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La Bulgarie
Une identité particulière dans la péninsule balkanique

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Petit État balkanique confronté aujourd’hui à une situation économique difficile et à un bilan démographique des plus inquiétants, la Bulgarie a enduré, au cours de ses douze siècles d’histoire, une accumulation d’épreuves qui, de l’occupation ottomane à l’utopie communiste et des guerres balkaniques aux défaites subies lors des deux conflits mondiaux, en ont fait un pays défavorisé, demeuré longtemps, comme ses voisins balkaniques, étrangers à la modernité européenne. La dynamique de l’unité continentale aujourd’hui à l’œuvre sera peut-être en mesure de compenser les lourds héritages issus des pesanteurs d’un passé douloureux

Un pays de dimensions modestes aux ressources limitées

  Avec ses 110 912 km2, la Bulgarie d’aujourd’hui représente tout juste un cinquième de la France mais les frontières qui lui ont été fixées en 1947 lors de la signature du traité de Paris ne correspondent pas à ce que fut l’extension territoriale de la Grande Bulgarie contemporaine de l’apogée médiéval, quand ses tsars contrôlaient la majeure partie des Balkans, du Danube à la Thrace et des côtes de la mer Noire à celles de l’Adriatique. Étendue au sud du cours inférieur du Danube qui la sépare de la Roumanie voisine, la Bulgarie se présente d’abord comme un plateau d’une grande uniformité au climat continental et rude, limité au sud par le Balkan qui constitue l’épine dorsale du pays et qui sépare sa partie septentrionale d’un midi ouvert aux influences méditerranéennes dans les bassins de la Maritsa et de Plovdiv. Issu des plissements alpin et carpatique, le Balkan se présente comme une longue chaîne orientée d’ouest en est, de la frontière serbe à la passe de la Chipka où se livrèrent les combats opposant en 1877 l’occupant turc aux forces russes et bulgares, une longue sierra coupée seulement par les gorges d’où sort l’Isker qui va rejoindre le Danube. Le Balkan s’appuie au sud aux socles anciens de la Stara Planina à l’ouest, du massif du Vitoch et de la Sredna Gora dont il est séparé par la vallée de la Tundja, la célèbre « vallée des roses ». Encore plus au sud, les hauts massifs granitiques de la Rila, qui s’élève à plus de 2 900 m, et du Rhodope – la plus étendue des montagnes bulgares – ont constitué de précieux refuges en même temps que les réservoirs d’eau des régions avoisinantes. Ces montagnes sont généralement cernées de collines prébalkaniques, ces podgorié accueillantes aux forêts, aux prairies et aux vergers. Ce relief compartimenté a fourni aux haîdouks, les fameux « bandits d’honneur », le refuge indispensable à la poursuite de la résistance durant les longs siècles de la nuit ottomane, quand les lendemains de chaque révolte étaient ponctués par les massacres que perpétraient les bachi-bouzouks du Sultan. La côte de la mer Noire, étendue sur 200 km, se termine sur de belles falaises au nord et au sud mais est caractérisée en sa partie centrale par la présence de cordons littoraux peu propices à l’établissement de sites portuaires, si l’on excepte les deux baies favorables de Varna et de Burgas. Formée des alluvions qu’a déposées le Danube à hauteur de son delta, la Dobroudja est le grenier à blé du pays, farouchement disputé à l’époque contemporaine entre Roumains et Bulgares mais les plaines de l’ancienne Mésie sont également riches de terroirs fertiles. La proximité de l’axe Morava-Vardar et l’importance de la grande transversale balkanique héritière de l’ancienne route impériale romaine qui joignait Sirmium, sur l’Adriatique, à Serdica (Sofia) par Singidunum (Belgrade) et Naïssus (Nich) pour s’orienter ensuite en direction d’Andrinople et de Byzance ont également joué un rôle déterminant dans l’histoire de la Bulgarie. Évoquant la terre mais aussi le passé bulgare, l’écrivain russe Ilya Ehrenbourg pouvait cependant écrire, il y a plus d’un demi-siècle, que « […] le paysage de la Bulgarie est dramatique : les montagnes, les gorges, la sombre verdure des hêtres, les maisons disposées en terrasses au flanc abrupt des collines, le vent, les couchants couleur de sang, mais ce n’est pas le paysage qui a marqué d’une expression si tragique le visage des Bulgares, en assombrissant leurs yeux, en donnant de la fermeté aux plis de leurs bouches, à leurs fronts, à leurs mâchoires, ce n’est pas lui enfin qui a versé de la tristesse dans leurs chansons, c’est l’histoire qui en est responsable… »

Des origines à la Thrace et à la Mésie romaines

Le Paléolithique supérieur est abondamment représenté, notamment près de Tarnovo et sur les rives du Danube, mais c’est avec le Néolithique, à partir du VIe millénaire avant J.-C., que la population augmente rapidement. Le perfectionnement de la céramique, la maîtrise de la métallurgie du cuivre, le développement du tissage et la construction de hameaux fortifiés préparent dès le IIIe millénaire le passage à l’âge du bronze sur de nombreux sites où des tertres semblables aux tells orientaux témoignent de l’accumulation des niveaux archéologiques successifs. Les tombes découvertes dans la nécropole de Varna, contemporaines de la fin du IVe millénaire avant J.-C., abritent de nombreuses parures en or qui témoignent du degré d’avancement de la culture d’une époque dont quelques vestiges révèlent l’existence d’une écriture – découvertes de Karanovo et de Gradechnitsa. On suppose que les populations installées là durant la période chalcolithique appartenaient aux premières vagues d’immigrants indo-européens venus des steppes du nord-est. À la suite de nouvelles invasions, le bronze s’impose dans la fabrication des armes et des outils. Dès la fin du IIe millénaire avant J.-C., de nouveaux venus maîtrisent la métallurgie du fer. Ce sont les Thraces qui sont ensuite mentionnés par Homère et qui, dès la haute Antiquité, occupent les régions correspondant à peu près à la Bulgarie actuelle, de la Dobroudja aux côtes septentrionales de la mer Égée. Au début du premier millénaire avant J.-C., la partie orientale de la péninsule balkanique est habitée par des tribus thraces nombreuses et très différentes les unes des autres. Les Odryses étaient établis sur le cours inférieur de la Maritsa et de son affluent l’Arda, les Besses étaient installés sur le versant septentrional du Rhodope et le cours supérieur de la Maritsa ; les Odomantes, les Edones et les Sintes vivaient pour leur part en Thrace égéenne. Les Mésiens occupaient l’actuelle Bulgarie du Nord alors que les Gètes se trouvaient à hauteur de la Dobroudja. Au IVe siècle avant J.-C., le géographe Hécatée de Milet affirme l’existence d’agglomérations en Thrace. VIIe-VIe siècle avant J.-C. : Développement de la colonisation grecque sur les côtes de Thrace et de la mer Noire avec la fondation d’Istros (Histria), de Dionysiopolis, d’Odessos (Varna), de Mesembria (Nessebar), d’Apollonia (Sozopol), d’Amphipolis (Byzance). Elle contribue au progrès des échanges commerciaux avec les cités grecques vers lesquelles la Thrace peut exporter céréales, cuivre, esclaves, bois et minerais alors qu’elle importe de la vaisselle de luxe, du vin et de l’huile d’olive. Fin du VIe siècle avant J.-C. : L’armée perse de Darius traverse la Thrace pour aller combattre les Scythes. Seconde moitié du Ve siècle : Le roi odryse Sitalcès, fils de Térès le fondateur du royaume, s’allie à Athènes contre la Macédoine. Sitalcès trouve ensuite la mort lors d’une campagne contre les Triballes, une tribu de l’ouest du pays. -424 -410 : Règne de Seuthès Ier, qui fait frapper des monnaies d’argent ; Amadoc, puis Seuthès II, Hebrizelmis et Kotys Ier (qui règne de -383 à -359) lui succèdent. Kotys s’empare des colonies athéniennes de Chersonèse et envisage d’unifier les Balkans en subjuguant les cités grecques mais, après sa disparition (il est assassiné par deux Athéniens), c’est Philippe de Macédoine (qu’il pensait associer à cette entreprise) qui saura mettre en œuvre ce programme. -356 -341 : Philippe de Macédoine conquiert et soumet la Thrace après avoir vaincu le roi odryse Kersobleptès. C’est l’époque de la fondation de Philippopolis, l’actuelle Plovdiv. -323 : À la mort d’Alexandre, Lysimaque, l’un de ses généraux, reçoit en partage la Thrace séparée de la Macédoine. Le roi Seuthès III est contraint de reconnaître sa suzeraineté mais celle-ci demeure très formelle et le souverain odryse se dote d’une superbe capitale, Seuthopolis. Fin du IVe siècle avant J.-C. : C’est de cette époque que date le célèbre trésor de vaisselle en or de Panaguritché commandé par Seuthès III, composé de neuf pièces sans doute réalisées dans la colonie grecque de Lampsaque, sur les rives de la Propontide (l’actuelle mer de Marmara). -301 : Bataille d'Ipsos entre les diadoques. Lysimaque victorieux obtient l'Asie mineure.-292 -291 : Lysimaque est capturé par les Gètes, les Daces des Romains. Il doit promettre la main de sa fille au roi barbare pour retrouver sa liberté.-285 : Lysimaque triomphe de ses rivaux, dont le roi d'Épire Pyrrhus, et règne de la mer Noire à l'Adriatique. -281 : Bataille de Couroupédion, Lysimaque est vaincu et tué par Séleucos, lui-même assassiné dans le courant de l'année. Le pouvoir reste vacant en Thrace où un modèle de cités-états côtoie les tribus "barbares". - 279 -277 : Invasion des Celtes dans les Balkans. Un royaume celte éphémère est établi en Thrace, à l’est de la Maritza. Les Scordisques auraient été, au cours des deux siècles suivants, les descendants de ces envahisseurs celtes et la toponymie a gardé des traces de leur passage. Au IIIe siècle avant J.-C., la Thrace est pleinement intégrée au monde hellénistique. - 148 avant J.-C : La Macédoine devient une province romaine. - 73 -71 avant J.-C. : C’est un prince thrace, Spartacus, qui dirige contre Rome la grande révolte des gladiateurs. - 29 avant notre ère : Soumission – après la victoire remportée par Marcus Licinius Crassus près de Ratiaria (Artchar) – des tribus établies entre le Danube et la Stara Planina. 11 après J.-C. : Les Romains répriment la révolte des Besses. 15 après J.-C. : Constitution de la province de Mésie dont les limites septentrionales correspondent au cours inférieur du Danube. 26 : Poppaeus Sabinus brise une révolte des tribus thraces. 45 : Rome fait de la Thrace une province procuratorienne qui recouvre les territoires situés entre la Stara Planina, la mer de Marmara, la mer Égée et le cours de la Mesta. C’est la fin officielle de l’indépendance thrace. Alors que le latin s’impose en Mésie, le grec demeure la langue prépondérante en Thrace. La présence de deux légions (la Ière Italique à Novae (Svichtov) et la XIe Claudienne à Durostorum (Silistrie) contribue à l’extension des coutumes et du droit romains en Mésie alors que peu d’unités militaires étaient cantonnées en Thrace au sud de la Stara Planina. Trois voies romaines importantes traversent ces régions. Au centre, la première relie Singidunum (Belgrade), Naissus (Nich), Serdica (Sofia), Philippopolis (Plovdiv), Hadrianopolis (Andrinople) et Byzance. Au nord, une autre voie partant de Singidunum reliait tous les camps du limes danubien jusqu’au delta du fleuve avant de s’orienter vers le sud pour desservir les anciennes colonies grecques de la côte de la mer Noire. Enfin la plus ancienne, la voie Egnatia, construite dès le IIe siècle avant notre ère, traversait la Macédoine et la Thrace égéenne pour aboutir également à Byzance. 68-69 : Les Sarmates envahissent la Mésie mais sont vaincus par Mucianus qui recevra les honneurs du triomphe. Une nouvelle incursion, l’année suivante, coûte la vie au gouverneur Fonteius Agrippa. 69 : Les légions des régions danubiennes jouent un rôle décisif dans la crise qui affecte l’empire et aboutit à l’avènement de la dynastie flavienne. 86 : C’est sous le règne de Domitien que sont séparées la Mésie supérieure, correspondant à peu près à l’actuelle Serbie, et la Mésie inférieure, correspondant à la Bulgarie septentrionale. Les deux provinces sont séparées par le cours du Cibrus (Tzibriza), un affluent du Danube. C’est la chaîne balkanique (Hoemus) qui sépare la Mésie de la Thrace et cette limite correspond approximativement à la limite linguistique entre les régions utilisant le latin au nord et le grec au sud. 105 : Fondation de Nicopolis ad Istrum (Turnovo) pour commémorer les victoires remportées par Trajan sur les Daces. Marcianopolis est fondée à la même époque. Sous les Antonins, trois légions sont déployées en Mésie inférieure à Novae, Durostorum et Troesmis (Iglitza). 235 : Début des invasions barbares en Mésie inférieure. 251 : L’empereur Trajan Dèce est tué en combattant les Goths à Abrittus (Razgrad). 268 : L’empereur Claude II bat les Goths à Naissos. Formation, sous Dioclétien, du diocèse de Thrace qui comprend les provinces de Scythie mineure (région de la Dobroudja) et de Mésie inférieure (correspondant à l’ancienne Mésie inférieure) et celles de Thrace, du Rhodope, de l’Europe et de l’Hémimont correspondant à l’ancienne Thrace, les autres régions de l’actuelle Bulgarie occidentale étant alors incorporées sous le nom de Dardanie au diocèse de Mésie supérieure (dite Prima). 330 : Transfert à Byzance devenue Constantinople de la capitale de l’Empire romain. 376 : Seconde invasion des Goths. 9 août 378 : L’empereur Valens est vaincu par les Wisigoths devant les murs d’Andrinople et trouve la mort au cours de la bataille. 395 : Division de l’Empire romain. Thrace et Mésie font partie de l’Empire romain d’Orient.

Des invasions slaves au premier État bulgare

Durant le Haut Empire romain, les Slaves, mentionnés pour la première fois dans les sources classiques par l’historien Procope sous le nom d’Antes, occupent une vaste région allant du bassin du Dniepr et de ses affluents à celui de la Vistule. Vers le milieu du VIe siècle, ces populations se mettent en mouvement vers le nord-est, vers l’ouest et vers le sud en direction des Balkans. Des groupes slaves atteignent les murs de Constantinople en 531 et parviennent à Corinthe en 578. Sous le règne des empereurs Maurice et Héraclius, ils arrivent de plus en plus nombreux dans la péninsule balkanique, s’allient aux Avars pour assiéger Byzance en 626 et conduisent jusqu’en Grèce de nombreux raids de pillage. Au fil du temps, les éléments slaves se substituent – surtout dans les campagnes – aux populations autochtones, ce dont semblent témoigner les Miracles de Saint Démétrius évoquant le repli vers Thessalonique de « tous les fugitifs des régions du Danube, de Pannonie, de Dacie, de Dardanie, des autres provinces et villes ». Les tribus slaves ne se doteront que tardivement de structures étatiques Elles n’y parviendront souvent qu’à travers l’intervention d’éléments extérieurs, dont les Varègues scandinaves pour la Russie ou les Bulgares dans la partie centrale des Balkans. Ceux que l’on désigne sous le nom de Protobulgares appartenaient au groupe turc. Établis au nord de la Caspienne, il est parfois difficile de les différencier des Huns. Au VIe siècle, l’évêque arlésien Ennodius rapporte leur caractère « indomptable » – indomita juventus – et l’historien Cassiodore les présente comme « in omni orbe horribiles ». Ils sont connus des Byzantins et un de leurs chefs est même baptisé à Constantinople vers 600. Fin VIe-début VIIe siècle : Une partie des Bulgares part se fixer dans les steppes du Kouban – ce sont les « Bulgares noirs ». Un autre groupe se déplace vers le cours inférieur de la Kama pour y fonder ce qui sera la Grande Bulgarie ou Bulgarie de la Volga, qui sera finalement détruite par les Mongols au XIIIe siècle. La majeure partie du peuple vint s’établir sur le bas Danube d’où des raids sont lancés dans les Balkans, parfois avec les Avars et les Slaves. Le vrai fondateur de la puissance bulgare est alors le khan Kouvrat, qui prend son indépendance par rapport aux khans avars et se rapproche des Slaves et des Grecs, au moment où l’apparition plus à l’est des Khazars sépare définitivement les Bulgares des Balkans des « Grands Bulgares » de la Volga et les contraint à se déplacer massivement vers le sud. vers 680 : Le roi bulgare Asparuch, fils de Kouvrat, entraîne son peuple au sud du Danube et balaie les dernières garnisons byzantines. L’empereur Constantin IV est contraint de lui abandonner l’ancienne Mésie. 681 : Création de l’État bulgare dont la capitale est alors installée à Pliska (aujourd’hui Aboba, près de Choumen) mais d’autres résidences royales seront établies au IXe siècle à Tutrakan, sur le Danube, et à Preslav, au sud-est de Pliska. 705 : Byzance reconnaît au khan Tervel le titre de César. Il est le premier des rois barbares à le recevoir. En 708, les Bulgares battent les troupes de l’empereur Justinien II. 716 : Bulgares et Byzantins fixent leur frontière en Thrace et les seconds doivent accepter de payer tribut aux premiers. 724-739 : Règne du khan bulgare Sever. 746 : L’empereur Constantin V Copronyme installe en Thrace comme colons des prisonniers razziés en Syrie du Nord qui vont introduire dans les Balkans les germes du dualisme dont sortira ensuite le bogomilisme. VIIIe-Xe siècles : Processus de slavisation complète des éléments bulgares. Les khans gardent des noms turcs jusqu’au règne de Persian (831-852) qui porte aussi le nom slave de Malamir. Jusqu’au IXe siècle, les khans bulgares se contentent de la région limitée au sud par la chaîne du Balkan, avec la région côtière au nord de Burgas mais les Byzantins y conservent les ports. 755 : Les Bulgares échouent dans leur tentative d’invasion de la Thrace byzantine. En 763, l’empereur leur inflige une lourde défaite. 775 : La mort de Constantin V, qui a conduit neuf expéditions contre les Bulgares permet à ceux-ci de bénéficier d’un répit. 792 : L’empereur Constantin VI est sévèrement battu par les Bulgares. 796 : Destruction par les Francs de Charlemagne du ring (le camp faisant fonction de capitale) des Avars. 809 : Le khan Krum (802-814), qui a vaincu les Avars en 805, s’empare de Sofia (Serdica). Juillet 811 : Les Bulgares battent les Byzantins et l’empereur Nicéphore Ier est tué au cours de la bataille. Les Bulgares remportent un nouveau succès en juin 813, au point de venir menacer Constantinople sauvée par la mort de Kroum et par les réactions énergiques du nouvel empereur Léon V l’Arménien. 816 : Le khan Omurtag, qui règne de 814 à 831, conclut une paix de trente ans avec Byzance. Il fait construire le « grand mur de Thrace » du golfe de Burgas au cours de la Maritsa et affronte les Francs carolingiens en Croatie. 821 : Le khan bulgare, fidèle au traité conclu avec Byzance, soutient l’empereur Michel II contre Thomas le Slave, un général rebelle. 824 : Une ambassade bulgare est reçue par l’empereur carolingien Louis le Débonnaire. Faute d’accord, les Bulgares s’emparent finalement de la région de l’ancienne Sirmium et de Belgrade (Singidumum, puis Alba Bulgarica). 831-836 : Règne de Malamir. 836-852 : Règne du khan Persian qui envoie une ambassade auprès de Louis le Germanique. 852-889 : Règne du khan Boris Ier. vers 860 : Création de l’écriture « glagolitique » par les saints Cyrille et Méthode dont les disciples seront accueillis et protégés par Boris après avoir été chassés de Grande Moravie. L’écriture dite « cyrillique » n’est pas, en réalité, due à Saint Cyrille, c’est une adaptation légèrement postérieure de l’alphabet grec aux sons du slave. 863 : Baptême du khan bulgare Boris et de son peuple. La Bulgarie devient le premier grand royaume chrétien slave. Byzance accorde en 869 au royaume une large autonomie ecclésiastique. En 864 et en 893, des révoltes païennes marquent cependant l’ampleur de la résistance à l’évangélisation. Boris Ier sort alors du monastère où il s’était retiré pour détrôner son fils aîné Wladimir, suspect de sympathie pour le paganisme et pour confier la couronne à son fils cadet Siméon. 870 : L’Église de Bulgarie reconnaît l’autorité du patriarche de Constantinople mais le clergé bulgare adopte le slavon comme langue liturgique. 889-893 : Règne de Vladimir. 893-927 : Règne de Siméon le Grand. 893 : La capitale bulgare est transférée à Preslav. La guerre éclate avec Byzance en 894 et dure dix ans. Siméon bat l’empereur Léon VI et ses alliés hongrois et se fait reconnaître en 904 la possession de la majeure partie de la Macédoine et de l’Albanie méridionale. 913-927 : Nouvelle guerre contre Byzance. Les Bulgares prennent Andrinople en 914 et battent leurs adversaires à Anchialos en 917 mais ne parviennent pas à s’emparer de Constantinople. Siméon, fils de Boris, est couronné comme empereur (basileus des Bulgares) associé à Constantin VII auquel il promet de donner sa fille en mariage. L’épisode demeurera sans lendemain mais le souverain bulgare conservera le titre de tsar. 926 : Établissement à Preslav du patriarcat bulgare. 927-969 : Règne de Pierre Ier. Début de la persécution contre les hérétiques bogomiles dont la doctrine est influencée par le manichéisme et le paulicianisme et qui sera transmise ultérieurement aux Patarins de Lombardie et aux Cathares du Midi occitan ; on verra en 1167 le Bulgare Nicétas se rendre au « concile » cathare de Saint-Félix de Caraman, près de Toulouse. Le nom d’hérétique « bulgare » ou « bougre » est souvent utilisé pour désigner alors les Cathares du Midi. 934 : La Bulgarie est menacée par les raids magyars et doit compter avec la naissance du royaume voisin de Serbie. 955 : La victoire d’Othon de Germanie au Lechfeld scelle la fin de la puissance magyare. 972 : Disparition de la dynastie nationale bulgare. Le tsar Boris II qui règne depuis 969 a été fait prisonnier en 970 par le prince russe de Kiev Svatoslav ; l’empereur byzantin Jean Ier Tzimiscès sauve le pays de l’invasion russe en 971 mais l’annexe jusqu’au Danube et contraint Boris II à l’abdication. Le souverain déchu devient officier dans la hiérarchie militaire byzantine. 976 : Restauration partielle de l’État bulgare sous Samuel, fils du boyard Nicolas. Le centre de gravité du royaume s’est déplacé vers l’ouest en Haute Macédoine, autour d’Ochrida et de Prespa. 979 : Samuel parvient à s’emparer de Larissa. 986 : Samuel bat une armée byzantine de l’empereur Basile II. L’année suivante, il fait mettre à mort son frère Aaron suspecté de collusion avec Byzance et s’affirme comme le seul souverain. 996 : Au retour d’une expédition en Grèce, Samuel est sévèrement battu par le général byzantin Nicéphore Ouranos. 1001 : Basile II le Bulgaroctone reprend l’initiative contre le royaume bulgare et les garnisons byzantines seront rétablies sur le Danube entre 1014 et 1019. 1014 : À l’issue de 28 ans de luttes, le basileus byzantin s’empare de Plovdiv et fait crever les yeux à quinze mille prisonniers bulgares. Samuel meurt peu après. Victorieux, les Byzantins doivent encore compter avec quelques foyers de résistance comme celle du voïvode Stratz exilé en Albanie mais finalement pris. Le patriarcat bulgare est aboli et son titulaire réduit au rang de simple archevêque d’Ochrida.

De la domination byzantine à la renaissance bulgare et à la conquête turque

1026 et 1034 : La Bulgarie subit les raids dévastateurs des Petchenègues. 1040-1041 : Révolte paysanne en Macédoine conduite par Petre Delian, petit-fils du tsar Samuel, qui soulève également l’Épire et l’Albanie mais le mouvement est vaincu. Une autre révolte est écrasée à son tour en 1072. D’autres mouvements analogues se produisent en 1074, 1079 et 1084. Le prédicateur bogomile Vassili contribue au développement de ces insurrections mais il est attiré à Constantinople et condamné au bûcher. 1054 : Grand Schisme d’Orient qui aboutit à la rupture entre l’Église orthodoxe grecque de Constantinople et l’Église catholique de Rome. 1083 : Expédition de Bohémond, le fils du Normand Robert Guiscard, en Macédoine. Avril 1091 : L’empereur Alexis Ier Comnène brise à la bataille de Lévounion l’invasion petchenègue. 1095-1096 : Traversée de la Bulgarie par les Croisés qui s’avancent vers Constantinople par Belgrade (Belegrava Civitas Bulgarorum) et Nich. Le pays connaîtra une nouvelle invasion des Petchenègues en 1122, sera envahi par les Hongrois en 1128, verra passer la deuxième croisade en 1147, sera de nouveau envahi par les Coumans en 1148 et par les Serbes en 1149. Massacres, pillages et destructions accompagnent ces divers épisodes. 1180 : La mort de l’empereur Manuel Comnène ouvre une période d’affaiblissement de l’Empire byzantin. 1185 : Pierre et Jean Asen dirigent une insurrection antibyzantine qui aboutit à la formation, avec des éléments slaves et valaques, d’un « second empire bulgare » qui durera jusqu’à la conquête turque. Dès 1186 Jean succède à Pierre et règne jusqu’en 1195. 1187 : Le traité conclu avec l’empereur byzantin Isaac II Ange reconnaît l’indépendance des territoires bulgares libérés, dont la capitale est installée à Turnovo. 1189 : Passage en Bulgarie de la troisième croisade. 1196 : Jean Asen est assassiné par le boyard Ivanko favorable à Byzance. Pierre II qui lui succède est assassiné l’année suivante. 1197-1207 : Règne de Kaloyan, frère de Pierre. Il libère Varna et agrandit son territoire aux dépens de l’Empire byzantin puis de l’Empire latin de Constantinople. 1204 : Kaloyan s’empare de Nich puis de Belgrade. Devant le refus du patriarche grec de le consacrer tsar des Bulgares, il se tourne vers le pape Innocent III qui lui envoie son légat, le cardinal Léon, pour le couronner le 8 novembre. Avril 1204 : Prise de Constantinople par les croisés de la quatrième croisade. Fondation de l’Empire latin de Constantinople. Avril 1205 : À l’appel des Grecs de Thrace hostiles au souverain latin de Constantinople, Kaloyan occupe Andrinople et bat Baudouin Ier de Constantinople qui est emmené captif à Turnovo. 8 octobre 1207 : Kaloyan est assassiné alors qu’il tente d’investir Thessalonique, dernière ville de Macédoine demeurée au pouvoir des Latins. Les conjurés placent sur le trône son neveu Boril, qui régnera de 1207 à 1218. Le trône échappait ainsi à Jean Asen, héritier légitime, pour revenir au fils d’une sœur du souverain défunt. Jean Asen et son frère Alexandre doivent même s’exiler en Russie pour échapper aux assassins de leur père. 1211 : Concile de Turnovo. Condamnation officielle du bogomilisme par le roi Boril. 1218 : Boril est détrôné et Jean Asen II, fils de Jean Asen, devient roi et lui fait crever les yeux. Il bat à Koklonitza, en Bulgarie méridionale, le despote d’Épire Théodore Comnène. Il étend l’État bulgare jusqu’à la Thrace orientale et jusqu’à l’Adriatique. 1235 : Jean Asen II, qui régnera jusqu’en 1241, s’allie à l’empereur grec de Nicée contre l’empereur latin de Constantinople. La rupture avec Rome est complète et le chef de l’Église bulgare reprend le titre de patriarche. 1238 : Le pape tente d’organiser une croisade contre les Bulgares « protecteurs des Bogomiles, Patarins, Manichéens et Albigeois ». 1242-1243 : Incursions tartares en Bulgarie où les successeurs de Jean II Asen, Kaliman Asen (1241-1246) et Michel II Asen (1246-1256) sont des enfants. 1257-1277 : Règne de Constantin Asen. 1261 : Michel VIII Paléologue restaure l’Empire byzantin. 1278 : Le porcher Ivaïlo dirige une vaste insurrection paysanne, bat le tsar Constantin Asen et épouse sa veuve pour se faire proclamer à Tirnovo tsar des Bulgares. Il doit ensuite lutter contre les Tartares et les Byzantins de l’empereur Michel VIII Paléologue, qui souhaite installer sur le trône bulgare un représentant de la noblesse qui lui serait acquis mais Ivaïlo bat successivement ses adversaires et Ivan Asen III, le candidat des Byzantins, doit s’enfuir. Ivaïlo, qui doit également compter avec l’opposition de la noblesse bulgare, est assassiné en allant négocier chez le khan tartare Nogaï. Sa mort marque la fin de la grande jacquerie nationale bulgare. 1280-1292 : Règne de Georges Terter qui écarte Jean III Asen soupçonné d’être trop favorable à Byzance. 1285 : Nouvelle invasion tartare. Les envahisseurs installent au pouvoir un boyard qui leur est acquis 1322 : Mort du roi Théodore Svetoslav qui a stabilisé l’État bulgare. Michel Chichman est élu roi au début de 1323. Juillet 1330 : Michel Chichman est tué à Kustendil en combattant les Serbes d’Étienne Douchan. 1331-1371 : Règne du tsar Jean Alexandre, le neveu de Michel Chichman élu par les boyards. 1351 et 1355 : Échec des pourparlers bulgaro-byzantins en vue d’imposer une résistance commune à la menace ottomane. 1354 : Les Turcs s’emparent de Gallipoli. 1371 : Mort du tsar bulgare Jean Alexandre. Le pays se divise en trois parties : Jean Schisman III règne à Turnovo, Strasimir gouverne à Vidin et le boyard Dobrovitch établit une principauté dans la région correspondant au littoral de la mer Noire. Les Hongrois en profitent pour attaquer Vidin, Jean Schisman appelle les Turcs au secours et se reconnaît leur vassal. Installés en Thrace orientale, à Andrinople et à Dimolika, les envahisseurs s’emparent en 1364 de Stara Zagora et de Plovdiv. 1371 : Deux seigneurs bulgares de Macédoine, Valkachine et Ougletch, organisent la résistance contre les Turcs. Ils sont tués au cours du combat livré sur la Maritza, près du village de Tchernomen. Les Turcs peuvent pénétrer en Bulgarie mais y rencontrent de très fortes résistances à Bitolice, Tzépina, Rakovitza (dans le Rhodope), et à Yambol et Karnobat (en Thrace). 1375 : Euthyme, qui inspire « l’école » de Tirnovo et apparaît comme le plus grand écrivain du XIVe siècle, devient patriarche de l’Église bulgare. Il sera déporté par les Turcs en 1393 quand ils s’empareront de Tirnovo. L’un de ses disciples, Cyprien, sera sacré métropolite de Moscou en 1389, ce qui témoigne des liens déjà étroits unissant la Russie à la Bulgarie. 1382 : Après s’être emparé par ruse de Yanouka, le chef des défenseurs de la ville, les Turcs prennent Sofia. 1388 : Chute de Choumen et d’Ovetch, résistance de Varna. Ivan Strasimir doit accepter une garnison turque à Vidin. 1389 : Mourad Ier bat le roi serbe Lazare à Kossovo. 17 juillet 1393 : Reddition de Tirnovo, la capitale bulgare, à l’issue de trois mois de siège. La conquête turque a été accompagnée de massacres et de destructions à grande échelle. Le patrimoine architectural et artistique accumulé aux XIIIe et XIVe siècles est presque entièrement anéanti. Il n’en subsistera que quelques brillants vestiges comme les fresques des églises de Boiana, au pied du massif du Vitoch, et de Zémen, près de Kustendil. Les monastères de Rila et de Batchkovo (dans le Rhodope) deviennent les conservatoires de la tradition culturelle bulgare.

Les siècles de la nuit ottomane

1396 : Échec de la croisade de Nicopolis conduite par le roi de Hongrie Sigismond et la chevalerie française, complètement vaincus par le sultan Bayézid Ier Yildirim. Ivan Strasimir, qui s’est joint aux croisés est fait prisonnier. Toute la Bulgarie passe alors sous domination ottomane. La victoire turque a été favorisée par les divisions des États balkaniques et l’impossibilité d’aboutir à un accord entre Byzance et les États de l’Occident latin ; le souvenir du sac de la ville, perpétré en 1204 par les Latins à l’occasion de la quatrième croisade et celui de l’Empire latin de Constantinople y étaient sans doute pour quelque chose, alors que Pétrarque affirmait que « les Turcs sont des ennemis mais les Grecs schismatiques sont pires que des ennemis ». Une fois installés dans les Balkans, les Turcs s’établissent en priorité dans les plaines et les vallées fertiles ainsi qu’aux principaux carrefours routiers, dont le contrôle est indispensable au maintien de leur domination. À l’inverse, les populations chrétiennes cherchent souvent un refuge dans les régions montagneuses, qui deviennent des foyers de résistance chronique. Des colons turcs venus d’Asie Mineure s’installent ainsi dans certaines régions où, soucieuse de préserver ses privilèges, l’aristocratie locale voit parfois ses représentants se convertir à l’Islam ; dans le peuple, les Bulgares islamisés, assez peu nombreux, forment la minorité des Pomaks. Fondée sur la force brutale et la discrimination ethnique et religieuse, la domination ottomane sera toujours perçue comme insupportable par les Bulgares qui, réduits au rang de raïa ou bétail, lui opposeront une résistance durable et polymorphe. Soumis à la capitation et à l’impôt foncier, contraints d’accepter l’enlèvement régulier ou devchurmé d’une partie de leurs jeunes enfants destinés à former la milice des janissaires ou à fournir les harems, les vaincus trouvent dans la religion orthodoxe le rempart inébranlable qui leur permettra de maintenir leur identité. Corvées, impôts et massacres accableront ainsi, cinq siècles durant, la population bulgare, soumise aux règles de la « dhimmitude » imposée aux minorités chrétiennes ou juives dans les pays musulmans. L’abandon des terres, la stagnation démographique et la régression économique seront les conséquences naturelles d’un tel système. Une situation que l’historien britannique Paul Coles a parfaitement résumée en expliquant que « l’absorption dans l’Empire ottoman fut à long terme une tragédie pour l’Europe du Sud-Est. Cet impérialisme avait quelque chose de stérile. Les peuples conquis furent prisonniers durant plusieurs siècles d’un système économique et social incapable d’évolution, dont les élites n’avaient pas d’autre idéal qu’un parasitisme empreint de violence… » Immergés dans la population, les haïdouks rassemblés en groupes de maquisards occupant les régions montagneuses mèneront la vie dure à l’occupant ottoman et à ses gendarmes ou pandours. La répression est féroce et les vaincus régulièrement empalés mais les Turcs ne parviendront jamais à éradiquer complètement cette résistance, que les massacres répétés perpétrés contre la population ne feront qu’encourager. 1403 : À la faveur de la défaite subie par les Ottomans l’année précédente à Angora devant les troupes de Tamerlan, les Bulgares se soulèvent mais sont vaincus près de la rivière Temska, non loin de Pirot. La répression est sanglante. Des soulèvements analogues ont lieu en 1412 et 1425. Tous sont écrasés et les représailles sont terribles. 1443 : Le roi Vladislav de Pologne et de Hongrie et le prince transylvain Jean Hunyadie libèrent Sofia mai se retirent au nord du Danube, abandonnant la Bulgarie à la répression turque. 10 novembre 1444 : Alors que la Bulgarie s’est de nouveau soulevée Vladislav est vaincu à Varna. Mai 1453 : Prise de Constantinople par les Turcs. 1508 : Parution, dans la ville roumaine de Targoviste, du premier livre imprimé en langue bulgare. 1526 : La victoire turque de Mohacs entraîne la disparition du royaume de Hongrie. 1564 : Soulèvement de Prilep, suivi en 1574 de celui d’Ochrid et en 1590 de celui de Kustendil. 1575 : Révolte des habitants de la région de Silistrie. 1595 : Un détachement de haïdouks attaque Sofia et massacre les Turcs qui s’y trouvent. 1598 : Soulèvement général des Balkans contre la domination turque. Le prince de Valachie Michel le Brave, avec l’appui des Moldaves, des Transylvains et des Bulgares commandés par Baba Novak bat les Turcs à Nikopol. Vidin, Vratsa et Plevna et Turnovo sont libérées. Un prétendu descendant d’Ivan Chichman se fait proclamer tsar des Bulgares sous le nom de Chichman III. L’Autriche ne fournissant pas les renforts attendus, les Turcs sont en mesure de reconquérir le pays et d’infliger à la population bulgare de cruelles représailles. La « première insurrection de Turnovo » se conclut donc sur un échec. 60 000 Bulgares vont chercher refuge en Valachie au nord du Danube. 1646 : À la faveur de la guerre de Candie opposant Venise au Sultan pour le contrôle de la Crète, Pierre Partchevitch, archevêque catholique, tente de rallier à la cause bulgare l’Autriche, Venise et la Pologne. 1657 : Campagne turque dans le Rhodope, marquée par des conversions forcées à l’Islam, les récalcitrants cherchant refuge dans les montagnes. 1683 : Échec des Turcs devant Vienne. La victoire remportée par le roi de Pologne Jean Sobieski et le duc Charles de Lorraine fait naître en Bulgarie de nouveaux espoirs. Une conjuration est organisée à Turnovo par Rostilsav Stratimirovitch qui cherche en vain l’appui du tsar Pierre le Grand mais le soulèvement est un échec Une nouvelle révolte éclate en 1688 mais elle est également brisée et il en va de même en 1689. 1711 et 1730 : Révoltes bulgares dans la région de Silistrie. 1714 : Publication à Vienne de la Stématographie de Christophore Jelarovitch, premier livre imprimé en bulgare traitant d’un sujet profane et dans lequel l’auteur dénonce l’oppression turque et appelle à la résistance. 1737-1738 : L’ouest de la Bulgarie s’insurge à nouveau. 1767 : L’archevêché grec d’Ochrid est supprimé. Toutes les communautés chrétiennes orthodoxes de Bulgarie dépendent désormais du patriarcat grec de Constantinople.

Du réveil national à l’indépendance

À la fin du XVIIIe siècle, les Bulgares semblent sortis de l’histoire, ce dont témoigne en 1759 le passage du Candide de Voltaire dans lequel l’auteur met en scène un « roi des Bulgares » imaginaire dont les sujets portent le nom d’un peuple connu des seuls érudits, un roi en compétition avec celui des Abares (Avars) ; autant dire que l’auteur aurait aussi bien pu choisir les noms des Marcomans ou des Ostrogoths… Pour les hommes des Lumières, la Bulgarie appartenait bien à un passé révolu. 1762 : Un moine bulgare du mont Athos, Païssi de Hilendar, né en 1722 dans le nord de la Macédoine et entré au couvent en 1745, écrit et publie la première histoire de la Bulgarie en langue bulgare, L’Histoire slavo-bulgare. Il appelle au « réveil » du peuple bulgare, à la révolte contre l’occupant turc et à la méfiance contre les couches supérieures hellénisées de la population. Le livre dans lequel l’auteur adjure ses compatriotes de « connaître leur race et leur langue » ne sera imprimé qu’en 1844 sous le titre du Livre des Rois. Il avait été reproduit auparavant par des copistes bénévoles et son contenu transmis par la tradition orale. 1768-1774 : Guerre russo-turque. Le Bulgare Korozine, colonel dans l’armée russe, appelle au soulèvement et la population du nord du pays se mobilise et combat sous les ordres de Souvarov à la bataille de Kozloudja. Le traité de Kutchuk Kainardji, qui met fin à la guerre, reconnaît à l’Empire russe un droit de protection des peuples chrétiens de l’Empire ottoman. 1787 : Début d’une nouvelle guerre turco-russe. Les Bulgares soutiennent de nouveau les Russes. 1794 : Stoïko Vladislavov, un disciple de Païssi de Hilendar, devient évêque de Vratsa sous le nom de Sophroni et se fait le propagandiste de la cause bulgare. À son appel, des patriotes bulgares rejoignent les haïdouks réfugiés dans les montagnes pour y mener une guérilla chronique contre l’occupant turc. 1804 : C’est à l’issue de plusieurs années de combat que les Turcs viennent à bout des troupes irrégulières formées de Kurdes et de dissidents divers et commandées par Pasvan Oglou, un chef d’origine bosniaque, qui mettaient en coupe réglée le pays bulgare. C’est au cours de la même année que se déclenche l’insurrection serbe à laquelle viennent se joindre les voïvodes bulgares Kondo et Velko. 1806-1812 : Nouvelle guerre russo-turque, accueillie avec enthousiasme par les Serbes et les Bulgares. Ces derniers participent aux côtés des Russes au siège de Silistrie ; l’évêque Sophroni de Vratsa lance depuis Bucarest où il s’est réfugié un appel à l’insurrection. 1809 : La formation des provinces illyriennes intégrées à l’Empire français a des échos en Bulgarie où le message de la Révolution française a suscité des espoirs d’émancipation. 1815 : Les puissances réunies au Congrès de Vienne refusent de mettre en cause l’ordre établi dans les Balkans mais elles doivent bientôt admettre l’existence d’une principauté serbe confiée à la dynastie Obrenovitch. 1821 : Des volontaires bulgares conduits par Hadj Christo, Pètre Moraliata et Hadj Mikhal viennent se joindre aux insurgés grecs et un détachement conduit par Georges Mamartchev s’illustre lors de la prise de Silistrie. Le tsar Alexandre Ier envisage alors la création d’une principauté autonome de Bulgarie qu’il serait en mesure d’imposer au pouvoir ottoman mais l’Angleterre s’y oppose. Elle préfère soutenir « l’homme malade » turc plutôt que de favoriser le développement de l’influence russe dans les Balkans. 1824 : Pètre Beron publie son Abécédaire dans lequel il réclame la création d’écoles laïques bulgares nécessaires au réveil de la conscience nationale et à l’émancipation du pays. 1824 : La population bulgare de Vratsa se soulève contre son évêque grec ; les habitants de Tirnovo s’insurgeront à leur tour en 1838 contre leur métropolite grec. L’année suivante le décret turc de Gulhané reconnaîtra aux chrétiens diverses libertés religieuses. 1829 : La paix d’Andrinople confirme l’indépendance grecque et met un terme au conflit russo-turc. Pour échapper à la répression ottomane, des dizaines de milliers de Bulgares partent se réfugier en Valachie et en Bessarabie. Ces exilés vont jouer un rôle majeur dans la lutte de libération du peuple bulgare. Un groupe se constitue à Odessa et un Comité bulgare de propagande, dirigé par Rakovski, est formé à Bucarest. Rakovski, qui a fait ses études en Grèce et à Paris, est le chef de file inlassable de la cause bulgare qu’il défendra depuis Belgrade, Bucarest ou Novi-Sad en organisant la diffusion de toute une presse clandestine appelant à la libération du pays. Il mourra en 1867 après avoir donné une impulsion décisive à la cause nationale. 1829 : L’érudit ukrainien Vénéline publie son Histoire des Bulgares d’autrefois et d’aujourd’hui. 1832 : Abolition du régime féodal, mais cette réforme oblige les paysans bulgares à payer un impôt spécial visant à dédommager les grands propriétaires. Le salariat agricole et le métayage sont alors synonymes de misère pour les masses rurales. L’Église orthodoxe grecque, dont les évêques étaient investis par le patriarche de Constantinople s’accommode de la domination turque, prélève de lourdes dîmes et substitue la liturgie grecque à la liturgie slavonne alors que les moines du monastère de Rila ont longtemps été les seuls à se préoccuper de la défense et du maintien de la langue bulgare. 1833 : Voyage de Lamartine dans les Balkans. 1835 : Le patriote Aprilov fonde à Gabrovo la première école laïque bulgare, qui sera dirigée par le professeur Rilski. La première école bulgare destinée aux filles sera créée en 1840. 1835 : Soulèvement, dans la région de Tirnovo, des paysans déçus par la réforme agraire de 1832. Il est écrasé et d’autres insurrections paysannes subissent le même sort en 1837 et en 1841 dans la région de Nich. L’économiste français Adolphe Blanqui, envoyé en mission par Guizot peut constater l’ampleur des massacres perpétrés par les bandes de bachi-bouzouks recrutés parmi les Albanais. 1842 : Une nouvelle insurrection est brisée et Rakovski doit s’enfuir en France pour y trouver refuge. Une nouvelle révolte est écrasée en 1850. 1844 : Constantin Photinov publie à Smyrne le premier périodique en langue bulgare : Liouboslovié, une revue de philologie, de philosophie et d’histoire. Elle ne durera que deux ans. 1848 : Ivan Bogorov fonde le premier hebdomadaire bulgare, le Messager de Constantinople. 1854-1856 : La guerre de Crimée vient briser les espoirs des Bulgares qui attendaient leur libération de la guerre russo-turque. Le congrès de Paris, qui met fin au conflit, se désintéresse du sort des Bulgares mais confirme l’émancipation des principautés serbes et roumaines. 1861 : Georges Rakovski rédige son Projet de libération de la Bulgarie. Il pense qu’une force limitée venue de l’extérieur suffira pour soulever la population, l’armer et chasser l’occupant turc. Ce programme sera cruellement démenti par les faits et seule l’intervention russe de 1877 permettra l’accès à l’indépendance, même partielle, du pays. 1862 : Création à Belgrade par Rakovski d’une éphémère Légion bulgare. 1868 : Les successeurs de Rakovski (disparu l’année précédente), Hadji Dimitre et Stefan Karadja, sont vaincus quand ils tentent de libérer le pays en y pénétrant depuis la Roumanie voisine. 1870 : Une réunion secrète du Comité central pour la révolution bulgare se tient à Bucarest, sous la présidence de Luben Karavelov, pour ordonner l’action des patriotes bulgares de l’intérieur et de l’extérieur du pays. 1870 : Le sultan reconnaît, par un firman du 11 mars, l’existence d’une Église nationale bulgare échappant à l’autorité du patriarche grec orthodoxe. Jusque-là, les Bulgares étaient assimilés aux Grecs au sein des roum millet, des communautés chrétiennes « romaines », en fait byzantines ; ce nom fait que la Bulgarie est longtemps désignée alors sous celui de Roumélie. Dès le 3 avril 1860, le patriote Makariopolski, appuyé par la masse des fidèles, avait proclamé la séparation de l’Église bulgare du patriarcat grec de Constantinople. Dix années avaient été nécessaires pour que ce fût reconnu par la Porte. En 1872, le patriarcat de Constantinople proclamera l’Église bulgare schismatique et coupable de philétisme c’est-à-dire de nationalisme incompatible avec l’unité chrétienne. Cette rupture ne prendra fin qu’en 1945 et le patriarcat autocéphale bulgare sera proclamé en 1953. Cette querelle correspondait à des enjeux importants en matière d’éducation et d’identité nationale et c’est sur ce terrain que les Bulgares gagnèrent leur première bataille. En 1875, le pays comptait des milliers d’écoles primaires et plus de 130 bibliothèques, ce qui conduisit l’historien français Louis Léger à affirmer que « l’affranchissement moral par le livre et l’école a précédé chez les Bulgares l’affranchissement matériel par l’épée et le canon ». Avril 1872 : Congrès, à Bucarest, de l’Organisation révolutionnaire intérieure de Vassil Levski. Février 1873 : Exécution de Vassil Levski par les autorités turques. Christo Botev lui succède à la tête de l’Organisation révolutionnaire. Septembre 1875 : Échec d’une première tentative insurrectionnelle. 20 avril 1876 : Déclenchement prématuré de l’insurrection générale qui suit celle de l’Herzégovine. Les Bulgares sont vaincus. Botev est tué par des Tcherkesses et la répression sauvage (au moins 30 000 victimes) conduit Gladstone à dénoncer devant l’Europe les « horreurs bulgares ». Victor Hugo, Garibaldi et Tourgueniev se mobilisent, comme l’intelligentsia européenne s’était mobilisée cinquante ans plus tôt pour la cause philhellène. Un manifeste lancé par des intellectuels bulgares exilés rencontre un immense écho. Il réclame l’indépendance et révèle ce que représente pour les populations balkaniques la domination de ce que Gladstone dénonce comme « la race anti-humaine de l’Humanité ». « […] Résigné et patient dans son long martyre, le peuple bulgare n’en peut plus. Le comble de ses malheurs et de ses souffrances a même été dépassé et il ne vit plus qu’à moitié. Comme il ne croit pas que son esclavage sous le gouvernement turc soit une condition au maintien de l’équilibre européen ou au progrès du genre humain, il s’adresse aux gouvernements chrétiens de l’Europe, représentants des peuples civilisés pour solliciter un changement qui lui permette de vivre, non pas en troupeaux d’animaux bons à être tondus ou massacrés quand il plaît à leurs maîtres, mais en hommes jouissant des droits imprescriptibles et nécessaires à leur développement intellectuel, moral et social […] » 1er septembre 1876 : Avènement du Sultan Abdul-Hamid II, celui que les publicistes européens surnommeront le Grand Saigneur par allusion aux innombrables massacres qu’il ordonnera en Crète, en Bosnie, en Bulgarie ou en Arménie. Janvier 1877 : Par la convention conclue secrètement à Budapest avec l’Autriche-Hongrie, la Russie s’engage à ne pas favoriser la naissance d’un puissant État slave dans les Balkans. 24 avril 1877 : Le tsar Alexandre II déclare la guerre à la Turquie. Une « armée de libération bulgare » spontanément soulevée se joint aux forces russes. C’est elle qui, sous le commandement du général Stroletov, s’empare avec les Russes du col de la Chipka en août. Le 28 novembre Plevna capitule à l’issue d’un long siège et la route de Constantinople est ouverte. 3 mars 1878 : L’Angleterre refusant de voir la Russie occuper Constantinople, le tsar et le sultan signent le traité de San Stefano qui crée une Grande Bulgarie autonome comprenant la majeure partie de la Macédoine. Le nouvel État retrouvait à peu près les limites des deux grands États bulgares médiévaux. 13 juin 1878 : Réunion du Congrès de Berlin consécutif au refus des gouvernements de Londres et de Vienne d’accepter le traité de San Stefano dont ils craignent qu’il ne débouche sur une mainmise russe sur les Balkans. Le 3 juillet, la Russie doit accepter le nouveau traité de Berlin qui démembre la toute jeune Bulgarie. La Bulgarie du Nord devenait une principauté tributaire de la Turquie. La Roumélie orientale n’était plus qu’une province autonome de l’Empire ottoman auquel demeurait attachée la Macédoine. L’Autriche-Hongrie en profitait pour occuper pour trente ans la Bosnie-Herzégovine alors que l’Angleterre se voyait remercier de sa « médiation » favorable au sultan par l’annexion de Chypre. Évoquant la division de la Bulgarie et la mainmise autrichienne sur la Bosnie serbe, l’historien Ernest Lavisse n’hésite pas à écrire alors qu’ « il s’agit là d’un crime de lèse-humanité ». Août 1878 : Luben Karavelov et Stefan Stambolov constituent à Tirnovo un comité chargé d’assister les Bulgares de Roumélie et de Macédoine demeurés sous l’autorité ottomane. Février 1879 : Réunion à Tirnovo d’une assemblée de notables chargé de rédiger un « règlement organique » comportant la rédaction d’une constitution et la nomination d’un monarque, en présence du prince Dondoukov représentant la Russie et d’un commissaire impérial représentant la Sublime Porte ottomane. On retient une formule de monarchie parlementaire – avec une assemblée élue pour cinq ans au suffrage universel, qui contrôle le budget et dont les membres sont inviolables – et l’on choisit comme souverain le prince allemand Alexandre de Battenberg qui est aussi le neveu de l’impératrice de Russie (17 avril). Des élections ont lieu en octobre 1879 et donnent une majorité libérale qui entre en conflit avec le roi. De nouvelles élections sont organisées en mars 1880 mais elles amplifient la victoire libérale, ce qui conduit le monarque à accepter un gouvernement issu de la majorité de l’Assemblée. 27 avril 1881 : Coup d’État du roi qui annonce sa future renonciation au trône mais sans en fixer la date et s’en remet à une « haute assemblée » à venir pour gérer la transition, tout en confiant un gouvernement provisoire au ministre de la Guerre, le général Ehrenrot. Le prince obtient finalement les pleins pouvoirs pour sept ans. 1er juillet 1881 : La Haute Assemblée chargée de réviser la constitution se réunit à Switchow et approuve l’action d’Alexandre de Battenberg. 1883 : Le roi accepte le retour à la constitution de Tirnovo. 1884 : Karavelov, chef de file des libéraux, devient Premier ministre. 17 septembre 1885 : Soulèvement de la Roumélie. À Plovdiv, les insurgés proclament Alexandre Ier « prince des Bulgaries unies », expulsent le représentant du Sultan, et forment un gouvernement provisoire. Alors que la Turquie, mise devant le fait accompli, réagit peu, la Russie désapprouve l’initiative des patriotes bulgares de Roumélie ; elle doit feindre de dénoncer la violation des accords conclus à Berlin, mais elle prévient dans le même temps qu’elle ne tolérera pas d’intervention ottomane en Roumélie. Le 14 novembre, la Serbie déclare la guerre à la Bulgarie et envahit son territoire, encouragée par l’Autriche-Hongrie avec laquelle le roi Milan Obrenovitch entretient les meilleurs rapports, Vienne cherchant – avec l’appui de l’Angleterre – à contrer la poussée russe dans les Balkans. Les Serbes sont finalement refoulés et sévèrement battus à Tsaribrod le 23 novembre. Un ultimatum autrichien arrête alors les forces bulgares et les deux adversaires concluent le 3 mars 1886 la paix de Bucarest, qui rétablit le statu quo ante et prive ainsi la Bulgarie de la région de Nich qui paraissait à sa portée. 5 avril 1886 : Par le traité de Constantinople, le sultan reconnaît l’union de la Bulgarie et de la Roumélie orientale. Le nouveau royaume de Bulgarie ainsi constitué s’étend sur 96 346 km2 et compte un peu plus de trois millions d’habitants. 8 août 1886 : Coup d’État militaire. Les rebelles reprochent à Alexandre d’accepter de payer tribut au sultan. En fait ce sont des éléments pro-russes de l’armée qui sont à l’origine de ce putsch. Des mouvements contraires se produisent à Plovdiv et Tirnovo et Alexandre est rappelé mais il décide d’abdiquer. En fait, « l’homme fort » du pays est Stefan Stambolov, qui impose un régime dictatorial mais se voit finalement contraint de recourir en 1887 à un nouveau souverain, le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg-Gotha. Août 1887 : Investi par le Parlement, Ferdinand fait son entrée officielle à Tirnovo. 2 août 1891 : Dimitar Blagoev fonde le premier parti social-démocrate bulgare. 23 octobre 1893 : Naissance de l’Organisation révolutionnaire intérieure de Macédoine et d’Andrinople (ORIMA), animée par Gorsé Deltchev. Elle se donne pour objectif la libération de la Macédoine. Ses combattants, les comitadjis, basculent parfois, selon une vieille tradition balkanique, dans le simple banditisme. Mai 1894 : Le ministre Srambolov – qui a imposé un régime tyrannique – est écarté et remplacé par Constantin Stoïlov qui gouvernera le pays jusqu’en janvier 1899. Le roi Ferdinand cultive « l’entente cordiale » avec la Russie. En juillet 1895, Stambolov sera abattu en plein centre de Sofia sur ordre de la Cour. 12 janvier 1900 : Fondation de l’Union agrarienne bulgare. 23 septembre 1902 : Début de l’insurrection macédonienne qui prendra toute son ampleur avec le soulèvement général du jour de la Saint-Élie, le 2 août 1903 (20 juillet dans le calendrier julien). Une éphémère « République de Krusevo » (près de Prilep) est proclamée mais les bachi-bouzouks turcs multiplient les massacres en Macédoine rebelle, principalement dans le vilayet de Monastir. Gorsé Deltchev est tué mais 26 000 insurgés sont mobilisés et livrent 239 combats alors que les Turcs incendient plus de 200 villages. L’Europe s’indigne et, le 29 septembre 1903, François-Joseph et Nicolas II se rencontrent au château de Murszteg pour exiger du sultan des réformes et organiser le déploiement en Macédoine d’une « gendarmerie internationale » formée de contingents fournis par l’Angleterre, la France, l’Italie, l’Autriche-Hongrie et la Russie. Il était prévu de diviser ensuite la Macédoine en zones nationales – bulgare, grecque et serbe – mais le coup d’État survenu à Belgrade en juin 1903 où Pïerrre Karageorgevitch, francophile et prorusse, remplace Alexandre Obrenovitch pro-autrichien, assassiné avec son épouse, suspend la réalisation de ces projets. Juillet 1908 : Coup d’État des Jeunes Turcs à Constantinople. 22 septembre 1908 : Ferdinand annonce la renaissance d’un Empire bulgare totalement indépendant de la Porte et prend le titre de tsar, le jour même où l’Autriche-Hongrie, après trente ans « d’administration provisoire » décide d’annexer unilatéralement la Bosnie-Herzégovine (5 octobre dans le calendrier grégorien). Avril 1909 : La tentative de réaction du sultan Abdul Hamid II est finalement brisée et il est destitué par les Jeunes Turcs.

Guerres balkaniques et première guerre mondiale

8 octobre 1912 : Le Monténégro déclare la guerre à la Turquie. 18 octobre 1912 : Unis au sein de l’Alliance balkanique (traités serbo-bulgare du 13 mars 1912 et gréco-bulgare du 29 mai 1912), Bulgarie, Serbie, Grèce et Monténégro déclarent la guerre à la Turquie. Le 22 octobre, les Bulgares sont vainqueurs à Kirk-Kilissé et le 29 à Lulé-Burgaz. Les Serbes écrasent les Turcs à Kumanovo le 24 octobre et les Grecs s’emparent de Salonique le 8 novembre. La Macédoine est libérée. Andrinople est assiégée et les vainqueurs marchent sur Constantinople. Le 3 décembre, la Porte demande l’armistice mais les hostilités reprennent le 3 février 1913 après le coup d’État qui a donné le pouvoir à Enver Pacha. Le 26 mars 1913, les Bulgares prennent Andrinople mais sont contenus devant Constantinople, sur la ligne de défense de Tchataldja. Les pourparlers ouverts à Londres sous l’égide des Puissances piétinent et l’arbitrage territorial proposé le 30 mai par le tsar de Russie ne satisfait pas la Bulgarie. 29 juin 1913 : Ferdinand Ier de Bulgarie, mécontent des prétentions serbes et grecques sur des régions macédoniennes qu’il juge bulgares attaque ses alliés de la veille mais ceux-ci reçoivent le soutien de la Roumanie le 13 juillet et la Bulgarie est contrainte d’accepter un armistice le 31 juillet. 17 juillet 1913 : Le tsar Ferdinand confie le gouvernement à Vassil Radoslavov, qui sera le premier ministre germanophile de la période allant jusqu’en 1918. 10 août 1913 : Le traité de Bucarest met un terme à la deuxième guerre balkanique. La Bulgarie vaincue gagne des territoires en Thrace (avec le port de Dédéagatch ou Alexandroupolis) mais perd Andrinople reconquise par les Turcs, et doit céder à la Roumanie une partie de la Dobroudja. Grecs et Serbes se partagent les territoires anciennement ottomans de Thrace et de Macédoine ; seul un dixième de cette région, la Macédoine du Pirin, revient à la Bulgarie. Août 1914 : Déclenchement de la guerre européenne. La Bulgarie reste initialement neutre mais elle est très vite sollicitée par les deux camps en présence. Alliée traditionnelle de la Russie et hostile à l’Empire ottoman, la Bulgarie aurait pu pencher en faveur de l’Entente mais elle était dirigée par un souverain d’origine allemande (mais petit-fils de Louis Philippe par sa mère) et elle souhaitait une revanche contre la Serbie. Ce sont les défaites russes de 1915 et l’échec de l’expédition franco-anglaise des Dardanelles qui décident finalement de son engagement aux côtés des empires centraux. 6 septembre 1915 : L’accord signé avec les puissances centrales garantit à la Bulgarie la récupération de la Macédoine serbe jusqu’au cours de la Morava, ce qui permettait la restauration de la Grande Bulgarie. 5 octobre 1915 : La Bulgarie déclare la guerre à la Serbie. Attaquée à l’est et au nord, celle-ci est rapidement écrasée et les puissances centrales constituent désormais un bloc homogène de la Baltique à l’Egée et au golfe Persique. Les Alliés de l’Entente installent à ce moment le camp retranché de Salonique qui accueille une partie des forces repliées des Dardanelles et les restes de l’armée serbe. Le socialiste révolutionnaire Georges Dimitrov qui, député au Parlement, a refusé de voter les crédits de guerre est emprisonné. Été 1917 : Entrée en guerre de la Grèce aux côtés des forces de l’Entente. 15 septembre 1918 : L’armée d’Orient du général Franchet d’Esperey lance l’offensive contre le front bulgare. La prise du Sokol et du Dobropoljé permet d’enfoncer les positions bulgares. Les troupes serbes du prince Alexandre Karageorgevitch s’engagent dans la brèche ainsi ouverte alors que la cavalerie du général Jouinot Gambetta fonce sur Uskub (Skopljé), la capitale de la Macédoine serbe annexée par Ferdinand de Bulgarie qui avait, dès l’été, remplacé son premier ministre germanophile Radoslavov par un adversaire de l’alliance centrale, Malinov. 29 septembre 1918 : Les négociations d’armistice engagées la veille à Salonique aboutissent à la conclusion d’un accord. L’armée bulgare devait évacuer tous les territoires conquis en 1915, démobiliser ses réservistes, livrer ses dépôts d’armes et de munitions. 3 octobre 1918 : Ferdinand abdique en faveur de son fils Boris. Il craint une révolution populaire car le leader de l’Union des paysans, Stamboliski, veut proclamer la République. Ferdinand et les principaux dirigeants s’exilent en Allemagne. Alors que commence le règne de Boris III, la Bulgarie compte cent cinquante mille tués et 258 000l blessés, à l’issue d’un conflit qui a fait exploser la dette publique et ruiné les finances de l’État. 19 octobre 1918 : Les Français atteignent le Danube. Août 1919 : Les élections générales donnent la majorité à l’Union agrarienne, qui représente la majorité rurale. Ce résultat est confirmé lors de la consultation suivante de mai 1920 et l’équilibre politique du pays ne sera guère modifié au cours de l’entre-deux-guerres. Alexandre Stamboliski, leader des agrariens et initialement républicain, dirige alors plusieurs gouvernements. 27 novembre 1919 : Par le traité de Neuilly, la Bulgarie perd la Thrace au profit de la Grèce et doit renoncer ainsi à son débouché sur la mer Égée. Elle renonce formellement à la Dobroudja du sud devenue roumaine. 2 250 000 000 de francs sont exigés par les vainqueurs au titre des réparations.

D’un conflit mondial à l’autre (1919-1945)

1920 : La Bulgarie est admise à la Société des Nations. 1923 : Le gouvernement bulgare d’Alexandre Stamboliski signe un traité d’amitié avec la Yougoslavie, mettant ainsi un terme à un antagonisme serbo-bulgare vieux de plusieurs décennies. 1922 : Alexandre Tzankov fonde le parti de l’Entente nationale (Naroden Zgovor) qui veut l’instauration d’un régime autoritaire inspiré de l’exemple donné par le mouvement mussolinien en Italie. Il peut compter sur l’appui de la très nationaliste Ligue des officiers formée dès 1913. Ces aspirations nationalistes et autoritaires caractéristiques de l’Europe de l’après-guerre (le régent Horthy en Hongrie, la « dictature » de Miguel Primo de Rivera en Espagne) sont encouragées par Boris III, désireux de restaurer l’autorité royale. 9 juin 1923 : Coup d’État à Sofia, organisé avec la complicité de l’armée, de la police et du parti « narodniak ». Les ministres agrariens sont arrêtés et l’état de siège proclamé. Les tentatives de résistance sont brisées et Alexandre Stamboliski est fusillé. Alexandre Tzankov établit alors un régime autoritaire. Le successeur de Stamboliski à la tête de l’Union agrarienne, Raïko Daskalov, est assassiné, de même que le leader communiste Asse Halatchev. La répression très violente des grèves du mois de septembre 1923 condamne l’opposition (les agrariens de Petko Petkov et les communistes de Georges Dimitrov) à la clandestinité. Avril 1926 : Pour garantir la stabilité du régime tout en rassurant les éventuels investisseurs étrangers, Andrei Liaptchev constitue un gouvernement conservateur et modéré qui remplace celui de Tzankov. Ce gouvernement se maintient jusqu’en 1931 en conservant les structures du régime autoritaire mis en place depuis 1923. 1930 : Les effets de la crise mondiale font que la production bulgare baisse de 40 %. Le nombre des chômeurs atteint 200 000 deux ans plus tard, dans un pays de sept millions d’habitants demeuré à prédominance rurale. La chute des prix ruine une bonne partie de la paysannerie. Juin 1931 : Le Bloc populaire d’Alexandre Malinov remporte les élections mais le nouveau gouvernement déçoit. 19 mai 1934 : Un nouveau coup d’État porte au pouvoir les conservateurs de Kimon Gueorguiev. Ils mettent en œuvre une politique dirigiste en matière économique. Le nouveau pouvoir est favorable à une alliance avec la Yougoslavie et les démocraties d’Europe occidentale alors que le Mouvement social populaire créé par Tzankov est favorable à l’Italie et à l’Allemagne en vue d’obtenir une révision du traité de Neuilly. 22 janvier 1935 : Le général Pentcho Zlatev forme un nouveau gouvernement, appuyé par le roi qui est hostile à la politique étrangère de Gueorguiev. Il est remplacé en avril par Andrei Tochev puis par Gueorgui Kiossevanov. Ces chefs de gouvernement successifs préparent en fait la voie à l’instauration du pouvoir personnel du roi Boris qui, partisan de la révision du traité de Neuilly, est persuadé que la Bulgarie doit se rapprocher de l’Allemagne et de l’Italie. Les relations économiques avec l’Allemagne se développent de 1936 à 1939, au point de représenter les trois quarts des exportations bulgares, les importations d’origine allemande comptant pour 70 % des produits entrant en Roumanie. Avec la Hongrie de l’amiral Horthy, la Roumanie du roi Carol, la Yougoslavie du régent Paul et l’Albanie annexée par l’Italie en 1939, la Bulgarie s’inscrit alors dans la zone d’influence que les États totalitaires allemand et italien sont en train d’établir dans l’Europe danubienne et balkanique. Août 1940 : L’arbitrage de Vienne, confirmé par l’accord de Craiova du 7 septembre, rend à la Bulgarie la Dobroudja du Sud, de peuplement bulgare mais annexée par la Roumanie en 1913. Octobre 1940 : Déploiement de troupes allemandes en Roumanie (le 7) et attaque italienne contre la Grèce (le 28). 1er mars 1941 : Le gouvernement bulgare de Bogdan Filov adhère au Pacte tripartite conclu au cours de l’automne précédent entre l’Allemagne, le Japon et l’Italie et auquel ont déjà adhéré la Hongrie et la Roumanie. 6 avril 1941 : Invasion de la Yougoslavie et de la Grèce par les forces allemandes qui se sont auparavant déployées en Bulgarie. À la faveur de cette campagne, les Bulgares annexent à nouveau la Macédoine serbe et la Thrace grecque. Le traité de Neuilly se trouvait effacé. 29 septembre 1941 : L’armée bulgare réprime férocement l’insurrection de Drama en Macédoine grecque. Décembre 1941 : Le gouvernement Filov – qui ne s’est pas associé à l’attaque contre l’URSS du 22 juin précédent, déclare la guerre aux États-Unis et à la Grande-Bretagne. Juillet 1942 : À la suite de l’appel lancé par Dimitrov à la radio soviétique le 17, constitution d’un Front de la patrie regroupant tous les opposants à la collaboration de la Bulgarie avec l’Axe, des communistes aux agrariens et aux nationalistes anti-allemands comme Gueorguiev. Les communistes commencent à constituer des maquis dans les régions montagneuses du pays. 28 août 1943 : Décès du roi Boris III, au retour d’un voyage à Berlin au cours duquel il a maintenu son refus d’un engagement militaire de la Bulgarie sur le front russe aux côtés du Reich. Le fils du roi, Siméon, étant mineur, un conseil de régence est constitué avec son oncle le prince Cyrille, le premier ministre Filov et le général Mikhov, Dobri Bojilov remplaçant Filov à la tête du gouvernement. Durant cette période, les autorités bulgares refusèrent toujours la déportation des Juifs. 1er juin 1944 : Un modéré, Ivan Bagrianov, succède à Dobri Bojilov à la tête du gouvernement.. Le choix des Anglo-Saxons de privilégier un effort en Italie plutôt que dans les Balkans met alors la Bulgarie (alors qu’elle n’est pas en guerre avec l’URSS) sous la menace de l’Armée rouge qui va pénétrer en Roumanie à partir du 22 août. 2 septembre 1944 : L’agrarien Constantin Mouraviev forme un nouveau gouvernement qui proclame une « stricte neutralité » et envoie au Caire des émissaires chargés de négocier un armistice avec les Anglo-Saxons dont l’aviation a bombardé Sofia à partir de novembre 1943. 5 septembre 1944 : L’URSS, dénonçant la « collusion bulgare » avec l’Allemagne, déclare la guerre à la Bulgarie et les forces du général Tolboukhine franchissent le Danube. La russophilie traditionnelle de la population fait qu’elles sont plutôt bien accueillies et l’armée bulgare, malgré les ordres reçus, n’oppose aucune résistance. Dans le même temps, le Front de la patrie proclame partout l’insurrection générale. Celle-ci l’emporte à Sofia dans la nuit du 8 au 9 septembre. Kimon Gueorguiev constitue un gouvernement auquel participent les communistes (4 ministres sur 16), les agrariens et des sociaux-démocrates. Le principe monarchique n’est pas remis en cause mais le jeune roi Siméon est placé sous l’autorité d’un nouveau conseil de régence. Un accord d’armistice est conclu dès le 11 septembre et deux corps d’armée bulgares sont engagés dans la guerre aux côtés des Soviétiques. Ils combattront en Yougoslavie et en Hongrie ; de septembre 1944 à mai 1945, la Bulgarie comptera 32 000 tués du fait de la guerre. Le nouveau gouvernement bulgare a, de lui-même, évacué les territoires annexés par le roi Boris. 6 octobre 1944 : Création de tribunaux populaires chargés de réaliser l’épuration. 9-18 octobre 1944 : Lors de sa rencontre avec Staline à Moscou, Churchill – qui entend maintenir la Grèce dans la sphère d’influence britannique – abandonne à l’URSS la Roumanie et la Bulgarie. 28 octobre 1944 : Signature à Moscou de l’armistice entre la Bulgarie et les Alliés. Les Soviétiques peuvent maintenir des troupes dans le pays pour « protéger la sécurité des communications ». 4-11 février 1945 : À Yalta, les vainqueurs prévoient des élections libres dans tous les pays libérés de la domination de l’Axe. En Bulgarie, le droit de vote est accordé aux femmes et l’âge du vote est abaissé à dix-neuf ans. Février 1945 : Exécution des trois régents et de nombreux politiciens liés aux gouvernements autoritaires des années précédentes. Mai 1945 : Le leader agrarien Dimitrov (qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme communiste qui ne rentrera d’URSS en Bulgarie que le 7 novembre suivant, après 22 ans d’exil) est contraint de s’exiler. En août, l’agrarien Nikola Petkov démissionne du gouvernement. 18 novembre 1945 : Le Front de la patrie remporte les élections et Kimon Gueorguiev constitue un nouveau gouvernement, après qu’une vaste épuration a décapité les « partis bourgeois ». Des lois sociales et une réforme agraire (130 000 ha seulement sont redistribués dans ce pays de petite propriété) traduisent l’importance grandissante du parti communiste dans un pays où la présence de l’Armée rouge ne peut que favoriser ses ambitions.

La Bulgarie communiste (1945-1989)

24 février 1946 : Arrestation du leader social-démocrate Pastuhov. 31 mars 1946 : Un remaniement ministériel permet de renforcer la mainmise des communistes sur le pouvoir. Une nouvelle réforme agraire permet de redistribuer en avril 330 000 ha. 8 septembre 1946 : Les Bulgares choisissent par référendum un régime républicain (92,7 % des suffrages). Le jeune roi Siméon part en exil et, le 15 septembre suivant, l’Assemblée élit président de la République à titre provisoire le communiste Vassil Kolarov. 27 octobre 1946 : Le Front de la patrie obtient 70 % des voix lors de nouvelles élections dont la régularité apparaît douteuse aux dirigeants occidentaux. Le Parti ouvrier bulgare (communiste) dispose à lui seul de la majorité absolue avec 275 sièges sur 468. Le gouvernement, composé pour moitié de communistes, est confié le 21 novembre au communiste Georges Dimitrov. Il prépare une nouvelle constitution inspirée du modèle soviétique. 10 février 1947 : La paix est officiellement rétablie entre la Bulgarie et les Alliés avec la conclusion du traité de Paris qui laisse à la Bulgarie la Dobroudja du Sud mais rétablit par ailleurs les frontières du traité de Neuilly. 75 millions de dollars d’indemnités de guerre doivent revenir pour les deux tiers à la Grèce et pour le reste à la Yougoslavie. Après le départ des missions d’observation britannique et américaine, la façade pluraliste du nouveau régime disparaît. 5 juin 1947 : Le principal leader de l’opposition, Nikola Petkov, est arrêté. Il est condamné à mort le 16 août et pendu le 23 septembre. 1er août 1947 : Vote d’un plan biennal prévoyant notamment la création de fermes collectives. 21 octobre 1947 : Une résolution de l’ONU condamne l’intervention de l’Albanie, de la Yougoslavie et de la Bulgarie au profit des communistes dans la guerre civile grecque qui se prolongera jusqu’en 1949. 4 décembre 1947 : Une nouvelle constitution est promulguée, inspirée de la constitution stalinienne de 1936. En février suivant, le Front de la patrie est réorganisé pour devenir un parti monolithique au sein duquel survit une fiction de courant agrarien dont l’existence est purement formelle alors que tout le pouvoir revient au Parti ouvrier bulgare qui prend officiellement le nom de Parti communiste en décembre 1948. 15 décembre 1947 : L’Armée rouge, une fois le nouveau régime solidement installé, évacue la Bulgarie. 18 mars 1948 : La Bulgarie, qui vient de nationaliser des pans entiers de son économie, signe un traité d’amitié avec l’URSS. 28 juin 1948 : La condamnation de la Yougoslavie formulée à Bucarest lors d’une réunion du Kominform (Bureau international d’information communiste créé en 1947) marque le début de la rupture entre Staline et Tito. À cette occasion, la Bulgarie se range dans le camp soviétique et fermera son ambassade à Belgrade au cours de l’été 1949. Décembre 1948 : Présentation du premier plan quinquennal. 24 janvier 1949 : Création du Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM ou COMECON), qui vise à intégrer l’économie des différents pays du « bloc socialiste ». 2 juillet 1949 : Mort de Georges Dimitrov, ancien secrétaire général du Komintern de 1934 à 1843, qui fait figure de père fondateur de la Bulgarie communiste. Il est remplacé par Vassil Kolarov qui disparaît lui-même en janvier 1950, pour être remplacé par Valko Tchervenkov qui sera le parfait représentant du « stalinisme » en Bulgarie. Décembre 1949 : Accusé de « titisme », le vice-premier ministre Trajco Kostov, disgracié en avril, est exécuté après un procès typiquement stalinien au cours duquel il était revenu sur ses « aveux ». Contre les communistes résistants de l’intérieur des années 40, ce sont ceux qui étaient alors réfugiés à Moscou et qui sont revenus dans les fourgons de l’Armée rouge qui s’imposent alors à Sofia. Janvier 1954 : Tchervenkov qui entend prendre ses distances avec le « culte de la personnalité » (c’est la nouvelle ligne à Moscou après la mort de Staline survenue en mars 1953) conserve les fonctions de chef du gouvernement et abandonne celles de chef du Parti à Todor Jivkov. 14 mai 1955 : Création du Pacte de Varsovie, alliance militaire du bloc socialiste qui se veut une réponse au réarmement de l’Allemagne de l’Ouest par les Occidentaux. 14 décembre 1955 : La Bulgarie est admise à l’ONU. 1956 : Début de la déstalinisation. Tchervenkov n’est plus que vice-premier ministre, il s’efface devant un communiste historique mis à l’écart à l’époque des procès staliniens, Anton Jugov. Dans le même temps Jivkov garde la direction du Parti. Kostov est réhabilité, la censure s’allège et les relations avec la Yougoslavie titiste – réconciliée avec l’URSS depuis le voyage de Khrouchtchev à Belgrade (juin 1955) suivi d’une escale à Sofia – s’améliorent sensiblement. 1959 : Échec du plan quinquennal dont les dirigeants ont voulu accélérer la réalisation en s’inspirant du modèle du « grand bond en avant » chinois. 5-14 novembre 1962 : Le VIIIe Congrès du Parti écarte Tchervenkov et Jugov et fait de Jivkov – avec la bénédiction des Soviétiques assurés de sa docilité – « l’homme fort » du pays. Sous sa direction, la Bulgarie sera un pays satellite parfaitement aligné sur le « grand frère » soviétique, notamment à propos de la crise de Cuba en 1962, de la rupture avec la Chine ou de l’intervention en Tchécoslovaquie en 1968. La Bulgarie renoue alors prudemment des relations avec la Yougoslavie, la Grèce et la Turquie. 16 mai 1971 : Une nouvelle constitution, qui doit marquer l’entrée de la Bulgarie dans la phase du « socialisme avancé », est adoptée par référendum (99,6 % des suffrages). Jivkov, qui devient chef de l’État, confie la direction du gouvernement à Stanko Todorov qui demeure à ce poste jusqu’en 1981. La situation matérielle du pays évolue positivement au cours des années 70 et les conditions de la vie quotidienne s’améliorent. Les difficultés apparaissent au début des années quatre-vingts marquées par un ralentissement économique que des réformes inspirées du modèle hongrois ne peuvent enrayer, par l’image déplorable que donnent du régime l’assassinat à Londres, en septembre 1978, de l’écrivain Georgi Markov et l’attentat perpétré contre le pape Jean Paul II – même si, dans ce cas, la « filière bulgare » semble correspondre à une réalité assez floue. La volonté de « bulgariser », au nom de l’unité nationale, les noms des représentants de la minorité turque (11 % de la population) aboutit à l’inverse de l’effet recherché alors que l’accord de coopération signé en septembre 1975 avec la Turquie voisine avait nettement rapproché les deux pays. 1982-1985 : La mort de Leonid Brejnev, suivie de celles de Youri Andropov et de Constantin Tchernenko, a peu d’impact en Bulgarie mais les choses changent avec l’accès au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev qui souhaite exporter vers les pays satellites la perestroika et la glasnost mises en œuvre en URSS. Jivkov oppose aux demandes de réformes venues de Moscou une résistance passive qui apparaît bien vaine face à la vague de fond qui s’apprête à emporter le « bloc socialiste ». Janvier 1989 : Visite à Sofia de François Mitterrand. Février 1989 : Création du syndicat libre Podkrepa. Septembre 1989 : Sous la pression de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe issue des accords d’Helsinki de 1975, la Bulgarie accepte d’accorder des passeports à ses ressortissants d’origine turque. 320 000 personnes peuvent ainsi émigrer vers la Turquie voisine, ce qui déstabilise en partie l’économie du pays ; des mesures analogues, négociées avec la Turquie, avaient été décidées en 1950 et en 1968, correspondant respectivement à 155 000 et à 70 000 départs. 10 novembre 1989 : Jivkov est démis de ses fonctions à la tête du parti et de l’État et remplacé par Petre Mladenov qui entend s’inspirer de l’évolution en cours en URSS, au moment où, en Pologne, en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en RDA et bientôt dans la Roumanie voisine, les « démocraties populaires » sont emportées les unes après les autres.

Entre les Balkans et l’Europe

7 décembre 1989 : Création d’une Union des forces démocratiques qui rassemble tous ceux qui veulent en finir avec l’héritage communiste. Un Mouvement des droits et des libertés se constitue pour défendre les intérêts de la minorité turco-musulmane. Avril 1990 : Le Parti communiste est rebaptisé Parti socialiste bulgare. Les anciens communistes « gorbatchéviens » conduisent le changement : Alexandre Lilmov, Andrei Lukanov et Petre Maldenov, respectivement leaders du Parti, chef du gouvernement et chef de l’État. La disparition de la censure entraîne la multiplication des meetings et des débats. 10 juin 1990 : Les élections permettent au Parti socialiste bulgare de conserver la majorité (211 sièges contre 144 à l’UFD, 23 au MDL et 16 à l’Union agrarienne). 1er août 1990 : Zeliu Zelev, un opposant au régime de Jivkov est élu président de la République. 29 novembre 1990 : Face à une grève lancée par le syndicat Podkrepa, le gouvernement Lukanov tombe pour être remplacé, le 20 décembre, par un gouvernement de coalition réunissant des représentants de tous les partis (sauf le MDL), sous l’autorité de Dimitar Popov. 12 juillet 1991 : Adoption d’une nouvelle constitution. 13 octobre 1991 : Les élections donnent 110 sièges à l’UFD, 106 au PSB et 24 au MDL, les agrariens n’étant plus représentés. Un gouvernement de coalition UFD-MDL est formé le 8 novembre sous la direction de Filip Dimitrov. C’est, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le premier gouvernement bulgare ne comprenant pas de communistes. 12 janvier 1992 : Les élections présidentielles au suffrage universel donnent la victoire à Z. Zelev (UFD), reconduit dans ses fonctions avec 52,8 % des voix. 1992 : Début de la privatisation des grandes entreprises mais la transition économique se révèle très difficile à réaliser. La Bulgarie s’est lourdement endettée en Occident au cours des dernières années du régime communiste ; l’essentiel de ses échanges s’effectuait alors avec l’URSS ; sa dépendance énergétique est une lourde contrainte, d’autant que la centrale nucléaire de Kozloduj inquiète à juste titre l’Europe échaudée par le drame de Tchernobyl. Le vieillissement de la population et l’émigration massive des jeunes cadres posent également de redoutables problèmes. Enfin, l’embargo décrété contre la Serbie au cours de la crise yougoslave des années 90 a également contribué à l’appauvrissement du pays voisin. 28 novembre 1992 : Chute du gouvernement Dimitrov. L’UFD a déçu, faute d’avoir pu réaliser rapidement les réformes économiques et sociales attendues par la population. Décembre 1992-septembre 1994 : Gouvernement Berov. Mars 1993 : Signature d’un accord d’association avec l’Union européenne mais, selon les décisions prises au sommet de Laeken (15 décembre 2001), les pays balkaniques ne sont pas prévus dans l’élargissement programmé pour 2005 dont profiteront la Pologne, les pays Baltes, la Slovénie, la Slovaquie, la Hongrie et la République tchèque. Février 1994 : La Bulgarie adhère au partenariat pour la paix de l’OTAN. 18 décembre 1994 : Le PSB gagne les élections et ce sont les anciens communistes qui constituent seuls le gouvernement Videnov. 25 mai 1996 : Retour à Sofia du roi Siméon, exilé depuis 1946. Il y est accueilli par une foule considérable. 17 novembre 1996 : Petar Stoïanov, candidat de la droite libérale est élu président de la République avec 60 % des suffrages ; les anciens communistes sont désavoués. 10 janvier 1997 : De violentes manifestations ont lieu à Sofia pour exiger du gouvernement des élections législatives anticipées. Investi le 19 janvier, le nouveau président de la République n’a pas de pouvoir de décision sur cette question. Un accord est toutefois trouvé avec la majorité parlementaire et les élections, fixées au 19 avril, donnent la victoire à une coalition de centre-droit (avec un taux d’abstention de 42 %). 17 juin 2001 : Les élections législatives donnent la victoire au mouvement national dirigé par l’ancien roi Siméon II. 18 novembre 2001 : L’ancien communiste Gueorgui Parvanov remporte le deuxième tour de l’élection présidentielle face au président sortant Petar Stoïanov, mais les abstentions atteignent 45 % au deuxième tour. 2003 : Soucieux de favoriser une adhésion rapide à l’Europe et aux grands organismes occidentaux, le gouvernement bulgare appuie l’intervention américaine en Irak. juillet 2003: Le Parlement accepte le remaniement proposé par Siméon de Saxe-Cobourg. octobre 2003:  Les élections municipales, qui voient la victoire des ex- communistes du PSB (avec taux de participation de 40%)  marquent la fin de l'état de grâce pour le gouvernement de Siméon de Saxe-Cobourg Gotha. 29 mars 2004: Entrée de la Bulgarie dans l'OTAN. juin 2004: Bruxelles donne le feu vert en vue de l'entrée de la Bulgarie dans l'Union Européenne. février 2005: Le Parlement vote des amendements constitutionnels qui permettent d'adapter le droit de propriété et le droit électoral aux exigences européennes. avril 2005: la Bulgarie, la Grèce et la Russie signent un accord en vue de la construction d'un oléoduc transbalkanique contournant le Bosphore et évitant la Turquie. Il reliera le port bulgare de Burges à Alexandropolis en Grèce. 25 avril 2005: Signature du traité d'adhésion à l'Union Européenne. Il sera ratifié par le Parlement bulgare le 12 mai suivant. Au cours du même mois, le Parlement approuve le projet de retrait du petit contingent bulgare engagé en Irak aux côtés de la coalition occidentale, retroiat qui sera effectif en décembre 2005. 25 juin 2005: Elections législatives. Elles sont un échec pour Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha, qui doit abandonner son poste de premier ministre. Le PSB emporte 30% des voix et 82 sièges, le Mouvement national de Siméon 21% des voix et 53 sièges, le Mouvement des droits et libertés 14% des voix et 24 sièges. Le mouvement nationalisite Ataka crée la surprise en remportant 9% des voix et 21 sièges. Il faut deux mois pour constituer un gouvernement de coalition de centre-gauche. Sergueï Stanichev devient premier ministre. 2 janvier 2006: Retour à Sofia des soldats engagés depuis deux ans en Irak où  13 militaires et 6 civils bulgares ont trouvé la mort. 1er mars 2006: Incident nucléaire à la centrale de Kozloduï avril 2006: La secrétaire d'Etat américaine Condolezza Rice signe un accord de défense avec le gouvernement bulgare, accord qui prévoit l'installation de quatre bases américaines à  Novo Selo, Bezmer, Graf  Ignatievo et Aïtos. septembre 2006: Le président de la Commission européenne J.M. Barroso annonce que la Bulgarie pourra entrer dans l'U.E. au 1er janvier 2007 mais diverses clauses de sauvegarde l'excluront de certaines politiques communautaires. 22-29 octobre 2006: Avec 21,5% des suffrages, le candidat nationaliste aux élections présidentielles, Volen Nikolov Siderov, empêche la, faute d'une participation suffisante, la réélection du socialiste  Parvanov, élu au second tout avec 75% de suffrages contrte 24% à son adversaire. 3 novembre 2006: Accord bulgaro-macédonien sur les visas. Il est rendu nécessaire par l'adhésion bulgare à l'Europe. Sofia a été la première capitale à reconnaître l'indépendance macédonienne en 1991 et soutient la candidature de Skopjé à l'adhésion à l'Union Européenne. 2007: La Bulgarie rentre dans l'Union Européenne. Elle n'est à ce jour ni dans la zone euro, ni complétement dans l'espace Schengen.2014: Après le choc de la crise de 2008 et, après un court intermède socialiste entaché de scandales, le pays a réélu en octobre, lors des élections législatives, Boïko Borissov qui a constitué un gouvernement de centre droit, sans ministres issus du Front Patriotique, mouvement « populiste » qui suscite les inquiétudes des autorités bruxelloises. En décembre, dans le contexte des tensions nées de l’affaire ukrainienne, la Russie a annoncé son intention d’abandonner le projet de gazoduc Southstream, qui devait permettre d’approvisionner l’Europe en contournant l’Ukraine par la Bulgarie, la Serbie, la Hongrie et la Slovénie.Novembre 2016: Le premier ministre Boïko Borissov, leader du parti GERB (Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie) classé à droite, soutenait la présidente du Parlement Tsetska Tsacheva, arrivée loin derrière le candidat du Parti Socialiste Bulgare, le général Rouman Radev, élu au second tour par 59 % des voix contre 36 %. Favorable à l’annexion russe de la Crimée, le nouveau président a suscité quelques inquiétudes en Occident mais n’a pas remis en cause l’appartenance de la Bulgarie à l’Union Européenne et à l’OTAN. Les élections législatives qui ont eu lieu en mars 2017 ont vu la victoire, avec une majorité relative, de Boïko Borissov et du GERB, ce qui laisse présager une cohabitation susceptible de gêner l’action de l’Etat, confronté à la tension entre Union Européenne et Russie. 2021-2023: Le pays s'enfonce dans la crise politique, cinq scrutins législatifs sont organisés en l'espace de trois ans. Sur fond de corruption, de crise migratoire et de sortie de crise sanitaire, les tensions entre la Russie et l'Occident divisent profondément la population. 6 juin 2023: Nikolaï Denkov devient le premier ministre de la Bulgarie grâce à une coalition des centres droit et gauche europhiles, et le soutien de Boïko Borissov, pourtant accusé de détourner les fonds d'investissement européen. Attaché à la cause ukrainienne, Nikolaï Denkov voit dans le conflit opposant la Russie à l'Occident une opportunité pour accélérer son insertion dans l'Union. L'opinion publique reste pourtant très partagée sur la question, les déceptions envers Bruxelles alimentant la sympathie envers le "grand frère" orthodoxe et slave.

Porte d'entrée de l'Europe et membre de l'Union depuis une quinzaine d'années, la Bulgarie reste marquée par la corruption affectant ses élites et un niveau de vie bien inférieur aux autres pays européens, malgré un taux de chômage très faible (4%). Les tensions exacerbées entre l'Occident et la Russie divisent profondément la population pour laquelle le ralliement à Bruxelles n'est pas évident: si c'est vers l'Union que la Bulgarie exporte ses biens (65% des exportations totale, avec l'Allemagne en première place), les premiers fournisseurs du pays ne sont autre que la Russie, malgré les sanctions commerciales, et la Chine. Les Bulgares se retrouvent face à un dilemme stratégique d'ampleur qui pourrait influencer les pays voisins et refaire des Balkans un enjeu majeur pour les grandes puissances.