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Une histoire de la langue et de la littérature sanskrite (2)

Michel Angot
Membre du Centre d'Études de l'Inde et de l'Asie du sud de l'INALCO Professeur de sanskrit Expert des systèmes philosophiques et religieux de l’Inde ancienne et de l'Asie indianisée

Voici la seconde partie de l'article de Michel Angot sur la langue et la littérature sanskrite.  

La littérature sanskrite 
[2]

Dans l’immense littérature en sanskrit, beaucoup demeure à découvrir mais il semble maintenant que les œuvres majeures soient connues. Un corpus gigantesque s’est constitué et constamment accru avec le temps, sans discontinuité majeure pendant quatre mille ans ; il est demeuré pour l’essentiel comme un héritage à la disposition des nouveaux auteurs. Nous qui sommes les usagers d’une langue jeune, qui a évolué si rapidement que la lecture de Rabelais nécessite maintenant une traduction, nous ne pouvons imaginer ce que c’est que de disposer des œuvres réalisées pendant plusieurs milliers d’années dans une langue qui a peu évolué, où même les vers les plus simples sont riches de références, d’allusions, d’allusions à des allusions. Car chaque mot intègre en lui des couches de savoir constituées par des générations de poètes, de philosophes, de penseurs. Les brahmanes sont d’abord des héritiers et l’héritage sans avoir été intégralement et parfaitement transmis est demeuré disponible pour l’essentiel jusqu’à aujourd’hui. Le fait est d’autant plus important que, s’agissant de la littérature philosophique, religieuse ou même technique, les auteurs n’ont jamais le sentiment ni même la volonté de dire du nouveau. Ils pensent que la vérité n’est pas conquise par l’homme mais reçue par lui d’une instance supérieure, qu’elle n’est pas le but vers quoi on tend mais la source qui irrigue l’esprit pour peu qu’il s’y est bien disposé : dès lors il s’agit moins de connaître ces paroles qui une fois pour toutes ont énoncé le vrai – bien distinct du réel ! – que de les reconnaître, que de les découvrir en soi. Le présent véridique ne peut être plus qu’un écho qui se répète à l’infini : moment unique, pour celui qui le vit, d’une connaissance qui précède le connaisseur. C’est ainsi que Bhaskara, le plus important des « philosophes » conçoit le Véda comme une sorte de legs gratuit, une grâce faite par cette instance supérieure qu’il nomme brahman. Cette conception qui aurait pu être paralysante n’a jamais été un obstacle à la création : sous prétexte de commentaire, à force d’analyse, on voit les auteurs énoncer des théories en fait toutes nouvelles. Mais rien de nouveau ne peut être dit sans la caution d’une parole antique et vénérable, laquelle est en général mystérieuse à souhait. Le caractère sibyllin des paroles originelles a en réalité tout permis, tout justifié et n’a en rien paralysé l’élan créateur et novateur quand il était là.

Une composition très éloignée de nos concepts occidentaux

Par ailleurs, la composition des œuvres a été très spécifique. Rarement, voire jamais, on n’y entend, comme c’est le cas de la littérature occidentale, les échos de la vie politique, militaire, sociale ou personnelle. Les auteurs, souvent anonymes ou réduits à un simple nom, écrivent[3] sans jamais mentionner de contexte personnel ou général. Ils sont largement absents de leur œuvre. On est souvent incapable de dater les textes et leurs auteurs, de les situer dans un espace précis et différencié. Certes on mentionne des guerres et des rois, il est bien question d’événements et de personnes et il y a quelques biographies. Mais, même dans les biographies, les personnages sont largement conventionnels, de même que leurs actions et le cadre du récit : ce n’est pas un roi qui est décrit mais le roi ; de même ce n’est pas une ville ou une forêt mais la ville, la forêt. Du côté des realia, ce n’est pas mieux. L’ouvrage en sanskrit le plus connu en Occident – on en a même fait un film ! – le Mahâbhârata, est le très long récit d’une guerre fratricide mais il est inutile d’y chercher quelque renseignement sur l’art du combat ou les techniques militaires : tout juste y est-il question des « pluies de flèches » qui s’abattent sur les combattants. Même quand ils parlent du monde et des gens, les textes sanskrits demeurent étrangement éloignés du réel. Il n’y a aucun ouvrage d’histoire humaine qui nous permette de reconstituer la vie ancienne. Il est symptomatique qu’aucun monument ancien civil ou militaire ne soit disponible, que n’ait été érigée aucune statue d’un Napoléon local, d’un bienfaiteur de l’humanité, d’un homme de lettres ou même d’un sage – sauf si, comme le Buddha, il est divinisé. Les rares renseignements proviennent incidemment des fables ou des pièces de théâtre (ou des récits des voyageurs étrangers). Cette tendance est ancienne. Dans le Véda, il n’y a presque aucun toponyme : comme les hommes, les dieux sont nomades, ils parcourent les espaces, ne fréquentent que temporairement des lieux anonymes, sans aucune spécificité ; même la visite des dieux ne leur donne aucune identité. La littérature a donc pour cadre des espaces indifférenciés, des lieux et des personnages conventionnels, le tout dans un temps indéfini. Ce manque d’ancrage dans un présent singulier fait que ces textes largement délocalisés demeurent constamment actuels. C’est leur manque d’enracinement qui assure leur universalité.

Il faut aussi souligner la difficulté générale de cette littérature : le sanskrit sous toutes ses formes a toujours été une langue d’érudits. Il nécessite la connaissance de l’héritage. En outre s’ajoute dans presque tous les domaines sa prodigieuse technicité. Par exemple, la poésie savante, le kâvya, d’une incroyable complexité, sans toujours échapper au maniérisme, défie la traduction. Partout le goût de l’ellipse, de la métaphore – les traités où l’on raffine sur la description des figures de style sont nombreux – l’ésotérisme et des canons de la beauté littéraire fort différents des nôtres nous rendent souvent incapables de goûter même en traduction les délices de l’original sauf à les ajuster plus ou moins à nos critères de goût. Souvent la concision et l’économie sont érigées en règles d’expression normales, tandis que la rupture de cette économie devient un principe d’exégèse ; parfois la poésie est systématiquement l’art de signifier le plus par le minimum de moyens. Cela pour dire que les traductions sont souvent impuissantes à rendre compte de la vraie nature de ces textes. Il ne faut donc pas confondre la beauté de la traduction avec celle des originaux. Il y a un moment où le traducteur se doit de dire au lecteur : « En fait, si vous voulez comprendre le texte, il vous faut connaître le sanskrit », une tâche de longue haleine.

Des traductions souvent impossibles

Il faut enfin remarquer que, s’il est légitime de traduire du français ou de l’anglais, cela l’est beaucoup moins du sanskrit. Cela ne tient qu’en partie à un fait de croyance, de foi : les brahmanes pensaient que les textes sanskrits sont sacrés et disent le vrai dans la mesure où ils sont énoncés en sanskrit. Il n’est donc pas étonnant qu’ils n’aient jamais pensé à traduire leurs textes sacrés et que les traductions sont le fait des bouddhistes, bien que depuis deux mille ans le sanskrit soit une langue seconde – et même troisième ou quatrième ! On n’est pourtant pas obligé de souscrire à l’idéologie des brahmanes. En fait le problème de la traductibilité ne tient pas au caractère sacré des textes – sacrés, ils l’étaient pour leurs utilisateurs, mais pas nécessairement pour un traducteur extérieur – ni à quelque propriété des textes qui serait ineffable dans nos langues : si les textes sanskrits demeurent dans une grande partie mal traduisibles, cela tient à ce que les auteurs s’expriment non seulement par le sens des mots – la seule partie d’un texte qui soit traduisible – mais aussi, et parfois surtout, par la forme du texte. Par exemple, l’intense et continue réflexion sur la langue du Véda ne porte pas sur le sens de ces textes – on ne s’y intéresse pas, ou peu, ou tardivement – mais sur sa forme. De même, le grammairien Pânini (Ve siècle avant J.-C. ?) écarte-t-il volontairement le sens des mots du champ de la grammaire. Son principal commentateur, Patañjali (IIe siècle avant J.-C. ?), remarque que si les mots sanskrits sont le soutien de l’ordre du monde, ce n’est pas par leur sens – les mots des autres langues diraient la même chose aussi bien – mais par la correction de leur forme. L’immense littérature grammairienne étudie les mots de Pânini et trouve dans leur structure, celle des syllabes, des lettres et même des silences du maître la matière d’un sens bien plus profond que ce qui est signifié par le sens des mots. Si Platon dispose les idées dans le ciel, les brahmanes y placent les formes des mots, sous l’aspect d’archétypes prélocutoires qui se manifestent différemment selon les niveaux du monde et les niveaux de conscience des locuteurs. Réduits à la simple traduction sémantique, les textes sanskrits pourtant les plus intéressants s’avèrent parfois bien décevants. Ainsi la première formule de l’œuvre du grammairien Pânini dit : « Les sons â, ai et au ont pour nom vriddhi, 'croissance' ». Rien là de bien extraordinaire ! Pourtant, l’examen des quatre syllabes de son énoncé original sont l’occasion pour son commentateur Patañjali d’une étude magistrale où se mélangent grammaire, philosophie et technique d’énonciation. Évidemment, si on se limite à la traduction des mots en ignorant leur structure formelle, on passe complètement à côté de l’essentiel. Cet art de cacher ce qui est vraiment dit dans l’énoncé, de multiplier des couches de sens, caractérise bien le sanskrit en tant que langue initiatique.

Quels en sont les ouvrages majeurs ?

Puisqu’il n’est question en quelques pages que d’évoquer la richesse de la littérature sanskrite, citons simplement quelques ouvrages majeurs. Choix subjectif mais aussi choix imposé par la tradition indienne qui a une vision hiérarchique des choses. Le plus haut s’avère être, on s’y attend, le plus ancien. Les hymnes védiques sont donc ce qui demeure d’une religion dont ignore la liturgie et les croyances. Que comprendrait-on du christianisme si l’on ne disposait que des Psaumes, du Cantique des Cantiques et de l’Apocalypse de Jean ? Littérature religieuse donc mais dont on ignore la religion. On soupçonne seulement que la religion védique vénérait… le Véda lui-même, qui plus qu’un texte est plutôt une bibliothèque. Le nom Véda, « connaissance », est un des nombreux noms donnés ultérieurement à l’ensemble de ces textes. On imagine toutes les confusions que ce nom a pu véhiculer, d’autant qu’il ne lui est pas exclusif. On connaît donc ces textes et comment, bien après leur composition, ils ont été religieusement utilisés ; et encore cette utilisation a-t-elle beaucoup varié avec le temps. Le Véda a aussi été une source d’inspiration littéraire. La différence entre ouvrages « littéraires » et « religieux » est souvent délicate à établir car, à partir du moment où le texte est beau, bien composé, ses auditeurs considèrent qu’il est d’inspiration divine. Ce qu’on entend dans les hymnes rassemblés en diverses anthologies – les Samhitâ ou « collections » – c’est une sorte de lyrique du verbe poétique. Des textes souvent étranges donc, des « œuvres frénétiques »[4], violemment poétiques : ce sont des sortes de délires verbaux d’un grand pouvoir d’expression en même temps qu’ils sont formellement raffinés, des délices pour les traducteurs. Indra, « divinité nationale des clans âryens », selon le mot de L. Renou, est le héros principal des hymnes guerriers où sont célébrées sa force et sa vaillance et où est évoquée, plus que racontée, sa geste fameuse quand il tua une sorte de démon.

« Moi, Indra, je n’ai jamais perdu la partie, la mort n’a jamais eu accès à moi. Broyant le soma, demandez-moi la richesse, ô Puru : dans mon amitié vous ne subirez pas de dam » (Rig-Veda-Sâmhitâ, X.48.5).

Pendant plus de trois mille ans, le lyrisme flamboyant de ces hymnes, souvent difficile à rendre en français, a servi de modèle : quand il s’est agi de dire la grandeur, les exploits des dieux divers qui se sont succédé en Inde, c’est vers les hymnes védiques que les poètes se sont tournés sans jamais dépasser leur étrange beauté ni même l’égaler. Avec eux contraste la langue sèche, astringente des Brâhmana, textes où se mêlent exégèse, réflexions théologiques et poétiques. Mais là encore prévaut le délire verbal : poètes et commentateurs sont comme des enfants qui découvrent la puissance infinie de leur langue. Ils célèbrent « les montagnes [qui à l’origine] étaient ailées ; volant au loin, elles se posaient où elles voulaient. Mais la terre vacillait. Indra leur coupa donc les ailes et assujettit la terre grâce à elles. Les ailes devinrent des nuées d’orages : c’est pourquoi celles-ci flottent toujours autour de la montagne. » (Maitrâyânî-Samhitâ, I.10.13).

Des problèmes mathématiques en langue poétique

L'intérêt pour la parole n’a jamais cessé parmi les brahmanes. La poésie, l’art des mots, ont toujours été sentis non comme un ravissant divertissement de l’esprit mais au sens originel du mot poésie, donc comme un pouvoir de création[5]. Dans toutes les disciplines, même les plus abstraites, la forme poétique n’est pas oubliée : c’est aussi sous forme de poèmes qu’on pose des problèmes mathématiques : « Un grand serpent noir, vigoureux, invincible, de trente-deux mains de long, entre dans un trou à la vitesse de sept doigts et demi en 4/14 de jour ; et dans le cours d’un quart de jour, sa queue grandit de deux doigts trois-quart. O ornement des calculateurs, dis-moi en combien de temps il sera entré entièrement dans le trou. » Voilà un antique problème de baignoire et de robinets ! La plus belle poésie nous semble avoir été la plus courte. À la manière de nos moralistes du XVIIe siècle, des auteurs ont composé des strophes par milliers du type : « La science qui est dans les livres est comme l’argent dans la main d’autrui : le temps de l’action vient-il que l’on n’a ni science ni argent »[6]. À côté de ces vers faciles aux idées communes, de véritables poètes ont illustré le genre. Un de ces maîtres fut Bhartrihari (entre les Ve et VIIe siècle) qui composa trois Shataka, « Centuries », très réussies : chacune est dédiée à un thème particulier très caractéristique des goûts de l’époque ; la première est consacrée à l’amour, la seconde aux affaires du monde et la troisième au dégoût du monde. Du premier recueil : « Tu étais moi, j’étais toi : telles furent nos dispositions à l’un et à l’autre. Aujourd’hui tu es toi, je suis moi ; comment est-ce possible ? » Bhartrihari illustre bien ce qu’est aussi devenu le sanskrit : une très belle langue littéraire vivante d’urbains raffinés. Le théâtre, la poésie de cour montrent que le sanskrit est alors une langue de culture dont l’emploi, au moins la compréhension, déborde le cadre statutaire des brahmanes. Dans le domaine du théâtre comme dans celui de la poésie lyrique ou héroïque, le grand nom fut Kâlidâsa (entre 200 avant J.-C. et 600). Sa pièce Shakuntalâ, pleine de délicatesse sans mièvrerie, d’élévation de la pensée sans lourdeur, fut traduite en 1789 en anglais et fut tout de suite connue de Goethe, puis de Nerval. Elle contribua pour beaucoup à la renommée du sanskrit en Occident. On continue à la jouer en Inde, le plus souvent dans les langues vernaculaires. Une inscription de 637 atteste qu’à cette époque, l’œuvre de Kâlidâsa était tenue au-dessus de tout. Cette période est en fait un des points culminants de la littérature sanskrite. À côté des œuvres proprement littéraires, toutes les sciences de l’époque fleurissent alors : l’astrologie, la mathématique, la métrique, l’alchimie, la médecine et bien sûr la grammaire. La langue des brahmanes est devenue, non sans transformation, la langue de tout ce qui compte en matière de pensée.

Le goût du trait bien présent dans ces courtes strophes contraste avec les immenses épopées. Le Râmâyana et le Mahâbhârata ne brillent pas vraiment par leurs qualités poétiques ni même par l’art de la narration. Leurs « vers » sont simples et ne relèvent pas vraiment de la poésie. Les récits, pleins de digressions didactiques, ponctués des noms des épithètes des héros et des dieux, manquent de vivacité et ne sont pas des chefs-d’œuvre littéraires. En revanche, on y entend battre le cœur de la pensée indienne : tous les problèmes sociaux, politiques, philosophiques, religieux y sont exprimés, en même temps que cryptés. Car les deux textes, s’ils sont rédigés par des brahmanes dont on ne connaît guère que les noms mythiques, ne sont leur sont pas destinés : les héros sont des rois, des guerriers et les récits résonnent de leur fureur guerrière. La plus longue de ces deux épopées, le Mahâbhârata, est l’histoire d’un sacrifice : en fait, la Terre, lasse de porter le poids des hommes, se plaint auprès des dieux, « les habitants du ciel » ; ceux-ci se décident pour une « descente » sur terre, précipitent la guerre universelle, organisent méthodiquement un carnage général. Parmi eux se détache Krishna, qui par son yoga, c’est-à-dire sa ruse, est le véritable instigateur de cette guerre d’apocalypse. Quand le récit se termine, tous les héros sont morts, la terre est soulagée et a retrouvé pour quelque temps la paix. Bien sûr, les digressions moralisatrices sont légion car on discute beaucoup avant de s’égorger : les mêmes qui se battent le jour discutent le soir entre des ennemis qui n’oublient pas qu’ils sont frères ou cousins. C’est dans cet océan de mots que se détache la Bhagavad-Gîtâ, texte repris ensuite par tous les maîtres et tiré dans toutes les directions spirituelles. Alors que Krishna n’a de cesse que de pousser son disciple au combat, certains commentateurs trouvent même le moyen de faire de la Gîtâ un texte de paix. C’est cette œuvre que les brahmanes contemporains voudraient voir ériger en une sorte de Bible hindouiste, laquelle n’a jamais existé.

Épopée, amours, politique...

Quant au Râmâyana, de forme un peu plus raffinée, il est, plus que son aîné, au cœur de la civilisation indienne : les amours du prince Râma et de Sîtâ, leur exil dans la forêt, l’enlèvement de Sîtâ par Râvana, Râma à la recherche de son épouse, le combat entre les armées de Râvana et de Râma, la répudiation par Râma de Sîtâ dont on peut soupçonner la vertu : autant d’épisodes que racontent les mamans à leurs enfants, mais aussi les sculptures sur les temples, les miniatures, les pièces de théâtre, les poèmes... C’est avec le Râmâyana – adapté dans les différentes langues indiennes – que les jeunes gens apprennent la vie traditionnelle. Les deux épopées ont alimenté la veine créatrice des auteurs dans des domaines différents, et notamment la littérature : l’histoire étant connue de tous, un homme de théâtre comme Bhavabhûti écrit une pièce sur « La dernière aventure de Râma ». Récemment, on a adapté les deux épopées en séries télévisées – très « tirées » en direction de l’Inde contemporaine – avec un immense succès populaire dont l’ampleur dépasse l’imaginable. Des hommes politiques ont bâti leur carrière sur le fait qu’ils avaient incarné Râma au cinéma. Remarquons que ces épopées sont des gestes guerrières ; l’Inde n’a jamais été en fait le pays de la non-violence sauf dans les esprits des ascètes retirés du monde et dans les rêves sucrés des Occidentaux en mal de modèles exotiques ! Les héros sont des princes conduits à faire des actes violents : morale, politique, comportements, tout est discuté – sans que le récit devienne jamais philosophique. Quant aux femmes, c’est-à-dire aux épouses, elles ne sont pas écartées ou subordonnées. Les épopées leur donnent un rôle important et Sîtâ, Savitrî, ou Dâmayantî ne sont pas de pâles doublures de leur mari-héros mais bien des figures attachantes, de véritables héroïnes.

Le domaine politique est bien investi. Car c’est un brahmane qui devait être le chapelain personnel du roi – les rois n’avaient aucune dimension religieuse ; les mantrin, « conseillers » – le mot exporté en Chine nous est revenu sous forme de « mandarin » et de « mandarine » ! – étaient généralement des brahmanes. Le maître-ouvrage, en même temps que nom de la discipline, est l’Arthashâstra, l’« Enseignement du profit ». L’artha est, avec le dharma, « devoir, loi » et le kâma, « amour », un des trois principaux objets de l’activité humaine dans et pour le monde. L’œuvre (entre 300 avant J.-C. et 300) attribuée à un certain Kautilya, le « Retors », couvre tout le champ de l’activité du roi en tant que celui-ci, par tous les moyens, s’efforce à la puissance pour conquérir les royaumes voisins et la terre entière. Le texte explique comment le roi qui incarne le châtiment fait de l’usage méthodique de la violence le moyen d’assouvir sa passion de conquérant : la paix quand on est faible, la guerre quand on est fort, les alliances et la traîtrise, l’usage judicieux du poison pour se débarrasser de ses ennemis, des prostituées pour connaître l’état de l’opinion, des fausses nouvelles pour extorquer aux crédules l’argent nécessaire, des espions dormants qu’on place chez le voisin… De la même manière que la politique, les considérations sur l’organisation de l’État et l’économie n’ont d’autre dessein que d’accroître la puissance du roi. L’Arthashâstra est unique par son ampleur et les traités ultérieurs n’ont fait que reprendre sa matière. Disséminés dans les épopées ou les fables, une foule de préceptes corrobore ce que dit déjà l’Arthashâstra : « Grâce à la confiance qu’inspire la paix, je ruinerai les entreprises de l’adversaire par des méthodes régulières, des méthodes secrètes et des espions » (Arthashâstra VII.1). L'œuvre est théorique et systématique : il ne faudrait pas voir en l’Arthashâstra la description d’un État ou d’un roi de réalité. Pourtant l’état de guerre constante qu’ont connu les États indiens pendant les deux mille cinq cents ans où leur histoire est suffisamment connue, la disparition rapide des royaumes et des dynasties montrent que l’Arthashâstra était en prise directe avec les mœurs politiques indiennes. Le dynamisme de cette civilisation est en partie incarné dans un tel texte et forme un bon antidote à la vision occidentale récente de l’Inde, généralement « mystico-sucrée » en même temps que misérabiliste. Celle-ci tient au fait qu’aux XVIIIe et XIXe siècles les brahmanes ont d’abord présenté aux Occidentaux des ouvrages de religion comme les Upanishad ou la Bhagavad-Gîtâ. Si l’on n’avait montré à des voyageurs indiens que les œuvres de Pascal, de Descartes ou Malebranche, quelle image se seraient-ils formé de la France ? Par ailleurs, il ne faut jamais oublier que les textes sanskrits ne reflètent vraiment que la vision des brahmanes, ou de leurs émules bouddhistes ou jaina, et que l’on ignore celle des autres couches de la population qui n’étaient pas, comme les brahmanes, astreints à un devoir de parole et de mémoire.

Les romans n’ont pas été tellement pratiqués et, quand ils sont en vers, leur technicité empêche leur lisibilité. En revanche, on trouvera beaucoup de plaisir à la lecture des fables et contes dont il existe de bonnes traductions en français. Écrits dans une langue sans prétention mais parfois alerte, on y rencontre des sages qui ne sont pas nécessairement des brahmanes, des moines bouddhistes qui ont oublié la compassion, on s’y moque avec verve des penchants et des travers d’une humanité dans laquelle il est facile de se reconnaître. C’est le chacal qui joue le rôle de notre renard. On y reconnaît bien nos classiques : « Mais je suis vieux, et je n’entends pas bien de loin la teneur de vos discours. Sachant cela, tenez-vous près de moi et expliquez votre affaire devant moi, afin que je connaisse la vérité du procès et qu’en prononçant la sentence je ne perde pas le ciel » dit un chat à un moineau et à un lièvre… De plus les récits sont souvent bien menés et le sanskrit trop souvent empesé dans des conventions trouve là l’occasion de jouer aux langues vivantes : il y a même de l’humour, chose rare en sanskrit. La Vetâlapañcavimshatikâ connue sous le nom de « Contes du vampire » est un bon exemple. Beaucoup de ces fables ont traversé le temps et l’espace et de nombreuses fables de La Fontaine trouvent leur motif originel dans des fables indiennes, le Pañcatantra, « Les Cinq Traités », notamment. Plus que dans les ouvrages réputés sérieux, on y saisit sur le vif les comportements et les mentalités des hommes tels qu’ils furent. S’il en est ainsi, c’est que leurs destinataires étaient souvent les futurs rois, les « princes » et que leurs précepteurs se devaient de leur apprendre plaisamment le cours réel des choses du monde. Les fables étaient censées enseigner au prince son futur métier de roi.

...et textes de loi

L’organisation de la société a suscité constamment l’attention normative des brahmanes. Cette réflexion générale a formé une branche majeure de la littérature indienne, en sanskrit particulièrement. Le Mânavadharmashâstra connu sous le nom de sa traduction, « Les Lois de Manu », (vers le premier siècle de notre ère) est le nom en français de l’ouvrage technique le plus connu. Rien de législatif en fait mais une somme concise des règles civiles et religieuses, un manuel de savoir-vivre destiné à de sévères brahmanes et au roi. L’œuvre se présente surtout comme un recueil de maximes qui ont fait l’objet d’une masse de commentaires et d’interprétations. Cosmogonie, éloge du châtiment, explications concernant la destinée personnelle, le karman, l’existence des castes, les devoirs qui s’attachent à elles. Voici une maxime concernant le devoir de vérité propre aux brahmanes :

« Il faut dire le vrai, il faut dire le plaisant, il ne faut pas dire le vrai déplaisant ; ne pas dire le faux plaisant : telle est la Loi éternelle » (Manu IV.138)[7].

On trouvera à la lecture des Lois de Manu, seul ouvrage de ce genre facilement disponible en français, celui devant lequel s’émerveilla Nietzsche – pas toujours pour de bonnes raisons ! – non pas une réflexion sur « les problèmes de société » mais une présentation d’une société idéale, laquelle n’a jamais existé que dans l’esprit normatif de son auteur. Ne nous attendons pas pour autant à une mièvre utopie : à bien des égards, les valeurs et les fonctionnements de cette société choquent notre sensibilité. Rappelons-nous que les textes sanskrits parlent des normes et non de la réalité des choses : la tension a toujours été là entre le vrai normatif et le réel, entre le vrai qui donne sens au réel et le réel têtu qui a pour lui d’exister. Toujours les textes ont su dire le devoir-être, le devoir-faire des hommes puis ont su trouver toutes sortes de raisons pour expliquer non seulement que les hommes ne peuvent mais aussi ne doivent pas respecter ces normes. L’ouvrage de Louis Dumont, Homo hierarchicus, explique très bien certaines des facettes de cette idéologie.

N’imaginons pas que le sanskrit ait été réservé à une haute littérature passablement ennuyeuse : la littérature sanskrite, comme la sculpture des temples, a su aussi célébrer la vie avec passion. La pudibonderie de l’Inde contemporaine tient en partie à l’influence de l’islam dominant dans le Nord depuis l’an mille. Il n’est qu’à voir les vêtements portés avant le Xe siècle que l’on retrouve sur les quelques fresques qui subsistent à Ajanta ou Ellora : hommes et femmes y sont très légèrement vêtus, parés plus que vêtus parfois. La lyrique de l’amour divin n’est jamais séparée de celle de l’amour humain. Nombreux sont les poèmes d’amour enflammé d’un extrême raffinement. Du Naishadhacarita de Harsha (VIIe siècle) cette strophe où Nala parle à la belle Damayantî qui a perdu la mémoire de son aimé mais non de son amour : « Je commençais par la bouche, et de baiser en baiser j’arrivais au nombril. J’en voulais davantage. Mais cette partie de toi où tu ne m’as pas laissé mettre les lèvres, que la mémoire la baise, plus fortunée que moi ». L’érotique n’était qu’un aspect du kâma, un des trois objets d’activité humaine et l’on ne confondra pas ce kâma, « amour » avec le seul sexe. Il suffit de lire le classique du genre, le Kâma-Sûtra pour s’en persuader. Voilà bien une œuvre étonnante qui est beaucoup plus qu’un art de la polissonnerie auquel on veut parfois l’assimiler. On y trouve exacerbé l’amour des classements, des règles, des étiquettes, tous les travers de la volonté normalisante des brahmanes. Mais aussi quel texte admirable ! On n’a guère de chance, en Inde et ailleurs, de rencontrer une femme telle qu’elle est décrite dans l’ouvrage, bien sûr experte dans les arts amoureux mais aussi artiste, femme de lettres, d’esprit, de science, un peu à la manière des grandes courtisanes de la Renaissance italienne ou des geishas japonaises. On peut bien douter que de telles femmes aient jamais pu exister dans l’Inde même ! Signalons que les gravures dont généralement on orne les traductions de ces ouvrages pour appâter le client datent en fait des XVIIe ou XVIIIe siècles et relèvent d’une tout autre esthétique. Car le Kâma-Sûtra date peut-être du Ve siècle de notre ère.

Il n’est pas question de donner en quelques lignes un aperçu des exposés philosophiques rédigés en sanskrit. Le discours philosophique ne se prête pas aux citations sauf à se satisfaire de formules qui, sorties de leur contexte, ont la portée que le lecteur leur attribue. Le débat philosophique indien n’a pas la même orientation que celui des Grecs, Héraclite, Platon, Aristote, qui sont à l’origine de notre philosophie. La comparaison entre les uns et les autres aboutit à la découverte qu’il n’y a pas de « vraie » ou de « pure » philosophie en Inde ; ce qui est vrai et l’est d’autant plus si l’on accepte de voir qu’il n’y a pas à l’inverse de « vrai » ou de « pur » darshana en Occident ! Inde et Occident pêchent, l’un et l’autre, à cet égard et à beaucoup d’autres, par nationalisme et ethnocentrisme. Laissons cela de côté. La « philosophie » commence en Inde quand on se donne pour but de sortir du dharma, du devoir, lequel est un « devoir-être dans le monde ». Et la quête de ces philosophes indiens est orientée vers la sortie du monde. Le suicide serait la solution s’il s’agissait pour ce corps de la sortie de ce monde. Mais ce qu’ils recherchent, c’est de ne plus renaître, d’échapper définitivement au cycle sans début des naissances et des morts, d’échapper à l’acte qui, nourrissant la vie, ensemence les vies futures. Il s’agit d’échapper à la matrice. Pas question de connaître pour agir sur le monde : sauf dans les deux derniers siècles, jamais il n’est venu à l’esprit des penseurs indiens que le monde devait ou même pouvait être changé car ses lois sont ce qu’elles sont et ne sont pas susceptibles d’évoluer. Les différents diagnostics posés sur la nature du monde vont dans ce même sens : le « philosophe » le plus important, Shamkara (entre 650 et 800) considère le monde comme avidyâ, « ignorance », « nescience » ou même comme mâyâ, « illusion » : se donner pour tâche de changer le monde, c’est-à-dire l’ignorance ou l’illusion, ou de l’améliorer, est précisément de la nature de l’ignorance ou de l’illusion. Connaître le monde n’a d’ailleurs pas d’intérêt : à quoi servirait de connaître l’ignorance ? Tous ces philosophes acceptent le monde tel qu’il est, en pensant au mieux – si même ils s’y intéressent ! – qu’il ne peut être autre que ce qu’il est, mais qu’on peut y être mieux : se changer plutôt que changer le monde en somme. Mais même cela, qui plaît à l’Occident, est très minoritaire. En pratique, toutes les pensées « philosophiques » sont sotériologiques, c’est-à-dire qu’elles se conçoivent comme un projet de libération personnelle : tous les maîtres veulent changer de monde et non changer le monde. Les différences et les débats passionnés portent sur la méthode : le recours à Dieu est-il possible, nécessaire ? La dévotion est-elle efficace ? Y a-t-il des préalables dans le mode de vie – non-violence, véracité, chasteté – ou dans le statut ? La délivrance définitive est-elle réservée aux seuls brahmanes ? Est-elle possible seulement après la mort ou déjà dans cette vie ? Voilà la matière des débats où se sont illustrés les plus grands : le Buddha mais on ignore quelle fut l’exacte nature de son enseignement, surtout Nâgârjuna, Patañjali – l’auteur du Yoga-Sûtra, « Aphorismes sur le Yoga » – ou Shamkara, l’auteur de nombreux commentaires dont le Brahma-Sûtra-Bhâshya, « Commentaire sur les Aphorismes sur le Brahman », dont la philosophie a fini par devenir l’orthodoxie. Textes admirables rédigés exclusivement pour une toute petite minorité d’ascètes car il n’est pas dans le statut de cette « philosophie » d’être dite au plus grand nombre. Tous leurs auteurs considèrent sans même en débattre que la connaissance, pour qu’elle soit efficace, doit être dévoilée à ceux qui par statut et par effort sont à même de la recevoir et de la comprendre. Celui qui dévoile est le maître, le guru, mot qui malheureusement est maintenant chargé en Occident de valeurs plutôt négatives. Les textes sont leurs enseignements, énoncés oralement, confiés ensuite à la mémoire plus ou moins fidèle des disciples, puis tardivement écrits et récemment imprimés. Environ six mille ouvrages dont émergent quelques œuvres extraordinaires sans cesse reprises et commentées ultérieurement. À Patañjali, Nâgârjuna et Shamkara, ajoutons pour le plaisir de citer leurs noms Bhartrihari, le spécialiste de philosophie grammaticale, homonyme de l’auteur des Shataka, et Mandana Mishra qui tranche avec les autres parce qu’il n’est pas un ascète mais un simple maître de famille.

Ne nous abusons pas : ces textes, leur raison d’être, leurs destinataires, sont très loin de nous et de nos préoccupations et ils étaient, dans une très grande mesure, étrangers aux valeurs nécessairement mondaines qui animaient la vie et les passions indiennes.

Ces quelques pages qui ont trop l’air d’un tour d’horizon n’ont d’autre but que de susciter de l’intérêt pour une langue et une littérature encore largement ignorées par l’Occident ou connues en fonction des intérêts souvent réducteurs des Indiens ou Occidentaux contemporains. À part la physique et l’histoire, tous les domaines sont bien représentés, y compris celui des sciences exactes. Certes la plupart des aspects de ces « sciences » ou « savoirs » ont été dépassés aujourd’hui et relèvent de l’histoire des sciences. Au demeurant, l’esprit scientifique, sauf peut-être dans le domaine de la grammaire dans ses débuts, est inconnu en Inde, comme ailleurs, ce qui n’a pas empêché l’Inde d’inventer le zéro mathématique et de disposer, comme d’autres civilisations non scientifiques, de techniques efficaces. Dans le domaine des doctrines philosophiques et religieuses, il serait illusoire d’imaginer tous les maîtres communiant dans la sérénité des humeurs calmées par la méditation : les passions furent violentes, les débats incessants et les plus grands des maîtres ont eu la dent dure. Dans cette littérature, on trouvera donc de tout. Sans modestie – le sanskrit n’est pas une langue modeste ! – le Mahâbhârata prétend lui-même être la somme de tout ce qui est : « Tout ce qui est ici existe ailleurs et ce qui n’y est pas n’est nulle part ailleurs ».

Il reste que, en fonction d’un destin très particulier, le sanskrit servi par des générations de brahmanes et d’érudits a surtout été le véhicule des aspirations des hommes vers le plus haut : or celles-ci n’ont jamais vraiment changé si elles prennent sous ces tropiques une forme spécifique ; elles demeurent d’actualité aujourd’hui. Parce qu’ils étaient indiens, les brahmanes nous font comprendre les faits majeurs de la civilisation indienne ; parce qu’ils n’étaient pas seulement indiens, ils nous adressent à travers les âges des mots de toujours et les lecteurs, s’ils s’en donnent la peine, y trouveront bien du plaisir et de l’intérêt. Et si la littérature sanskrite a connu son lot de maîtres en certitudes, elle a aussi érigé l’incertain et l’interrogation comme les expressions mêmes de l’ultime :

« Cette création, d’où elle est issue,
Si elle a fait l’objet ou non d’une institution,
Celui qui surveille ce [monde] au plus haut firmament,
Lui seul le sait ; à moins qu’il ne le sache pas ».

(Rig-Véda-Samhitâ X.129.7)

 

[2] Pour une présentation plus complète, cf. le chapitre consacré à la littérature dans M. Angot, L’Inde classique, Les Belles Lettres, Paris 2001.

[3] C’est par facilité que l’on dit "écrire". En fait le sanskrit fut une langue à la fois orale et savante. On devrait dire "composer" ou "énoncer".

[4] Expression de L. Renou p. 13 de Die Sprache "Langue et religion dans le Rgveda : quelques remarques", 1949, p. 11-17.

[5] Le mot poésie vient du grec poiêsis 'création'.

[6] Pustakasthâ ca yâ vidyâ parahaste ca yad dhanam / kâryakâle samutpanne na sâ vidyâ na tad dhanam. Stance célèbre citée selon O. Böhtlignk, Indische Sprüche, n° 5156, 1870. Traduction littérale: « Le savoir qui est dans un livre et l’argent qui est dans la main d’autrui / quand vient le temps de s’en servir, ce n’est pas un savoir, ce n’est pas de l’argent ».

[7] Satyam brûyât priyam brûyân na brûyât satyam apriyam / priya~ ca nânritam brûyâd esha dharmah sanâtanah.

 

Michel Angot
avril 2002
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