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Catharisme et cathares en Languedoc

Jean-Louis Biget
Professeur émérite d'histoire du Moyen Âge à l' École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud

Une dissidence religieuse, qui a pris naissance et s'est développée dans le Languedoc au XIIe siècle, a tenu dans l'histoire de la chrétienté et dans l'histoire de la France une place considérable. À partir de 1233, elle a été combattue par l'Inquisition pontificale. Ces faits, considérés actuellement, assurent aux « cathares » un important capital de sympathie. Ils ont été promus héros emblématiques du combat pour la liberté et de la résistance à l'oppression. Toutefois, malgré sa vulgarisation, voire sa banalisation, l'histoire de cette dissidence n'est pas aussi bien connue qu'on pourrait le croire...

Une histoire mal connue

La première cause de cette méconnaissance réside dans le fait qu'il n'existe pratiquement pas de sources directes sur cette dissidence. L'information qui la concerne a été produite par ses adversaires, qu'il s'agisse d'œuvres polémiques, comme le traité d'Alain de Lille (composé vers 1190-1195) et celui de Durand de Losque (écrit vers 1220), ou de manuels élaborés par les inquisiteurs et d'actes de procès instruits par eux. Cette documentation est fatalement déformante.

Une seconde raison vient de ce que l'histoire de la dissidence méridionale a été l'objet de combats très vifs dans la suite des temps. Dénoncée par les catholiques comme diabolique, anarchiste et nihiliste, elle a été, au contraire, louée par les réformés comme l'expression de la vraie foi. Ses adhérents ont été considérés par les anticléricaux comme des martyrs exemplaires du fanatisme religieux, et par les républicains comme les victimes de la monarchie associée à l'Église. Aujourd'hui, elle est souvent présentée comme l'une des composantes de la personnalité régionale du Midi toulousain, l'incarnation d'un passé perdu, en même temps que d'un Moyen Âge méridional idyllique, préfiguration d'un futur souhaité de tolérance, de culture et de démocratie.

La naissance du catharisme

Pour bien saisir « le phénomène cathare », il faut d'abord comprendre que l'hérésie n'est pas une donnée totalement extérieure à l'Église et que leurs histoires, affrontées, participent d'un même mouvement. L'institution ecclésiale se définit et s'affirme par rapport à des aspirations spirituelles, qu'elle rejette dans la marginalité et la dissidence, puis condamne comme hérétiques.

Jusqu'au XIe siècle, l'Église occidentale demeure une fédération d'Églises provinciales. Elle ne s'unifie et se centralise fortement, en se rassemblant autour du souverain pontife, qu'après 1050, au cours de la réforme dite « grégorienne ». Celle-ci opérée, la défense de l'unité de foi et la menace de l'hérésie constituent un des leviers de ce processus d'unification, lui-même générateur de dissidences qui se multiplient dans la chrétienté latine. Ces dernières sont dès lors présentées comme une entité unique, l'« hérésie », effet de perversions diaboliques et orientales anciennes : l'arianisme et le manichéisme, relayés dans les Balkans par les bogomiles et les Bulgares. Ce discours de combat aboutit à l'idée d'une contre-Église universelle, organisée sur le modèle de celle de Rome et mettant en danger le salut de l'humanité. Ce portrait de l'hérésie, dessiné avec sincérité par ceux qui l'ont établi, travestit la réalité objective ; on ne saurait tenir pour vraie, comme le font encore trop d'historiens, cette construction « idéologique » des XIIe et XIIIe siècles. Notons à cet égard que conférer l'appellation générique de « catharisme » à des dissidences écloses en des régions éloignées les unes des autres et à des périodes diverses entretient l'illusion d'une unité religieuse et organique de « l'hérésie », qui n'a jamais existé dans les faits et qui fausse toutes les perspectives. Cet usage, instauré depuis une quarantaine d'années seulement, n'a aucune justification historique. À partir de 1209, les dissidents du Midi ont été désignés par les croisés sous le nom d'Albigeois ; quant aux inquisiteurs, ils n'emploient que le terme d'hérétiques.

Il n'est pas davantage exact de chercher des origines lointaines à une dissidence qui s'inscrit très clairement dans le prolongement de la réforme ecclésiastique du XIe siècle, fondée sur le retour à la vie évangélique. Le catharisme – gardons le terme par commodité d'emploi – n'est pas un corps de doctrine constitué dès l'origine pour gagner les esprits. Il s'élabore progressivement, à partir d'un évangélisme radical, que certains des clercs, initialement sans doute, opposent à l'Église en tant qu'institution, et aux prêtres, soutenant que seul un comportement conforme à l'Évangile fonde la vérité. Au cours de ces polémiques, et par une logique déductive implacable, il en résulte une longue chaîne de rejets : ceux des ministres du culte, des sacrements qu'ils délivrent et enfin de la doctrine qu'ils professent. Une lecture fondamentaliste du Nouveau Testament aboutit à une dichotomie radicale entre le royaume de Dieu, perfection absolue, et le monde de la terre et de la chair, corruptible et éphémère, tout entier œuvre du diable, l'Église romaine comprise. Ce dualisme trouve également à s'alimenter dans le christianisme roman, qui fait une large place aux démons, dans la spiritualité monastique, fondée sur le mépris du monde et l'ascèse corporelle, et dans la réflexion théologique du XIIe siècle. Il apparaît comme la radicalisation scolastique de l'antagonisme entre le Bien et le Mal et pose une antinomie ontologique entre Dieu, parfait, infini, éternel, et l'univers sensible, fini et imparfait. Le dualisme n'est donc pas le principe du catharisme, il n'en est qu'un aspect secondaire.

Un christianisme né dans les élites

Les cathares appuient leur foi sur la Bible, à l'exclusion de toute autre source. Leur oraison est le Notre Père. Toutefois, leur doctrine du salut est très éloignée de l'orthodoxie. Leur théologie met en avant l'Esprit et la Pentecôte, plutôt que le Christ de la Passion. Pour eux, celle-ci n'a eu lieu qu'en apparence, Jésus n'ayant pu revêtir une tunique de chair qui l'aurait soumis au démon. L'Eucharistie n'est pas davantage concevable. La Rédemption, le salut ne viennent que du « baptême d'Esprit et de feu » que confère le clergé des Bonshommes, ainsi nommés car ils sont porteurs de l'Esprit, lo Be en occitan. Ce baptême, dit consolament, consolation, puisqu'il consiste dans la réception de l'Esprit Paraclet, est également sacrement d'ordre pour les adultes en pleine force auxquels il est administré, et sacrement de pénitence absolutoire pour les mourants. Ceux qui l'ont reçu gagnent la lumière de l'univers divin ; les autres reviennent sur terre, pour avoir une chance nouvelle de mener une vie digne, conforme aux préceptes de l'Évangile et de bénéficier du baptême salvateur. Dans cette eschatologie, il n'y a de place ni pour le Jugement dernier ni pour l'Enfer, puisque l'au-delà n'est que perfection. Le catharisme conjugue au pessimisme pour l'immédiat un espoir immense pour l'éternité : tout le monde, finalement, sera sauvé.

Cet optimisme pour les derniers jours et le baptême in extremis qui lave de toutes fautes, – si l'on a suivi les prescriptions du Christ –, constituent, à coup sûr, des facteurs de promotion très large que l'Église ne leur offre pas à ce moment. Un autre trait de sa modernité est qu'il offre à ses fidèles un contact direct avec la parole du Christ, énoncée en langue vernaculaire, et une prédication construite, persuasive, adaptée, ainsi qu'une sociabilité religieuse faite de rencontres en petits groupes.

À cette évocation, très sommaire, des origines et des caractères du catharisme, on saisit qu'il s'agit d'une religion à la fois savante et appropriée à de nouvelles demandes, écloses dans les élites, qui rejettent la passivité où les cantonne le rituel liturgique pour une approche plus directe et plus personnelle de Dieu. Il est donc assez logique que le catharisme ne recrute que parmi les notables. On connaît bien, pour le Languedoc, les cathares d'un long XIIIe siècle, du moins ceux qui figurent dans les registres des inquisiteurs, soit environ quarante mille. Parmi eux, on trouve très peu de paysans, ni aucun des prolétaires qui composent 40 % de la population des villes. Apparaissent seulement des marchands, des hommes de loi et des notaires, auxquels se joignent beaucoup de petits nobles, habitant les cités ou bien les bourgs et les châteaux. Quoi qu'on en ait dit, la religion cathare n'engendre aucune rupture sociologique ; elle n'est pas un facteur de transformation sociale. La sociabilité cathare épouse des structures qui lui préexistent et qui la modulent, tout particulièrement celles de la famille, et le catharisme ne transcende nullement les clivages sociaux : ils persistent en son sein, même à l'occasion des cérémonies liturgiques. Les hiérarchies traditionnelles s'y expriment, les femmes y restent dans une position subordonnée.

L'adhésion des élites à la dissidence tient à plusieurs raisons. D'abord des raisons culturelles et anthropologiques : essor du personnalisme, du raisonnement, maîtrise de la lecture, de l'écriture, souci d'un contact individuel avec la parole de Dieu sans la médiation des prêtres. Ensuite une situation existentielle difficile : du fait de facteurs variés, dont le principal est l'absence de droit d'aînesse, la petite aristocratie méridionale se paupérise et se trouve menacée de déclassement social ; la constitution d'États princiers, ceux des comtes de Toulouse et ceux des vicomtes d'Albi, Carcassonne et Béziers – la famille des Trencavel –, la place en situation de dépendance accentuée. Quant à l'élite de la richesse commerciale, elle n'est pas reconnue socialement – la fortune mobilière a mauvaise réputation dans un monde de terriens – et les bourgeoisies urbaines, politiquement brimées, ne réussissent pas, au XIIe siècle, à conquérir le pouvoir dans les villes. Leur mal-être porte assez naturellement ces milieux vers le catharisme, qui refuse toute valeur au monde, à l'Église et à la société, et dont le clergé mène une vie exemplaire.

De la répression...

Son caractère élitiste en fait une religion minoritaire, concernant au plus entre 2 et 5 % de la population languedocienne. Cette faiblesse numérique et son absence de tout caractère populaire favorisent sa disparition rapide, quand la répression s'abat sur lui, laquelle prend deux formes successives : la croisade et l'Inquisition.

Le meurtre du légat pontifical, Pierre de Castelnau, en janvier 1208, correspond à une mise en cause radicale du pouvoir du pape. Innocent III prétend soumettre les princes à son autorité – principe théocratique contesté à la fois par les rois de France et d'Angleterre et les villes italiennes. Il cherche depuis longtemps à étendre le magistère de Rome sur l'Église et les grands seigneurs du Midi toulousain. Ayant supporté l'échec de la quatrième croisade, détournée vers Byzance, il pense que la reconquête du tombeau du Christ passe par l'élimination du chancre de l'hérésie en Occident. Il  déchaîne donc la croisade en pays chrétien, fait inouï, mais parfaitement logique. L'efficacité spirituelle de cette dernière s'avère totalement nulle. On le voit dès que s'affirme le reflux des croisés, en 1216 : s'ouvre alors la plus brillante période du catharisme occitan...

L'Inquisition est bien plus redoutable. L'établissement de cette juridiction, appliquée uniquement à l'hérésie et relevant exclusivement du pape, participe de l'affirmation du pouvoir pontifical évoquée plus haut. Innocent III, le premier, par la bulle Vergentis in senium fulminée en mars 1199, définit l'hérésie comme un crime de lèse-majesté divine, ce qui revient, en corollaire, à qualifier d'hérésie toute atteinte à l'autorité du vicaire du Christ. Grégoire IX, en établissant l'Inquisition, s'ouvre une possibilité d'intervention en tous lieux, au prétexte de la défense de la foi. Le système, établi d'abord en Italie contre l'empereur Frédéric II et ses alliés, est étendu à la France en 1233.

Mise en place pour préserver le salut et la vie éternelle des chrétiens, l'Inquisition anéantit largement les prérogatives judiciaires des seigneurs et des consulats urbains, qui s'opposent à elle. Par là, le combat contre l'hérésie la nourrit un temps, et même en provoque une dernière flambée, entre 1280 et 1305, à Carcassonne et Albi notamment.

L'Inquisition substitue à la procédure accusatoire publique une procédure d'office totalement secrète, à huis clos et sans avocat. Malgré ses aspects arbitraires, elle offre autant de garanties que les justices traditionnelles, qui soumettent les accusés à une présomption de culpabilité et les obligent à subir l'épreuve, fort aléatoire, du fer rouge, ou d'autres de même style, pour prouver leur innocence. Les enquêtes fouillées et exhaustives des inquisiteurs laissent ses chances à l'accusé, s'il n'est pas coupable, et les faux témoins encourent la prison perpétuelle. L'Inquisition prononce cependant des châtiments sévères : la remise au bras séculier – c'est-à-dire le bûcher –, la prison, qu'elle instaure comme peine afflictive, le port de signes infamants – des croix, homologues à la rouelle des juifs. Elle recourt à des techniques modernes : elle se constitue une mémoire écrite, fortement structurée, avec des répertoires commodes, révolution analogue à celle de l'informatique.

Non seulement juge, mais aussi confesseur, l'inquisiteur aime obtenir du prévenu un aveu qui ouvre la voie au repentir, à la pénitence et au salut. Pour l'obtenir, il utilise la pression carcérale, et, le cas échéant, la torture, autorisée par Innocent IV à partir de 1252. Celle-ci, pratiquée dans toutes les juridictions séculières, n'est pas spécifique de l'Inquisition et s'inscrit dans la logique de la lèse-majesté divine. Ce crime horrible doit être reconnu et purgé. S'il n'est pas exclu que des aveux dictés par les inquisiteurs aient été extorqués à quelques témoins, le cas semble rare.

Il est difficile de dresser le bilan de l'Inquisition. Elle a sans doute fait brûler moins d'accusés que les croisés. À Albi, par exemple, pour l'époque 1286-1329, elle a identifié deux cent cinquante cathares et n'en a condamné que 6 % (environ 0,2 % des Albigeois de la période). Mais, à la différence de la croisade qui rend solidaires tous les habitants d'une ville assiégée, l'Inquisition, isolant des familles et des individus, déstabilise les noyaux de l'oligarchie et vient rompre les solidarités. À cet égard, il convient de ne pas s'abuser quant aux actes de foi, cérémonies pénitentielles au cours desquelles sont prononcées les condamnations : ce ne sont probablement pas des moments d'affliction générale et de terreur ; cette liturgie de pénitence marque un retour à l'ordre, à l'harmonie, la fin d'une fracture. Elle est ressentie comme une purification de la communauté chrétienne, la restauration de son Alliance avec Dieu.  Effaçant le crime horrible de l'hérésie, résorbant les différences par l'exclusion ou le retour au bercail des brebis galeuses, elle renouvelle d'autant mieux la cohésion de l'assistance qu'elle lui paraît une garantie de vie éternelle. Cérémonies du triomphe de l'Église qui retrouve son unité, les actes de foi sont des fêtes où s'exprime la liesse d'un peuple, dont l'identité s'affirme par opposition à ceux qui sont châtiés. Il convient, pour bien comprendre ces faits, de ne pas transporter – avec anachronisme – le rejet du totalitarisme qui caractérise l'époque contemporaine.

L'Inquisition, bien sûr, ne pourrait rien sans l'appui constant des pouvoirs temporels. En Languedoc, elle bénéficie du soutien sans faille de la monarchie capétienne, dont elle favorise l'installation en ruinant les pouvoirs antérieurs et en établissant l'unité religieuse.

... au déclin

L'Inquisition a-t-elle vaincu le catharisme ? En contraignant le clergé cathare à la clandestinité et à l'exil, en rendant son renouvellement difficile, elle a sans doute contrarié sa survie, mais elle ne l'a pas fait disparaître. Ce serait, au demeurant, le seul cas dans l'histoire où la violence aurait, sans génocide, triomphé d'une foi. Dans le cas du Languedoc, bien d'autres facteurs ont joué : l'implantation de la dynastie capétienne, le déclin de la petite chevalerie – qui ne peut survivre qu'en s'engageant au service du roi – ce qui implique son retrait de l'hérésie, et la promotion du patriciat urbain par les offices de la monarchie, qui a besoin de spécialistes du droit, de l'écrit et de la finance. Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, l'hérésie perd sa base sociale, d'autant que les milieux porteurs du catharisme font l'objet d'une reconquête pastorale par les ordres mendiants – lesquels, empruntant à bien des égards la voie ouverte par les Bonshommes : ascèse, simplicité de la prédication, parole d'échange et non plus d'autorité, répondent aux demandes spirituelles ayant contribué à l'essor de l'hérésie. Ils mettent en place de nouvelles modalités de la pénitence, qui perd son caractère public ; les obligations des fidèles échappent désormais à la contrainte externe et se déplacent du plan social à la conscience individuelle ; le prêt à intérêt et les pratiques marchandes s'en trouvent facilités. L'insistance mise sur le purgatoire ouvre à tous la possibilité d'un rachat et l'espoir du salut, d'autant que la doctrine de l'Église s'assouplit pour mieux épouser le mouvement de l'économie. Enfin, la théologie positive, qui valorise la nature et le monde, correspond mieux à la situation concrète des élites ayant longtemps adhéré à la dissidence que le pessimisme des Bonshommes niant la validité de l'univers visible. Cette pastorale, bien accordée à la société nouvelle, les ramène à l'orthodoxie ; elle joue un rôle très supérieur à celui de la répression inquisitoriale dans la réduction du catharisme, résiduel dès 1270.

Instrumentalisation et médiatisation

La question cathare, examinée sans passion, en tenant compte, hors de tout préjugé, des données culturelles, spirituelles et sociales des XIIe et XIIIe siècles et de leur évolution, diffère sensiblement de la présentation qui en est donnée le plus souvent. Il faut éviter de projeter les combats d'une époque sur une autre, en tordant la réalité.

Le catharisme est un christianisme évangélique, d'une haute élévation spirituelle et d'une grande exigence morale, que sa radicalité achemine au dualisme ; il voit dans le monde d'ici-bas, corrompu, la création d'un second principe, opposé à Dieu, celui du Mal, Satan. À la suite des clercs du Moyen Âge, qui l'ont exploitée pour porter leurs condamnations, on a trop accordé d'importance à cette donnée, tout à fait annexe. L'anticléricalisme fondamental qui sous-tend la dissidence a pu lui rallier quelques adhérents d'origine populaire, mais elle est restée un phénomène élitiste, ne revêtant aucunement en Languedoc un caractère « national ». La répression qu'elle a subie, à coup sûr vigoureuse et violente, n'a pas été responsable de son effacement, dû bien plutôt à un aggiornamento de l'Église opéré par les ordres mendiants. Elle a peu marqué les mémoires dans les décennies immédiatement consécutives aux événements : il ne subsiste qu'un seul manuscrit de la Chanson de la croisade. En revanche, à partir du XVIe siècle et du développement de la Réforme protestante, elle a été considérée comme l'expression exemplaire de la barbarie et de l'intolérance, conférant aux cathares la qualité de héros de la liberté. Après la seconde guerre mondiale, la décolonisation et la « guerre froide », qui ont exalté résistance et libération, cette image, largement médiatisée, a pris une valeur et une portée universelles, expliquant la vogue dont jouissent actuellement les cathares et le catharisme, et les pèlerinages humanistes qui conduisent bien des voyageurs sur les lieux où se conserve la mémoire de leur persécution, ainsi Minerve ou Montségur.

Jean-Louis Biget
mars 2008
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