Jean Calvin (1509-1564) a été qualifié, avec juste raison, de « fondateur de civilisation » : la religion qu’il a fondée a profondément marqué, depuis quatre siècles, l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord. Avec Martin Luther, son aîné, il est le principal auteur de la Réforme du christianisme qui divisera sans remède, à partir du premier tiers du XVIe siècle, l’ancienne « robe sans couture » de l’Église catholique. Pourtant, l’homme est relativement peu connu, plus facile à caricaturer qu’à cerner. Respecté par ses disciples, haï par ses adversaires, il s’est peu livré lui-même dans ses abondants écrits, qui sont essentiellement théologiques et polémiques. S’il n’avait pas laissé derrière lui l’Église, ou plutôt les Églises qu’on appelle calvinistes, répandues dans le monde entier sous une forme ou sous une autre, il n’aurait sa place que dans l’histoire, ô combien compliquée, de la théologie chrétienne et de ses infinies querelles. Mais son œuvre à Genève est bien celle d’un fondateur. C’est pourquoi il faut nous intéresser, parallèlement, à l’homme et à son œuvre.
Lorsque Jean Cauvin naît à Noyon, en Picardie, le 10 juillet 1509, dans une famille de moyenne bourgeoisie notariale, tout le destine à une carrière dans le droit ou dans l’Église. Son père l’envoie étudier à Paris, au collège de La Marche puis à celui de Montaigu. On le voit ensuite, en 1528-1530, fréquenter les universités d’Orléans et de Bourges. Il y acquiert une solide formation juridique, théologique et philologique en latin, grec et hébreu. Il publie à vingt-trois ans un commentaire latin sur le De Clementia de Sénèque : ce choix d’un philosophe stoïcien n’est pas sans signification.
Ces années sont celles où, en France comme dans toute l’Europe, fermentent les idées nouvelles de réforme du christianisme, d’abord pacifiques avec Lefèvre d’Etaples ou Érasme, puis militantes après l’affichage des 95 Thèses du moine Martin Luther à Wittenberg en 1519. Luther a été excommunié en 1520, mais sa doctrine, de plus en plus en rupture avec le catholicisme traditionnel, se répand comme une traînée de poudre. La Sorbonne, gardienne de l’orthodoxie, condamne sans faiblesse les tenants de la nouvelle foi. Le premier « luthériste » français est condamné au feu en 1523.
Nous ne savons exactement ni où, ni quand, ni comment le jeune Jean Cauvin est entré en contact avec ce qu’on commence à appeler la « Réforme » – le terme « protestant », relatif à un épisode de la Réforme en Allemagne ne s’imposera que lentement. Plus tard, il a écrit lui-même, sans plus de précision, qu’il fut « appelé par Dieu à la charge tant honorable de ministre et prêcheur de l’Évangile […] par une conversion subite ». Toujours est-il qu’en novembre 1533, il est compromis dans le scandale d’un sermon « luthériste » prononcé par le recteur de l’Université de Paris, Nicolas Cop, sermon auquel il a peut-être collaboré ; il doit s’enfuir, d’abord à Angoulême, puis à Nérac, domaine de Marguerite de Navarre, sœur du roi, notoirement sympathisante des idées nouvelles.
C’est à cette époque que se place, en octobre 1534, l’énorme scandale des « placards » – ou affiches – apposés, à Paris et en divers lieux de France, jusque, dit-on, sur la porte de la chambre du roi à Amboise, pour attaquer en des termes d’une incroyable violence la messe, cette « singerie […] directement opposée à la Sainte Cène qui est mémoire de la mort et passion de Jésus-Christ ». Les prêtres sont « des loups qui tuent, brûlent, détruisent tous ceux qui s’opposent à eux ». Le pouvoir royal réagit avec vigueur. Dès le 31 janvier suivant, plusieurs hérétiques sont brûlés à Paris. Désormais, il devient dangereux, voire impossible, de défendre publiquement les nouvelles opinions en France. Jean Cauvin doit sortir du royaume. Il est en 1535 à Bâle, ville suisse convertie à la Réforme depuis six ans ; c’est là qu’il publie, en latin, l’Institutio Christianae Religionis, qui établit d’emblée sa réputation comme un des maîtres de la nouvelle foi, sous sa forme latine Johannes Calvinus. La traduction française lui donnera la forme de Jean Calvin, désormais consacrée.
L’Institutio connaîtra de nombreuses éditions, en latin puis en français, dont elle constitue un chef-d’œuvre historique. D’édition en édition, l’œuvre s’étoffe et se précise. Par sa rigueur intellectuelle, elle contribue puissamment à répandre la doctrine calvinienne. Elle est, bien entendu, condamnée au feu par la Sorbonne.
Par rapport au luthéranisme, le calvinisme – pour employer le mot avec quelque peu d’avance – est nettement plus radical dans sa critique du catholicisme traditionnel. Comme Luther, Calvin proclame que l’Écriture sainte est la seule source de la foi, et que « Christ » est le seul intercesseur entre Dieu et l’homme. Il fait de la foi seule la voie vers le salut éternel et ne reconnaît que deux sacrements, le baptême et la communion. Toute autorité est déniée au pape, qui sera bientôt qualifié d’Antéchrist.
Comme Luther, Calvin repousse le culte rendu à la Vierge et aux saints, mais il va plus loin en niant formellement que, dans la « Sainte Cène », le pain et le vin se transforment en corps et sang du Christ. La messe, qui prétend être un renouvellement du sacrifice de Jésus sur la croix, est un blasphème, une abomination, un sacrilège exécrable. Poussant jusqu’au bout la logique de la toute-puissance divine, Calvin va jusqu’à affirmer que l’homme est, dès sa conception, prédestiné au salut ou à la damnation : Dieu accorde ou refuse, de toute éternité et en toute liberté, sa grâce à chaque être humain, ce qui aboutit à diviser l’humanité entre « élus » et « réprouvés ». Cette doctrine de la prédestination, qui trouvera d’âpres contradicteurs au sein même des Églises réformées, contribuera plus que toute autre chose à donner au calvinisme cet aspect rigide et sombre qui le caractérise souvent dans l’opinion commune.
Revenant de Ferrare en Italie, où il est allé prêcher à la cour de la duchesse Renée, sympathisante de la Réforme, Calvin passe à Genève en juillet 1536. C’est une ville, ou plutôt une « République », qui a récemment conquis son indépendance par rapport à son prince-évêque et au duc de Savoie et qui a adopté la Réforme. Le prédicateur dauphinois Guillaume Farel s’efforce d’y établir la nouvelle foi, dans une atmosphère houleuse. Apprenant la présence de Calvin, il l’invite à se fixer là. Et Calvin accepte, malgré lui, dit-il.
Pendant presque deux ans, Calvin et Farel œuvrent donc à faire des Genevois le peuple de Dieu, avec l’appui des Conseils de la ville, où domine le parti des Eidgenossen – les confédérés, d’où viendra le français « huguenots ». Ceux qui regimbent et résistent sont traités de noms d’animaux. La Confession de foi, rédigée par Farel et Calvin, affirme clairement Christ comme seul intercesseur, l’Écriture comme seule source de la foi, et condamne durement les « idolâtres, blasphémateurs, meurtriers, larrons, paillards […] séditieux, batteurs, ivrognes […]. »
L’opposition est violente. En 1538, Farel et Calvin sont chassés de la ville. Calvin se retire à Bâle, puis à Strasbourg, où il est nommé pasteur de la paroisse française. Il se marie à une veuve, Idelette de Bure, qui mourra dix ans plus tard. Il traduit en français l’Institution mais, dès 1541, il est rappelé à Genève après de graves troubles civils. Désormais il sera genevois, bon gré mal gré, jusqu’à sa mort ; peu à peu il deviendra le maître de la petite République, en y créant une sorte d’État théologique, qu’on pourrait comparer à la République islamique de l’ayatollah Khomeini en Iran. Calvin, à vrai dire, n’a jamais eu de titre officiel dans la République. Celle-ci continue à fonctionner avec ses Conseils, ses magistrats, ses tribunaux. Mais, d’année en année, les partisans de Calvin prennent la majorité dans les Conseils et les opposants sont réduits au silence, chassés de Genève, condamnés à la prison, voire à la mort. L’organe de surveillance, tatillon et rigide, est le Consistoire qui groupe des pasteurs et des laïcs choisis pour la pureté de leur foi.
Le culte tel que l’établit Calvin est austère, dépouillé. Aucun ornement, aucune statue ou image pieuse évidemment. Ni agenouillement ni génuflexion. L’autel est remplacé par une simple table, où est exposée la Bible sur un pupitre. Le meuble principal du temple est la chaire, située face aux fidèles, d’où le pasteur énonce la bonne parole. Les chants sont a capella, sans orgue ni autre instrument. Rien à voir avec la solennité de la messe catholique ou même du culte anglican.
Le contrôle de la population porte autant sur la doctrine théologique et la pratique religieuse que sur la morale, surtout sexuelle. Là encore, la comparaison s’impose avec les États islamistes d’aujourd’hui, où la charia, la loi coranique, tient lieu de loi civile. On a pu, avec à peine d’exagération, qualifier la Genève de Calvin de dictature théologique. C’est l’archétype de ce que sera, au siècle suivant, la dictature puritaine en Angleterre après la chute de Charles Ier.
Quelques exemples. De braves Genevois et Genevoises sont condamnés au fouet ou à l’amende pour avoir récité le Pater en latin, pour avoir tiré la galette des rois – coutume païenne –, pour avoir prié Marie mère de Dieu, pour avoir récité le chapelet. On brûle publiquement le roman à la mode Amadis de Gaule – si cher à Don Quichotte ! Le simple fait d’insulter un pasteur conduit droit à l’excommunication : le conseiller Pierre Ameau, pour avoir déclaré que le Conseil « ne fait pas un pet » sans consulter le Consistoire, est condamné à faire amende honorable publique et à « crier merci à Dieu et à M. Calvin ». En 1555, l’émeute éclate même à propos de l’excommunication du conseiller Philibert Berthelier, qui, réprimandé pour avoir toussé pendant le prêche de M. Calvin, a répliqué que « s’il ne veut pas que nous toussions, nous péterons et roterons ». L’affaire se conclut par plusieurs condamnations à mort.
Calvin, il est vrai, est homme de son siècle. Il croit à la sorcellerie, aux envoûtements. Quand la peste éclate à Genève, il y voit une punition divine et une œuvre de maléfice. Sous son « règne », le bourreau travaille à plein temps ; la torture est pratiquée dans la République du Léman comme à Paris, à Londres ou à Rome. Même le feu – le supplice des hérétiques – n’est nullement aboli : le théologien espagnol Michel Servet, qui nie la Trinité des personnes divines – il les compare aux trois têtes de Cerbère ! – et la divinité de Jésus, est condamné au bûcher et brûlé vif le 27 octobre 1553. Le scandale sera énorme, mais Calvin se justifie en invoquant la Bible, puisque Dieu lui-même a ordonné de mettre à mort quiconque chercherait à détourner le peuple du vrai culte.
Par contraste avec cette rigueur, on peut citer le pasteur Castellion, traducteur de la Bible et auteur d’un Traité des Hérétiques, qui a des accents bien plus modernes en écrivant (1554) : « Si tu es estimé vrai fidèle dans une ville, tu seras hérétique dans la ville voisine. […] Il vaut mieux laisser vivre cent, voire mille hérétiques, que de faire périr un homme de bien sous couleur d’hérésie. » Mais il écrivait cela à Bâle, loin du bras vengeur de Calvin.
L’influence de Calvin à Genève s’exerce aussi dans des domaines plus positifs. L’initiation du peuple à la bonne doctrine nécessite un enseignement soigneux : en 1559, Calvin convainc le Conseil de créer une académie, dont il confiera la direction au Vaudois Pierre Viret. Cette académie deviendra bientôt un centre intellectuel de premier rang et recevra des étudiants de toute l’Europe, séminaire actif de diffusion de la doctrine genevoise au moment où la Contre-Réforme catholique, issue du Concile de Trente, menacera dans ses racines la nouvelle foi.
Calvin lui-même prêche et écrit, infatigablement. Chaque semaine, il prononce plusieurs sermons qui, pour la plupart, ne laissent pas de trace écrite ; et chaque année il publie des brochures de caractère polémique ou théologique, destinées à un vaste public dans Genève et hors Genève.
Le « règne de Dieu » instauré à Genève par Calvin, non sans difficultés et résistances, fit en effet bientôt de la cité du Léman un refuge pour les protestants – huguenots, comme on disait généralement – d’Italie, de Belgique et surtout de France. En quelques années, la population de Genève s’accrut de près de moitié : jusqu’à cinquante mille habitants selon certains. On imagine aisément les problèmes de logement, d’hygiène, de travail entraînés par cet afflux d’étrangers. Les Français étaient détestés des Genevois de souche ; de leur côté, ils se montraient souvent arrogants. « Pensez-vous que ce pays soit vôtre ? Il est à moi et à mes compagnons ! » crie un jour le pasteur français Treppereaux à ses ouailles. Des émeutes éclatent fréquemment, avec menace de jeter les « Francillons » au Rhône. Le Consistoire excommunie et le Conseil condamne sans faiblesse.
Mais l’influence de Calvin s’exerce aussi hors de Genève. Les huguenots français, à partir des années 1540, reconnaissent en lui sans équivoque leur chef spirituel. Le catéchisme genevois (Instruction et confession de la foi dont on use en l’Église de Genève, 1547, version définitive 1545) est adopté de facto par de nombreuses communautés protestantes, de la Picardie à la Provence. Calvin entretient avec elles des correspondances suivies. Le premier synode français des Églises réformées se tient à Paris en mai 1559, en grand danger vu la répression poursuivie par le roi Henri II ; il promulgue une Confession de foi en quarante articles, strictement calviniste d’inspiration et même de rédaction. En même temps, le synode de Paris jette les bases d’une organisation ecclésiale, inspirée elle aussi de Genève mais étendue aux dimensions de la France : chaque église aura un consistoire, formé de pasteurs, de diacres et d’« anciens » élus ; la discipline sera maintenue par l’excommunication des coupables et des pêcheurs, deux termes à peu près synonymes dans l’optique de la prédestination. Des synodes provinciaux et généraux arbitreront périodiquement les conflits et fixeront les règles de la vie de l’Église. On sait que ce système ecclésial, qui fait une large part au rôle des laïcs, mais qui n’est pas moins rigide que le système catholique, loin s’en faut, survivra aux troubles et aux guerres civiles qui, à partir de 1562, vont désoler la France jusqu’à la promulgation de l’édit de Nantes en 1598. Il régit toujours, en substance, l’organisation actuelle de l’Église réformée de France, et repose sur la doctrine définie à Genève par Calvin entre 1537 et 1564.
L’Écosse est un autre exemple d’implantation du calvinisme. Le théologien John Knox, disciple de Calvin à Genève en 1554-1557, fait adopter en 1560 par le Parlement d’Edimbourg une Confession de foi strictement calviniste et fonde l’Église qui prendra le nom de presbytérienne – les presbyters étant la forme écossaise des pasteurs. C’est, aujourd’hui encore, l’Église officielle de l’Écosse, par contraste avec l’Angleterre anglicane. D’ailleurs, en Angleterre même, malgré la résistance obstinée d’Élisabeth Ière et de ses successeurs Stuart, le calvinisme, appelé ici puritanisme, a de nombreux partisans, auxquels Guillaume III, en 1689, accordera la liberté de conscience et de culte. C’est par le canal de ces puritains anglais que le calvinisme entrera en Amérique du Nord, où il est toujours florissant aux États-Unis sous diverses dénominations.
Le calvinisme s’implante aussi, dès les années 1540, dans les provinces des Pays-Bas espagnols qui formeront, en 1578, les Provinces-Unies – les actuels Pays-Bas. Il y sera confirmé de façon définitive après le synode de Dordrecht (1618).
En Allemagne, le luthéranisme domine, sauf dans le Palatinat où l’électeur Frédéric III adopte le calvinisme. Le calvinisme a par ailleurs de fortes communautés en Hongrie, en Pologne et bien entendu en Suisse, où le pays de Vaud lui est acquis dès 1536.
Calvin étant mort en 1564, cette expansion posthume de sa doctrine est en grande partie l’œuvre de ses disciples, notamment du Bourguignon Théodore de Bèze (1519-1605), qui est le principal organisateur des Églises réformées sous leur forme définitive. Mais l’abondante correspondance entretenue, tout au long de sa vie, par Jean Calvin avec les fidèles de toute l’Europe, est l’élément fondamental, dans les années d’épreuve et de persécution, de cette « plantation », comme on disait alors, de la nouvelle Église qui, désormais, sera l’un des visages de la chrétienté, à côté du catholicisme romain, de l’orthodoxie orientale, du luthéranisme germanique et de l’anglicanisme épiscopalien.
Jean Calvin a toujours insisté, dans ses nombreuses lettres, sur sa timidité, son désir de mener une vie retirée « en quelque honnête et libre condition ». Il se dépeint comme forcé de jouer le rôle de guide et de chef malgré lui, « appelé par Dieu ». On peut, chacun à son gré, le penser sincère ou, comme ses adversaires l’en accusaient, voir dans ce désir exprimé de « se retirer des gens » une pose un peu théâtrale. Toujours est-il qu’une fois installé au pouvoir – spirituel et même temporel – à Genève, il gouverna sans états d’âme.
Son ami et successeur Théodore de Bèze – lui-même fort autoritaire, il est vrai – avoue que Calvin était « chagrin et difficile ». De sa vie privée, nous connaissons fort peu de chose. Il était sûrement chaste, bien que ses ennemis l’aient accusé du vice de sodomie, mais ce sont là gentillesses polémiques courantes à l’époque. Sa sobriété était légendaire. En fait, c’était surtout un homme de faible santé. Il souffrait d’arthrite, de migraines, de crachements de sang, de fièvre, de goutte, de calculs rénaux. Ses lettres sont pleines de plaintes sur ses maux physiques. Son inlassable activité est le triomphe de la volonté sur le corps.
L’unique chose qui soit hors de doute est la certitude où il était d’être mandaté par Dieu pour prêcher la vérité. Jamais, à coup sûr, il ne douta de sa vocation à combattre l’idolâtrie, la superstition, l’impiété sous toutes ses formes. Et dans ce combat, aucune arme n’était exclue, surtout pas la violence verbale. Les injures abondent sous sa plume et sûrement dans sa bouche, contre ses contradicteurs : « chiens », « porcs », « ordures », « vermines », sont les moindres de ces amabilités. Rien n’est moins pacifique que ce guerrier de Dieu. Il est vrai que ses adversaires n’avaient rien à lui envier sur ce point.
Les années, les siècles passant, le ton âprement polémique de Calvin s’est considérablement atténué dans l’Église qu’il a fondée. On chercherait vainement, aujourd’hui, dans les prêches des Églises réformées, en France ou ailleurs, cette véhémence intransigeante de la Genève du XVIe siècle. Même l’impitoyable doctrine de la prédestination, si désespérante pour les non-élus, s’est adoucie. On ne qualifie plus la messe catholique d’abomination, ni le pape d’Antéchrist.
D’ailleurs – et c’est chose digne de remarque – il n’existe, dans les Églises calvinistes actuelles, aucun « culte de la personnalité » de Calvin. Il n’est, en aucune façon, le « saint patron » de ces Églises. Rien à voir avec la quasi-divinisation d’un Lénine ou d’un Mao dans leurs pays respectifs. Aucune Église ne s’intitule « calviniste » : l’adjectif « réformé » est celui qu’elles arborent pour la plupart, ou divers autres qualificatifs nationaux.
Malgré tout, c’est bien à l’enseignement de Calvin que se réfèrent la théologie et l’organisation ecclésiale des « réformés » du monde entier. Et c’est suffisant pour qu’on reconnaisse en lui, qu’on partage ou non sa foi, une des personnalités-clés de l’histoire du monde moderne.