Au fil de son histoire, la Croatie a su affirmer son caractère propre, au sein d’un monde slave méridional soumis à des influences contradictoires.
Même si les Croates ne parviennent pas à mener à bien la construction d’un royaume solide aux temps médiévaux, la Croatie se rattache à l’Occident et préfère, dès les premiers siècles de son histoire, l’influence franque à la tutelle byzantine, le siège de Pierre au patriarcat de Constantinople, l’alphabet latin à l’écriture cyrillique. Unie à la Hongrie, elle entend voir maintenus sa spécificité et le caractère libre de son union à la couronne de saint Étienne, et se distingue par son ouverture à la culture d’Occident, en partie dans le sillage de Venise qui, à plusieurs reprises, exerce sa domination sur ses côtes, revendiquées par la suite au nom de l’irrédentisme italien. Même si leur territoire se trouve amputé par la conquête musulmane, les Croates, placés aux avant-postes de la Chrétienté, ne subissent pas directement, contrairement à leurs voisins balkaniques, l’influence ottomane.
Après l’espoir déçu de ne pas voir naître une entité tripolaire dans la monarchie des Habsbourg, les Croates, désireux de voir s’éloigner à tout jamais le spectre de la magyarisation, soucieux de ne pas constituer l’arrière-pays de Budapest, et ayant pris ombrage des incursions de Vienne sur les terres « sud-slaves », se résolvent à cohabiter avec leurs voisins balkaniques et découvrent un monde qui leur est étranger, celui des Balkans, au sein duquel se mêlent orthodoxie et lutte contre le Turc, influence ottomane et héritage byzantin. L’entité qui naît de cette nouvelle union, qu’elle s’appelle « Royaumes des Serbes, des Croates et des Slovènes » ou Yougoslavie se révèle très vite difficilement viable. La Deuxième Guerre mondiale voit la naissance d’une Croatie théoriquement indépendante, placée de fait sous la tutelle de l’Axe. L’ombre de cet État et les ressentiments que son souvenir suscite jettent le discrédit sur toute idée d’indépendance croate jusqu’à un passé récent, mais en dépit de ce handicap, la Croatie est parvenue à trouver sa place au sein d’une Europe à laquelle toute son histoire la rattache.
La Croatie : aux confins de l’Europe centrale, entre Méditerranée et Danube
La Croatie compte 56 542 km2 et 4 484 000 habitants au recensement de 2001. Ce pays, qui s’étend d’est en ouest, prend appui sur l’Adriatique, entre Monténégro et Slovénie, entre Danube et Bosnie, et forme un arc de cercle autour de la Bosnie-Herzégovine. Il compte 2 028 km de frontières avec ses voisins, respectivement 500 avec la Slovénie et 329 avec la Hongrie, au nord, 241 avec la Serbie, à l’est, 932 avec la Bosnie-Herzégovine et 25 avec le Monténégro au sud. La Croatie se partage en trois régions, l’une méditerranéenne, une autre pannonienne, séparées par une zone montagneuse.
La région méditerranéenne, formée de 1 185 îles et de la côte adriatique, repose sur un sous-sol en calcaire crétacé. Elle s’appuie sur les Alpes dinariques, qui prolongent le massif alpin vers les Balkans. On distingue l’Istrie-Liburnie formée de la péninsule au nord de Pula, du golfe de Kvarner et de la Liburnie (versant adriatique du Velebit). Cet ensemble compte pour principale ville Rijeka (l’ancienne Fiume), premier port du pays. Au sud du Velebit s’étend la Dalmatie, parfois appelée Croatie maritime, jusqu’à l’entrée des bouches de Kotor, avec pour capitale régionale Split. Du fait d’un climat doux, cette région est très peuplée, et, outre Split, elle compte certaines des villes les plus importantes de Croatie : Zadar, Dubrovnik, Sibenik. L’activité agricole est caractérisée par la culture de l’olivier.
La région septentrionale rassemble les deux tiers de la population croate dans les plaines formées par les deux affluents du Danube, la Save et la Drave. La population y est moins dense : en moyenne 70 habitants par km2, mais 200 autour de Zagreb. Zagreb, située à proximité du site romain de Civitas Andans Toriensum, joue, et cela depuis presque mille ans, un rôle de premier plan dans l’histoire croate : cette importance est due à l’existence d’un évêché, au fait que les bans (gouverneurs) de Croatie y résidaient, et qu’elle a été le berceau du renouveau intellectuel croate au XIXe siècle. Zagreb, qui compte 800 000 habitants, est par ailleurs au cœur d’un important réseau de communication avec l’Autriche, la Hongrie et la Serbie. À l’est de Zagreb s’étend la Slavonie, dont l’activité est essentiellement agricole, et qui compte pour villes principales Osijek et Vukovar.
La région montagneuse est constituée des plis des Alpes dinariques. Le relief est caractérisé par une altitude moyenne de 1 500 m, le sommet en est le massif du Velebit qui culmine à 1 831 m. L’activité principale qui y est pratiquée est l’élevage ovin, dans un cadre traditionnel. Cette région est également remarquable pour ses forêts de sapins ou d’épicéas. La population y est peu dense, 15 habitants au km2 contre 80 pour l’ensemble du territoire croate, et la seule ville de quelque importance est Karlovac.
Les Croates représentent 78 % de la population, les Serbes 12,2, les musulmans 0,9, les Hongrois 0,5, les Italiens 2,2, les « Yougoslaves » originaires d’autres régions 2,2 %. Il existe également des noyaux de peuplement serbe dans les grandes villes, comme Zagreb. La diaspora croate comprend 700 000 âmes en Bosnie-Herzégovine, 100 000 en Voïvodine, 54 000 en Slavonie. Il existe également des colonies croates parties dans la deuxième moitié du XIXe siècle vers les Amériques et l’Australie. Ce mouvement migratoire s’est confirmé après la Deuxième Guerre mondiale.
Des Illyriens aux premières principautés croates
Les premières traces de vie humaine en Croatie remontent à 150 000 ans, mais il faut attendre l’âge du fer pour que l’on puisse en identifier les premiers habitants, Illyriens (en majorité) et Thraces, qui s’y installent aux environs du XIIe siècle avant J.-C. Au IVe siècle avant J.-C, Celtes et Grecs s’y implantent également et y établissent des comptoirs. Les Romains y font une incursion au IIIe siècle av. J.-C., la rattachent en 35 avant notre ère à la province de Pannonie mais ne s’y installent durablement qu’en 9 après J.-C. après avoir écrasé une révolte des Illyriens. Sur la côte orientale de l'Adriatique, ils organisent la province de Dalmatie, la dotent de routes et y établissent des cités. En subsistent des vestiges abondants : l’amphithéâtre de Pula, (Ier siècle) ou plus encore, le palais de Spalato que fait construire au IIIe siècle Dioclétien, originaire de ces contrées, où il meurt en 305, palais qui sert d’assise à la ville médiévale. La romanisation de cette province reste toutefois inégale et ne laisse une empreinte durable que dans le monde urbain. Après la chute de l’Empire romain d’Occident, en 476, la Croatie passe sous l’autorité de Byzance, après avoir été envahie et traversée par les Goths, les Gépides, les Lombards.
Aux VIe et VIIe siècles se produit la descente des peuples slaves venus du nord des Carpates et faisant mouvement vers la Méditerranée. Parmi eux, les Croates, au nom d’origine incertaine, iranienne si l’on retient hypothèse selon laquelle leur slavisation se serait effectuée au contact des peuples de la haute Vistule. La première mention de leur nom – Horovatos – en caractères et langue grecs peut être datée des environs de l’an 200, grâce à deux pierres gravées trouvées sur les bords de la mer Noire. Certains historiens byzantins parlaient de Croatie blanche pour désigner un territoire que ces populations habitaient au nord des Carpates, en Galicie et en Ruthénie. Héraclius Ier fait appel à eux au VIIe siècle pour bousculer les Avars établis en Pannonie, puis leur permet de s’installer sur leur territoire actuel. Ils s’établissent donc dans la région tandis que les populations romanisées fuient et s’installent dans les îles qui bordent le littoral.
Au début du IXe siècle, les tribus croates, au carrefour des influences franques et byzantines, se placent sous la protection de Charlemagne qui, en 810, revendique la souveraineté sur la Dalmatie. Deux ans plus tard, en signant la paix d’Aix-la-Chapelle, Byzance reconnaît cette autorité, sauf sur les îles et sur le littoral. Dans le même temps, le patriarche d’Aquilée fonde l’évêché de Spalato (Split), rattaché ainsi à l'autorité de Rome. La cathédrale est l’ancien mausolée de Dioclétien. De fait, les Croates sont les premiers Slaves à avoir été christianisés. La construction d’une des plus anciennes églises de Croatie, Saint-Donat à Zadar, peut être datée entre 806 et 812.
D’un point de vue politique, l’existence de petites principautés est avérée dès cette époque. Parmi les premiers princes connus, il convient de citer Viseslav, qui vivait à Nin aux alentours de 800.
Vers 830-845 l’existence de Mislav est attestée à Klis. Son successeur Trpimir (v. 845-864) s’autoproclame dux Croatorum et se soumet à l’autorité franque. Il a constitué une cour sur le modèle carolingien, et entre en lutte contre Venise.
La montée en puissance du duché de Croatie se poursuit sous son successeur Branimir (879-892), qui, par un acte du 7 juin 879, obtient du pape Jean VIII la reconnaissance « internationale » de la Croatie.
Vers 850 : fondation de monastères bénédictins à Riznice et Nin.
882 : Fondation de l’évêché de Nin par les disciples de Méthode, qui y instituent la liturgie en langue slavonne populaire (liturgie glagolitique), et le placent dans la mouvance du patriarcat de Constantinople. À cette langue est attaché un alphabet spécifique, d’origine incertaine, mais occidentale. Les dernières recherches paléographiques l’apparentent aux caractères de type mérovingien utilisés en Lombardie au VIIIe siècle.
Le duc Tomislav (910-928) obtient de Rome une couronne royale et essaie d’organiser un royaume unifié. Après lui, des déchirements dynastiques et des luttes tribales divisent le jeune premier royaume. L’éclatement entraîne l’affaiblissement politique de la Croatie.
925 : le concile de Split (évêché dans la mouvance romaine fondé par le patriarche d’Aquilée) voit la victoire disciplinaire du clergé « latin » sur les prêtres « glagolisants ». L’évêché de Nin passe dans la mouvance spirituelle de Split avant d’être supprimé. Le concile institue par ailleurs le trivium et le quadrivium dans le cursus des écoles abbatiales. Ce sont dans ces écoles que se développe à partir du Xe siècle la littérature sacrée croate à travers les Vies de saints (par ex. : Les œuvres et la translation de saint Athanase (Xe siècle) ; Vie de saint Jean de Trogir, publiée en 1203).
969-995 : Règne de Drgislav, allié de Basile II. Il se fait reconnaître le titre de roi de Croatie et de Dalmatie. À sa mort, ses fils se disputent le trône, ce qui provoque une progressive mainmise hongroise sur les affaires croates tandis que Venise s’empare du littoral oriental de l’Adriatique.
1060 : Second concile de Split qui, après le schisme de 1054, confirme l’interdiction de célébrer la liturgie en slavon. Cette décision marque une victoire du clergé d’obédience « latine » face à la liturgie glagolitique et à ses desservants, suspects d’hérésie aux yeux de Rome, et tenus en lisière du fait de leurs sympathies pour le patriarcat de Constantinople. En dépit de cette condamnation officielle, le glagolitisme perdure, avec la protection des princes de Croatie soucieux de maintenir ce particularisme liturgique et culturel. Dans le même temps, les Vénitiens continuent, depuis le littoral, à menacer une Croatie faible politiquement.
1068-1074 : Règne de Kressimir IV. Il parvient à s’imposer sur la Dalmatie et la Croatie et est tenu pour le fondateur du premier royaume croate uni politiquement. La Dalmatie continue toutefois d’être revendiquée par Byzance, et convoitée par Venise. Les Croates n’ont de cesse au cours de leur histoire de lutter pour le maintien de cette province littorale au sein de leur État.
1076-1088 : Règne de Zvonimir, marié à la sœur de Geiza Ier, roi de Hongrie. À sa mort, sa veuve appelle Ladislas, roi de Hongrie (1085-1116) pour protéger le royaume. Le successeur de Ladislas passe un accord avec les représentants des douze tribus croates en 1102.
Vers 1080 : Stèle de Baska : dans l’église de Baska, porte une stèle, avec gravée dans la pierre, une longue inscription, premier témoignage en langue croate et en caractères glagolitiques, rédigé par les scribes de la chancellerie royale. Elle traite d’un legs du roi Zvonimir en faveur de l’abbaye Sainte-Lucie.
1094 : Fondation de l’évêché de Zagreb par Ladislas de Hongrie.
La Croatie unie à la couronne de saint Étienne
1102 : Signature du Pacta Conventa entre Ladislas Koloman et les représentants des douze tribus croates. Cet acte permet au monarque magyar de la dynastie des Arpad d’être reconnu souverain de la Croatie et de la Dalmatie moyennant le respect des coutumes et des privilèges de la noblesse. Cette alliance est à la base d’une équivoque durable dans les rapports entre Croates et Hongrois. Les Croates considèrent qu’il s’agit d’une union personnelle, et qu’ils peuvent reprendre leur liberté à tout moment, les Hongrois interprètent quant à eux le Pacta Conventa comme la preuve de l’intégration de la Croatie à la couronne de saint Étienne. De fait, la Croatie connaît la mise en place d’une féodalité sur le modèle hongrois. Ladislas Koloman crée deux vice-rois, l’un pour la Croatie et l’autre pour la Dalmatie. Ces « bans » sont choisis parmi les membres de la famille royale hongroise. Toutefois, par respect de la spécificité du royaume croate, les souverains magyars maintiennent jusqu’en 1235 un cérémonial spécial pour ceindre la couronne croate.
XIIe siècle : La Dalmatie et les îles font l’objet d’incessants combats entre les rois de Hongrie et Venise et changent de mains à plusieurs reprises.
Fin XIIe siècle : Le fils aîné du roi Béla III est nommé Herzeg (duc) de Croatie et de Dalmatie avant de monter sur le trône.
Les XIIIe et XIVe siècles croates connaissent une histoire parallèle à celle de la Hongrie. Elle est tout d’abord dominée par la lutte des grands féodaux contre le pouvoir royal, puis par l’unité face à l’ennemi extérieur ottoman. Parallèlement, la Croatie pâtit de la montée en puissance de la Bosnie qui, sous Stjepan Tvrtko (1377-1391), domine une partie de la Dalmatie, dont le nord est tenu par les Vénitiens.
1202 : Zadar est devenu une puissance commerciale rivale de Venise, qui convoite le littoral dalmate. Deux ans avant le sac de Constantinople, les troupes de la IVe croisade s’attaquent à la ville et la pillent.
1205 : Venise fait reconnaître sa suzeraineté à Dubrovnik (nom slave de Raguse). Sous l’influence vénitienne sont créées les institutions de la république marchande de Raguse. Un grand conseil de 300 personnes qui élit les membres des autres assemblées et vote les lois, un petit conseil de onze membres qui forme la cour de justice, et un sénat de quarante-cinq membres élus à vie et choisis parmi les familles patriciennes qui forment le gouvernement, sous l’autorité théorique d’un comte. Ces institutions perdurent jusqu’en 1809. Point de confluence des cultures latines et slaves, Raguse constitue un brillant foyer de civilisation par lequel la Renaissance s’implante dans le monde croate.
1222 : Bulle d’or publiée par le roi André pour restreindre les libertés de la noblesse croate. Elle peut toutefois se délier de son serment si le roi ne respecte pas les lois fondamentales du royaume.
1235 : Avènement de Béla IV (mort en 1270) qui se fait couronner roi de Hongrie et de Croatie. Il réalise par la force l’absorption de la Croatie qui d’alliée, devient sujette de la couronne de saint Étienne.
1241 et 1242 : Défaites des Mongols, maîtres un temps de la Hongrie, au mont Klis près de Trogir puis au Polje de Grobnik (près de Rijeka).
1248-1252 : Innocent IV reconnaît officiellement la liturgie glagolitique croate de rite catholique romain. Le privilège est tout d’abord accordé à l’évêque Philippe de Senj, puis à son frère dans l’épiscopat Fructuose de Krk avant d’être généralisé à tous les diocèses de Croatie. Le clergé « glagolisant », qui constitue la majorité des prêtres des campagnes croates, se tourne résolument vers Rome et, fort de l’appui pontifical, rayonne jusqu’en Bosnie et au Monténégro dominés par l’influence byzantine. Ce privilège liturgique s’accompagne de l’essor de la production littéraire croate en caractères glagolitiques : elle recouvre des ouvrages liturgiques ornés de riches enluminures, (sacramentaires, missels, bréviaires), ou hagiographiques. L’importance culturelle de cette écriture décroît progressivement à l’époque moderne, après la réforme tridentine, qui permet l’essor et la diffusion des écrits en caractères latins, sous l’égide du clergé des villes côtières, féru d’humanités et soucieux de répandre l’héritage classique. L’on assiste toutefois à une renaissance du glagolitique liturgique à la fin du XIXe siècle, grâce au slavisant Dragutin Parcic qui publie un missel conforme à la tradition slavonne en 1905.
Deuxième moitié du XIIIe siècle : Apparition de l’historiographie en langue et caractères latins. L’archidiacre Thomas de Split publie une chronique, Historiae Salonitanae, dans laquelle il rapporte les événements de son temps et ceux dont il fut le témoin oculaire, notamment les incursions mongoles.
1290 : Couronnement de Charles Ier (fils de Charles d’Anjou, frère de Saint Louis) comme roi de Hongrie et de Croatie grâce à l’appui du puissant ban croate Paul Subic, véritable maître du pays. Après la mort de Subic, Charles Ier ne peut asseoir son autorité face aux Grands.
1345 : Rédaction de la règle des dominicaines de Zadar, intitulée L’ordre et la Loi, premier texte en croate écrit en caractères latins.
1396 : Fondation du Studium generale par les dominicains de Zadar, qui s'inspirent des universités italiennes. Il peut être considéré comme la première université croate : deux facultés sont créées, l'une de théologie, l'autre de philosophie.
1409 : En proie à des tensions intérieures, à des difficultés financières et à la montée en puissance de Venise, Ladislas V cède la Dalmatie à la Sérénissime.
1458 : La république de Raguse passe sous domination ottomane. Moyennant sa fidélité au sultan et le paiement d’un tribut, elle parvient à maintenir son activité commerçante.
1463 : Les Ottomans conquièrent la Bosnie. La lutte contre les Turcs devient la tâche essentielle de la noblesse croate.
1483 : Parution, en Dalmatie, du premier missel imprimé.
1490 : Razzia en Croatie par les troupes du sultan ottoman Bayezid cherchant à prévenir une croisade anti-ottomane menée par Ladislas II Jagellon, nouveau roi de Hongrie.
1493 : L’armée du ban de Croatie est battue par les Turcs à Krbavsko Polje.
1510 : Le pape Léon X attribue le titre de « rempart de la Chrétienté » à la Croatie.
1526 : L’armée hongroise est écrasée à Mohacs par les Ottomans. La Hongrie est morcelée. Amputée des conquêtes ottomanes et du royaume de Transylvanie qui fait sécession, la Hongrie royale abrite une Croatie réduite à 16 800 km2 qualifiée dans un texte de l’époque de « reste de l’ancien royaume de Croatie ». Elle se trouve aux avant-postes de l’Europe chrétienne face au monde musulman.
Aux confins de l’Europe chrétienne
1527 : Union du royaume de Croatie à la dynastie des Habsbourg. La diète de Croatie (Sabor) qui rassemble les seigneurs laïcs, ecclésiastiques et les représentants des villes se réunit à Celtin et reconnaît Ferdinand de Habsbourg et ses descendants comme successeurs, choisis librement, du dernier roi Zvonimir. L’allégeance à la dynastie est réaffirmée en 1712 lors de la proclamation de la Pragmatique Sanction de Charles VI et en 1848 lorsque les mouvements nationaux menacent l’intégrité de l’empire d’Autriche. Ferdinand II organise face aux Turcs les confins militaires, dans lesquels il place les populations ayant fui les Ottomans. Une importante minorité serbe y prend le pas sur les autres peuples, y fait durablement souche et obtient de Vienne le maintien de ses traditions civiles et religieuses. S’y développe sur le modèle du soldat-paysan une organisation de défense frontalière inspirée de l’antiquité romaine. Cet État militaire constitue une entité différenciée de la Croatie « banale » : les confins échappent en effet à l’autorité de Zagreb jusqu’en 1881, et sont placés sous l’autorité directe de Vienne. Sur les territoires devenus ottomans, les Croates sont contraints à la conversion, mais la majeure partie de ceux qui se trouvent désormais en terre d’islam émigre pour la Croatie « banale ». La côte Adriatique est toujours dominée par les Vénitiens qui pratiquent une italianisation culturelle et ethnique. À Zadar les citoyens n’ont pas la permission de se marier avec des Croates.
1557 : Zagreb devient le siège du Sabor
1550-1570 : Essor des lettres croates, et notamment du théâtre, sous l’influence de la comedia dell’arte. L’auteur le plus célèbre est Marin Drzic qui publie Oncle Maroje aux alentours de 1550.
1573 : Le système féodal magyarisé qui prévaut encore en Croatie provoque une jacquerie menée par un serf, Matija Gubec. Elle est réprimée dans le sang.
1607 : Ouverture de collèges jésuites à Zagreb, Varazdin et Rijeka.
1621 : Zagreb devient officiellement la résidence du ban : ce mot, qui primitivement signifie maître ou chef, demeure tout au long de l’histoire croate le titre que portent les gouverneurs de Croatie, sous la monarchie habsbourgeoise.
1635 : Des Croates se battent sous l’uniforme français. La France entre dans la guerre de Trente Ans, lève des troupes à l’étranger et enrôle des Croates, que l'on appelle alors « Cravates ». Ils forment un régiment de cavaliers, le « Royal-Cravate », sous le maréchal de Gassion. Leur unité demeure au rang des corps de cavalerie (hussards) de l’armée royale jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Du foulard qu’ils portent autour du cou et qui les distingue au sein des régiments étrangers est resté le mot « cravate » dans la langue française.
1664 : Signature de la paix de Vasvar. Sa signature rencontre l’opposition du ban (gouverneur) Nicolas Zrinski car il refuse de voir des terres croates retourner au sultan. Avec son frère Pétar et son beau frère Fran Kosto Frankapan, il prend la tête d’une insurrection contre Vienne. Il reçoit l’appui de la France, de la Pologne et contracte même une alliance avec les Ottomans.
7 avril 1667. Tremblement de terre à Dubrovnik. Il fait cinq mille victimes et marque un coup d’arrêt au dynamisme commercial de la république de Raguse. Venise profite de cette éclipse pour affermir ses positions sur la côte dalmate.
30 avril 1671 : décapitation à Vienne de Zrinski et de Frankapan.
1699 : Paix de Karlowitz : les territoires croates restitués par les Ottomans sont incorporés aux confins militaires.
1718 : Paix de Passarowitz : la frontière croato-bosniaque devient presque définitive.
1734 : La décision d’employer les troupes frontalières des confins en dehors de leur zone de déploiement habituelle provoque une émeute.
1740-1780 : Règne de Marie-Thérèse. Les Croates s’opposent au centralisme viennois et demandent par ailleurs que l’autorité des lois édictées par le Sabor croate aient la même force et la même autorité que celles de la Diète de Hongrie.
Développement d’une vie associative « éclairée » dans les villes du littoral. Création de la société économique et publique de Split en 1767, de l’Académie économique et littéraire de Zadar en 1787, sous le règne de Joseph II. L’influence des physiocrates y est manifeste.
1780-1790 : Règne de Joseph II. La Diète croate est supprimée. Ses droits sont transmis à la Chambre des Magnats de Hongrie où les Croates sont sous-représentés.
1790 : Les Croates refusent d’abandonner le latin comme langue officielle alors que Joseph II tente de leur imposer l’allemand depuis le début de son règne.
1797 : Occupation de Venise et de Ljubljana par les Français. La Dalmatie et l’Istrie reviennent à l’empire Habsbourg en vertu du traité de Campo-Formio.
Émergence culturelle et politique de l’identité nationale
1805 : L’évêque de Zagreb recommande l’usage de la lingua illyrica comme langue officielle : un sentiment national se développe sur ce terreau.
1806 : Création du Regio Dalmata-Kraljski Dalmatin, premier journal en langue croate.
Occupation de Raguse par les troupes françaises qui occupaient déjà la Dalmatie.
1808 : Disparition de la république de Raguse, conquise par Marmont. Il reçoit de Napoléon le titre de duc de Raguse et rattache l’année suivante sa conquête aux provinces illyriennes.
Octobre 1809 : Après Wagram, Napoléon obtient de Vienne les dernières possessions autrichiennes de Dalmatie, l’Istrie, Trieste, la Carniole, la Carinthie et une partie de la Croatie. Cet ensemble forme les « Provinces illyriennes » directement rattachées à l’empire des Français et confiées au général Marmont, puis au général Bertrand qui y introduisent des réformes : suppression des privilèges nobiliaires, abolition du servage, égalité civile. Napoléon lève par ailleurs un corps de Croates, précieux auxiliaire lors de la campagne de Russie, qui s’illustre sous le commandement du général Sljivaric.
1815 : Les provinces illyriennes sont restituées à la maison d’Autriche par les traités de Vienne. La Croatie est replacée sous domination magyare tandis que Raguse forme désormais le cœur d’un royaume de Dalmatie dépendant de Vienne. Un Sabor est recréé, un ban est de nouveau nommé. Les Croates conservent une autonomie locale et une représentation à la Diète de Presbourg.
Dans l’Europe de la Sainte-Alliance, l’expression du sentiment national croate se traduit dans un premier temps dans les lettres.
1830 : Ljudevit Gaj, poète et apôtre de l’illyrisme, partisan de l’union des Croates, des Serbes et des Slovènes, publie Éléments de l’orthographe croato-slave.
1832 Le comte Draskovic rédige, en langue croate, un manifeste politique dans lequel il réclame la réunification de tous les territoires de la Croatie, la constitution d’un gouvernement autonome et l’établissement du croate comme langue autonome.
1835 : Ljudevit Gaj fonde les Nouvelles illyriennes. il assure la publication de Hrvatska domovina (la « Patrie croate »), un poème d’Antun Mihanovic repris lors de la composition de l’hymne croate.
1840 : Budapest décide le remplacement du latin par le hongrois comme langue officielle. Les protestations sont nombreuses en Croatie mais L. Kossuth déclare : « Je ne vois pas de nation croate. » En réaction, le général Juraj Rukavina prononce un discours en croate au Sabor de Zagreb.
1841 : Naissance d’une vie politique en Croatie avec la création du parti croato-hongrois magyarophile, et parallèlement, du parti illyrien, national et panslaviste.
1842 : La société culturelle Matica Hrvstska est créée.
1847 : Le Sabor introduit le croate comme langue officielle et langue diplomatique à la place du latin.
1848 : L’Autriche choisit de diviser pour mieux régner dans la crise qui oppose Vienne au courant nationaliste hongrois. Les autorités impériales désignent le baron Joseph Jelacic, favorable à la cause nationale croate, comme ban de Croatie.
25 mars 1848 : À l’assemblée générale du Sabor a lieu l’exposé en trente points des « revendications du peuple croate », en fait un programme plus national que révolutionnaire : l’autonomie par rapport à Budapest, l’unification de la Croatie et de la Dalmatie, le monopole croate pour le peuplement de la frontière militaire et les droits civiques pour tout le peuple. Jelacic accorde l’abolition du servage, la réforme du système fiscal, et la rupture des relations administratives avec la Hongrie.
Septembre 1848 : Jelacic traverse la Drave et entraîne les Serbes de Voïvodine contre la rébellion hongroise. Son concours aux opérations militaires lui vaut de contribuer à la capitulation de Kossuth. Pour autant Vienne supprime l’autonomie croate jusqu’en 1860.
1860 : « Diplôme d’octobre ». Après sa défaite face à la France et au royaume de Piémont-Sardaigne, Vienne accorde de nouveau des droits constitutionnels à la Croatie.
8 février 1867 : Après la victoire de la Prusse sur l’Autriche à Sadowa (3 juillet 1866), l’influence des Habsbourg sur le monde germanique se trouve fortement réduite et l’Empire est réorganisé en double monarchie, autour de deux pôles, Vienne et Budapest, ce qui satisfait les revendications nationales des Hongrois. La rivière Leitha sert à délimiter les deux sphères de l’ensemble bicéphale, suivant un tracé qui reprend les limites de l’ancien Saint-Empire romain germanique. Vienne tient sous sa dépendance les pays de langue allemande rassemblés au sein de la Cisleithanie. La Croatie se trouve de nouveau placée sous tutelle magyare dans la nouvelle Transleithanie.
1867 : Fondation de l’Académie yougoslave de Zagreb par J. Strossmayer (1815-1905), évêque de Djakovo.
De l’illyrisme au yougoslavisme
1868 : Signature de la Nagogba, compromis croato-hongrois : l’union personnelle de la Croatie est confirmée. Le ban de Zagreb demeure chef d’un gouvernement autonome. Existe également une force armée croate dont le croate est la langue de commandement. Au Sabor de Zagreb (Agram en magyar) siègent 121 membres dont un quart sont désignés par l’empereur et les trois autres par les villes et les comitats. Fiume et Medjimurje restent occupés par les Hongrois. L’Istrie et la Dalmatie relèvent directement de Vienne.
1869 : Fondation du parti « grand croate » par Kvartenik (1825-1871) et Starcevic (1823-1896).
1874 : Fondation de l’université de Zagreb par J. Strossmayer.
Octobre 1878 : À l’issue de la troisième crise d’Orient, qui débute en juillet 1875 par la révolte de la Bosnie face à la Porte, de la guerre russo-turque (avril-décembre 1877) et du congrès de Berlin qui suit la signature du traité de San Stefano, l’Autriche-Hongrie obtient du concert des puissances d’occuper militairement la Bosnie-Herzégovine qui demeure sous suzeraineté ottomane. Les troupes du XIIIe corps d’armée croate, commandé par le général Filipovic, y pénètrent pour prendre le contrôle de la région. Les cadres d’occupation sont en partie composés de Croates qui souhaiteraient voir les territoires occupés placés sous l’autorité de Zagreb. Vienne et Budapest refusent afin d’éviter de voir la Croatie s’ériger en puissance locale. L’administration revient à un gouverneur représentant de l’empereur.
1878-1914 : L’application de la Nagodba devient un objet de conflit permanent avec les Hongrois. L’unionisme pro-magyar disparaît progressivement de la vie politique croate, tandis que l’illyrisme des années 1840-80 se mue en yougoslavisme derrière Racki et Strossmayer, par ailleurs parfaitement loyaux et fidèles à la dynastie régnante (partisans de la Habsburgtreue).
1881 : Réunion des territoires de la frontière militaire à la Croatie. Les Croates ont désormais 40 représentants à la chambre basse de Budapest (sur 450) et trois à la chambre haute (sur 400), en plus d’un ministre d’État hongrois qui siège au Conseil à Vienne.
1882-1903 : B. von Kallay, gouverneur de Bosnie-Herzégovine au nom de Vienne, mène la modernisation du pays et y favorise la colonisation croate dans la plaine de la Save, tandis que l’importante minorité serbe qui y vit souhaite son rattachement à Belgrade. Kallay tente également de promouvoir une « nationalité bosniaque » auprès des musulmans mais prend rapidement conscience du caractère artificiel de cette construction.
1890 : Naissance du parti, nationaliste, « du droit pur » mené par l’avocat Josip Frank.
1894 : Création du parti social-démocrate, inspiré par la social-démocratie allemande, revendiquant l’octroi de la terre aux paysans et l’autonomie de la Croatie.
Essor d’une nouvelle école littéraire croate, la « Moderna », inspirée par l’école viennoise « Die Moderne ». L’écrivain et poète Anton Gustav Matos (1873-1914) en est l’un des chefs de file.
1904 : Fondation du Parti paysan croate populaire avec à sa tête les frères Radic, Antun (1868-1919) et Stjepan (1871-1928). Cette formation prône une évolution de la solution fédérale dans le cadre de la double monarchie.
Octobre 1905 : Réunion politique à Fiume, à l’instigation du journaliste Fran Supilo et d’Ante Trumbic, maire de Split. Elle aboutit aux « résolutions de Fiume ». Environ cinquante députés de Croatie, d’Istrie et de Dalmatie réclament une révision de la Nagodba dans un sens libéral, l’élargissement du droit de vote et le rattachement de la Dalmatie – séparée de Zagreb après la signature des traités de Vienne – à la Croatie. Trente députés serbes de Croatie se rallient à cette motion. Le parti de Frank et celui des Radic repoussent ces propositions.
1906 : Victoire des partisans des « résolutions de Fiume » (coalition croato-serbe menée par Supilo et Trumbic) aux élections de 1906.
6 octobre 1908 : Profitant de la révolution jeune-turque de juillet, l’Autriche-Hongrie annexe la Bosnie-Herzégovine, réalisant ainsi le plan de partage de l’Empire ottoman dont elle était convenue avec le tsar lors de la troisième crise d’Orient. Depuis lors, la mainmise sur les Balkans est devenue un enjeu majeur entre Russie et double monarchie, qui, tacitement, dans les années 1885-90, sont convenues d’y préserver le statu quo. Cette annexion donne naissance à une quatrième crise et provoque de graves tensions avec Belgrade où existe un fort irrédentisme. Le gouvernement serbe en appelle à la Russie qui parvient à rallier le jeune royaume à l’acceptation de ce coup de force. En Croatie, les tenants du sentiment « yougoslave » protestent également devant cette ingérence.
Fin 1908 : Affaire de la trahison d’Agram : arrestation et jugement de Serbes de Croatie convaincus de complicités avec la « Défense nationale », une association composée de Serbes et de Croates et constituée en réaction à l’annexion autrichienne de la Bosnie-Herzégovine. La coalition croato-serbe voit son influence diminuer.
28 juin 1914 : Attentat de Sarajevo, en Bosnie. Mobilisation des Croates au sein de l’armée autrichienne.
1915 : Création à Londres d’un comité croate autour de Fran Supilo et d’Ante Trumbic. Ils signent le « Programme yougoslave » communiqué le 12 mai aux ministres des Affaires étrangères alliés, réclamant l’autonomie de tous les Slaves du sud au sein d’un royaume dans la double monarchie. À peu de temps de cela, l’accord secret de Londres (signé le 26 avril 1915 et accordant des territoires en Istrie et Dalmatie aux Italiens moyennant leur entrée en guerre du côté des alliés) provoque un sursaut de loyalisme croate envers la couronne des Habsbourg.
Mai 1917 : Nicolas Pasic, chef du gouvernement serbe replié sur Corfou, invite une délégation du comité croate de Londres afin de déterminer l’avenir de la « Yougoslavie ».
7 et 20 juillet 1917 : Signature du « pacte de Corfou », déclaration formalisant l’union des Serbes, Croates et Slovènes dans un seul royaume, confié au souverain de la maison serbe Karageorgevich, avec une constitution et une assemblée élue au suffrage universel. Les Croates ont veillé à faire respecter leur « droits historiques ». Pour eux, l’enjeu est de ne pas se trouver avec l’Autriche-Hongrie dans le camp des vaincus de la Première Guerre mondiale. Les Serbes, quant à eux, entendent réaliser l’union des Slaves du sud autour de leur roi. De fait, les membres croates du comité de Londres acceptent de voir leur pays quitter l’orbite magyare pour rejoindre l’ensemble balkanique.
Janvier 1918 : Discours sur l’état de l’Union du président américain Wilson, dans lequel il formule les « 14 points » qui constituent les buts de guerre des États-Unis : parmi les autres aspirations nationales qu’il déclare soutenir, il évoque l’autonomie des peuples yougoslaves.
Premier trimestre 1918 : Situation alimentaire difficile à Zagreb.
Avril 1918 : Le « congrès des nationalités opprimées de l’Autriche-Hongrie » se tient à Rome et reconnaît la légitimité des aspirations nationales des Slaves du sud.
Printemps 1918 : Campagne de mobilisation en faveur de ce mouvement lancée par la minorité yougoslave qui vit aux États-Unis.
3 juin 1918 : Le Conseil suprême interallié exprime sa sympathie au Conseil yougoslave, mais aucun État ne lui accorde de reconnaissance officielle.
Fin octobre 1918 : Création d’un conseil national présidé par l’abbé Korosec (leader slovène).
29 octobre 1918 : Le Sabor de Zagreb rompt avec les autorités de Budapest et transmet l’autorité suprême au Conseil national.
31 octobre 1918 : L’empereur Charles Ier reconnaît le Conseil national.
Novembre 1918 : Création d’un gouvernement yougoslave commun avec six Serbes et six représentants des autres nationalités.
Novembre 1918 : Occupation de Trieste, Pula, Zadar et Sibenik par les Italiens, en vertu du traité secret de Londres (1915). Le Conseil national de Zagreb fait appel au maréchal Foch : l’Italie relâche sa pression sur Ljubljana mais ses troupes continuent d’occuper Trieste.
24 novembre 1918 : Débarquement de troupes italiennes en Dalmatie. Le Conseil national croate décide de s’entendre directement avec le gouvernement de Belgrade. Le principe d’une administration centralisée et de la souveraineté de la maison Karageorgevitch sur le royaume est admis.
Dans la Yougoslavie des Karageorgevitch
1er décembre 1918 : Proclamation de l’union de la Serbie et « des pays de l’État indépendant des Slovènes, Croates, et Serbes dans un royaume uni » par le prince Alexandre, régent de Serbie.
5 décembre 1918 : Affrontement entre les troupes serbes et d’anciennes unités croates de l’armée austro-hongroise remobilisées dans la milice territoriale mise sur pied par le Conseil national croate.
Janvier 1919 : Constitution du premier gouvernement yougoslave siégeant à Belgrade et comprenant des membres du Conseil national croate.
Février 1919 : Mort d’Antun Radic. Le parti paysan croate est repris en main sous la direction de son frère Stjepan, adversaire de l’union avec la Serbie. Il est arrêté et emprisonné jusqu’aux élections de novembre 1920.
12 septembre 1919 : Cultivant le ressentiment italien devant le rattachement de la côte dalmate au nouveau royaume yougoslave, chantre de l’irrédentisme et de la « victoire mutilée » au sortir de la guerre, le poète et condottiere Gabriele d’Annunzio s’empare de Fiume (Rijeka) avec ses arditi (corps franc de 200 hommes environ). Il s’y maintient plus d’un an.
Novembre 1920 : Élections à l’assemblée constituante. Les partis croates remportent environ 75 sièges (50 au parti paysan, une dizaine au parti catholique et autant aux sociaux-démocrates) sur 419.
12 novembre 1920 : Traité de Rapallo : définition de la frontière italo-yougoslave sur une base proche des accords secrets de Londres. L’Italie reçoit l’Istrie, la région de Gorizia, l’île de Crès et Zadar. Fiume devient une ville libre. D’Annuzio capitule le 31 décembre après les combats qui opposent ses partisans aux troupes régulières italiennes.
28 Juin 1921 : Serment du prince Alexandre à la constitution dite du Vidovdan, par référence à la bataille de Kosovo (28 juin 1389), quand la Serbie, défaite par les Ottomans, a perdu son indépendance. Ce jour la Saint-Guy a été mythifié dans l’histoire serbe et utilisé comme symbole à maintes reprises. Les nationalistes serbes interprètent le choix de cette date comme l’acte de naissance d’une nouvelle « Grande-Serbie ». Le texte constitutionnel est adopté par 258 des 419 députés de la Constituante. Tous les partis croates représentés ont voté contre. Le centralisme de Belgrade sort renforcé après la promulgation de ce texte constituant. La Croatie est divisée en quatre départements. Le Sabor de Zagreb disparaît. S’ensuit l’élection des 313 députés du parlement monocaméral. Les députés du parti paysan croate dénoncent la mainmise serbe sur l’État et boycottent la chambre jusqu’en 1924.
Juillet 192 :. Promulgation de la « Loi de la défense de l’État » après un attentat contre le prince Alexandre perpétré par des communistes. Les organisations communistes sont interdites et entrent dans la clandestinité.
Août 1921 : Mort du roi Pierre Ier. Avènement d’Alexandre Ier, qualifié de « roi chevalier » et d’« unificateur » par ses partisans.
1925 : Nouvelles élections à la chambre. Rapprochement de S. Radic du gouvernement de Belgrade et ralliement du parti paysan croate à la constitution du Vidovdan. Stjepan Radic et trois autres députés de son parti deviennent ministres.
Avril 1926 : Brouille entre Radic et le Premier ministre serbe Pasic. Les ministres croates quittent le gouvernement.
1927-1928 : climat de crise politique et d’instabilité gouvernementale en Yougoslavie sur fond de revendications fédéralistes et autonomistes croates.
20 juin 1928 : En pleine assemblée (Skupstina), un député monténégrin fait feu sur les députés du parti paysan croate. Deux meurent sur le coup, Radic succombe à ses blessures un mois plus tard. Le parti paysan est désormais dirigé par V. Macek.
9 janvier 1929 : Coup de force du roi Alexandre Ier. Fin du système parlementaire. Abrogation de la constitution, dissolution des partis, nouvelle organisation territoriale, afin de scinder les entités historiques et de permettre la naissance d’un sentiment national « yougoslave ». La Croatie se retrouve divisée en deux provinces administratives : la Svaska (intérieur du pays) et la Primorska (Dalmatie et côtes).
1930 : L’hégémonie serbe suscite une vive opposition en Croatie. De nombreux militants politiques sont arrêtés, d’autres choisissent l’exil, comme Ante Pavelic, qui s’établit à Rome. Il y fonde l’Ustacha (Les Insurgés), groupement qui se donne pour but l’indépendance de la Croatie. En plus du soutien italien, il bénéficie de l’appui de la Hongrie, toujours attentive aux affaires de Zagreb.
Janvier 1931 : Alexandre Ier est en visite à Zagreb et cherche à renouer le dialogue avec ses sujets croates.
Septembre 1931. Promulgation de la constitution du royaume de Yougoslavie. Les pouvoirs demeurent concentrés entre les mains d’Alexandre Ier. Les partis politiques régionaux demeurent interdits. Un parti « officiel » est créé : le parti démocratique paysan yougoslave.
Hiver 1932-1933 : Publication du « manifeste de Zagreb » signé par des politiques croates mais aussi des Serbes de Bosnie. Ils réclament la souveraineté populaire et le respect des droits nationaux des Serbes, des Croates et des Slovènes. S’ensuit l’internement des signataires les plus en vue, dont le Croate Macek, condamné à trois ans de prison pour trahison le 24 avril 1933.
9 octobre 1934 : Attentat de Marseille. Alexandre Ier tombe sous les balles d’un terroriste macédonien. Un conseil de régence présidé par le prince Paul exerce le pouvoir au nom du jeune roi Pierre II.
Novembre 1934 : Remise au régent Paul d’un mémorandum signé de 250 personnalités (ecclésiastiques, hommes d’affaires et artistes) croates demandant une amnistie générale pour les politiques croates détenus et des élections libres. Macek est libéré, la chambre est dissoute.
Mai 1935 : Les résultats – très contestés – des élections législatives sont très favorables au gouvernement (301 sièges contre 67 à l’opposition). Un contre-parlement se constitue à Zagreb. Le régent Paul reçoit Macek qui accepte de reconnaître la dynastie Karageorgevich, l’existence d’une armée unitaire yougoslave et la conduite des Affaires étrangères du pays par Belgrade.
Juillet 1935 : Les négociations entre le royaume de Yougoslavie et le Vatican, entamées par Alexandre Ier, aboutissent à la signature d’un concordat.
Été 1937 : Le synode de l’Église de Serbie rejette le concordat signé par le royaume avec l’Église de Croatie, et ratifié par la Skupstina. Les autorités civiles serbes ne souhaitent pas la rupture avec les Croates mais le ressentiment se développe au sein des populations tandis que l’Allemagne se dit favorable aux revendications croates.
Mars – août 1939 : Négociations secrètes entre le prince Paul et Macek. Elles aboutissent à l’accord du 26 août 1939 : création d’une province de Croatie comptant quatre millions d’habitants, dont 866 000 Serbes, avec à sa tête un gouverneur, pourvu de pouvoirs étendus et paré du titre, hérité d’une histoire pluriséculaire, de ban de Croatie. Un Sabor (Parlement) doté de compétences régionales est également institué. En d'autres termes, la Croatie accède à l’autonomie tandis que Macek devient vice-Premier ministre de l'État yougoslave.
Février 1941 : Même si, depuis 1935, la Yougoslavie s'est progressivement détachée de la Petite Entente – alliance formée de la Yougoslavie, de la Tchécoslovaquie, de la Roumanie et de la France pour préserver le statu quo en Europe centrale au lendemain de la Première guerre mondiale et contrecarrer le révisionnisme hongrois – et s'est rapprochée de l’Axe, elle est parvenue à préserver jusqu'alors sa neutralité. Hitler accroît sa pression pour l'en faire sortir et lui propose d’adhérer au Pacte tripartite. Macek est très réservé. Le 3 mars, le prince Paul se rend à Berchtesgaden.
25 mars 1941 : Publication de l’adhésion au Pacte. Une clause secrète stipule que la Yougoslavie ne doit pas participer aux opérations de l’Axe et recevra Thessalonique pour prix de son alliance.
25-26mars 1941 : Coup d’État militaire à Belgrade pour d’opposer à l'adhésion au Pacte tripartite. L'armée s'empare du pouvoir, le régent Paul est destitué, le roi Pierre II est proclamé majeur avec quelques mois d'avance, un nouveau gouvernement est formé autour du général Simovic, avec à ses côtés Macek, vice-Premier ministre.
6 avril 1941 : Invasion de la Yougoslavie par la Wehrmacht.
10 avril 1941 : Zagreb tombe aux mains des forces allemandes. Macek refuse de prendre la tête d’une Croatie indépendante. Les gouvernements de l’Axe font appel à Pavelic qui, à Rome, fait acclamer l’État indépendant de Croatie. Le gouvernement royal se retire à Londres.
11 avril 1941 : Les Italiens s’emparent de Ljubljana et occupent la côte dalmate.
1 avril 1941 : Arrivée de Pavelic et de 200 membres de l’Ustacha à Zagreb pour prendre possession du pouvoir et mettre en place le nouvel État. Occupation italienne de l’ouest du pays, du littoral dalmate et des bouches de Kotor. La Wehrmacht installe un contingent important à Zagreb. Le nouvel État indépendant de Croatie reçoit la Bosnie-Herzégovine en compensation des pertes territoriales liées à l’occupation italienne et célèbre ainsi la naissance d’une « Grande Croatie ». De 1941 à 1945 le régime oustachi se tient dans la sujétion à l’Allemagne nazie et fournit des troupes qui se battent aux côtés des forces de l’Axe.
Mai 1941 : Le nouvel État croate se transforme en monarchie sous l’égide italienne. Le prince Aymond de Savoie devient roi sous le nom de Tomislav II, mais ne rejoint pas son royaume, en proie à une sanglante guerre civile qui met aux prises les communautés nationales et qui se traduit par des massacres de populations serbes par les Croates et des conversions forcées. Mgr Stepinac, archevêque de Zagreb, tout d’abord favorable au nouvel État, se montre rapidement réservé.
Fin juin 1941 : Répondant au mot d’ordre de Staline, le Croate Josip Broz, dit Tito, dirigeant du parti communiste clandestin, lance un appel à la résistance à tous les Yougoslaves. Il s’allie au Serbe Rankovic, au Slovène Kardelj et au Monténégrin Djilas. En revanche, il s’oppose, dès novembre 1941, aux forces du colonel serbe Mikhailovic (soutenu par les Anglais) et ses troupes sont chassées de Serbie.
26 Novembre 1942 : Réunion des dirigeants du mouvement des partisans de Tito. Aux côtés de l’armée nationale de libération se constitue un Conseil national antifasciste qui se pose en détenteur de l’autorité civile en Yougoslavie. Le conseil précise ses vues sur l’avenir de la Yougoslavie et se prononce en faveur d’une forme fédérative, avec une large autonomie pour les différentes républiques.
Septembre 1943 : Capitulation italienne, la Croatie passe sous autorité allemande.
Novembre 1943 : Le comité national antifasciste se transforme en Assemblée et désigne un Comité de Libération nationale comme organe exécutif. Tito est proclamé « maréchal de Yougoslavie ». La construction d’une nouvelle fédération est avancée pour l’après-guerre, dans laquelle la nationalité croate est reconnue. Le comité décide que le roi Pierre II, – alors établi au Caire – ne pourra rentrer sur le territoire national avant une consultation permettant de connaître la « volonté populaire ». Existe parallèlement un conseil antifasciste de libération nationale de la Croatie, avec à sa tête l’écrivain Vladimir Nazor, qui compte dans ses rangs des partisans soucieux de maintenir les droits de leur pays dans la fédération yougoslave, et des sympathisants de l’ancien parti paysan.
Décembre 1943 : Envoi d’une mission militaire britannique auprès de Tito. Les Anglais lui accordent désormais leur appui et le retirent à Mikhaïlovic.
Printemps 1944 : Ante Voklic et Mladen Lorkovic, respectivement ministres des Forces armées et de l’Intérieur de Pavelic, tentent de maintenir l’indépendance croate en se démarquant du mouvement Oustachi. Ils entrent en contact avec le gouvernement anglais.
Mai 1944. Attaqué par les Allemands, Tito s’établit dans l’île de Viz, sous protection britannique.
26 août 1944 : Sous la pression anglaise, le roi Pierre II, qui avait confié en mai la responsabilité de son gouvernement au Dr Ivan Subasic, ancien ban de Croatie, appelle par la radio ses sujets à se rallier à l’armée de libération nationale et reconnaît Tito comme chef de toutes les forces combattantes de Yougoslavie.
30 août 1944 : Voklic et Lorkovic sont fusillés sur ordre de Pavelic.
20 septembre 1944 : Libération de Belgrade par les partisans et l’armée rouge qui a percé à travers la Bulgarie. Tito s’installe dans la capitale en octobre.
1er novembre 1944 : Rencontre entre Tito et Subasic, président du gouvernement en exil. Ils conviennent de l’organisation d’un plébiscite avant le retour du roi et de la mise en place d’un Conseil de régence.
Février 1945 : Après Yalta, désignation des trois régents de Yougoslavie : un Serbe, un Croate, un Slovène, soutenus par Tito, mais non communistes.
Mars 1945 : Constitution d’un gouvernement autour de Tito, comprenant trois membres du cabinet de Londres. Retrait de Subasic.
Printemps 1945 : Retrait des troupes allemandes de Croatie. Pavelic et certains dignitaires oustachis passent en Autriche. 50 000 hommes d’armes et fonctionnaires liés au régime oustachi quittent Zagreb avec femmes et enfants pour se rendre aux Anglais au village de Bleiburg.
15 mai 1945. Les Anglais livrent la colonne de Bleiburg aux nouvelles autorités. Une partie est exécutée sur place. Les autres sont astreints à d’épuisantes « marches de la mort ».
Septembre 1945. Démission des trois ministres issus du cabinet de Londres.
Dans la Yougoslavie de Tito
29 novembre 1945 : Élections générales pour l’assemblée constituante. La monarchie est abolie, la république populaire fédérale de Yougoslavie est proclamée. La Croatie devient l’une des six républiques du nouvel État fédéral. Elle conserve son gouvernement et son Sabor. L’exécutif est confié à deux membres du PCY, Duski Brkic et Rade Zigic.
Juillet 1946 : Redécoupage des frontières. La Yougoslavie reçoit l’Istrie et contrôle la zone sud de Trieste, placée sous administration internationale.
1946-printemps 1948 : Le nouveau régime entreprend la reconstruction de la Yougoslavie selon les principes du stalinisme : nationalisation, planification, primat de l’industrie lourde, réforme agraire. Les méthodes soviétiques sont également employées en politique : le pluralisme est interdit et le nouveau régime s’attaque à ses adversaires, notamment à l’Église catholique. Mgr Stepinac est condamné à seize ans de travaux forcés.
28 juin 1948 : Rupture avec l’URSS qui blâme la volonté d’indépendance de Tito, condamne sa ligne déviante par rapport au stalinisme et qualifie le premier plan quinquennal yougoslave de fruit de sa « mégalomanie ». La Yougoslavie est exclue du Kominform. Cette sanction se double des condamnations personnelles de Tito et de ses plus proches collaborateurs. Tito fait arrêter Andrija Hebrang, ancien chef du PCY en Croatie.
Juillet 1948 : Premier congrès du PCY. Tito est approuvé par les délégués.
1948-1954 : Mise en place de l’autogestion économique par les « conseils ouvriers » institués au cœur des usines. Décentralisation progressive. Accords passés avec l’Occident pour dégager le pays du blocus auquel le Komintern le soumet. Développement de la métallurgie, des constructions navales, de l’industrie chimique en Croatie. Le tourisme connaît également un important développement sur le littoral croate et génère d’importantes ressources. La Croatie bénéficie du plus haut niveau de développement dans la Yougoslavie de Tito.
Janvier 1949 : Application de la réforme agraire visant à la collectivisation et la mise en place de grandes unités de production. Forte résistance des milieux paysans, pénurie des denrées.
Mars 1951 : Décret autorisant les paysans à quitter les coopératives de production. Les grands domaines d’État ne subsistent qu’en Slavonie et Vojvodine.
1952 : Le PCY prend le nom de « Ligue des communistes de Yougoslavie ».
1953 : Forte tension avec le Vatican après l’élévation de Mgr Stepinac au cardinalat. Arrestation de prêtres et de moines.
1954 : Après la mort de Staline, l’heure est au rapprochement entre Moscou et Belgrade. Moscou cesse sa propagande anti-titiste.
1954 : Reconnaissance officielle de l’unicité de la langue serbo-croate et des deux alphabets, des variantes lexicales et phonétiques.
27 mai 1955 : Visite officielle et discours d’excuses de Khrouchtchev à Belgrade.
1956-1961 : La Yougoslavie prend la tête du mouvement des non-alignés, dont la première conférence se tient à Belgrade en septembre 1961. Cet engagement vaut à la Yougoslavie un certain prestige international. Il conduit également Tito à reconnaître la « nationalité » musulmane dans l’ensemble yougoslave au côté des nations historiques. Face aux revendications croates et à l’antagonisme serbo-croate, le pouvoir central assure la promotion de cette communauté dans l’appareil fédéral et en Bosnie-Herzégovine tout au long des années 1960 et 1970. À plus long terme, cette reconnaissance engendre des revendications nationales qui alimentent rancœurs puis affrontements armés dans la Yougoslavie postcommuniste.
7 février 1963 : Promulgation d’une nouvelle constitution et naissance de la République socialiste fédérative de Yougoslavie dont Tito est nommé président à vie. Évolution institutionnelle favorable à la décentralisation.
Juillet 1966 : Limogeage du ministre de l’Intérieur Alexander Rankovic, partisan du centralisme et « grand serbe ». Libéralisation du régime de la presse et des librairies, développement du tourisme et exode légal de travailleurs croates vers l’Occident.
1967 : La Croatie vit mal son intégration dans l’ensemble yougoslave. Pétition de 130 écrivains croates, avec à leur tête Miroslav Krleza, demandant que la langue croate soit distinguée du serbe et soit enseignée dans les écoles. Polémique avec les écrivains serbes. À cette tension s’ajoute une polémique politique et économique sur l’emploi des ressources de la Croatie par la fédération. Miko Tripalo, secrétaire général de la Ligue en Croatie réclame une décentralisation réelle.
1969 : « Affaire des routes ». Révélation du détournement des fonds accordés par la banque mondiale pour une autoroute Zagreb-Ljubjana au profit d’une autoroute Zagreb-Belgrade.
1970-71 : « Printemps croate » Revendications nationales animées par la société Matica Hrvastska (dont les origines remontent à 1842) définissant la nation croate et revendiquant le droit de sécession.
2 décembre 1971 : Intervention télévisée de Tito. Condamnation des nationalistes croates. Tripalo est contraint de démissionner, le parti est réorganisé en Croatie. Retour au centralisme autour de Tito.
21 février 1974 : Une nouvelle constitution est adoptée. Les six républiques ainsi que les provinces du Kosovo et de Vojvodine reçoivent des pouvoirs importants, y compris le droit de veto sur des décisions fédérales.
4 mai 1980 : Mort de Tito.
1981 : Franjo Tudjman, ancien général devenu historien, est condamné pour sa critique de la surreprésentation des Serbes dans les instances fédérales.
Au cours des années 1980, la Yougoslavie, qui jusqu’alors a bénéficié d’un rythme de développement soutenu, en dépit de disparités régionales, connaît un coup d’arrêt dans sa croissance économique. La fédération subit le contrecoup de la crise pétrolière et économique de 1979. Le PIB baisse, et le chômage atteint 16 % de la population.
1986 : L’Académie des sciences de Belgrade demande les deux tiers du territoire croate pour les Serbes de Croatie. Vives réactions de la part de la Société des écrivains croates, relayée par les jeunes étudiants à Radio Zagreb.
28 juin 1989 : 600e anniversaire de la bataille de Kosovo, célébré de façon retentissante en Serbie sous la houlette de Slobodan Milosevic, chef de file de la Ligue à Belgrade, qui mène une vaste offensive « grand serbe » et encourage les revendications nationalistes des Serbes de Croatie.
28 février 1989 : Un groupement politique, la « Communauté démocratique croate », se présente au public par le biais de la Société des écrivains, préfigurant ainsi l’appel au pluralisme.
Décembre 1989 : Dans le sillage des révolutions dans le bloc de l’Est, la Ligue des communistes reconnaît le droit au pluralisme. Naissent ainsi l’Union démocratique croate, Hravtska Democratica Zajednica (HDZ) présidée par Franjo Tudjman, l’Union sociale libérale croate et le Parti du droit.
L’accès à l’indépendance
Janvier 1990 : XIVe congrès de la ligue des communistes. La délégation slovène quitte le congrès après avoir réclamé l’abandon du centralisme. Le 23 janvier, le refus des délégués croates de poursuivre les travaux provoque l’ajournement sine die du congrès en dépit de la volonté du leader serbe Milosevic.
Avril 1990 : Élections pluralistes. Formations en lice : la Ligue (devenue ligue socialiste), alliée au Parti des changements démocratiques mené par le président de l’exécutif fédéral, le croate Ante Markovic ; la Coalition pour l’entente fédérale, menée par les leaders communistes exclus en 1971 (Tripalo et son adjointe Savka Dabcevic-Kucar), HDZ ; le Parti du droit qui reprend le nom de la formation du XIXe siècle, mais se réclame également de l’héritage oustachi. Premier tour le 22 avril : 42 % des voix pour la HDZ, 25 % aux ex-communistes et 14 % pour la Coalition de Tripalo. À l’issue du deuxième tour, la HDZ obtient la majorité absolue des sièges au parlement avec 191 députés, contre 81 aux ex-communistes et 91 pour les autres formations.
30 mai 1990 : Le Président de la République croate est élu par le nouveau Parlement. Tudjman accède ainsi à la tête de l’État. Son élection suscite des mécontentements en Serbie et dans les régions de Croatie peuplées de Serbes.
17 août 1990 : Knin et douze autres communes de l’arrière-pays de Split proclament leur autonomie et s’intitulent « Région autonome serbe ».
2 septembre 1990 : Référendum dans la « Région autonome serbe ». 99,2 % des votants se prononcent en faveur de l’autonomie.
Décembre 1990 : La Krajina s’émancipe à son tour de Zagreb. La milice du HDZ s’oppose aux groupements armés serbes qui se constituent.
22 décembre 1990 : Promulgation de la constitution de la république de Croatie qui se définit comme une démocratie parlementaire et un État « indivisible, démocratique et social ». Aux côtés d’un exécutif fort, sur le modèle français, est institué un Parlement bicaméral.
28 février 1991 : Le gouvernement autoconstitué de la « Région autonome serbe » de Krajina, – de peuplement majoritaire serbe, depuis le temps de la mise en place des confins militaires – proclame son désir de séparation d’avec la Croatie et affirme son désir de s’unir à la Serbie, au Monténégro et aux Serbes de Bosnie.
2 mars 1991 : La Slavonie occidentale se soulève contre Zagreb : la municipalité de Pakrac déclare ne plus reconnaître l’autorité de la république de Croatie.
Mars 1991 : L’armée fédérale s’interpose entre les forces de Zagreb et les milices de Slavonie.
31 mars 1991 : Un affrontement armé se produit entre des miliciens serbes venus occuper le parc national de Pltivice et les policiers croates : deux Serbes et un Croate sont tués.
15 mai 1991 : Fin du mandat de Borislav Jovic à la tête de la présidence fédérale yougoslave. Le Croate Stipe Mesic doit lui succéder, mais le vote des instances fédérales est partagé avant son investiture : quatre voix pour et quatre voix contre. Le fonctionnement institutionnel de la fédération yougoslave est bloqué.
19 mai 1991 : Référendum en Croatie : 92 % des votants s’expriment en faveur d’une transformation de la fédération yougoslave, ou à défaut, pour l’indépendance du pays.
25 juin 1991 : La Croatie annonce sa « dissociation » de la fédération yougoslave. Cette décision équivaut de fait à proclamer l'indépendance du pays. La proclamation officielle de l’indépendance croate est prévue pour la première semaine de juillet.
25 juin-5 juillet : Intervention de l’armée fédérale yougoslave en Slovénie. Cessez-le-feu obtenu du fait de la médiation de la CEE : la Slovénie et la Croatie doivent repousser de trois mois leurs déclarations d’indépendance. La fédération yougoslave est ranimée par la nomination de Mesic à sa tête.
1er août 1991 : Formation d’un gouvernement d’union nationale en Croatie autour de F. Tudjman.
Fin août 199 :. Trente-huit des cent deux communes de Croatie sont touchées par le mouvement d’insurrection des Serbes de Krajina. L’armée fédérale leur apporte son soutien et prend les opérations militaires en main.
27 août 1991 : Début de l’attaque de Vukovar par les troupes fédérales. Bombardements sur Vukovar, Vonkovci, Osijek, Pakrac, Split et Zadar.
Septembre 1991 : Le conseil de sécurité de l’ONU décrète un embargo sur les armes pour toute la Yougoslavie.
Mi-septembre 1991 : Les forces armées de Zagreb chassent les troupes fédérales stationnées dans les casernes du territoire de la Croatie et récupèrent d’importants stocks d’armes. Attaques serbes contre Zadar et Sibenik.
3 octobre 1991 : Les quatre membres serbes et monténégrins de l’exécutif fédéral en éliminent les autres membres et en confient la direction à un proche de Slobodan Milosevic.
7 octobre 1991 : Conformément aux décisions prises trois mois plus tôt, la Croatie proclame officiellement son indépendance. L’aviation fédérale bombarde le palais présidentiel de Zagreb.
Mi-octobre 1991 : Des réservistes monténégrins mettent le siège devant Dubrovnik.
Octobre 1991 : Cyrus Vance, ancien secrétaire d’État américain, est nommé représentant personnel du secrétaire général de l’ONU, J. Perez de Cuellar, pour la Croatie. Son arrivée ne permet pas dans un premier temps d’établir un cessez-le-feu durable.
3 janvier 1992 : Signature d’un quinzième cessez-le-feu, respecté par les parties en présence. Fin de la guerre de Croatie, qui, outre les morts (10 000 d’après les autorités croates) et les destructions, a engendré un antagonisme durable entre les populations serbes et croates. Les Serbes continuent d'occuper un quart du territoire croate.
15 janvier 1992 : La Croatie est reconnue comme État indépendant par la Communauté européenne et plus de trente pays.
6 février 1992 : Zagreb accepte le déploiement de casques bleus dans les territoires soumis à l’autorité serbe.
21 février 1992 : Mise en place de la Force de protection des Nations-Unies (Forpronu), forte de 14 000 hommes dont 2 500 Français.
Mai 1992 : Début du conflit en Bosnie-Herzégovine. La Croatie se retrouve impliquée directement dans cette nouvelle guerre du fait du nombre important de Croates installés de longue date en Bosnie (17 % de la population de cette république). Son propre expansionnisme entend aussi faire contrepoids aux visées serbes sur la région.
22 mai 1992 : La Croatie devient membre de l’ONU.
22 janvier 1993 : Les troupes croates lancent l’opération Maslenica avec pour enjeu le contrôle d’un pont commandant le passage entre le littoral dalmate et le reste du pays. Repli des Serbes, qui évacuent l’arrière-pays de Zadar.
Printemps 1993 : Mise en place du plan de paix Vance-Owen pour la Bosnie qui prévoit la constitution d'une Bosnie divisée en dix provinces : dans la vallée de la Lasva, où le peuplement est en majorité croate, les responsabilités doivent échoir à leur communauté, fortement soutenue par Zagreb, qui lui fournit également des armes. Les musulmans de Bosnie, estimant le plan trop favorable aux Serbes, et déplorant le manque de solidarité des Croates, avec lesquels ils s'étaient alliés contre Belgrade, attaquent dans une région de Bosnie centrale passée sous le contrôle de Zagreb.
Août 1993 : Proclamation par les Croates de la région de Mostar de la république indépendante de Herzeg-Bosna.
Mars 1994 : Les négociations dans le conflit en Bosnie aboutissent à la création d’une « fédération croato-bosniaque ».
Novembre 1994 : Échec des pourparlers entre Serbes et Croates pour la reconnaissance de la frontière de la Croatie. Prise de la résolution 958 de l’ONU autorisant des frappes aériennes contre la Serbie. Signature d’un accord militaire entre la Croatie et les États-Unis portant sur des conseillers et du matériel.
Mai 1995 : Opération « Éclair ». Reconquête de la Slavonie occidentale par l’armée croate. Les populations serbes qui y sont établies séculairement en sont chassées.
Août 1995 : Opération « Tempête ». Reconquête de Knin et de la Krajina, puis des régions contrôlées par les Serbes, à l’exception de la Slavonie orientale, avec pour corollaire l’évacuation des populations serbes qui y sont installées et l’exode de nombreux réfugiés.
29 octobre 1995 : Renouvellement de la chambre des députés. Victoire du HDZ.
21 novembre 1995 : Accords de paix de Dayton. En ce qui concerne la Croatie, ils prévoient le retour sous la souveraineté de Zagreb des territoires de Slavonie orientale, de peuplement serbe, encore occupés par les troupes de Belgrade.
Août 1996 : Accord entre la Croatie et la république fédérale de Yougoslavie (qui ne compte plus que la Serbie et le Monténégro), qui se reconnaissent mutuellement dans leurs frontières internationales.
3 octobre 1998 : Le pape Jean-Paul II effectue son deuxième voyage en Croatie – il y était venu pour la première fois en septembre 1994 – à l’occasion de la béatification du cardinal Stepinac.
10 décembre 1999 : Mort de F. Tudjman.
3 janvier 2000 : Élections législatives. Victoire des opposants au HDZ.
6 février 2000 : Le candidat HDZ à l’élection présidentielle est battu par Stjepan Mesic, dernier président de la fédération yougoslave en 1991, et ancien Premier ministre de Tudjman, en rupture avec le HDZ, soutenu par le parti social libéral croate (HSLS). Cette élection sort la Croatie de l’isolement international dans lequel la communauté internationale la tient du fait de son implication dans la guerre de Bosnie.
3 mars 2000 : Condamnation de Tihomar Blasic, commandant de milice du conseil de défense croate tenu pour responsable du massacre de 200 musulmans à Ahmici, à 43 ans de prison par le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.
Mai 2001 : Remontée du HDZ dans des élections locales.
Juillet 2001 : La condamnation de deux Croates soupçonnés de crimes de guerre par le TPIY provoque une agitation politique. Le Premier ministre Ivica Ravcan obtient cependant un large vote de confiance du Parlement quand il appelle à la collaboration avec le tribunal international.
Octobre 2001 : Importante manifestation à l’appel du HDZ contre la politique du gouvernement de collaboration avec le TPIY.
28 janvier 2002 : Signature d’un accord entre l’Union européenne et la Croatie.
21 février 2003 : Candidature croate d’adhésion à l’Union européenne, appuyée par l’Autriche.
Le 23 novembre : LE HDZ rénové et mené désormais par Ivo Sanader remporte les élections législatives après avoir fait campagne sur le thème de l’intégration à l’Europe.
Mars-avril 2004 : Les instances européennes se déclarent favorables à la candidature croate.
16 janvier 2005 : Réélection de Stjepan Mesic avec 65 % des voix.
3 octobre 2005 : Eu égard à la « pleine coopération » de la Croatie avec le TPIY, les instances de l’Europe amorcent avec elle les négociations d’adhésion à l’Union.
2008 : Pays en forte croissance les années précédentes, la petite Croatie est comme nombre de pays européens, lourdement impactée par la
crise déclenchée outre-Atlantique. L’investissement étranger chute ainsi de 89% entre 2008 et 2009 et le chômage atteint un
niveau de 14% de la population active. Les accusations de corruption
pesant sur le gouvernement n’arrangent rien quant au climat
général. La demande de la Banque mondiale d’une réduction des
dépenses jugée nécessaire à la restructuration de la dette
publique n’a guère convaincu les marchés financiers et l’opinion
locale. Alors que le redémarrage du tourisme apparaît prometteur,
tout comme le maintien d’une activité industrielle assez soutenue
(27% de la population active), la question de la modernisation de
l’Etat demeure posée.
22 janvier 2012 : Référendum au cours duquel les Croates approuvent à une large majorité (66,67% des
suffrages exprimés) l’entrée du pays dans l’Union Européenne.
La participation n’est cependant que de 43,54%, les
abstentionnistes manifestant leur mécontentement face aux mesures
d’austérité décidées par le gouvernement pour faire face à la
crise. Certains votent contre l’adhésion en raison des
conditions posées par l’Union Européenne en matière de
coopération avec le Tribunal pénal international à propos de la
guerre d’indépendance des années 1990. Zagreb enregistre par ailleurs une déception du fait de la décision du géant russe
Gazprom de faire passer le gazoduc Southstream par la Serbie et la
Hongrie.
01 juillet 2013 : La Croatie devient le vingt-huitième membre de l’Union Européenne.
2014 : La Croatie ne semble
pas tirer de cette adhésion les bénéfices escomptés. Le pays connaît en effet sa sixième année de récession (-0,8%
de croissance) et voit le chômage augmenter à plus de 15% de sa
population active. Déçus par l’Europe et par leur classe
politique, 75% des Croates s'abstiennent lors des élections
européennes de mai 2014. Loin d’apporter au pays les fonds
structurels attendus, Bruxelles impose au gouvernement de Zagreb
une cure d’austérité jugée nécessaire à la réduction du
déficit public. Les autorités bruxelloises voient encore le pays
« embourbé dans la récession » à l’automne de 2014
mais espèrent en 2015 un timide retour à la croissance.
2016: Le gouvernement de droite formé en janvier autour de l’Union Démocratique Croate (HDZ) tombe en juin après avoir été au pouvoir pendant près de cinq mois. La coalition écartée était dirigée par Tihomir Oreskovic, qui avait subi les critiques de ceux qui lui reprochaient d’avoir nommé au ministère de la culture un historien « révisionniste » remettant en question la condamnation généralement portée contre le régime oustachi de la seconde guerre mondiale. Davantage que cette question, ce sont cependant les soupçons de corruption et de conflits d’intérêts visant le vice-premier ministre qui précipitent la chute du gouvernement. Son allié de centre-droit, le Most, qui avait percé aux législatives de novembre 2015, lui a en effet retiré son soutien, dans la mesure où il avait fait campagne contre la corruption. Les élections anticipées de septembre 2016 voient la victoire du député européen Andrej Plenkovic, le nouveau chef du HDZ, qui l'emporte sur les sociaux-démocrates. A la tête d’une coalition comprenant le centre-droit, il promet de donner la priorité à l’économie pour favoriser le retour et le maintien de la croissance.
Novembre 2017 : Suicide spectaculaire à La Haye, en plein verdict pour crime de guerre et crime contre l’humanité de l’ancien ministre de la défense, Slobodan Praljak, accusé d'avoir voulu « nettoyer » certaines régions de Bosnie à majorité croate. L'affaire mobilise l’opinion, qui rejette ce verdict considéré comme injuste, et ranime les débats sur l’histoire et la question nationale.
2018 : La Croatie accède à la
finale de la Coupe du Monde de Football où elle est battue par
la France en juillet. De quoi faire oublier un gros scandale lié au groupe agroalimentaire Agrokor qui a poussé le ministre de l’économie à la démission. Le succès de la saison touristique compense cependant ces difficultés et permet au premier ministre Andrej Plenkovic de se maintenir.
2020 : Année électorale compliquée. Début janvier, le social-démocrate Zoran Milanovic remporte la présidentielle face à la conservatrice sortante Kolinda Grabar-Kitarovic mais en juillet, c’est le premier ministre sortant, Andrej Plenkovic, membre comme madame Grabar Kitarovic de l’Union Démocratique Croate (HDZ) qui gagne les législatives. Il peut ainsi garder le pouvoir qu’il occupait depuis 2016. La réussite de la saison touristique (qui représente 20% du PIB) conforte le nouveau dirigeant.
Mai 2021 : Un candidat écologiste, Tomislav Tomasevic, remporte la mairie de Zagreb.
2022 : La Croatie adhère à la zone euro et annonce rejoindre l’espace Schengen début 2023. Le pays connaît une crise démographique majeure. Il a perdu 9% de sa population en dix ans et souffre d’une émigration massive, qui contraint le secteur touristique à importer de la main d’œuvre asiatique.
Au terme de plusieurs siècles de vicissitudes, la Croatie a réussi à affirmer son identité nationale et à trouver sa cohérence en tant qu’État indépendant. Établie dans un territoire unifié, elle a su, par-delà les séparatismes et les tensions qui ont suivi l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, conduire sa vie politique à la normalisation et s’intégrer au concert européen, en proclamant fièrement sa singularité de peuple « le plus latin parmi les Slaves ». La richesse de son histoire et de son patrimoine, qu’elle s’emploie à mettre en valeur, constitue l’un de ses principaux atouts.