une manière tout à fait inattendue. Il faut certes compter avec les déceptions engendrées par le gouvernement de centre-gauche de Matteo Renzi qui n’a pu empêcher la perte de compétitivité de l’économie italienne et n’a pas été en mesure de mettre en œuvre les réformes structurelles initialement promises. Après treize trimestres consécutifs de récession, la croissance n’en est pas moins revenue, mais très en retrait par rapport aux espérances du gouvernement. Les excédents commerciaux à la hausse et la reprise de la production industrielle ne peuvent cependant dissimuler le maintien d’un chômage élevé, principalement dans le Sud. La réforme du marché du travail a contribué au bilan positif de Matteo Renzi mais l’a privé d’une partie de ses soutiens et a mobilisé les syndicats contre lui.2016 : Echec du référendum constitutionnel proposé par Matteo Renzi, avec un vote "non" à 59,12%. Si la Sicile a voté de manière écrasante pour le "non" (71,58%), c'est pour sanctionner la politique migratoire et un taux de chômage particulièrement élevé, expliquent les observateurs. Cette même année, près de 181 000 migrants étaient arrivés par bateau sur les côtes italiennes.Mars 2018 : Les élections parlementaires italiennes voient la victoire de Matteo Salvini et de la "Ligue", et l'affirmation du "mouvement Cinq étoiles" de Beppe Grillo. Si les Siciliens ont majoritairement voté pour ce second parti, les élections de 2022 voient un véritable raz de marée électorale se produire au profit de la coalition de droite portée par Giorga Meloni, excepté Palerme, fidèle au mouvement Cinq étoiles. Alors que les ONG et les embarcations de fortune déposent quotidiennement de nouveaux migrants, cette question migratoire fut à nouveau mise en avant pour expliquer le basculement politique de la Sicile.16 janvier 2023 : Arrestation de Matteo Messina Denaro, en cavale depuis trente ans. Accusé d'une centaine de meurtres, il meurt quelques mois plus tard d'un cancer. En novembre, la police italienne et le FBI arrêtent conjointement, à Palerme et à New-York, 17 personnes soupçonnés d'extorsion, tandis que, 207 membres de la Mafia calabraise 'Ndrangheta sont condamnés par la justice italienne.

Malgré un secteur touristique stimulant pour l'économie sicilienne (15% de PIB), la région souffre toujours de la comparaison avec le reste du pays. Pour ne donner qu'un exemple, le taux de chômage est de 16,9% dans l'île contre 8,2% en moyenne pour l'Italie (chiffres 2022). Si la Mafia sicilienne semble avoir été éliminée par les pouvoirs publics, Interpol alerte sur l'internationalisation de ces associations de malfaiteurs, désormais plus discrète et surtout au cœur des trafics de drogues, d'armes et d'hommes. Enfin, l'arrivée quotidienne des migrants subsahariens participe à la crispation de la vie politique au niveau locale, bien incapable de gérer ce problème, ce qui alimente le ressenti de la population à l'encontre de l'Union Européenne. Mais la Sicile conserve de nombreux leviers de puissance : une positions stratégique au cœur de la Méditerranée, une population jeune et dynamique, et surtout un patrimoine culturel exceptionnel qui attire chaque année de nombreux voyageurs curieux de mieux connaître ce territoire.