Clio
Des voyages dans le monde entier en compagnie de conférenciers passionnés
  Trouver votre voyage
Lettres et brochures
S'abonner aux lettres électroniques de Clio

Pour vous abonner à nos lettres électroniques, merci de nous indiquer votre adresse mél.

Votre mél


Abonnez-vous à nos
    lettres électroniques

Nous suivre
  Haut de page
La République Tchèque
Du royaume de Bohême à la Tchéquie d'aujourd'hui

  Partir avec Clio
  01 53 68 82 82
  Nous contacter
Il aura fallu attendre 1993 et le divorce à l’amiable entre Prague et Bratislava pour que la République tchèque retrouve, au débouché d’un siècle de turbulences, une assise territoriale sécurisante et à peu près incontestée. Bien sûr, le nouvel État est de taille modeste. Avec une superficie de 78 964 kilomètres carrés, il n’a guère de quoi inquiéter ses puissants voisins. Il reste enclavé au cœur de l’Europe, sans débouché maritime. Mais l’inévitable comparaison avec la défunte Tchécoslovaquie, ses frontières interminables et son épuisante mosaïque de peuples, penche forcément en sa faveur. L’homogénéité de sa population (tchéco-morave à 95 %), l’unité de son territoire et surtout le poids de sa légitimité historique constituent en tout cas autant d’atouts qui peuvent laisser présager un futur relativement serein.

Le territoire et les hommes

La République tchèque s’inscrit, en termes territoriaux, dans la continuité des anciens États de la couronne tchèque dont elle reprend globalement la silhouette, amputée seulement de ses deux excroissances septentrionales, la Lusace et la Silésie. Sur le plan géographique, le pays est composé de deux grands ensembles. À l’ouest, le quadrilatère de Bohême constitue une sorte de réduit naturel, dont le glacis défensif semble inscrit dans le paysage. Les monts Métallifères au nord-ouest, la forêt de Bohême au sud-ouest, les monts des Sudètes au nord-est encadrent fermement de leurs sommets boisés un vaste plateau central qui s’ouvre au sud-est sur des paysages de collines, traversés en plusieurs points par les vallées des affluents de la Morava. À l’est, la Moravie s’apparente à un long couloir nord-sud, qui ouvre une brèche étroite entre les massifs hercyniens du quadrilatère bohémien et les contreforts tout proches des Carpates. Cette situation de corridor protégé fait des pays tchèques un carrefour de première importance. Les bassins de l’Elbe et de l’Oder, qui plongent respectivement vers la mer du Nord et la Baltique, y chevauchent quasiment ceux de la Morava et du Danube, tournés quant à eux vers la Méditerranée et la mer Noire. C’est ce qui explique que la région ait pu constituer tout à la fois une zone tampon difficilement franchissable entre l’est et l’ouest de l’Europe et une interface privilégiée entre le nord du continent et le bassin méditerranéen. Terres de contacts et de conflits, la Bohême et la Moravie ont ainsi vu s’affronter Celtes et Germains, Romains et Barbares, Slaves et Allemands, catholiques, orthodoxes et protestants, bloc occidental et bloc communiste. On comprend mieux dès lors pourquoi un proverbe du XVe siècle, repris ultérieurement par Bismarck dans une formule analogue, affirme que « celui qui règne sur la Bohême est le maître en Europe ». L’organisation spatiale de l’économie de la République tchèque demeure en grande partie conditionnée par les ressources de son sous-sol : les immenses bassins miniers qui s’étendent au nord, de Most à Ostrava, demeurent la colonne vertébrale d’un long croissant industriel où sont concentrées les industries de base – sidérurgie, métallurgie lourde et électricité thermique. Quelques kilomètres au sud, s’étend une vieille région manufacturière, héritière de la splendeur passée de la bourgeoisie tchèque, mais dont la reconversion à l’issue de quatre décennies d’étatisme et de planification communistes est loin d’être assurée. La Moravie enfin constitue un pôle industriel de premier plan, dont les usines Bata et Zlin constituent aujourd’hui encore l’un des fleurons. Le pays produit également des automobiles – les usines Skoda ont récemment été rachetées par le géant allemand Volkswagen – et des armes, tout en conservant d’anciennes activités manufacturières telles que la verrerie. Les campagnes produisent quant à elles des céréales, des betteraves, du houblon, des pommes de terre et des volailles. En dépit de difficultés sociales récurrentes, la République tchèque n’a pas tardé à redevenir l’État le plus prospère d’Europe centrale, avec un taux de chômage inférieur à 10 % et un PIB par habitant comparable à celui de bon nombre d’États occidentaux. Un taux de croissance soutenu et une judicieuse utilisation des fonds structurels européens incitent les experts à l’optimisme et effacent dans la plupart des esprits le souvenir douloureux de la stagnation économique des années 1970. Un investissement conséquent sera toutefois nécessaire pour restaurer la qualité d’un environnement dégradé par les pluies acides, la pollution des cours d’eau et des nappes phréatiques et les rejets toxiques de l’industrie lourde. Reste bien sûr à prendre en compte l’impact longtemps sous-estimé de l’érosion démographique. Forte en 2005 d’un peu plus de 10 millions d’habitants, la population tchèque a d’ores et déjà cessé de croître. Un solde migratoire légèrement positif ne suffit plus à combler le déficit des naissances. Avec une moyenne de 1,2 enfant par femme, l’indice de fécondité du pays est l’un des plus bas du continent. Prague risque fort d’être la première capitale européenne à être frappée par les conséquences économiques, financières et humaines du vieillissement de sa population. C’est peut-être sur ce terrain que se joue l’avenir de la jeune république.

Du « coup de Prague » à la Révolution de velours : la Tchécoslovaquie sous le joug communiste

26 mai 1946 : Avec 38 % des voix, le parti communiste tchécoslovaque remporte les premières élections de l’après-guerre. Le parti socialiste-national de Benes est largement distancé. En Slovaquie, le parti démocrate arrive en tête. Klement Gottwald est nommé Premier ministre, à la tête d’un gouvernement de coalition dominé par les communistes. À peine réunie, l’assemblée entérine les décrets présidentiels promulgués depuis la libération et vote une loi garantissant l’impunité à tous ceux qui avaient accompli des actes illégaux ou criminels à l’issue de la guerre.   1946 : Très vite, les relations entre le parti communiste et les partis démocratiques se détériorent. Le PCT renforce son contrôle sur les médias et utilise les syndicats pour appuyer ses revendications. Une campagne de calomnies est lancée contre les grandes figures de la résistance non communiste. Des agents provocateurs tentent de discréditer le parti socialiste national et le parti démocrate slovaque. Zdenek Nejedly publie Les Communistes, héritiers des grandes traditions du peuple tchèque. Une nouvelle historiographie voit le jour, qui s’efforce de voir dans les courants politiques et religieux qui ont marqué l’histoire tchèque autant de préfigurations du marxisme.   10 juillet 1947 : Bien qu’intéressé par le plan Marshall, le gouvernement de Front National cède aux injonctions de Staline et refuse l’aide économique proposée par les États-Unis. Ni le Parlement, ni l’opinion ne sont consultés.   Février 1948 : Devant le raidissement des partis démocratiques, qui semblent enfin décidés à se mobiliser pour défendre les libertés publiques, les syndicats communistes convoquent un congrès exceptionnel à Prague.   13 février 1948 : Les membres non communistes du gouvernement demandent au ministre de l’Intérieur de revenir sur série de nominations et de mutations destinées conforter la mainmise du parti sur la police praguoise. Celui-ci refuse.   20 février 1948 : En signe de protestation, les ministres socialistes nationaux, populistes et démocrates slovaques présentent leur démission. Syndicats et organisations procommunistes s’agitent. Le 21, les communistes manifestent à Prague et mettent en place des comités d’action armés. Redoutant une guerre civile et une intervention soviétique, Benes cède le 25 sous la pression du parti communiste tchécoslovaque et accepte la démission de ses partisans. Un nouveau gouvernement est mis en place, presque exclusivement composé de communistes. Ces événements sont perçus en Europe occidentale et aux États-Unis comme le le « coup de Prague » qui sonne le glas du dernier régime pluraliste à l’Est, à l’issue d’un processus de prise de pouvoir par les communistes ne tenant aucun compte des normes de la démocratie parlementaire. Les États occidentaux protestent, mais l’opinion tchèque demeure globalement passive.   10 mars 1948 : On retrouve le corps inanimé de Jan Masaryk au pied de son immeuble. Suicide ou assassinat ? La mort du fils du fondateur de la République tchécoslovaque apparaît au monde entier comme un symbole.   30 mai 1948 : De nouvelles élections sont organisées. Le Front national est seul autorisé à présenter une liste. Il obtient près de 90 % des suffrages.   Juin 1948 : Benes démissionne le 7. Gottwald est élu président le 14. Antonin Zapotocky devient Premier ministre. Le parti social-démocrate est incorporé au parti communiste. De grandes purges frappent l’appareil d’État.   19 au 27 juin 1948 : Lors d’un grand rassemblement du Sokol, les participants manifestent leur soutien à Benes. La répression est immédiate et brutale. Le Sokol subit à son tour une purge.   9 septembre 1948 : Les obsèques de Benes sont l’occasion de la dernière manifestation « légale » d’hostilité au pouvoir communiste.   Octobre 1948 : Mise en place du premier plan quinquennal.   4 mars 1949 : Mise en place de l’Union des écrivains, chargée d’encadrer et de surveiller la production littéraire tchèque. Création du Comecon (ou CAEM, Conseil d’assistance économique mutuelle). L’économie tchécoslovaque est désormais au service de l’Union soviétique, notamment ses industries d’armement. La priorité est donnée à l’industrie lourde.   1948-1954 : Une chape de plomb tombe sur la société tchèque. 250 000 personnes perdent leur emploi et 100 000 sont traînées devant les tribunaux. C’est l’époque du fameux procès Slansky (20-27 novembre 1952) immortalisé par L’Aveu de Costa Gavras. Un climat d’antisémitisme se développe. On ne compte officiellement que 232 condamnations à mort, mais des dizaines de milliers de détenus sont expédiés dans des « camps de travail forcé ». La lutte contre les « agents du Vatican » entraîne la fermeture de nombreux couvents et monastères et un redoublement des persécutions religieuses. À l’intérieur même du parti, les « trotskistes » et les « titistes » sont progressivement éliminés.   1950 : Naissance de la Banque d’État tchécoslovaque.   8 juin 1950 : La présidente du Conseil des femmes tchécoslovaques, Milada Horakova, est condamnée à mort à l’issue d’un procès inique.     5 mars 1953 : Mort de Staline. Invité à ses obsèques, Gottwald contracte une pneumonie et décède le 14. Il est remplacé par Zapotocky à la présidence de la République. Viham Siroky devient Premier ministre et Antonin Novotny, chef du parti.     Juin 1953 : 20 000 ouvriers manifestent à Plzen pour protester contre une réforme monétaire drastique. Zapotocky est convoqué à Moscou où la nouvelle direction soviétique lui reproche le manque de souplesse de sa planification économique. Le comité central du parti annonce en conséquence un assouplissement des mesures de collectivisation et un allégement du carcan bureaucratique pesant sur la société.   1955 : Création du pacte de Varsovie, présenté par Moscou comme une réponse à la remilitarisation de la République fédérale allemande. Il regroupe, au sein d’une alliance militaire intégrée, toutes les forces des États satellites de l’URSS en Europe orientale et centrale.   Février 1956 : le XIe congrès du parti communiste d’URSS donne le signal de la déstalinisation. Le parti communiste tchèque suit sans enthousiasme le mouvement. Une certaine effervescence gagne les syndicats, les organisations de jeunesse et l’Union des écrivains, qui fait écho à l’événement lors de son second congrès, tenu en avril.   Été-automne 1956 : Les émeutes ouvrières de Poznan, puis le soulèvement hongrois d’octobre fournissent aux staliniens tchèques le prétexte d’une vigoureuse réaction. Les réformistes les plus bruyants sont éliminés et Prague soutient activement l’intervention soviétique en Hongrie.   1957 : À la mort de Zapotocky, Novotny devient président. Le pays connaît une nouvelle vague de collectivisation. Le plan quinquennal de 1956 redonne la priorité à l’industrie lourde. À l’intérieur des partis, la lutte contre le « révisionnisme » est l’occasion d’une nouvelle série de purges.   11 juillet 1960 : Une nouvelle constitution est adoptée. Toute trace de fédéralisme est éradiquée. Le pays devient la « République socialiste tchécoslovaque ». Il est divisé en 10 régions et 108 départements. La situation de l’économie tchèque se dégrade rapidement.   Octobre 1961 : Le XXIe congrès du parti communiste soviétique renouvelle sa critique des procès staliniens.   Décembre 1962 : XIIe congrès du parti communiste tchécoslovaque, dans un contexte de grandes difficultés économiques.   Avril 1963 : Novotny rend public le rapport d’une commission d’experts sur « les violations de la légalité socialiste à l’époque du culte de la personnalité ». On procède à une série de libérations et de réhabilitations. Les staliniens sont écartés de la direction du parti.   1963-1967 : La société tchèque se transforme rapidement. Le développement de l’épargne permet aux ménages d’améliorer sensiblement leur niveau de vie. Une mentalité individualiste et consumériste fait son apparition. Les voyages en Occident sont plus faciles et plus nombreux. En dépit de la censure, écrivains et universitaires desserrent peu à peu le carcan idéologique. On redécouvre Kafka et la philosophie « bourgeoise ». Milos Founan, Milan Kundera et Vaclav Havel acquièrent une renommée mondiale. Les économistes Ota Sik et Radoslav Selucky prônent la réintroduction partielle de l’économie de marché dans le système socialiste.   Juin 1967 : Le IVe congrès des Écrivains défie le pouvoir de Novotny.   30 octobre 1967 : Lors du comité central du parti, Antonin Novotny est violemment mis en cause par le premier secrétaire du PC slovaque, Alexander Dubcek, qui lui reproche notamment d’avoir délibérément négligé la Slovaquie.   19 décembre 1967 : Partisans de Dubcek et de Novotny s’affrontent à nouveau. Le limogeage de Novotny est cette fois ouvertement envisagé. Leonid Brejnev refuse de lui accorder son soutien.   5 janvier 1968 : Dubcek parvient enfin à évincer Novotny. Très populaire en Slovaquie, cet apparatchik atypique bénéficie du soutien des forces démocratiques et réformistes. À l’intérieur du PCT, un courant technocratique prône une libéralisation qui permettrait au parti d’être un reflet plus fidèle des aspirations profondes de la société. De nombreux étudiants et intellectuels se prononcent de leur côté pour un retour pur et simple à la démocratie. L’opinion est partagée.   Mars 1968 : Le général Svoboda succède à Novotny à la présidence de la République.   23 mars 1968 : Réunis à Dresde, les dirigeants communistes d’Europe de l’Est s’inquiètent de l’évolution de la situation à Prague. Le Polonais Gomulka et l’Allemand Walter Ulbricht sont particulièrement véhéments. Leonid Brejnev hésite, mais finit en avril par se rallier à la ligne dure. C’est le triomphe du concept de souveraineté limitée ou « doctrine Brejnev ».   5 avril 1968 : Adoption par le comité central du programme d’action du PCT, qui entérine la ligne réformiste de la direction.   1er mai 1968 : Les célébrations officielles se déroulent dans un climat d’effervescence. C’est l’apogée du « Printemps de Prague », terme sous lequel l’opinion tchèque et les médias occidentaux vont désigner le processus de réformes engagé depuis le début de l’année. Dubcek prône un « socialisme à visage humain », que Karel Kosik s’efforce de théoriser. Les libertés publiques sont partiellement rétablies. Une réforme économique est envisagée.   Juin 1968 : La censure est officiellement supprimée. Un Manifeste des 2 000 mots critique violemment le régime communiste.   Juin-juillet 1968 : 16 000 soldats du pacte de Varsovie participent à des manœuvres prolongées en Tchécoslovaquie.   11 juillet 1968 : La Pravda dénonce le Manifeste des 2 000 mots, présenté comme une « plate-forme de la contre-révolution ».   14 juillet 1968 : Les dirigeants bulgares, hongrois, polonais, est-allemands et soviétiques adressent une ultime mise en garde à Dubcek.   6 août 1968 : Réunis à Bratislava, les dirigeants tchèques multiplient les concessions pour éviter une intervention militaire soviétique. Dans les jours qui suivent, Dubcek rencontre le Hongrois Kadar et l’Allemand Ulbricht. Tito et Ceausescu sont reçus en grande pompe à Prague.   21 août 1968 : Dans la nuit, les troupes de cinq États membres du pacte de Varsovie (URSS, RDA, Pologne, Hongrie et Bulgarie, – on remarque l’absence de la Roumanie de Ceausescu) pénètrent en Tchécoslovaquie. Les principaux dirigeants du pays sont arrêtés et conduits en URSS, où ils sont contraints d’avaliser a posteriori l’intervention étrangère. La mise en place d’un gouvernement ouvertement prosoviétique étant difficilement envisageable, Dubcek conserve provisoirement son poste. Sur le terrain, des manifestations spontanées entravent le déploiement de quelque 750 000 hommes et 6 000 chars des forces d’occupation. Des dizaines de manifestants trouvent la mort. Réuni le 22 août en congrès extraordinaire, le PCT se joint au mouvement et réclame le retrait des chars russes. L’Occident se contente de condamnations de principe.   23 août 1968 : La « délégation tchécoslovaque » à Moscou accepte de signer un protocole autorisant le stationnement « temporaire » de troupes étrangères sur le territoire national. Seul Frantisek Kriegel refuse de parapher le texte.   Août-novembre 1968 : Début de la « normalisation ». À l’intérieur du parti, les brejnéviens s’organisent. Ils bénéficient du soutien de la revue Zpravy et de Radio-Vlatva, l’une et l’autre basées en RDA. Frantisek Kriegel et le général Prchlik sont écartés. Dubcek multiplie les compromis pour tenter sauver ce qui peut encore l’être.   27 octobre 1968 : Derniers feux du Printemps de Prague. Une constitution fédérale est adoptée, garantissant l’égalité entre les pays tchèques et la Slovaquie. Les réformateurs obtiennent également un renforcement des attributions des syndicats.   25 janvier 1969 : Des centaines de milliers de personnes assistent aux obsèques de l’étudiant Jan Palach, qui s’est immolé par le feu le 15 pour protester contre l’occupation soviétique.   28 mars 1969 : À la suite de la victoire de la Tchécoslovaquie sur l’URSS lors du championnat du monde de hockey sur glace, une foule enthousiaste envahit les rues de Prague. Les bureaux d’Aeroflot sont pris d’assaut. Brejnev décide d’éliminer une fois pour toutes la direction réformiste.   Avril 1969 : Alexander Dubcek est révoqué par le comité central du parti. Il est remplacé par le Slovaque Gustav Husak. Des purges massives frappent l’armée, la police, les écoles et les universités. Des milliers de membres du parti sont exclus. 30 000 personnes au moins perdent leur emploi. À l’instar de Milan Kundera, de Milos Forman ou d’Ota Sik, des dizaines de milliers de Tchèques choisissent l’exil.   6 mai 1970 : Un nouveau traité d’aide et de coopération militaire est signé entre l’URSS et la Tchécoslovaquie. La sujétion du pays est désormais absolue.   1970-1987 : La société tchèque connaît une longue période de stagnation. Les médias et le monde de l’édition sont étroitement contrôlés. Les tracasseries policières se multiplient. Partout règne un climat de suspicion. Matérialisme et repli sur la sphère privée deviennent la norme. Le niveau de la production littéraire, artistique et cinématographique se dégrade rapidement. Sur le plan économique, le retour au collectivisme entraîne une pénurie de biens de consommation et une totale démotivation des producteurs. La priorité donnée à l’industrie lourde provoque un véritable désastre écologique. La Tchécoslovaquie est reléguée au quarantième rang mondial en termes de PNB. L’espérance de vie y est alors une des plus basses en Europe. Le personnel politique ne se renouvelle plus. La corruption s’étend.   Mai 1971 : Le XIVe congrès du parti apparaît comme le point d’orgue de la « normalisation ».   Mai 1975 : Husak succède à Ludvik Svoboda comme président.   1er janvier 1977 : Encouragés par la signature, en 1975, des accords d’Helsinki, 243 intellectuels publient une charte exigeant le respect des droits de l’homme. Celle-ci passera à la postérité sous le nom de « Charte 77 » qui tire son nom de l’année de sa rédaction. Le dramaturge Vaclav Havel et le philosophe Jan Patocka s’affirment comme les porte-parole du mouvement. La dissidence s’organise, notamment autour des publications du Samizdat. Un Comité des personnes injustement poursuivies (VONS) est constitué.   Octobre 1984 : Jaroslav Seifert obtient le prix Nobel de littérature.   7 juillet 1985 : La célébration du 1 100e anniversaire de Méthode attire 100 000 pèlerins à Velehrad. Renforcée par la popularité du pape et les événements de Pologne, l’Église catholique s’affirme comme l’une des principales forces d’opposition.   Avril 1987 : La visite de Mikhaïl Gorbatchev, initiateur de la perestroïka en URSS, à Prague et à Bratislava suscite un réel espoir. La direction du parti reste toutefois inébranlable. Seules des réformes économiques sont proposées.   17 décembre 1987 : Milos Jakes devient secrétaire général du parti à la place de Gustav Husak.   1988 : Une pétition réclamant la reconnaissance de la liberté religieuse obtient 600 000 signatures.   10 octobre 1988 : Ladislav Adamec forme un nouveau gouvernement. Husak demeure président.   28 octobre : À l’occasion de la fête nationale, de nombreuses manifestations sont organisées d’un bout à l’autre du pays. Les pétitions se multiplient.   Janvier 1989 : Le vingtième anniversaire de la mort de Ian Palach est l’occasion de nombreuses manifestations qui se prolongent pendant tout le premier trimestre et entraînent une répression aussi brutale qu’aveugle.   Septembre 1989 : Des milliers d’Allemands de l’Est se réfugient à l’ambassade de RFA à Prague, alors que se multiplient, d’août à octobre, les manifestations d’opposants.   17 novembre 1989 : La commémoration du soulèvement étudiant de 1939 est perturbée par un cortège de dissidents. Une rumeur bientôt démentie fait croire au décès d’un jeune manifestant. Le pays est choqué par la violence de la répression qui déclenche en retour la « révolution de velours ».   19 novembre 1989 : L’opposition se regroupe au sein d’un Forum civique. Les manifestations se succèdent. Les syndicats se joignent au mouvement. Les dirigeants du régime sont contraints à la négociation.   24 novembre 1989 : La direction du PCT démissionne. Une foule en liesse envahit les rues de Prague.   8 décembre 1989 : Déroute de la nomenklatura communiste qui ne contrôle plus la situation.   10 décembre 1989 : Gustav Husak quitte ses fonctions, après avoir tenté de mettre en place un gouvernement d’union nationale.   29 décembre 1989 : Le dissident Vaclav Havel est élu président de la République. 26 mai 1946 : Avec 38 % des voix, le parti communiste tchécoslovaque remporte les premières élections de l’après-guerre. Le parti socialiste-national de Benes est largement distancé. En Slovaquie, le parti démocrate arrive en tête. Klement Gottwald est nommé Premier ministre, à la tête d’un gouvernement de coalition dominé par les communistes. À peine réunie, l’assemblée entérine les décrets présidentiels promulgués depuis la libération et vote une loi garantissant l’impunité à tous ceux qui avaient accompli des actes illégaux ou criminels à l’issue de la guerre.   1946 : Très vite, les relations entre le parti communiste et les partis démocratiques se détériorent. Le PCT renforce son contrôle sur les médias et utilise les syndicats pour appuyer ses revendications. Une campagne de calomnies est lancée contre les grandes figures de la résistance non communiste. Des agents provocateurs tentent de discréditer le parti socialiste national et le parti démocrate slovaque. Zdenek Nejedly publie Les Communistes, héritiers des grandes traditions du peuple tchèque. Une nouvelle historiographie voit le jour, qui s’efforce de voir dans les courants politiques et religieux qui ont marqué l’histoire tchèque autant de préfigurations du marxisme.   10 juillet 1947 : Bien qu’intéressé par le plan Marshall, le gouvernement de Front National cède aux injonctions de Staline et refuse l’aide économique proposée par les États-Unis. Ni le Parlement, ni l’opinion ne sont consultés.   Février 1948 : Devant le raidissement des partis démocratiques, qui semblent enfin décidés à se mobiliser pour défendre les libertés publiques, les syndicats communistes convoquent un congrès exceptionnel à Prague.   13 février 1948 : Les membres non communistes du gouvernement demandent au ministre de l’Intérieur de revenir sur série de nominations et de mutations destinées conforter la mainmise du parti sur la police praguoise. Celui-ci refuse.   20 février 1948 : En signe de protestation, les ministres socialistes nationaux, populistes et démocrates slovaques présentent leur démission. Syndicats et organisations procommunistes s’agitent. Le 21, les communistes manifestent à Prague et mettent en place des comités d’action armés. Redoutant une guerre civile et une intervention soviétique, Benes cède le 25 sous la pression du parti communiste tchécoslovaque et accepte la démission de ses partisans. Un nouveau gouvernement est mis en place, presque exclusivement composé de communistes. Ces événements sont perçus en Europe occidentale et aux États-Unis comme le le « coup de Prague » qui sonne le glas du dernier régime pluraliste à l’Est, à l’issue d’un processus de prise de pouvoir par les communistes ne tenant aucun compte des normes de la démocratie parlementaire. Les États occidentaux protestent, mais l’opinion tchèque demeure globalement passive.   10 mars 1948 : On retrouve le corps inanimé de Jan Masaryk au pied de son immeuble. Suicide ou assassinat ? La mort du fils du fondateur de la République tchécoslovaque apparaît au monde entier comme un symbole.   30 mai 1948 : De nouvelles élections sont organisées. Le Front national est seul autorisé à présenter une liste. Il obtient près de 90 % des suffrages.   Juin 1948 : Benes démissionne le 7. Gottwald est élu président le 14. Antonin Zapotocky devient Premier ministre. Le parti social-démocrate est incorporé au parti communiste. De grandes purges frappent l’appareil d’État.   19 au 27 juin 1948 : Lors d’un grand rassemblement du Sokol, les participants manifestent leur soutien à Benes. La répression est immédiate et brutale. Le Sokol subit à son tour une purge.   9 septembre 1948 : Les obsèques de Benes sont l’occasion de la dernière manifestation « légale » d’hostilité au pouvoir communiste.   Octobre 1948 : Mise en place du premier plan quinquennal.   4 mars 1949 : Mise en place de l’Union des écrivains, chargée d’encadrer et de surveiller la production littéraire tchèque. Création du Comecon (ou CAEM, Conseil d’assistance économique mutuelle). L’économie tchécoslovaque est désormais au service de l’Union soviétique, notamment ses industries d’armement. La priorité est donnée à l’industrie lourde.   1948-1954 : Une chape de plomb tombe sur la société tchèque. 250 000 personnes perdent leur emploi et 100 000 sont traînées devant les tribunaux. C’est l’époque du fameux procès Slansky (20-27 novembre 1952) immortalisé par L’Aveu de Costa Gavras. Un climat d’antisémitisme se développe. On ne compte officiellement que 232 condamnations à mort, mais des dizaines de milliers de détenus sont expédiés dans des « camps de travail forcé ». La lutte contre les « agents du Vatican » entraîne la fermeture de nombreux couvents et monastères et un redoublement des persécutions religieuses. À l’intérieur même du parti, les « trotskistes » et les « titistes » sont progressivement éliminés.   1950 : Naissance de la Banque d’État tchécoslovaque.   8 juin 1950 : La présidente du Conseil des femmes tchécoslovaques, Milada Horakova, est condamnée à mort à l’issue d’un procès inique.     5 mars 1953 : Mort de Staline. Invité à ses obsèques, Gottwald contracte une pneumonie et décède le 14. Il est remplacé par Zapotocky à la présidence de la République. Viham Siroky devient Premier ministre et Antonin Novotny, chef du parti.     Juin 1953 : 20 000 ouvriers manifestent à Plzen pour protester contre une réforme monétaire drastique. Zapotocky est convoqué à Moscou où la nouvelle direction soviétique lui reproche le manque de souplesse de sa planification économique. Le comité central du parti annonce en conséquence un assouplissement des mesures de collectivisation et un allégement du carcan bureaucratique pesant sur la société.   1955 : Création du pacte de Varsovie, présenté par Moscou comme une réponse à la remilitarisation de la République fédérale allemande. Il regroupe, au sein d’une alliance militaire intégrée, toutes les forces des États satellites de l’URSS en Europe orientale et centrale.   Février 1956 : le XIe congrès du parti communiste d’URSS donne le signal de la déstalinisation. Le parti communiste tchèque suit sans enthousiasme le mouvement. Une certaine effervescence gagne les syndicats, les organisations de jeunesse et l’Union des écrivains, qui fait écho à l’événement lors de son second congrès, tenu en avril.   Été-automne 1956 : Les émeutes ouvrières de Poznan, puis le soulèvement hongrois d’octobre fournissent aux staliniens tchèques le prétexte d’une vigoureuse réaction. Les réformistes les plus bruyants sont éliminés et Prague soutient activement l’intervention soviétique en Hongrie.   1957 : À la mort de Zapotocky, Novotny devient président. Le pays connaît une nouvelle vague de collectivisation. Le plan quinquennal de 1956 redonne la priorité à l’industrie lourde. À l’intérieur des partis, la lutte contre le « révisionnisme » est l’occasion d’une nouvelle série de purges.   11 juillet 1960 : Une nouvelle constitution est adoptée. Toute trace de fédéralisme est éradiquée. Le pays devient la « République socialiste tchécoslovaque ». Il est divisé en 10 régions et 108 départements. La situation de l’économie tchèque se dégrade rapidement.   Octobre 1961 : Le XXIe congrès du parti communiste soviétique renouvelle sa critique des procès staliniens.   Décembre 1962 : XIIe congrès du parti communiste tchécoslovaque, dans un contexte de grandes difficultés économiques.   Avril 1963 : Novotny rend public le rapport d’une commission d’experts sur « les violations de la légalité socialiste à l’époque du culte de la personnalité ». On procède à une série de libérations et de réhabilitations. Les staliniens sont écartés de la direction du parti.   1963-1967 : La société tchèque se transforme rapidement. Le développement de l’épargne permet aux ménages d’améliorer sensiblement leur niveau de vie. Une mentalité individualiste et consumériste fait son apparition. Les voyages en Occident sont plus faciles et plus nombreux. En dépit de la censure, écrivains et universitaires desserrent peu à peu le carcan idéologique. On redécouvre Kafka et la philosophie « bourgeoise ». Milos Founan, Milan Kundera et Vaclav Havel acquièrent une renommée mondiale. Les économistes Ota Sik et Radoslav Selucky prônent la réintroduction partielle de l’économie de marché dans le système socialiste.   Juin 1967 : Le IVe congrès des Écrivains défie le pouvoir de Novotny.   30 octobre 1967 : Lors du comité central du parti, Antonin Novotny est violemment mis en cause par le premier secrétaire du PC slovaque, Alexander Dubcek, qui lui reproche notamment d’avoir délibérément négligé la Slovaquie.   19 décembre 1967 : Partisans de Dubcek et de Novotny s’affrontent à nouveau. Le limogeage de Novotny est cette fois ouvertement envisagé. Leonid Brejnev refuse de lui accorder son soutien.   5 janvier 1968 : Dubcek parvient enfin à évincer Novotny. Très populaire en Slovaquie, cet apparatchik atypique bénéficie du soutien des forces démocratiques et réformistes. À l’intérieur du PCT, un courant technocratique prône une libéralisation qui permettrait au parti d’être un reflet plus fidèle des aspirations profondes de la société. De nombreux étudiants et intellectuels se prononcent de leur côté pour un retour pur et simple à la démocratie. L’opinion est partagée.   Mars 1968 : Le général Svoboda succède à Novotny à la présidence de la République.   23 mars 1968 : Réunis à Dresde, les dirigeants communistes d’Europe de l’Est s’inquiètent de l’évolution de la situation à Prague. Le Polonais Gomulka et l’Allemand Walter Ulbricht sont particulièrement véhéments. Leonid Brejnev hésite, mais finit en avril par se rallier à la ligne dure. C’est le triomphe du concept de souveraineté limitée ou « doctrine Brejnev ».   5 avril 1968 : Adoption par le comité central du programme d’action du PCT, qui entérine la ligne réformiste de la direction.   1er mai 1968 : Les célébrations officielles se déroulent dans un climat d’effervescence. C’est l’apogée du « Printemps de Prague », terme sous lequel l’opinion tchèque et les médias occidentaux vont désigner le processus de réformes engagé depuis le début de l’année. Dubcek prône un « socialisme à visage humain », que Karel Kosik s’efforce de théoriser. Les libertés publiques sont partiellement rétablies. Une réforme économique est envisagée.   Juin 1968 : La censure est officiellement supprimée. Un Manifeste des 2 000 mots critique violemment le régime communiste.   Juin-juillet 1968 : 16 000 soldats du pacte de Varsovie participent à des manœuvres prolongées en Tchécoslovaquie.   11 juillet 1968 : La Pravda dénonce le Manifeste des 2 000 mots, présenté comme une « plate-forme de la contre-révolution ».   14 juillet 1968 : Les dirigeants bulgares, hongrois, polonais, est-allemands et soviétiques adressent une ultime mise en garde à Dubcek.   6 août 1968 : Réunis à Bratislava, les dirigeants tchèques multiplient les concessions pour éviter une intervention militaire soviétique. Dans les jours qui suivent, Dubcek rencontre le Hongrois Kadar et l’Allemand Ulbricht. Tito et Ceausescu sont reçus en grande pompe à Prague.   21 août 1968 : Dans la nuit, les troupes de cinq États membres du pacte de Varsovie (URSS, RDA, Pologne, Hongrie et Bulgarie, – on remarque l’absence de la Roumanie de Ceausescu) pénètrent en Tchécoslovaquie. Les principaux dirigeants du pays sont arrêtés et conduits en URSS, où ils sont contraints d’avaliser a posteriori l’intervention étrangère. La mise en place d’un gouvernement ouvertement prosoviétique étant difficilement envisageable, Dubcek conserve provisoirement son poste. Sur le terrain, des manifestations spontanées entravent le déploiement de quelque 750 000 hommes et 6 000 chars des forces d’occupation. Des dizaines de manifestants trouvent la mort. Réuni le 22 août en congrès extraordinaire, le PCT se joint au mouvement et réclame le retrait des chars russes. L’Occident se contente de condamnations de principe.   23 août 1968 : La « délégation tchécoslovaque » à Moscou accepte de signer un protocole autorisant le stationnement « temporaire » de troupes étrangères sur le territoire national. Seul Frantisek Kriegel refuse de parapher le texte.   Août-novembre 1968 : Début de la « normalisation ». À l’intérieur du parti, les brejnéviens s’organisent. Ils bénéficient du soutien de la revue Zpravy et de Radio-Vlatva, l’une et l’autre basées en RDA. Frantisek Kriegel et le général Prchlik sont écartés. Dubcek multiplie les compromis pour tenter sauver ce qui peut encore l’être.   27 octobre 1968 : Derniers feux du Printemps de Prague. Une constitution fédérale est adoptée, garantissant l’égalité entre les pays tchèques et la Slovaquie. Les réformateurs obtiennent également un renforcement des attributions des syndicats.   25 janvier 1969 : Des centaines de milliers de personnes assistent aux obsèques de l’étudiant Jan Palach, qui s’est immolé par le feu le 15 pour protester contre l’occupation soviétique.   28 mars 1969 : À la suite de la victoire de la Tchécoslovaquie sur l’URSS lors du championnat du monde de hockey sur glace, une foule enthousiaste envahit les rues de Prague. Les bureaux d’Aeroflot sont pris d’assaut. Brejnev décide d’éliminer une fois pour toutes la direction réformiste.   Avril 1969 : Alexander Dubcek est révoqué par le comité central du parti. Il est remplacé par le Slovaque Gustav Husak. Des purges massives frappent l’armée, la police, les écoles et les universités. Des milliers de membres du parti sont exclus. 30 000 personnes au moins perdent leur emploi. À l’instar de Milan Kundera, de Milos Forman ou d’Ota Sik, des dizaines de milliers de Tchèques choisissent l’exil.   6 mai 1970 : Un nouveau traité d’aide et de coopération militaire est signé entre l’URSS et la Tchécoslovaquie. La sujétion du pays est désormais absolue.   1970-1987 : La société tchèque connaît une longue période de stagnation. Les médias et le monde de l’édition sont étroitement contrôlés. Les tracasseries policières se multiplient. Partout règne un climat de suspicion. Matérialisme et repli sur la sphère privée deviennent la norme. Le niveau de la production littéraire, artistique et cinématographique se dégrade rapidement. Sur le plan économique, le retour au collectivisme entraîne une pénurie de biens de consommation et une totale démotivation des producteurs. La priorité donnée à l’industrie lourde provoque un véritable désastre écologique. La Tchécoslovaquie est reléguée au quarantième rang mondial en termes de PNB. L’espérance de vie y est alors une des plus basses en Europe. Le personnel politique ne se renouvelle plus. La corruption s’étend.   Mai 1971 : Le XIVe congrès du parti apparaît comme le point d’orgue de la « normalisation ».   Mai 1975 : Husak succède à Ludvik Svoboda comme président.   1er janvier 1977 : Encouragés par la signature, en 1975, des accords d’Helsinki, 243 intellectuels publient une charte exigeant le respect des droits de l’homme. Celle-ci passera à la postérité sous le nom de « Charte 77 » qui tire son nom de l’année de sa rédaction. Le dramaturge Vaclav Havel et le philosophe Jan Patocka s’affirment comme les porte-parole du mouvement. La dissidence s’organise, notamment autour des publications du Samizdat. Un Comité des personnes injustement poursuivies (VONS) est constitué.   Octobre 1984 : Jaroslav Seifert obtient le prix Nobel de littérature.   7 juillet 1985 : La célébration du 1 100e anniversaire de Méthode attire 100 000 pèlerins à Velehrad. Renforcée par la popularité du pape et les événements de Pologne, l’Église catholique s’affirme comme l’une des principales forces d’opposition.   Avril 1987 : La visite de Mikhaïl Gorbatchev, initiateur de la perestroïka en URSS, à Prague et à Bratislava suscite un réel espoir. La direction du parti reste toutefois inébranlable. Seules des réformes économiques sont proposées.   17 décembre 1987 : Milos Jakes devient secrétaire général du parti à la place de Gustav Husak.   1988 : Une pétition réclamant la reconnaissance de la liberté religieuse obtient 600 000 signatures.   10 octobre 1988 : Ladislav Adamec forme un nouveau gouvernement. Husak demeure président.   28 octobre : À l’occasion de la fête nationale, de nombreuses manifestations sont organisées d’un bout à l’autre du pays. Les pétitions se multiplient.   Janvier 1989 : Le vingtième anniversaire de la mort de Ian Palach est l’occasion de nombreuses manifestations qui se prolongent pendant tout le premier trimestre et entraînent une répression aussi brutale qu’aveugle.   Septembre 1989 : Des milliers d’Allemands de l’Est se réfugient à l’ambassade de RFA à Prague, alors que se multiplient, d’août à octobre, les manifestations d’opposants.   17 novembre 1989 : La commémoration du soulèvement étudiant de 1939 est perturbée par un cortège de dissidents. Une rumeur bientôt démentie fait croire au décès d’un jeune manifestant. Le pays est choqué par la violence de la répression qui déclenche en retour la « révolution de velours ».   19 novembre 1989 : L’opposition se regroupe au sein d’un Forum civique. Les manifestations se succèdent. Les syndicats se joignent au mouvement. Les dirigeants du régime sont contraints à la négociation.   24 novembre 1989 : La direction du PCT démissionne. Une foule en liesse envahit les rues de Prague.   8 décembre 1989 : Déroute de la nomenklatura communiste qui ne contrôle plus la situation.   10 décembre 1989 : Gustav Husak quitte ses fonctions, après avoir tenté de mettre en place un gouvernement d’union nationale.   29 décembre 1989 : Le dissident Vaclav Havel est élu président de la République. 26 mai 1946 : Avec 38 % des voix, le parti communiste tchécoslovaque remporte les premières élections de l’après-guerre. Le parti socialiste-national de Benes est largement distancé. En Slovaquie, le parti démocrate arrive en tête. Klement Gottwald est nommé Premier ministre, à la tête d’un gouvernement de coalition dominé par les communistes. À peine réunie, l’assemblée entérine les décrets présidentiels promulgués depuis la libération et vote une loi garantissant l’impunité à tous ceux qui avaient accompli des actes illégaux ou criminels à l’issue de la guerre.   1946 : Très vite, les relations entre le parti communiste et les partis démocratiques se détériorent. Le PCT renforce son contrôle sur les médias et utilise les syndicats pour appuyer ses revendications. Une campagne de calomnies est lancée contre les grandes figures de la résistance non communiste. Des agents provocateurs tentent de discréditer le parti socialiste national et le parti démocrate slovaque. Zdenek Nejedly publie Les Communistes, héritiers des grandes traditions du peuple tchèque. Une nouvelle historiographie voit le jour, qui s’efforce de voir dans les courants politiques et religieux qui ont marqué l’histoire tchèque autant de préfigurations du marxisme.   10 juillet 1947 : Bien qu’intéressé par le plan Marshall, le gouvernement de Front National cède aux injonctions de Staline et refuse l’aide économique proposée par les États-Unis. Ni le Parlement, ni l’opinion ne sont consultés.   Février 1948 : Devant le raidissement des partis démocratiques, qui semblent enfin décidés à se mobiliser pour défendre les libertés publiques, les syndicats communistes convoquent un congrès exceptionnel à Prague.   13 février 1948 : Les membres non communistes du gouvernement demandent au ministre de l’Intérieur de revenir sur série de nominations et de mutations destinées conforter la mainmise du parti sur la police praguoise. Celui-ci refuse.   20 février 1948 : En signe de protestation, les ministres socialistes nationaux, populistes et démocrates slovaques présentent leur démission. Syndicats et organisations procommunistes s’agitent. Le 21, les communistes manifestent à Prague et mettent en place des comités d’action armés. Redoutant une guerre civile et une intervention soviétique, Benes cède le 25 sous la pression du parti communiste tchécoslovaque et accepte la démission de ses partisans. Un nouveau gouvernement est mis en place, presque exclusivement composé de communistes. Ces événements sont perçus en Europe occidentale et aux États-Unis comme le le « coup de Prague » qui sonne le glas du dernier régime pluraliste à l’Est, à l’issue d’un processus de prise de pouvoir par les communistes ne tenant aucun compte des normes de la démocratie parlementaire. Les États occidentaux protestent, mais l’opinion tchèque demeure globalement passive.   10 mars 1948 : On retrouve le corps inanimé de Jan Masaryk au pied de son immeuble. Suicide ou assassinat ? La mort du fils du fondateur de la République tchécoslovaque apparaît au monde entier comme un symbole.   30 mai 1948 : De nouvelles élections sont organisées. Le Front national est seul autorisé à présenter une liste. Il obtient près de 90 % des suffrages.   Juin 1948 : Benes démissionne le 7. Gottwald est élu président le 14. Antonin Zapotocky devient Premier ministre. Le parti social-démocrate est incorporé au parti communiste. De grandes purges frappent l’appareil d’État.   19 au 27 juin 1948 : Lors d’un grand rassemblement du Sokol, les participants manifestent leur soutien à Benes. La répression est immédiate et brutale. Le Sokol subit à son tour une purge.   9 septembre 1948 : Les obsèques de Benes sont l’occasion de la dernière manifestation « légale » d’hostilité au pouvoir communiste.   Octobre 1948 : Mise en place du premier plan quinquennal.   4 mars 1949 : Mise en place de l’Union des écrivains, chargée d’encadrer et de surveiller la production littéraire tchèque. Création du Comecon (ou CAEM, Conseil d’assistance économique mutuelle). L’économie tchécoslovaque est désormais au service de l’Union soviétique, notamment ses industries d’armement. La priorité est donnée à l’industrie lourde.   1948-1954 : Une chape de plomb tombe sur la société tchèque. 250 000 personnes perdent leur emploi et 100 000 sont traînées devant les tribunaux. C’est l’époque du fameux procès Slansky (20-27 novembre 1952) immortalisé par L’Aveu de Costa Gavras. Un climat d’antisémitisme se développe. On ne compte officiellement que 232 condamnations à mort, mais des dizaines de milliers de détenus sont expédiés dans des « camps de travail forcé ». La lutte contre les « agents du Vatican » entraîne la fermeture de nombreux couvents et monastères et un redoublement des persécutions religieuses. À l’intérieur même du parti, les « trotskistes » et les « titistes » sont progressivement éliminés.   1950 : Naissance de la Banque d’État tchécoslovaque.   8 juin 1950 : La présidente du Conseil des femmes tchécoslovaques, Milada Horakova, est condamnée à mort à l’issue d’un procès inique.     5 mars 1953 : Mort de Staline. Invité à ses obsèques, Gottwald contracte une pneumonie et décède le 14. Il est remplacé par Zapotocky à la présidence de la République. Viham Siroky devient Premier ministre et Antonin Novotny, chef du parti.     Juin 1953 : 20 000 ouvriers manifestent à Plzen pour protester contre une réforme monétaire drastique. Zapotocky est convoqué à Moscou où la nouvelle direction soviétique lui reproche le manque de souplesse de sa planification économique. Le comité central du parti annonce en conséquence un assouplissement des mesures de collectivisation et un allégement du carcan bureaucratique pesant sur la société.   1955 : Création du pacte de Varsovie, présenté par Moscou comme une réponse à la remilitarisation de la République fédérale allemande. Il regroupe, au sein d’une alliance militaire intégrée, toutes les forces des États satellites de l’URSS en Europe orientale et centrale.   Février 1956 : le XIe congrès du parti communiste d’URSS donne le signal de la déstalinisation. Le parti communiste tchèque suit sans enthousiasme le mouvement. Une certaine effervescence gagne les syndicats, les organisations de jeunesse et l’Union des écrivains, qui fait écho à l’événement lors de son second congrès, tenu en avril.   Été-automne 1956 : Les émeutes ouvrières de Poznan, puis le soulèvement hongrois d’octobre fournissent aux staliniens tchèques le prétexte d’une vigoureuse réaction. Les réformistes les plus bruyants sont éliminés et Prague soutient activement l’intervention soviétique en Hongrie.   1957 : À la mort de Zapotocky, Novotny devient président. Le pays connaît une nouvelle vague de collectivisation. Le plan quinquennal de 1956 redonne la priorité à l’industrie lourde. À l’intérieur des partis, la lutte contre le « révisionnisme » est l’occasion d’une nouvelle série de purges.   11 juillet 1960 : Une nouvelle constitution est adoptée. Toute trace de fédéralisme est éradiquée. Le pays devient la « République socialiste tchécoslovaque ». Il est divisé en 10 régions et 108 départements. La situation de l’économie tchèque se dégrade rapidement.   Octobre 1961 : Le XXIe congrès du parti communiste soviétique renouvelle sa critique des procès staliniens.   Décembre 1962 : XIIe congrès du parti communiste tchécoslovaque, dans un contexte de grandes difficultés économiques.   Avril 1963 : Novotny rend public le rapport d’une commission d’experts sur « les violations de la légalité socialiste à l’époque du culte de la personnalité ». On procède à une série de libérations et de réhabilitations. Les staliniens sont écartés de la direction du parti.   1963-1967 : La société tchèque se transforme rapidement. Le développement de l’épargne permet aux ménages d’améliorer sensiblement leur niveau de vie. Une mentalité individualiste et consumériste fait son apparition. Les voyages en Occident sont plus faciles et plus nombreux. En dépit de la censure, écrivains et universitaires desserrent peu à peu le carcan idéologique. On redécouvre Kafka et la philosophie « bourgeoise ». Milos Founan, Milan Kundera et Vaclav Havel acquièrent une renommée mondiale. Les économistes Ota Sik et Radoslav Selucky prônent la réintroduction partielle de l’économie de marché dans le système socialiste.   Juin 1967 : Le IVe congrès des Écrivains défie le pouvoir de Novotny.   30 octobre 1967 : Lors du comité central du parti, Antonin Novotny est violemment mis en cause par le premier secrétaire du PC slovaque, Alexander Dubcek, qui lui reproche notamment d’avoir délibérément négligé la Slovaquie.   19 décembre 1967 : Partisans de Dubcek et de Novotny s’affrontent à nouveau. Le limogeage de Novotny est cette fois ouvertement envisagé. Leonid Brejnev refuse de lui accorder son soutien.   5 janvier 1968 : Dubcek parvient enfin à évincer Novotny. Très populaire en Slovaquie, cet apparatchik atypique bénéficie du soutien des forces démocratiques et réformistes. À l’intérieur du PCT, un courant technocratique prône une libéralisation qui permettrait au parti d’être un reflet plus fidèle des aspirations profondes de la société. De nombreux étudiants et intellectuels se prononcent de leur côté pour un retour pur et simple à la démocratie. L’opinion est partagée.   Mars 1968 : Le général Svoboda succède à Novotny à la présidence de la République.   23 mars 1968 : Réunis à Dresde, les dirigeants communistes d’Europe de l’Est s’inquiètent de l’évolution de la situation à Prague. Le Polonais Gomulka et l’Allemand Walter Ulbricht sont particulièrement véhéments. Leonid Brejnev hésite, mais finit en avril par se rallier à la ligne dure. C’est le triomphe du concept de souveraineté limitée ou « doctrine Brejnev ».   5 avril 1968 : Adoption par le comité central du programme d’action du PCT, qui entérine la ligne réformiste de la direction.   1er mai 1968 : Les célébrations officielles se déroulent dans un climat d’effervescence. C’est l’apogée du « Printemps de Prague », terme sous lequel l’opinion tchèque et les médias occidentaux vont désigner le processus de réformes engagé depuis le début de l’année. Dubcek prône un « socialisme à visage humain », que Karel Kosik s’efforce de théoriser. Les libertés publiques sont partiellement rétablies. Une réforme économique est envisagée.   Juin 1968 : La censure est officiellement supprimée. Un Manifeste des 2 000 mots critique violemment le régime communiste.   Juin-juillet 1968 : 16 000 soldats du pacte de Varsovie participent à des manœuvres prolongées en Tchécoslovaquie.   11 juillet 1968 : La Pravda dénonce le Manifeste des 2 000 mots, présenté comme une « plate-forme de la contre-révolution ».   14 juillet 1968 : Les dirigeants bulgares, hongrois, polonais, est-allemands et soviétiques adressent une ultime mise en garde à Dubcek.   6 août 1968 : Réunis à Bratislava, les dirigeants tchèques multiplient les concessions pour éviter une intervention militaire soviétique. Dans les jours qui suivent, Dubcek rencontre le Hongrois Kadar et l’Allemand Ulbricht. Tito et Ceausescu sont reçus en grande pompe à Prague.   21 août 1968 : Dans la nuit, les troupes de cinq États membres du pacte de Varsovie (URSS, RDA, Pologne, Hongrie et Bulgarie, – on remarque l’absence de la Roumanie de Ceausescu) pénètrent en Tchécoslovaquie. Les principaux dirigeants du pays sont arrêtés et conduits en URSS, où ils sont contraints d’avaliser a posteriori l’intervention étrangère. La mise en place d’un gouvernement ouvertement prosoviétique étant difficilement envisageable, Dubcek conserve provisoirement son poste. Sur le terrain, des manifestations spontanées entravent le déploiement de quelque 750 000 hommes et 6 000 chars des forces d’occupation. Des dizaines de manifestants trouvent la mort. Réuni le 22 août en congrès extraordinaire, le PCT se joint au mouvement et réclame le retrait des chars russes. L’Occident se contente de condamnations de principe.   23 août 1968 : La « délégation tchécoslovaque » à Moscou accepte de signer un protocole autorisant le stationnement « temporaire » de troupes étrangères sur le territoire national. Seul Frantisek Kriegel refuse de parapher le texte.   Août-novembre 1968 : Début de la « normalisation ». À l’intérieur du parti, les brejnéviens s’organisent. Ils bénéficient du soutien de la revue Zpravy et de Radio-Vlatva, l’une et l’autre basées en RDA. Frantisek Kriegel et le général Prchlik sont écartés. Dubcek multiplie les compromis pour tenter sauver ce qui peut encore l’être.   27 octobre 1968 : Derniers feux du Printemps de Prague. Une constitution fédérale est adoptée, garantissant l’égalité entre les pays tchèques et la Slovaquie. Les réformateurs obtiennent également un renforcement des attributions des syndicats.   25 janvier 1969 : Des centaines de milliers de personnes assistent aux obsèques de l’étudiant Jan Palach, qui s’est immolé par le feu le 15 pour protester contre l’occupation soviétique.   28 mars 1969 : À la suite de la victoire de la Tchécoslovaquie sur l’URSS lors du championnat du monde de hockey sur glace, une foule enthousiaste envahit les rues de Prague. Les bureaux d’Aeroflot sont pris d’assaut. Brejnev décide d’éliminer une fois pour toutes la direction réformiste.   Avril 1969 : Alexander Dubcek est révoqué par le comité central du parti. Il est remplacé par le Slovaque Gustav Husak. Des purges massives frappent l’armée, la police, les écoles et les universités. Des milliers de membres du parti sont exclus. 30 000 personnes au moins perdent leur emploi. À l’instar de Milan Kundera, de Milos Forman ou d’Ota Sik, des dizaines de milliers de Tchèques choisissent l’exil.   6 mai 1970 : Un nouveau traité d’aide et de coopération militaire est signé entre l’URSS et la Tchécoslovaquie. La sujétion du pays est désormais absolue.   1970-1987 : La société tchèque connaît une longue période de stagnation. Les médias et le monde de l’édition sont étroitement contrôlés. Les tracasseries policières se multiplient. Partout règne un climat de suspicion. Matérialisme et repli sur la sphère privée deviennent la norme. Le niveau de la production littéraire, artistique et cinématographique se dégrade rapidement. Sur le plan économique, le retour au collectivisme entraîne une pénurie de biens de consommation et une totale démotivation des producteurs. La priorité donnée à l’industrie lourde provoque un véritable désastre écologique. La Tchécoslovaquie est reléguée au quarantième rang mondial en termes de PNB. L’espérance de vie y est alors une des plus basses en Europe. Le personnel politique ne se renouvelle plus. La corruption s’étend.   Mai 1971 : Le XIVe congrès du parti apparaît comme le point d’orgue de la « normalisation ».   Mai 1975 : Husak succède à Ludvik Svoboda comme président.   1er janvier 1977 : Encouragés par la signature, en 1975, des accords d’Helsinki, 243 intellectuels publient une charte exigeant le respect des droits de l’homme. Celle-ci passera à la postérité sous le nom de « Charte 77 » qui tire son nom de l’année de sa rédaction. Le dramaturge Vaclav Havel et le philosophe Jan Patocka s’affirment comme les porte-parole du mouvement. La dissidence s’organise, notamment autour des publications du Samizdat. Un Comité des personnes injustement poursuivies (VONS) est constitué.   Octobre 1984 : Jaroslav Seifert obtient le prix Nobel de littérature.   7 juillet 1985 : La célébration du 1 100e anniversaire de Méthode attire 100 000 pèlerins à Velehrad. Renforcée par la popularité du pape et les événements de Pologne, l’Église catholique s’affirme comme l’une des principales forces d’opposition.   Avril 1987 : La visite de Mikhaïl Gorbatchev, initiateur de la perestroïka en URSS, à Prague et à Bratislava suscite un réel espoir. La direction du parti reste toutefois inébranlable. Seules des réformes économiques sont proposées.   17 décembre 1987 : Milos Jakes devient secrétaire général du parti à la place de Gustav Husak.   1988 : Une pétition réclamant la reconnaissance de la liberté religieuse obtient 600 000 signatures.   10 octobre 1988 : Ladislav Adamec forme un nouveau gouvernement. Husak demeure président.   28 octobre : À l’occasion de la fête nationale, de nombreuses manifestations sont organisées d’un bout à l’autre du pays. Les pétitions se multiplient.   Janvier 1989 : Le vingtième anniversaire de la mort de Ian Palach est l’occasion de nombreuses manifestations qui se prolongent pendant tout le premier trimestre et entraînent une répression aussi brutale qu’aveugle.   Septembre 1989 : Des milliers d’Allemands de l’Est se réfugient à l’ambassade de RFA à Prague, alors que se multiplient, d’août à octobre, les manifestations d’opposants.   17 novembre 1989 : La commémoration du soulèvement étudiant de 1939 est perturbée par un cortège de dissidents. Une rumeur bientôt démentie fait croire au décès d’un jeune manifestant. Le pays est choqué par la violence de la répression qui déclenche en retour la « révolution de velours ».   19 novembre 1989 : L’opposition se regroupe au sein d’un Forum civique. Les manifestations se succèdent. Les syndicats se joignent au mouvement. Les dirigeants du régime sont contraints à la négociation.   24 novembre 1989 : La direction du PCT démissionne. Une foule en liesse envahit les rues de Prague.   8 décembre 1989 : Déroute de la nomenklatura communiste qui ne contrôle plus la situation.   10 décembre 1989 : Gustav Husak quitte ses fonctions, après avoir tenté de mettre en place un gouvernement d’union nationale.   29 décembre 1989 : Le dissident Vaclav Havel est élu président de la République.

La naissance de la République tchèque

26 février 1990 : Un accord est trouvé avec Moscou concernant le retrait des troupes d’occupation soviétiques.   8 juin 1990 : Le Forum civique remporte largement les premières élections législatives libres de l’après-guerre devant le parti slovaque du Public contre la violence (VPN). Havel est réélu à la présidence de la République fédérative tchèque et slovaque.   Début 1991 : Le Forum civique se disloque, donnant naissance au Parti civique démocratique (ODS), un parti conservateur dirigé par le néolibéral Vaclav Klaus, au Mouvement civique d’inspiration technocratique et centriste, et à la petite Alliance civique démocratique.   1er janvier 1991 : La libération des prix provoque une brutale dépréciation de l’épargne.   27 mai 1992 : Le dernier soldat soviétique quitte la Tchécoslovaquie.   5 juin 1992 : La gauche remporte les élections législatives en Slovaquie, tandis que la droite reste en tête dans les pays tchèques.   17 juillet 1992 : Déclaration de souveraineté du Conseil national slovaque.   20 juillet 1992 : Démission de Vaclav Havel.   1er septembre 1992 : Adoption de la constitution slovaque.   7 novembre 1992 : Mort d’Alexander Dubcek dans un accident d’automobile.   25 novembre 1992 : À la suite de plusieurs années de querelles au sujet de l’avenir de la fédération, les représentants slovaques réclament la dissolution de la Tchécoslovaquie. L’assemblée fédérale avalise ce choix avec une facilité étonnante, ce qui conduit à la création d'une Slovaquie indépendante.   19 décembre 1992 : Adoption de la constitution tchèque.   31 décembre 1992 : La Tchécoslovaquie née au lendemain de la première guerre mondiale, disparue en 1938-1939, puis ressuscitée en 1945, cesse d’exister. Une République tchèque est proclamée sur le territoire des anciens pays de la couronne tchèque. Vaclav Havel est élu président le 26 janvier 1993 mais perd la plus grande partie de ses pouvoirs au profit du Premier ministre Vaclav Klaus.   4-7 février 1993 : Séparation des monnaies entre les deux anciennes composantes de la Tchécoslovaquie.   30 juin 1993 : Admission au Conseil de l’Europe de la République tchèque   1er août 1993 : Mise en vigueur de la loi considérant comme « hors la loi » le défunt régime communiste.   1er janvier 1995 : la République tchèque et la Slovaquie sont admises au sein de l’Organisation mondiale du commerce.   28 novembre 1995 : Par les accords conclus à Paris, la République tchèque est admise dans l’OCDE.   4 janvier 1996 : Adoption du traité définissant les frontières de la République tchèque et de la Slovaquie.     31 mai -1er juin 1996 : Premières élections législatives organisées en République tchèque. Vaclav Klaus conserve le poste de Premier ministre mais doit former un gouvernement de coalition. Son parti de centre droit emporte 29,62 % des voix, les sociaux-démocrates 26,44 %, les communistes 10,33 % et les démocrates-chrétiens 8,07 %.   26 juillet 1996 : Prague fait officiellement acte de candidature à l’entrée dans l’Union européenne   20 décembre 1996 : Une déclaration germano-tchèque vient apaiser les tensions entre les deux pays (un acte officiel est signé en janvier suivant). La question du dédommagement des populations expropriées en 1945 n’est pas résolue.   9 juillet 1997 : Début des négociations en vue de l’adhésion de la République tchèque à l’Otan.   16 juillet 1997 : Annonce du début des négociations d’adhésion à l’Union européenne. Elles commenceront effectivement le 10 novembre suivant.   Juillet 1997 : Inondations catastrophiques en Moravie.   Novembre 1997 : Les réformes économiques en cours provoquent un mécontentement croissant. Vaclav Klaus est contraint à la démission à la suite d’un scandale relatif au financement occulte de son parti. L’indépendant Josef Tosovsky prend la tête d’un gouvernement de transition.   20 janvier 1998 : Vaclav Havel est réélu à la présidence pour 5 ans.   19 juin 1998 : Milos Zeman et le parti social-démocrate remportent les élections anticipées (32,31 % contre 27,74 % au centre droit et 11,03 % au PC).   22 juillet 1998 : Un compromis avec les amis de Vaclav Klaus permet la formation d’un gouvernement minoritaire dirigé par Milos Zeman. Devant la multiplication des scandales et la persistance des difficultés économiques, l’opinion donne l’impression de se désintéresser de la politique.   Octobre 1998 : Un ministère des Droits de l’homme est mis en place. Son premier objectif est de faire cesser les discriminations dont est victime la minorité tsigane. Un nombre croissant de membres de la communauté rom choisissent l’exil et demandent l’asile politique au Royaume-Uni ou au Canada.   8 février 1999 : Le gouvernement annonce que le chômage atteint 8,1 % de la population active.   12 mars 1999 : La République tchèque adhère à l’Otan, en même temps que la Hongrie et la Pologne.   Novembre 1999 : Le gouvernement ordonne la destruction d’un mur destiné à « protéger » les habitants d’une petite ville du nord du pays de leurs voisins tsiganes.   Septembre 2000 : Réunion à Prague du FMI et de la Banque mondiale.   Octobre 2000 : Le démarrage du premier réacteur de la centrale nucléaire de Temelin, construite sur le modèle des centrales soviétiques, provoque, quatorze ans après l’accident de Tchernobyl, de vives inquiétudes dans les pays voisins.   Janvier 2001 : Une grève des journalistes et une série de manifestations en faveur de l’indépendance de l’information aboutissent à la démission du très controversé directeur de la télévision publique.   Avril 2001 : Milos Zeman est évincé de la présidence du parti social-démocrate. Il demeure provisoirement Premier ministre.   Novembre 2001 : Un accord est trouvé avec l’Autriche au sujet de la modernisation de la centrale de Temelin.   Avril 2002 : Le Parlement refuse à l’unanimité de revenir sur le décret de 1945 prévoyant l’expulsion sans contrepartie des Allemands des Sudètes.   15 juin 2002 : Emmenés par Vladimir Spidla, les sociaux-démocrates remportent de justesse les élections législatives. Ils forment un gouvernement de coalition avec deux formations centristes, l’Union chrétienne démocrate (KDU-CSL) et l’Union de la liberté (US-DEU). Les ex-communistes réalisent leur meilleur score depuis 1989.   Août 2002 : Pluies torrentielles et inondations à Prague.   21-22 novembre 2002 : Sommet de l’Otan à Prague.   Décembre 2002 : Lors du sommet de Copenhague, l’Union européenne décide d’accepter la candidature de la République tchèque.   2 février 2002 : Fin du mandat de Vaclav Havel.   28 février 2003 : Vaclav Klaus est élu président de la République au troisième tour de scrutin.   14-15 juin 2003 : La population tchèque se prononce par référendum en faveur de l’adhésion à l’UE (77,33 % de oui).   1er mai 2004 : Entrée de la République tchèque dans l’UE, après la signature du traité à Athènes, le 16 avril précédent.   Août 2004 : Stanislav Gross, le leader du parti social-démocrate, remplace Vladimir Spidla à la tête du gouvernement.   Avril 2005 : À la suite d’un nouveau scandale mettant en cause son intégrité personnelle, Stanislav Gross démissionne à son tour. Il est remplacé le 13 mai par Jiri Paroubek.

2008 : La République tchèque est directement impactée par la crise financière mondiale et la croissance de l’économie s’en trouve très réduite (1,7 % en 2011). La bonne tenue du commerce extérieur, liée à la bonne santé de l’économie allemande, qui pèse pour un tiers dans les échanges du pays, a limité, au bout de quelques années les effets de la tourmente partie des Etats-Unis. En revanche, la consommation intérieure ne progresse guère, du fait de l’austérité imposée par les « réformes » limitant le niveau des pensions de retraite et obligeant les étudiants à payer des droits d’inscription à l’Université toujours plus élevés. Une politique que le gouvernement libéral de Petr Necas, aux affaires depuis juin 2010, justifie par le vieillissement de la population et par l’objectif de ramener la dette publique à moins de 3 % du PIB en 2013.

Fin 2012 : Petr Necas reconnaît que les deux années d’austérité imposées au pays ont plongé l’économie dans la récession (-1 %), malgré les succès engrangés par le commerce extérieur, qui pèse pour 50 % dans le PIB. La faible consommation et l’absence d’investissements ont en effet tiré l’économie vers le bas. L’objectif d’un déficit ne dépassant pas les 3 % du PIB est atteint, mais au prix d’une forte hausse de la TVA, de la baisse des salaires des fonctionnaires, du gel des retraites et du sous-investissement persistant dans l’éducation ou les infrastructures. Le revenu réel des Tchèques a reculé de 2 %. Le chômage est demeuré à un très haut niveau (7,3 % de la population, active) et le secteur du bâtiment a vu chuter son activité de 20 % en cinq ans.

Novembre 2013 : Dévaluation de la couronne tchèque de 10 % par rapport à l’euro, ce qui dynamise les exportations. Janvier 2014 : Arrivée au pouvoir du gouvernement de centre-gauche dirigé par Bohuslav Sobotka. Après deux années de récession, l’économie tchèque a renoué avec la croissance, qui a dépassé les 2 % en 2014. Le chômage est repassé sous la barre des 6 %.

2015 : L’économie tchèque connaît la plus forte croissance enregistrée dans l’Union européenne, à 4,3 %, le meilleur résultat obtenu depuis 2007. Les exportations ont été multipliées par trois depuis l’adhésion du pays à l’Union Européenne en 2004. Après des années difficiles liées à la récession, la demande intérieure a vivement progressé, l’industrie du bâtiment est repartie et l’État a pu investir dans les infrastructures routière et ferroviaires.

2016 : Alors que les indicateurs économiques sont au beau fixe, la République tchèque s’est ralliée, à ses voisins « illibéraux » du groupe de Visegrad rassemblés autour du Hongrois Victor Orban, pour s’opposer à l’afflux de réfugiés extra-européens. Selon les sondages, la population tchèque est la plus opposée d’Europe centrale à l’accueil massif de migrants. L’attitude favorable adoptée par divers membres du gouvernement vis à vis de la Chine et de la Russie poutinienne suscite quelques remous dans l’opinion mais ne remet pas en cause la politique du chef de l’État Milos Zeman et du premier ministre Bohuslav Sobotka, remplacé en décembre 2017 par Andrej Babis, sorti vainqueur en octobre des élections législatives à la tête du parti ANO (Action des citoyens mécontents). Ce parti populiste l’a largement emporté avec 29,7 % des voix et son chef a été nommé à la tête dun gouvernement minoritaire dans l’attente des présidentielles de janvier 2018. Les incertitudes politiques ne peuvent toutefois dissimuler la bonne santé de l’économie (avec un chômage réduit à 3 % de la population active).




Des origines à l’effondrement de l’État tchèque médiéval

1,6 million d’années av. J.-C. : Premières traces d’une présence humaine dans la région.   Vers -50 000 av. J.-C. : Le site de Kulna témoigne de l’existence d’un peuplement de Néandertaliens, à une époque contemporaine des industries moustériennes   - 26 000 – 20 000 av. J.-C. : Au début du Paléolithique supérieur, la grotte de Pekarna et les trouvailles réalisées sur les sites de Predmost, Pavlov et Dolni Vestonice révèlent la présence dans la région de groupes nomades de chasseurs de mammouths. Datées de 25 000 av. J.-C., les « Vénus paléolithiques » découvertes à Predmost et Dolni Vestonice sont contemporaines des périodes gravettienne et périgordienne. Les sites de Moravany et d’Ostrava Petrkovice sont également contemporains de cette époque initiale du Paléolithique supérieur. Du fait de l’aggravation des conditions climatiques qui correspondent au maximum de froid de la glaciation de Würm, la dernière période du Paléolithique supérieur n’a guère laissé de traces, au moment où la France et l’Espagne cantabrique connaissaient l’apogée de la civilisation du renne et de la culture magdalénienne.   -8 000 à -5 000 av. J.-C. : L’époque postglaciaire est marquée par la transformation du paysage naturel (avec extension de la forêt) et caractérisée par un peuplement discontinu de petits groupes de chasseurs nomades utilisant un outillage rudimentaire en bois et en pierre. L’abri sous roche de Zatyni, dans l’Erzgebirge, correspond à cette période dite « mésolithique » ou épipaléolithique.   Ve et IVe millénaires av. J.-C. : Les hommes se sédentarisent et l’agriculture se développe, des villages s’établissent en Bohême centrale, ce dont témoignent les sites de Mohelnice et Chabarovice. On voit ensuite s’imposer – sur les sites de Postoloprty, Nova Ves, Statenice et Bylany – les cultures danubiennes correspondant au développement de la céramique rubannée, progressivement remplacée au IVe millénaire par la céramique poinçonnée.   IIe millénaire av. J.-C. : La richesse en cuivre de la région et l’existence de ressources suffisantes en étain font qu’une métallurgie du bronze autochtone y apparaît un peu avant -2000 et s’y développe ensuite régulièrement. La cachette votive de Hradec Kralové et les monuments funéraires de Malnice, Kamyk et Unetice (Aunjetitz) sont contemporains du Bronze ancien. Après que les tombes individuelles sous tertre funéraire se sont imposées au milieu du IIe millénaire, on voit se développer au Bronze final, à partir du XIIIe siècle av. J.-C., la riche civilisation dite des champs d’urnes, qui correspond à l’adoption du rituel funéraire de l’incinération et s’étend largement au-delà du plateau bohémien, sur ce qui correspond aujourd’hui au sud-est de l’Allemagne, à l’Autriche, au nord de la Hongrie et au sud de la Pologne. Cette culture des Urnenfelder est illustrée par les sites de Blucina Cezavy, Klentnice, Zatec et Stredokluly. Elle prépare la culture de Halstatt, contemporaine du premier âge du fer.   Ier millénaire av. J.-C. : De nombreux sites témoignent de la vitalité de la région au cours de l’âge du fer (Stradonice, Hrazany, Hradiste, Chlum, Lhotice, Nevezice, Trisov, Msécké Zehrovice, Cernov, Libenice…). Aux Ve-IVe siècles av. J.-C., les Celtes s’installent massivement dans la région et construisent un réseau d’oppida fortifiés. Originaire du sud de l’Allemagne actuelle, le peuple celte des Boïens donne son nom latin à la Bohême (Boiohaemum). Certaines de ses tribus pénètrent en Italie du Nord mais seront défaites par les Romains à Mutina (Modène) en 193 av. J.-C. L’orpaillage se développe et un artisanat diversifié voit le jour alors que se développe, comme en Allemagne méridionale, une civilisation d’habitats fortifiés de hauteur. Des nécropoles à tombes plates remplacent les tertres funéraires antérieurs. La richesse de leur matériel rend compte de celle de l’aristocratie dominante, qui entretient des relations commerciales avec l’Italie du Nord et les mondes grec et étrusque. Le IVe siècle voit également l’expansion celtique s’affirmer en Moravie où l’installation des nouveaux venus apparaît massive.   Ier siècle av. J.-C. : Invasions germaniques dans la vallée de l’Elbe et le nord de la Bohême. Les Celtes sont refoulés vers la Gaule et la Pannonie où ils seront vaincus par les Daces. Les Quades et les Marcomans établissent des États rivaux aux frontières de l’Empire romain.   19 : Le royaume des Marcomans est occupé par les Chérusques. Leur chef, Marbod, se réfugie à Rome.   116 : Les Marcomans effectuent un raid spectaculaire en Vénétie.   169 : L’empereur Marc Aurèle conduit une armée dans la vallée du Hron pour mettre un terme aux incursions germaniques. La Bohême demeure toutefois hors du limes, qui marque la frontière militaire de l’Empire romain.   410 : Victoire des Huns sur les Quades. De grands bouleversements ethniques affectent alors l’ensemble de l’Europe centrale.   Vème-VIème siècles : Les Ostrogoths, les Lombards, puis les Avars contrôlent successivement la région.   Début du VIe siècle : Les mentions de l’historien byzantin Procope de Césarée témoignent de la présence de Slaves dans les régions appelées à devenir les pays tchèques de Bohême et de Moravie.   568 : Les Lombards quittent la Moravie pour s’installer en Italie.   VIe siècle : Implantation massive des populations slaves. Les chroniques médiévales évoquent un chef légendaire du nom de Cech qui aurait conduit son peuple jusqu’aux riches terres de Bohême centrale.   620 : Soulèvement des tribus slaves contre les Avars, un peuple originaire des steppes orientales qui a précédé les Magyars dans la plaine hongroise. Un dénommé Samo prend la tête de la révolte. Ce personnage obscur d’origine franque est élu roi et étend sa domination sur un « empire » dont on ne connaît pas exactement les contours et qui dure de 623 à 658.   631 : Les armées de Samo repoussent une expédition menée par le roi franc Dagobert Ier.   658 : À la mort de Samo, son empire se disloque. Reprise de la domination avare. L’espace tchéco-morave connaît une période de relative prospérité et de croissance démographique. Des forteresses sont édifiées en Moravie (la région qui s’étend à l’est du plateau bohémien proprement dit) et dans la région de Prague.   805 : Après avoir écrasé les Avars, Charlemagne étend sa domination sur les pays tchèques. La Bohême paie une redevance à la couronne impériale. Cette hégémonie franque peut être interprétée comme la première étape de la pénétration germanique sur le plateau bohémien, même s’il ne s'agit pas encore de colonisation de peuplement systématique.   828 : Consécration par l’archevêque de Salzbourg de l’église de Nitra (dans l’actuelle Slovaquie occidentale alors sous le contrôle du prince tchèque Mojmir Ier).   830 : Baptême des seigneurs moraves – ceux-ci avaient constitué une aristocratie tribale organisée autour d’un réseau de forteresses. Leurs homologues tchèques les imitent en 845. Le prince Mojmir Ier unifie la Moravie et instaure vers 833 le premier embryon d’État dans la région, celui que l’on désignera ensuite sous le nom de « Grande-Moravie ».   843 : Le traité de Verdun aboutit à la division de l’Empire franc en trois royaumes. La Francie orientale attribuée à Louis le Germanique a pour mission de poursuivre la conquête et l’évangélisation de l’Europe centrale. Des missions catholiques s’installent en Bohême et en Moravie.   846 : Ratislav succède à Mojmir et règne jusqu’en 871.   855 : La « Grande-Moravie » entre en conflit avec Louis II le Germanique qui s’inquiète de sa puissance croissante. Ratislav demande l’appui du pape.   863 : Ratislav se tourne vers l’Empire byzantin. L’empereur Michel III envoie en mission les frères Cyrille et Méthode pour parfaire l’évangélisation du pays. Ceux-ci élaborent le premier alphabet slave. Le vieux-slave est employé comme langue liturgique.   871-894 : Règne de Svatopluk. L’empire de Grande-Moravie intègre la Bohême et s’étend jusqu’à Cracovie et à Bratislava. Au terme d’une longue période de rivalité, le clergé latin reprend le dessus sur son homologue slavo-byzantin.   6 avril 885 : Mort de Méthode. Ses disciples doivent quitter le pays.   894-906 : Mojmir II doit partager son empire avec ses deux frères. Affaibli, il est vaincu par les Magyars qui étendent leur domination sur la plus grande partie de la Moravie. À l’ouest, la Bohême est relativement épargnée. Le prince premyslide Borivoj – dont les ancêtres ont constitué en Bohême centrale et occidentale une lignée princière – s’installe à Prague et prend le contrôle de la région. Ses fils Spytihnev et Vratislav poursuivent son œuvre.     15 septembre 921 : La mère de Vratislav, Ludmilla, est sauvagement assassinée. Épouse de Borivoj Ier et mère de Spythinev et Vratislav, elle est détestée par sa bru Drahomira, qui, à la mort de son époux Vratislav, exerce la régence jusqu’en 924 au nom de son fils Venceslas. Elle fait étrangler Ludmilla mais son fils le lui reprochera et la fera emprisonner en 929 après avoir pris la réalité du pouvoir. Ludmilla sera ultérieurement canonisée et comptera – avec son petit-fils Venceslas,Vojtech, le deuxième évêque de Prague, et Procope, le fondateur, en 1033, du monastère de Saint Sazava – parmi les quatre figures de saints considérés comme les « patrons de la Bohême », les « premiers à entrer dans le ciel tchèque ». Les débuts de la christianisation du pays ont été rapportés par le chroniqueur Cosmas de Prague, au début du XIIe siècle.   929-935 : Règne de Venceslas. Celui-ci s’appuie sur l’Église pour renforcer son pouvoir. La christianisation du pays s’accentue. Des relations de bon voisinage sont nouées avec la Saxe.   28 septembre 935 : Venceslas est assassiné par son frère Boleslav. Grand roi chrétien, Venceslas sera canonisé à la fin du Xe siècle, ce qui renforcera considérablement la légitimité de la dynastie Premyslide.   935-972 : Règne de Boleslav Ier.   955 : Victoire d’Othon Ier sur les Magyars au Lechfeld. Les Premyslides reprennent le contrôle de la Moravie, de la Silésie, du bassin de la Vistule et de la Slovaquie occidentale.   972-999 : Règne de Boleslav II le Pieux. Une vingtaine d’églises sont fondées sous son règne et sa sœur Mlada est la première Tchèque à faire le pèlerinage de Rome.   973 : Création de l’évêché de Prague.   982 : Woitek, qui a pris le nom d’Adalbert lors de son baptême, devient évêque de Prague. Son œuvre littéraire et apostolique va faire de lui une des grandes figures de la chrétienté médiévale.   999-1003 : Règne de Boleslav III.   1003-1034 : Luttes pour le pouvoir entre Vladivoj, Jaromir et Oldrich.   XIe siècle : Les bénédictins s’installent en Bohême à Brevnov, suivis aux XIIe et XIIIe siècles par les prémontrés et les cisterciens qui introduisent l’art roman dans la région.   XI-XIIème siècles : Entourée par le Saint Empire à l’ouest, le duché de Pologne au nord et le royaume de Hongrie au sud, la principauté de Bohême doit lutter pour conserver son indépendance. Une société féodale se met en place en même temps que l’Église romaine renforce ses positions.   1034-1055 : Règne de Bretislav Ier qui tente d’imposer à ses sujets le principe de primogéniture. Il épouse l’Allemande Judith de Schweinfurt.   1055-1061 : Règne de Spythinev II.   1061-1092 : Règne de Vratsilav II qui obtient en 1085 le titre de roi de Bohême et de Pologne après avoir soutenu l’empereur Henri IV contre le pape Grégoire VII lors de la querelle des investitures.   1092-1125 : Longue période d’instabilité. Les chefs tribaux rejettent le principe de la primogéniture. Règnes de Bretislav II, Borijov II, Svatopluk II et Vladislav Ier.   1125 : Avènement de Sobeslav Ier qui règne jusqu’en 1140. Ses successeurs sont Vladislav II, Sobeslav II, et Konrad II.   Fin du XIIe siècle : Début d’installation de communautés allemandes en Bohême. Si l’on excepte une brève période d’occupation germanique contemporaine des invasions des Quades, des Marcomans et des Lombards, la région a été ensuite occupée par les Slaves et ce n’est qu’au bas Moyen Âge que se développe la présence allemande, d’abord attestée par l’existence de groupes de marchands établis à Prague, à Kaaden, à Kladrau et Lichtenstadt. L’installation d’abbayes de prémontrés et de cisterciens constitua une autre forme de pénétration germanique et, au milieu du XIIe siècle, trente-quatre abbayes établies en Bohême et en Moravie apparaissent comme des centres de colonisation germanique. C’est dans les régions forestières frontalières de la Bavière, de l’Autriche et de la Silésie que se développa ensuite, sur des sols pauvres jusque-là négligés, la colonisation rurale allemande. Bavarois, Thuringiens et Saxons s’installent alors en grand nombre, avec l’accord des seigneurs fonciers locaux, qui attendent de la mise en valeur du sol défriché un accroissement de leurs revenus. Au contact de la Basse-Autriche, le sud de la Moravie est également concerné par cette colonisation, dans les régions de Nikolsbourg et de Znaim, au sud de Brno. Les riches gisements argentifères de la région firent que cette colonisation rurale fut bientôt relayée, à partir des années 1230, par une colonisation minière qui vit affluer des mineurs venus de Saxe, du Harz et du Tyrol. Dès 1249, la bourgade minière d’Iglau devint ainsi une véritable ville. La mise en exploitation des mines de Kuttenberg (Kutna Hora) vint confirmer ce mouvement à la fin du XIIIe siècle. L’installation des Allemands sur tout le pourtour de la Bohême apparaît clairement dans la toponymie et dans le plan tout à fait particulier des hameaux et des villages concernés. La pénétration allemande des XIIe-XIVe siècles contribue également à l’essor urbain. La Bohême possédait auparavant plusieurs centres importants (Prague, Brno, Olomuc) mais de nombreux centres nouveaux apparaissent liés à l’installation des populations allemandes, notamment à Friedland, Freudenthal ou Pilsen. Un chroniqueur rapporte, en 1334, que l’on parlait beaucoup plus allemand que tchèque dans les villes du royaume de Bohême, qui abritaient un peuplement mixte dans lequel les Allemands dominaient sans doute dans les fonctions artisanales et commerciales.   1197-1230 : Règne d’Otakar Ier, que l’on considère comme le « premier » des souverains Premyslides dans la mesure où ses prédécesseurs n’étaient pas parvenus à unifier durablement l’ensemble de la Bohême sous leur autorité et s’étaient épuisés en rivalités familiales et autres querelles internes. Profitant de la lutte qui opposait en Allemagne les deux prétendants à l’Empire, Philippe de Souabe et Othon de Brunswick, il put obtenir le renouvellement du titre royal pour le prince de Bohême. La Papauté reconnut également ce titre en 1204. Le transfert aux monarques tchèques de tous les droits régaliens « est attesté par le fait qu’ils purent désormais investir légalement les évêques de leur pays » (in Histoire des pays tchèques de Pavel Belina et Petr Cornej). Au paroxysme du conflit entre l’Empire et la Papauté, une politique habile assure ainsi une couronne royale en principe héréditaire aux Premyslides. Toutefois Otakar ne parviendra pas à transmettre son titre à ses héritiers, tandis que le principe de la primogéniture peine toujours à s’imposer face aux coutumes locales. Le mariage du roi avec Adèle de Meissen confirme la proximité des mondes tchèque et germanique.   1230-1253 : Règne de Venceslas Ier.   1241 : Parvenus jusqu’en Moravie, les Tatars dévastent la région.   1253-1278 : Règne d’Otakar II. Sa mère est Cunégonde de Hohenstaufen, ce qui confirme la germanisation de la lignée royale. Le domaine royal s’agrandit et s’étend à l’ouest jusqu’à l’Autriche et à la Carinthie. Otakar participe aux expéditions militaires des chevaliers teutoniques en Prusse et en Lituanie. Il est à l’origine de la fondation de Königsberg. Candidat malheureux au trône impérial, il meurt en 1278 à la bataille de Moravske Pole. Ses exploits guerriers font de lui un des souverains européens les plus fameux de la période. Dante lui consacre même un passage de sa Divine Comédie. Durant cette période, les Premyslides acceptent une certaine dépendance vis-à-vis de l’Empire mais leur royaume conserve ses symboles et sa monnaie, alors que la noblesse veille à maintenir l’indépendance nationale face aux tentations germanophiles des souverains.   1278-1305 : Règne de Venceslas II qui fait l’acquisition de la Haute-Silésie, de la Pologne et de la Poméranie et se voit couronner roi de Pologne en 1300. Son fils Venceslas III est proclamé roi de Hongrie après l’extinction de la dynastie arpadienne. La Bohême connaît alors une période faste de son histoire.   1306 : Assassinat de Venceslas III. Extinction de la dynastie des Premyslides. L’empereur Henri de Luxembourg fait attribuer à son fils le trône de Bohême qui apparaît alors comme l’une des régions les plus dynamiques d’Europe.   1310-1346 : Règne de Jean de Luxembourg. Pour prix de sa soumission, la noblesse tchèque obtient un renforcement de ses privilèges. Le nouveau roi multiplie les conquêtes et annexe définitivement le pays de Cheb, la Silésie et la Haute-Lusace.   26 août 1346 : Accouru au secours du roi de France, Jean de Luxembourg trouve la mort à la bataille de Crécy.   1346-1378 : Le règne de Charles IV, fils de Jean de Luxembourg, marque l’apogée du royaume de Bohême. Formé en France, proche du pape Clément VI, il est élu en juillet 1346 roi des Romains et porte à partir de ce moment le nom de Charles IV. La mort de son rival pour l’Empire, Louis de Bavière, lui permet d’être couronné empereur à Aix-la-Chapelle en juillet 1349 et de réunir sur sa tête les deux couronnes tchèque et romaine. Un pouvoir central puissant et structuré voit le jour. Les pays de la couronne tchèque comprennent dorénavant la Moravie, la Silésie, la Lusace et le Brandebourg. Charles IV fait de Prague le centre de gravité de l’Empire et ne manque jamais une occasion de faire valoir ses racines tchèques du côté maternel (Jean de Luxembourg avait épousé une descendante des Premyslides). Il fait construire le pont Charles, la Nouvelle-Ville et plusieurs kilomètres de murs d’enceinte et dote la ville d’une université prestigieuse. S’il échappe aux grandes crises du XIVe siècle, le royaume ne parvient cependant pas à amorcer une croissance économique d’envergure.   1378-1419 : Confronté à de multiples difficultés, Venceslas IV mène une politique beaucoup plus prudente que son père. Les épidémies de peste entraînent une grave crise démographique. De nombreux Tchèques s’immiscent dans la société bourgeoise, jusque-là majoritairement composée d’Allemands. Venceslas tente de soumettre l’Église par la force, ce qui lui vaut l’hostilité du clergé. Destitué de la couronne impériale en 1400, il est durablement affaibli sur le plan intérieur.   1409 : Venceslas IV signe un décret qui donne aux Tchèques la majorité au collège des maîtres de l’université de Prague. S’inspirant des travaux du canoniste anglais John Wyclif, il entend promouvoir une Église nationale en Bohême. Les maîtres allemands choisissent l’exil.   1410 : L’archevêque Zajic ordonne de brûler les copies des livres de Wyclif.   1412 : Excommunication du prédicateur praguois Jean Hus qui critique les abus de l’Église et la pratique des indulgences.   1415 : Jean Hus est emprisonné à Constance, où il était venu s’expliquer des accusations d’hérésies portées contre lui. Jugé en juin par une commission présidée par Pierre d’Ailly, il est condamné à mort et brûlé le 6 juillet.   30 mai 1416 : Jérôme de Prague, un disciple de Hus, est condamné à son tour.   1416-1420 : Une ligue « hussite » se met en place. Ses propositions sont codifiées dans les Quatre Articles de Prague. Le signe de ralliement des réformateurs est la promotion de la communion sous les deux espèces (sub utraque specie, d’où le qualificatif « utraquiste »). Les Hussites prônent également une stricte observance de la loi divine, exigeant notamment que le clergé renonce à ses biens terrestres. Ils exaltent la « pureté » de l’Église des origines et réclament la liberté de prédication.   30 juillet 1419 : Les hussites praguois défenestrent les échevins hostiles à leur mouvement. Des prédicateurs millénaristes annoncent l’imminence de la fin du monde.   1420-1436 : La Bohême connaît une période d’extrême agitation. Le conflit prend rapidement un caractère national : aux Tchèques utraquistes s’opposent les Allemands majoritairement catholiques. La noblesse et la bourgeoisie hussite obtiennent la sécularisation des biens du clergé et la confiscation des propriétés des étrangers. Les réformateurs les plus radicaux, quittent Prague pour fonder la ville de Tabor (de l’hébreu thabor : camp). Jan Zizka prend la tête de l’armée hussite et inflige une série de défaites sévères aux Impériaux. La principale originalité de la tactique employée par ce dernier tient à l’utilisation de lourds chariots de combat pour contrer les attaques de la cavalerie adverse. Les hussites bénéficient également du renfort de confréries de soldats composées de combattants expérimentés et fanatisés. Des expéditions victorieuses sont même menées hors du territoire tchèque. Les hussites sont toutefois rapidement victimes de leurs divisions internes. Modérés et radicaux s’affrontent à plusieurs reprises jusqu’à la désastreuse bataille de Lipany livrée le 30 mai 1434.   1436 : Le concile de Bâle aboutit à un compromis. L’utraquisme est toléré en Bohême et certains acquis du mouvement réformiste sont maintenus. Cet accord passe à la postérité sous le nom de Compactats de Bâle.   1458 : Au terme d’un long interrègne, le hussite Georges de Podebrady est élu roi de Bohême. Souverain pacifique, il propose un projet novateur d’union des souverains européens, comprenant un congrès permanent et une cour internationale de justice. Il ne sera pas suivi. Sur le plan intérieur, il fait appliquer les Compactats à la lettre. 70 % de la population se réclame alors de l’Église utraquiste. Affaibli par la maladie, le nouveau roi doit toutefois renoncer à fonder une dynastie. Il désigne le fils du roi de Pologne, Vladislav Jagellon, comme son successeur.   1469 : Le roi catholique de Hongrie Mathias Corvin revendique à son tour le trône de Bohême. Seul son décès, survenu en 1490, mettra fin à la querelle.   1471-1526 : Le règne des Jagellons de Pologne (Vladislav de 1471 à 1516, son fils Louis jusqu’en 1526) se traduit par une relative amélioration de la situation intérieure de la Bohême. Une période de paix et de tolérance religieuse favorise le redémarrage de l’économie. Les couronnes de Bohême et de Hongrie sont provisoirement réunies.   29 août 1526 : Les troupes ottomanes écrasent à Mohacs l’armée de Louis Jagellon qui périt lors de la retraite. Le trône de Bohême est désormais vacant.

La Bohême sous la domination des Habsbourg

23 octobre 1526 : L’archiduc d’Autriche Ferdinand de Habsbourg est élu roi de Bohême et de Hongrie. Cette date marque le début de l’hégémonie des Habsbourg en Europe centrale.   1529 : Les armées du sultan ottoman Soliman II assiègent Vienne sans succès.   22 août 1547 : Après le refus d’une partie de la noblesse tchèque de soutenir une expédition contre l’Union protestante de Smalkalde, Ferdinand fait exécuter deux chevaliers et deux bourgeois praguois. Les villes de Bohême perdent leurs privilèges.   1555 : La Confession d’Augsbourg, qui établit la coexistence entre catholiques et protestants dans l’Empire, constitue un camouflet pour les Habsbourg   1556 : Ferdinand succède à Charles Quint sur le trône impérial. Les jésuites ouvrent un collège à Prague.   1561 : L’archevêché est rétabli. Les hussites sont sur la défensive.   1564 : Mort de Ferdinand Ier. Avènement de Maximilien II.   1571 : Publication de la grammaire tchèque de Ian Blahoslav et traduction de la Bible en tchèque   1575 : La Confessio Bohemica reprend et consolide les acquis des Compactats. Le principe de tolérance religieuse s’étend à toutes les branches du christianisme. Catholiques, utraquistes et protestants coexistent à peu près pacifiquement.   1576-1611 : Règne de Rodolphe II qui, en 1583, fait de Prague la capitale de l’Empire. Deux fois plus peuplée que Vienne, cette dernière devient une grande ville cosmopolite et assimile les courants artistiques de la Renaissance.   1598 : Rodolphe nomme deux dignitaires catholiques à la tête de la Bohême et de la Moravie. Les relations avec les protestants se dégradent.   9 juillet 1609 : Rodolphe s’engage officiellement dans une Lettre de majesté à respecter la Confessio Bohemica.   1611 : Rodolphe est renversé par son frère Mathias. Celui-ci s’installe définitivement à Vienne en 1612.   1618 : Pour protester contre la révocation des plusieurs magistrats l’année précédente, une assemblée des corps non catholiques se réunit à Prague. Le 23 mai, un groupe de conjurés se rend au château et défenestre les deux lieutenants-gouverneurs présents ainsi que le secrétaire aulique. L’incident marque le début de la guerre de Trente Ans.   1619 : À Prague, la rébellion s’organise. Un directoire de trente membres est mis en place. Le prince palatin Frédéric est élu roi. Le nouveau souverain peine toutefois à trouver des appuis extérieurs.   8 novembre 1620 : L’armée protestante est écrasée par les Impériaux à la bataille de la Montagne Blanche. « Roi d’un hiver », Frédéric s’enfuit. C’est le début pour la Bohême d’un âge sombre désigné comme « l’ère des ténèbres ».   1621-1627 : Les non-catholiques sont victimes d’une féroce répression. Les prédicateurs protestants sont expulsés. Les pratiques utraquistes sont interdites. Une législation de plus en plus sévère aboutit à l’exil de dizaines de milliers de personnes. Le pays perd ses élites qui sont remplacées par des étrangers catholiques. Le processus de germanisation s’intensifie.   1627 : La Constitution rénovée retire aux diètes territoriales le droit théorique d’élire le roi de Bohême. Les Habsbourg obtiennent la Couronne à titre héréditaire.   1634 : Assassinat du condottiere tchèque Albert de Wallenstein. Généralissime des armées impériales, ce dernier avait été le grand artisan des succès habsbourgeois pendant la guerre de Trente Ans. Son attitude parfois ambiguë lui avait cependant valu d’être finalement écarté.   1648 : Les traités de Westphalie redéfinissent l’équilibre des puissances en Europe centrale. Les Habsbourg d’Autriche confortent leur domination sur la région.   1670 : Mort de Comenius à Amsterdam. Exilé en 1621, ce protestant tchèque est l’un des inventeurs de la pédagogie moderne. Il a notamment mis en évidence la nécessité d’adapter le rythme des apprentissages aux différents paliers du développement de l’élève.   1663-1713 : Tout au long des guerres contre les Ottomans, puis de la guerre de succession d’Espagne, la Bohême supporte la plus grande partie des charges civiles et militaires de l’Empire. Des révoltes sporadiques éclatent dans les campagnes. La reconquête catholique et la germanisation se poursuivent. La Contre-Réforme progresse. Prague devient l’un des foyers les plus dynamiques de l’art baroque.   1680 : Un grand soulèvement paysan affecte l’ensemble des pays tchèques   1713 : La Pragmatique Sanction stipule que la Couronne impériale se transmettra dorénavant selon le principe de primogéniture. Elle est ratifiée en 1720 par la diète de Bohême.   19 mars 1729 : Jean Népomucène est canonisé. Alors vicaire général de l’archevêché de Prague, ce dernier avait été sauvagement assassiné en 1393 par Venceslas IV. Il devient ainsi a posteriori un martyr pour les tenants de la Contre-Réforme qui a entrepris avec succès la reconquête des pays tchèques qui avaient subi l’empreinte de l’épisode hussite et de la dissidence protestante.   1740-1780 : Règne de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche   1741 : À l’occasion de la guerre de SDuccession d’Autriche, les troupes françaises, bavaroises et saxonnes pénètrent en Bohême. Prague tombe le 26 novembre entre les mains des Français. Charles-Albert de Bavière est élu roi de Bohême.   1743 : Les troupes françaises du maréchal de Belle-Isle évacuent Prague. L’impératrice Marie-Thérèse s’y fait symboliquement couronner et la Bavière finit par renoncer à ses prétentions. Sanctionné pour son manque de loyauté, le pays doit payer une contribution exceptionnelle.   1744 : Les juifs sont expulsés de Bohême. Cette mesure s’inscrit dans la volonté de reconquête catholique et de lutte contre l’hérésie. Les livres « pernicieux » dont le jésuite Antoine Konias a établi la liste en 1729 valent des poursuites à leurs détenteurs. À partir de 1717, le pouvoir politique recommence à publier des lettres patentes visant les non catholiques mais, bien que le Code criminel de l’empereur Joseph Ier publié en 1707 punît de la peine de mort l’hérésie, la répression de celle-ci n’alla pas jusqu’à ce point.   1749 : Un directoire politique et financier regroupe les attributions des anciennes chancelleries de Bohême et d’Autriche.   1751 : Un préfet est nommé à la tête de chaque circonscription régionale   1756-1763 : À l’issue de la guerre de Sept Ans, qui a vu l’Autriche alliée de la France combattre le roi de Prusse Frédéric II, la Silésie est perdue pour la couronne de Bohême au profit de la Prusse.   1775 : Une jacquerie éclate dans le nord-est de la Bohême à la suite de plusieurs années de mauvaises récoltes. L’armée doit intervenir contre 40 000 insurgés qui marchent sur Prague. Le conseiller aulique Franz Anton Raab entreprend une réforme agraire destinée à améliorer les conditions de vie des paysans. Frantysek Pelcl publie une Défense de la langue slave, particulièrement tchèque.   1780-1790 : Règne de l’empereur Joseph II.   1781 : Abolition du servage dans les pays de la couronne tchèque. L’empereur Joseph II revient à une politique de tolérance religieuse : calvinistes, luthériens, orthodoxes et juifs retrouvent une certaine liberté.   1784 : L’allemand devient la langue officielle en Bohême. Naissance de la Société tchèque pour les sciences.   1784-1785 : Accélération du processus de centralisation. Un conseil aulique unifié est institué. La police est réformée. Le code civil et le code pénal sont rénovés.   1789 : En l’absence d’un tiers-état constitué, la Révolution française suscite peu d’écho en Bohême.   1791 : À l’occasion du couronnement de Léopold II, une exposition industrielle est organisée à Prague. Elle met en évidence l’excellent niveau des manufactures tchèques.   1792 : Joseph Dobrovsky publie son Histoire de la langue et de la littérature tchèque. Un an plus tôt, il avait réaffirmé la loyauté de la nation tchèque envers la famille impériale.   1805 : L’obligation scolaire est instituée en pays tchèque pour les enfants de six à douze ans.   2 décembre 1805 : La bataille d’Austerlitz a lieu en Moravie, sur le territoire tchèque, et voit la victoire de Napoléon sur les coalisés austro-russes.   1806 : Josef Jungmann fait de la langue le fondement de l’identité nationale tchèque. Montée à Prague d’un sentiment slavophile et prorusse.   1808 : Création du Musée national de Prague.   1817-1818 : Publication des faux manuscrits tchèques anciens de Vaclav Hanka qui sont censés légitimer les aspirations indépendantistes tchèques et favoriser l’émergence d’une conscience nationale. Cette supercherie témoigne du souci des tenants du réveil national de trouver des justifications historiques et culturelles à leur discours.   1824 : Publication de La Fille de Slava de Frantisek Kollar, qui met en avant l’idée de solidarité slave.   1827 : Frantisek Palacky publie la première revue scientifique en langue tchèque. Son œuvre d’historien, couronnée par une monumentale Histoire des Tchèques de Bohême et de Moravie, contribue à renforcer le sentiment national de ses compatriotes.   1830 : À l’occasion de la répression par le tsar de l’insurrection polonaise, les patriotes tchèques se divisent entre conservateurs prorusses et libéraux réformistes.   1831 : Fondation à Prague de la Matice ceska, maison d’édition diffusant des ouvrages littéraires ou scientifiques en langue tchèque.   1840-1848 : les relations entre Tchèques et Allemands se dégradent dans un climat de rivalité culturelle exacerbée. La noblesse et la bourgeoisie sont gagnées par les idées libérales et supportent de plus en plus mal l’autoritarisme de Metternich qui, en exerçant pendant plus de trente ans les fonctions de chancelier, symbolise jusqu’en 1848 la pérennité du système autrichien et l’ordre européen incarné par la politique de la Sainte-Alliance des monarchies traditionnelles contre les revendications libérales et nationales.   11 mars 1848 : À l’appel de la société Repeal (une organisation secrète d’opposants démocrates radicaux formée d’étudiants et de petits artisans dont le nom signifiait qu’elle s’inspirait du modèle irlandais), une assemblée se réunit à Prague. Elle adresse deux pétitions à l’empereur réclamant l’égalité linguistique entre le tchèque et l’allemand et la mise en place d’institutions réellement représentatives. Un Comité national est mis en place.   11 avril 1848 : Frantisek Palacky refuse de participer à la diète constituante de Francfort (réunie à l’appel de l’opposition libérale et démocratique de l’ensemble du monde germanique, cette assemblée est censée faire l’unité allemande sur la base de la souveraineté nationale et du suffrage universel, en déniant toute légitimité aux différents États constituant la confédération germanique présidée par l'Autriche et mise en place en 1815). Face aux libéraux allemands, Palacky entend par ce geste affirmer à la fois son identité slave et son attachement à l’Empire. C’est ce que l’on appellera l’« austroslavisme ».   12-17 juin 1848 : Une insurrection éclate à Prague. Le prince Windischgraetz dirige la répression qui fait plusieurs centaines de victimes. L’état d’exception est proclamé. Les condamnations politiques se multiplient. La rupture entre libéraux tchèques et allemands est consommée.   7 septembre 1848 : Abolition, sous réserve de l'indemnisation des propriétaires, de la corvée et des obligations féodales par le Reichsrat, le Parlement élu en juillet dans l'ensemble de l'Empire – il se réunit d'abord à Vienne, avant de s'établir en octobre à Kremsier, en Moravie, puis à Olomouc.   Décembre 1848 : Avènement de François-Joseph. Originaire de Bohême, le prince Schwarzenberg entreprend de moderniser l’Empire.   1849-1859 : Mise en place du « système » auquel est attaché le nom du chancelier Alexander Bach qui entend renforcer le caractère autoritaire et centralisateur du régime impérial et favoriser la germanisation, notamment dans les pays tchèques. Les lettres patentes du 31 décembre 1851 reviennent sur les acquis de la révolution de 1848, en supprimant la Constitution. Seules sont conservées, des réformes de 1848, l’égalité devant la loi, la liberté religieuse et l’abolition du servage.   1854 : Limitations apportées à l’enseignement du tchèque dans les écoles.   1856 : Les funérailles du libéral Karel Havlicek, qui avait contracté la tuberculose en prison, sont l’occasion d’importantes manifestations.   Janvier 1861 : Frantisek Rieger réclame l’égalité des droits nationaux et une large autonomie pour les Tchèques dans les Narodni Listy (Feuilles nationales).   1861 : Une patente de François-Joseph instaure un certain fédéralisme au sein de l’empire. La diète tchèque est reconstituée et retrouve une partie de ses prérogatives. Emmené par Frantisek Palacky, le Parti national tchèque fait son entrée au Parlement.   1862 : Fondation du Sokol, mouvement patriotique et culturel dont les membres arborent fièrement la chemise rouge des volontaires de Garibaldi. Ses gymnases seront les creusets de l’identité nationale tchèque. Une telle organisation apparaît analogue à la Deutscher Turnverband créée antérieurement et complétée, pour la défense de l’identité des populations allemandes, par l’Association des chanteurs allemands fondée en 1864.   1865 : Fondation de la Zinostenska Banka, première grande banque tchèque. Palacky publie la même année son Idée d’un État autrichien, ouvrage dans lequel il se prononce pour une solution fédérale.   1866 : Victoire de la Prusse sur l’Autriche à Sadowa. Première de La Fiancée Vendue du compositeur tchèque Smetana.   1867 : Un compromis est signé entre l’Autriche et la Hongrie. L’Empire devient une entité bicéphale. Les Tchèques sont écartés du pouvoir, désormais monopolisé par les Allemands et les Hongrois. Toute idée de fédéralisme est désormais abandonnée. À Prague, c’est la consternation. Palacky et ses amis se rendent à Moscou où, à la faveur d’une exposition ethnographique, ils sont reçus par le tsar en personne.   1868 : 330 000 personnes participent à un « Tabor » (nom tchèque désignant un grand rassemblement public) d’inspiration hussite.   1869 : Emil Skoda fait de l’ancienne usine de mécanique Waldstein de Plzen, la plus grande usine d’armement de la double monarchie.   Décembre 1870 : La diète de Bohême proteste contre le projet de rattachement de l’Alsace et de la Lorraine à l’Allemagne.   Septembre 1871 : François-Joseph accepte de contresigner les « articles fondamentaux » qui renforcent les pouvoirs de la diète territoriale de Bohême. L’Autriche conserve le contrôle de la politique fiscale et douanière du royaume mais s’engage à garantir les droits nationaux et linguistiques des Tchèques. L’empereur finit toutefois par reculer devant la protestation des Allemands et des Hongrois.   Octobre 1873 : Les représentants tchèques décident de ne plus siéger à la Diète territoriale de Bohême et au Reichsrat, le Conseil d'Empire dont le rôle a été confirmé par les lois de décembre 1867 qui ont suivi l'établissement du dualisme austro-hongrois.   1874 : Les « Jeunes-Tchèques » réintègrent la diète territoriale. Un parti national libéral voit le jour en marge du vieux Parti national. S’appuyant sur le Journal national, celui-ci réclame l’instauration du suffrage universel et l’élargissement des droits civiques. Fondation d’un parti ouvrier en Autriche. En 1877, la direction du parti est transférée à Liberec.   1876 : Mort de Palacky. Ses obsèques sont l’occasion de grandes manifestations patriotiques.   1878 : Les députés « Vieux-Tchèques » réintègrent la diète et le Reichsrat. Fondation d’un parti social-démocrate « tchécoslovaque » semi-clandestin. Il lui faudra dix ans pour devenir une force organisée.   1879 : Jeunes Tchèques et Vieux-Tchèques s’affrontent sur la question de l’alliance avec l’Allemagne.   1881 : Ouverture du Théâtre national, avec une représentation d’une œuvre de Bedrich Smetana.   1882 : L’Université de Prague est divisée en deux : une université tchèque et une université allemande. L’usage du tchèque est réintroduit dans le système judiciaire.   1886 : Le philosophe Thomas Garrigue Masaryk fait scandale en remettant en cause l’historicité de deux manuscrits médiévaux emblématiques de la culture tchèque. Face aux critiques de la presse, il exhorte les scientifiques à réfuter toutes les superstitions, fussent-elles utiles à la cause nationale. Son intervention en faveur d’un jeune juif accusé à tort de l’assassinat d’une jeune fille tchèque fait de lui en Europe centrale l’équivalent d’Émile Zola en France.   1890 : Accusés d’incompétence et de mollesse par la jeune génération, les « Vieux-Tchèques » cherchent à s’entendre avec les libéraux allemands.   Mai 1890 : 30 000 ouvriers défilent dans les rues de Prague pour célébrer le 1er Mai.   1891 : Triomphe des Jeunes-Tchèques aux élections. Débâcle du Parti national. La région s’industrialise rapidement. L’industrie minière et la métallurgie se développent. Le textile et l’industrie électromécanique continuent à prospérer. Brno, Prague et Ostrava deviennent des centres économiques de premier plan. La production de sucre tchèque couvre largement les besoins de l’Empire.   Octobre 1895 : Manifeste de l’art moderne tchèque.   1897 : Publication d’un règlement imposant que tout dossier administratif soit traité dans la langue du demandeur. C’est un incontestable progrès pour la cause tchèque. Le gouvernement doit cependant reculer devant l’hostilité de l’opinion allemande. Il est renversé à la fin de l’année. Prague est secouée par une vague d’émeutes. Un parti ouvrier d’inspiration nationaliste est mis en place, le Parti national social. Les sociaux démocrates remportent les élections.   1900 : Prague est gagnée par l’Art nouveau et le style Sécession. Au tournant du siècle, ce dernier correspond à une volonté des architectes locaux de s’inspirer des grands courants modernes nés de la révolution industrielle. Le terme de « sécession » est importé à Prague de Munich et de Vienne. Les pionniers de cette tendance sont Bedrich Ohmann, professeur à l’École supérieure des arts appliqués, et son successeur Jan Kotera, personnalité la plus en vue de l’architecture tchèque moderne, qui formera deux générations d’élèves à l’école des Beaux-Arts de Prague.   1901 : Recul des sociaux-démocrates. Progrès des socialistes nationaux et apparition d’un Parti agrarien unifié.   Novembre 1905 : Au lendemain de la révolution russe, 150 000 personnes manifestent à Prague pour réclamer l’instauration du suffrage universel.   1907 : Premières élections au suffrage universel direct. Les sociaux démocrates devancent les agrariens et les Jeunes-Tchèques, mais ils sont battus au deuxième tour.   1908 : Un congrès slave se tient à Prague. Les délégués tchèques demeurent favorables au maintien de l’Empire mais renforcent leurs liens avec la Russie et avec les « slaves du Sud ». Ils entendent jouer un rôle de conciliateurs dans la crise balkanique ouverte par la décision unilatérale du gouvernement austro-hongrois d’annexer la Bosnie-Herzégovine dont il assurait « l’administration provisoire » depuis le congrès de Berlin de 1878.   Mai 1909 : Masaryk critique la justice autrichienne à la diète.   Juin 1911 : Les agrariens remportent une nouvelle fois les élections en Bohême.   Juillet 1913 : Dissolution de la diète de Bohême. Les élections de l’automne suivant voient l’effondrement des Jeunes-Tchèques, contraints de ce fait de se rapprocher des sociaux-démocrates.   Mars 1914 : Suspension du Conseil d’Empire.   28 juin 1914 : Attentat à Sarajevo. L’empire d’Autriche-Hongrie bascule dans la guerre. D’emblée, les Tchèques manifestent peu d’enthousiasme à l’idée d’aller combattre leurs « frères » russes. Les libertés démocratiques sont suspendues. La censure est renforcée.   Décembre 1914 : Masaryk choisit l’exil. Il « déclare la guerre aux empires centraux ». Son disciple Édouard Benes reste à Prague et crée une organisation secrète la « Maffia », qui se donne pour objectif la collecte de renseignements destinés à l’Entente (constituée par la France, l’Angleterre, la Russie, la Serbie et la Belgique, rejointes par l’Italie au printemps 1915).   5 février 1915 : Création par des Tchèques et des Slovaques de l’étranger d’un Conseil national qui publie la revue L’indépendance tchèque.   3 avril 1915 : Un régiment tchèque déserte et passe à l’ennemi sur le front russe.   Avril 1915 : Masaryk remet au ministre britannique des Affaires étrangères, Edward Grey, un mémorandum relatif à l’indépendance future de la Tchécoslovaquie.   Mai 1915 : La défaite des armées russes en Galicie sonne le glas des illusions « panslaves » des nationalistes tchèques. La Nation tchèque paraît à Paris, à l’initiative de l’historien Ernest Denis, qui va populariser la cause tchèque dans l’opinion française.   6 juillet 1915 : Masaryk lance de Suisse un appel contre l’Empire bicéphale.     Novembre 1915 : Le Sokol est interdit par les autorités.   Décembre 1915 : L’astrophysicien Milan Stefánik rejoint Masaryk à Paris. Benes est également en France depuis septembre.   Juin 1916 : Masaryk, Benes et Stefanik mettent en place un Conseil national des pays tchèques. Ils essaient d’organiser la diaspora tchèque, tout en convaincant les États occidentaux du bien-fondé de leur cause.   16 septembre 1916 : Raymond Poincaré, président de la République, reconnaît le Conseil national des pays tchèques au nom de la France et lord Asquith en fait autant peu après pour la Grande-Bretagne.   Novembre 1916 : Les Jeunes-Tchèques et les sociaux-démocrates forment à Prague une Union tchèque et un Comité national. Ils refusent le projet de l’Entente de « libérer la Tchécoslovaquie » et affirment « voir dans le présent et le futur leur avenir sous le sceptre des Habsbourg ».   21 novembre 1916 : Charles Ier succède à François-Joseph sur le trône impérial d’Autriche-Hongrie.   1917 : Une Légion tchécoslovaque est formée en Russie avec des prisonniers. Elle comptera jusqu’à 80 000 hommes et jouera un rôle décisif lors de la guerre civile. De nombreux Tchèques combattent également sur le front ouest.   Mai 1917 : La réouverture du Parlement de Vienne est marqué par la montée des tensions à l’intérieur de l’Empire. Les Tchèques se rapprochent des autres nationalités slaves. Un manifeste paraphé par 222 écrivains dénonce le loyalisme exagéré des élites politiques du pays.   Janvier 1918 : Grèves et mutineries se multiplient en Bohême et Slovaquie.   6 janvier 1918 : Les députés tchèques publient une déclaration qui, pour la première fois, revendique explicitement l’indépendance des pays tchèques « dans un État souverain et démocratique, comprenant ses pays historiques et leur ramification slovaque ».   Mai 1918 : Masaryk rencontre à Pittsburgh les représentants de l’émigration slovaque. Un accord est trouvé, prévoyant la création d’un État tchéco-slovaque d’inspiration fédérale. Tchèques et Slovaques d’Amérique du Nord soutiennent massivement le projet. En Europe, les milieux militaires, les francs-maçons, les protestants et les libéraux se mobilisent également.   Juillet 1918 : Un nouveau Comité national est formé à Prague sur la base des élections de 1911.   14 octobre 1918 : Les sociaux-démocrates profitent d’un mouvement de grève pour proclamer la République. C’est un échec.   18 octobre 1918 : Le Conseil national proclame à Washington l’indépendance de la Tchécoslovaquie. Ses représentants rencontrent à Genève une délégation du Comité national.   28 octobre 1918 : Le Comité national, présidé par Antonin Svehla, Alvis, RaSin, Jiri Stribrny, Frantisek Soukup et Vavro Srobar, prend le contrôle de la centrale de ravitaillement de Prague. La place Venceslas est envahie par une manifestation pacifique : les emblèmes autrichiens sont jetés à bas. L’indépendance est proclamée.

D’une guerre à l’autre : la Tchécoslovaquie dans la tourmente

30 octobre 1918 : Proclamation de la République tchécoslovaque. Thomas Garrigue Masaryk est élu président. La Pologne doit céder la région de Teschen. Les velléités séparatistes des Allemands des Sudètes sont réprimées (établis à la périphérie du plateau bohémien, ils constituent une minorité bien regroupée géographiquement qui aspire naturellement au rattachement à l’Allemagne ou à l’Autriche). Avec 13 600 000 habitants pour 140 400 kilomètres carrés, la Tchécoslovaquie est censée être un pôle de stabilité en Europe centrale. Dans les faits, sa fragilité géopolitique et son hétérogénéité ethnique (Tchèques, Slovaques, Allemands des Sudètes, Ruthènes qui sont des Ukrainiens occidentaux, Polonais et Hongrois constituent une mosaïque complexe) inquiètent certains diplomates étrangers qui y voient une « Autriche-Hongrie au petit pied ».   Avril 1919 : Un bref conflit oppose la Tchécoslovaquie à la Hongrie révolutionnaire de Bela Kun. Cette dernière doit finalement abandonner la Slovaquie.   1919-1920 : Le retour à la paix s’accompagne d’une sévère crise économique. La production industrielle et agricole a chuté de moitié par rapport à son niveau d’avant-guerre. La pénurie de nourriture provoque des émeutes de la faim.   Avril 1919 : Une loi de mise sous séquestre donne le signal d’une ambitieuse réforme agraire. Les propriétés de plus de 250 hectares sont redistribuées ou vendues par lots.   Juin 1919 : Victoire des sociaux-démocrates aux élections municipales.   Décembre 1919 : Retour triomphal de Masaryk à Prague. Karel Kramar dirige un gouvernement d’union nationale dominé par le parti agrarien.   29 février 1920 : Adoption d’une constitution inspirée des modèles américains et français et établissant un pouvoir central fort. Les deux chambres sont élues au suffrage proportionnel, ce qui favorise l’émiettement du paysage politique. Masaryk est réélu président. Il restera en poste jusqu’en 1935. Les Allemands, les Hongrois et autres « minoritaires » n’étant pas représentés dans cette assemblée transitoire, ils ne peuvent participer au scrutin.   Été 1920 : L’armée Rouge s’approche des frontières tchécoslovaques. La propagation des idéaux communistes entraîne une crise profonde au sein du parti social-démocrate.   Août 1920 : Un traité d’alliance est conclu avec la Yougoslavie. C’est le premier des accords bilatéraux encouragés par la France qui, élargis à la Roumanie, donneront naissance à la « Petite-Entente » destinée à contenir l’Allemagne et les éventuelles velléités autrichiennes et hongroises de remettre en cause les traités.   Novembre 1920 : La Légion tchèque est évacuée de Russie. C’est la fin de l’« anabase sibérienne ». Les opérations militaires contre les bolcheviques auront coûté la vie a plus de 4 000 soldats.   Décembre 1920 : Grèves et agitation dans les régions industrielles du pays. La police procède à de nombreuses arrestations.   1921 : Un recensement fait état de 13 613 172 citoyens tchécoslovaques, dont 51 % de Tchèques, 23 % d’Allemands et 14 % de Slovaques.   Mai 1921 : Création à Prague d’un parti communiste de Tchécoslovaquie. Celui-ci attire la plupart des militants sociaux-démocrates.   Octobre 1922 : L’agrarien Antonin Svehla prend la tête d’un nouveau gouvernement d’union nationale   5 janvier 1923 : Le ministre des Finances Alois Rasin est assassiné par un ancien communiste. Une « loi sur la protection de la République » durcit les sanctions à l’encontre des partis et mouvements extrémistes. Un parti radical allemand d’inspiration nationale-socialiste s’organise.   25 janvier 1924 : Traité d’alliance franco-tchécoslovaque.   Juillet 1925 : Le Vatican rompt ses relations diplomatiques avec la Tchécoslovaquie pour protester contre la commémoration officielle du 510e anniversaire de la mort de Jean Hus. Une église nationale tchécoslovaque est créée. Les relations entre Prague et le Saint Siège mettront dix ans à se normaliser.   16 octobre 1925 : Fin de la conférence de Locarno à l’occasion de laquelle Berlin reconnaît les frontières avec la France et la Belgique qui lui ont été imposées par le « diktat » de Versailles. La question des frontières orientales du Reich n’est en revanche toujours pas réglée.   Novembre 1925 : Nouvelles élections législatives. Les communistes talonnent les agrariens.   1926 : Antonin Svehla prend la tête d’une coalition conservatrice modérée, appuyée par les agrariens et les chrétiens-sociaux allemands.   1928 : Le secteur agro-alimentaire est durement touché par la baisse des prix agricoles.   27 janvier 1929 : Des élections anticipées sont organisées. Le parti communiste recule, marginalisé par la « ligne dure » adoptée par son nouveau leader, le stalinien Klement Gottwald.   1930-1933 : La Tchécoslovaquie est frappée de plein fouet par la crise mondiale. Largement dépendante de ses exportations, elle doit s’adapter à la brutale contraction du commerce international. La production industrielle chute de 40 % en trois ans. Le pays compte près d’un million de chômeurs en 1933.   26 janvier 1934 : L’Allemagne et la Pologne signent un pacte de non-agression. Le nouveau Reich hitlérien lance également une offensive commerciale de grande envergure dans les Balkans, rendant inopérantes les dispositions de la « Petite-Entente ». De plus en plus isolée, la Tchécoslovaquie envisage un rapprochement avec l’URSS.       16 mai 1935 : L’URSS et la Tchécoslovaquie concluent un traité d’assistance mutuelle. Les dispositions de ce dernier restent extrêmement vagues. Prague n’en est pas moins accusée par ses voisins de devenir un « cheval de Troie soviétique au cœur de l’Europe ».     19 mai 1935 : Lors des élections, le Parti allemand des Sudètes de Konrad Henlein devient la première force politique du pays. Ce succès consacre la montée en puissance d’un courant séparatiste d’inspiration nationale-socialiste au sein de la communauté germanique. L’agrarien slovaque Milan Hodza devient chef du gouvernement. Masaryk démissionne.   18 décembre 1935 : Benes succède à la tête de l’État à Masaryk qui mourra le 14 septembre 1937   Novembre 1937 : Contre l’avis de son état-major, Hitler – qui entend agir au nom du principe des nationalités, ce qui justifie selon lui le rassemblement dans un même État de tous les Allemands – décide de s’emparer de la région des Sudètes. Un plan d’action est adopté. L’intérêt stratégique de ces périphéries occidentales et septentrionales du plateau bohémien et le fait qu’elles abritent une bonne partie des capacités industrielles de l’État tchécoslovaque rendent cette revendication territoriale particulièrement sensible.   Mars 1938 : Annexion (Anschluss) de l’Autriche par l’Allemagne.   Avril 1938 : Le Parti allemand des Sudètes adopte un programme en huit points qui traduit un net raidissement de ses positions. Le conflit avec Prague se durcit.   20 mai 1938 : Mobilisation partielle de l’armée tchécoslovaque. Le pays entend aussi manifester sa capacité à se défendre contre toute ingérence étrangère dans ses affaires intérieures.   12 septembre 1938 : Un discours véhément d’Hitler au Ccongrès de Nuremberg provoque des troubles assez violents dans les Sudètes.   15 septembre 1938 : Hitler rencontre Chamberlain à Berchtesgaden. Il exige le rattachement au Reich des régions peuplées de plus de 50 % d’Allemands.   19 septembre 1938 : Un ultimatum est adressé à Benes.   21 septembre 1938 : De plus en plus isolé, lâché par ses alliés occidentaux, Benes doit céder. Le Premier ministre Hodza démissionne. Le général Jan Syrovy, héros de l’odyssée russe de la Légion tchèque, forme un nouveau gouvernement.   22 septembre 1938 : Chamberlain rencontre de nouveau Hitler, à Bad Godesberg cette fois, mais le chancelier allemand accroît ses exigences à propos des délais impartis aux Tchèques pour quitter les régions qui doivent être annexées par l’Allemagne et se fait l’avocat des revendications polonaises et hongroises sur certaines parties du territoire tchécoslovaque.   30 septembre 1938 : Signature des accords de Munich. Outre les exigences allemandes, les revendications de la Pologne et de la Hongrie sont prises en compte. Absents de la salle des négociations, les Tchèques sont simplement informés des décisions prises par leurs alliés. L’Allemagne s’empare de 40 % de la superficie de la Bohême. Les Polonais reprennent le contrôle du district de Teschen. Totalement désorganisée, privée de la plus grande partie de ses infrastructures défensives, la Tchécoslovaquie ne joue plus qu’un rôle marginal sur la scène internationale.   5 octobre 1938 : Benes démissionne après avoir avalisé les concessions faites à Munich. Critiqué par une partie de son opinion publique, il choisit l’exil et quitte le pays pour s’installer en Grande-Bretagne.   6 octobre 1938 : Accords de Zilina. Les partis slovaques réclament un statut d’autonomie qui leur est immédiatement accordé. Le 19 novembre, un trait d’union est officiellement réintroduit dans le nom du pays.   2 novembre 1938 : L’« arbitrage de Vienne » rétrocède le sud de la Slovaquie à la Hongrie.   30 novembre 1938 : Emil Hacha est élu président de la République. Le conservateur agrarien Rudolf Beran devient premier ministre. Le nouveau gouvernement s’engage dans une politique de rapprochement avec l’Allemagne et l’Italie. Il est soutenu par un parti de l’Unité nationale qui regroupe la plupart des forces de droite et du centre. Les groupes fascistes restent toutefois ultraminoritaires. Le parti communiste est interdit.   Décembre 1938 : Hitler donne l’ordre à son état-major de préparer une opération militaire contre la Bohême. L’objectif est double : faire pression sur la Pologne et s’emparer du potentiel militaro-industriel du pays.   9 mars 1939 : Beran destitue le gouvernement autonome établi en Slovaquie sous l’autorité de Mgr Tiso à la suite de l’accord d’octobre 1938. L’état de siège est décrété à Bratislava.   14 mars 1939 : Hitler convainc Mgr Tiso de proclamer l’indépendance de la Slovaquie. Convoqué à Berlin, le président Hacha cède face aux menaces allemandes. Soucieux d’éviter une guerre perdue d’avance, il remet « le sort du pays et du peuple tchèque entre les mains du Führer et du Reich allemand. Le protectorat de Bohême-Moravie est constitué, selon une formule inspirée du traité franco-tunisien de 1881. Les pays tchèques conservent une certaine autonomie sous la tutelle d’un « protecteur » nommé par Berlin. Le poste échoit à l’ancien premier ministre des Affaires étrangères du Reich, Konstantin von Neurath, qui prend ses fonctions le 18. Il est assisté par un Allemand des Sudètes, Karl-Hermann Frank.     Juillet 1939 : La commémoration de la mort de Jean Hus est l’occasion de manifestations patriotiques.   1er septembre 1939 : L’Allemagne attaque la Pologne. Début de la seconde guerre mondiale. Une armée tchécoslovaque est constituée sur le sol français.   28 octobre 1939 : De nouvelles manifestations patriotiques font deux morts, dont un étudiant. Une répression brutale s’abat sur l’Université de Prague, qui est fermée pour trois ans. Neuf étudiants sont condamnés à mort, 1 200 sont déportés. À Paris, un Comité national tchécoslovaque est mis en place.   Début 1940 : Trois réseaux de résistance non communiste voient le jour, proches respectivement des milieux militaires (Défense de la nation) de Benes (Centre politique) et des sociaux démocrates (PVVZ). Leurs efforts sont coordonnés par un Comité national de la résistance intérieure.   Automne 1940 : Plusieurs escadrilles tchèques participent brillamment à la bataille d’Angleterre.   Juin 1941 : Après l’entrée en guerre de l’URSS, les communistes rejoignent la Résistance.   Juillet 1941 : Anglais, Américains et Soviétiques reconnaissent le gouvernement tchèque en exil formé par Benes à Londres.   Septembre 1941 : Reinhardt Heydrich est chargé par Hitler de lutter contre la résistance tchèque. Le régime d’occupation se durcit. La forteresse de Terezin est transformée en camp de concentration.   Janvier 1942 : Benes et Sikorski s’entendent sur un projet de confédération polonaise et tchèque. Le projet échoue en raison de l’hostilité de l’URSS.   27 mai 1942 : Attentat contre Heydrich perpétré par un commando venu d’Angleterre. Une vague de répression sans précèdent s’abat sur le pays. Arrestations massives, déportations et exécutions d’otages désorganisent totalement la résistance. Celle-ci ne s’en remettra pas avant 1944.   10 et 24 juin 1942 : Massacre de la population des villages de Lidice et de Lezaky.   12 décembre 1943 : Benes signe à Moscou un traité d’amitié avec l’URSS. Convaincu depuis Munich de l’impuissance des démocraties occidentales, il ne conçoit pas le relèvement de la Tchécoslovaquie sans l’appui et la protection de la Russie. Il favorise ainsi sans le savoir les projets de Staline dans la région.   29 Août 1944 : Soulèvement armé à Banska Bystrica, en Slovaquie. La révolte est rapidement écrasée par les Allemands. Les survivants se réfugient dans les montagnes.   Janvier 1945 : Un Conseil national unifie les diverses branches de la Résistance intérieure.   Mars 1945 : Conversations de Moscou entre les autorités soviétiques et le gouvernement tchécoslovaque en exil.   4 avril 1945 : Un gouvernement de Front national est constitué à Kosice, sous la direction d’E. Benes rentré la veille dans son pays. Il est nettement dominé par les communistes.   5 mai 1945 : Insurrection spontanée dans les rues de Prague. Ni les Russes, ni les Américains n’interviennent à ce moment. Les troupes d’Eisenhower sont dès le 6 mai à Plzen mais, pour éviter toute friction avec les Soviétiques, le général en chef américain ne souhaite pas pousser ses forces jusqu’à Prague. Désemparées, les forces russes pro-allemandes du général Vlassov, qui espèrent ainsi être capturées par les Américains et éviter de tomber aux mains des Soviétiques, se retournent contre les Allemands et fournissent des armes aux insurgés.   9 mai 1945 : Les troupes soviétiques entrent enfin dans Prague. 400 000 Tchèques ont trouvé la mort depuis le début du conflit. Les arrestations et les déportations ont littéralement décimé les élites politiques économiques et intellectuelles du pays. La communauté juive notamment a été quasiment annihilée. Un lourd climat de suspicion s’est répandu dans toutes les couches de la société. Quant à l’infrastructure économique, déjà déséquilibrée par les réquisitions et les commandes impératives de l’effort de guerre allemand, elle a été touchée de plein fouet par les bombardements massifs des Alliés.     29 juin 1945 : Un accord bilatéral entérine l’annexion de l’Ukraine subcarpatique par l’URSS. Ce territoire correspond à l’ancienne Ruthénie subcarpathique qui constituait une province orientale de Tchécoslovaquie de 1919. Cette annexion est alors justifiée pour des raisons « nationales » mais aussi par le fait que l’URSS souhaite avoir une frontière commune avec la nouvelle Tchécoslovaquie. En septembre 1938, l’absence de frontière commune et l’hostilité de la Pologne et de la Roumanie vis-à-vis de l’éventuelle intervention au profit de la Tchécoslovaquie qui aurait vu l’armée Rouge emprunter leurs territoires respectifs, avaient permis à Staline, opposé aux accords de Munich dont il avait été tenu à l’écart, de justifier sa passivité aux yeux des Tchèques qui, après le « lâchage » franco-anglais sur la question des Sudètes et l’indépendance de la Slovaquie, puis l’instauration du protectorat allemand sur la Bohême-Moravie de mars 1939, voyaient dans l’URSS leur seul allié fiable. Pour le reste, la Tchécoslovaquie retrouve à peu près ses frontières d’avant 1938.   Été-automne 1945 : L’épuration des collaborateurs ou supposés tels – définis par les décrets présidentiels des 19 juin et 27 octobre créant les « tribunaux populaires d’exception et le châtiment des fautes contre l’honneur national » – provoque une vague de violence dans tout le pays. Arrestations et exécutions se multiplient. Les partis de droite sont interdits. Près de 10 000 entreprises et 300 000 propriétés agricoles sont confisquées. La conférence de Potsdam avalise l’expulsion de la minorité allemande tout en souhaitant qu’elle s’effectue dans l’ordre et dans un cadre légal. La minorité allemande constituait avant la guerre 30 % de la population des pays tchèques. Les Allemands sont privés de tout droit et leurs biens sont confisqués. Perdant leur statut de citoyens, ils sont de fait privés de toute protection juridique. Au cours du printemps et de l’été 1945, l’expulsion « sauvage » des Allemands est l’occasion, contre cette minorité, de massacres et de cruautés indicibles. Ces crimes cessent progressivement à partir de la fin de l’été et l’expulsion « organisée » prend le relais en janvier 1946.   28 octobre 1945 : Les confiscations deviennent des nationalisations pures et simples. Des pans entiers de l’économie passent sous le contrôle de l’État.   25 janvier 1946 : Accélération du « déplacement » des Allemands des Sudètes. En novembre de la même année, Ian Masaryk, ministre des Affaires étrangères, évalue à 2 256 000 le nombre des Allemands ainsi chassés. Il ne reste plus, à l’issue de cette épuration ethnique, que 1,8 % d’Allemands dans les pays tchèques. Les Hongrois de Slovaquie sont également visés, mais ils bénéficient de la protection de la communauté internationale, car la conférence de Potsdam n’a pas avalisé leur expulsion. Le « transfert » des Magyars, qui représentaient 17 % de la population de la Slovaquie fut donc négocié avec le gouvernement de Budapest et il restait en Slovaquie 10 % de Magyars en 1950.