Voyages en Egypte et en Nubie
Giovanni Belzoni
Tallandier
Paris
2009
« Il a presque six pieds huit pouces de haut ; il est très vigoureux et sa puissance musculaire est extraordinaire, d'autre part il est très habile en mécanique et très ingénieux ; avec les moyens ordinaires, il peut déplacer des objets d'un volume considérable ; il est infatigable et s'intéresse à tout ce qu'il entreprend ; enfin, à toutes ces qualités, il faut ajouter qu'il a une intelligence très vive... »
C'est en ces termes qu'Henry Salt, consul général d'Angleterre en Egypte, présente Gian Battista Antonio Belzoni dont le nom demeure attaché à la mise au jour du temple d'Abou Simbel, à la découverte du tombeau de Séthi Ier ou au transport de l'obélisque de Philae et de la statue colossale de Ramsès II arrachée au Ramesseum.
Pionnier malgré lui de l'égyptologie, ce chercheur d'antiquités nous apparaît comme un aventurier hors du commun auquel la postérité a pardonné ses fouilles plus qu'approximatives dans la mesure où il fut l'un des premiers artisans de la résurrection de l'ancienne Egypte. Celui que ses contemporains surnommèrent le « Titan de Padoue » fit en effet découvrir au public londonien, puis parisien, les beautés qu'abritent les hypogées de la vallée des Rois. Dès 1820, il publie l'ouvrage, au titre extraordinairement long qui va asseoir pour longtemps sa renommée : Narrative of the operations and recent discoveries with the pyramids, temples tombs and excavations in Egypt and Nubia, and a journey to the coast of Red Sea, in search of the ancient Benenice, and another to the oasis of Jupiter Ammon, le tout en deux volumes complétés d'un atlas in folio. Les traductions s'échelonnent de 1821 à 1826, en France, en Allemagne, en Hollande et en Italie, suivies par une nouvelle édition en 1827. Un ouvrage de volume plus réduit est par ailleurs édité pour éclairer les visiteurs de l'exposition de Londres de 1822, et, seize ans plus tard, on distribue comme prix de fin d'année, aux meilleurs élèves, les Entretiens d'une mère avec ses enfants sur les voyages de Belzoni en Egypte et en Nubie. La gloire d’inventeur est alors définitivement établie bien qu'il ait disparu dès 1823, alors qu'il s'apprêtait à quitter pour Tombouctou les côtes du golfe de Guinée.
Fils d'un barbier de Padoue, Gian Battista est né en novembre 1778. Il a vingt ans quand les Français viennent, sous les ordres de Bonaparte, porter la guerre en Italie. Faute d'avoir pu se constituer un état dans son pays et soucieux d'échapper à une éventuelle conscription imposée par l'occupant, il gagne Londres en 1803 pour s'y employer comme hercule de cirque. Après de courts séjours au Portugal et en Espagne, il gagne Malte puis Alexandrie en 1815. Il espère vendre à Mehmet Ali, le pacha d'Egypte, une machine hydraulique, mais il doit y renoncer et se voit contraint de trouver un moyen de subsistance.
C'est alors que, au printemps 1816, l'explorateur suisse Johan Ludwig Burckhardt – qui travaille pour le compte de l'African Society londonienne – le présente à Henry Salt, une rencontre qui marque le début d'une collaboration très fructueuse pour le diplomate britannique, destinataire exclusif des nombreuses antiquités mises au jour par l'Italien au cours des années suivantes. Belzoni, qui ignore initialement l'arabe, finit par le pratiquer très correctement, mais il est souvent contraint de jouer de son imposante carrure pour s'imposer à ses interlocuteurs. Devenu familier de leurs us et coutumes, il sait obtenir d'eux ce qu'il en attend, notamment la fourniture de la main-d'œuvre nécessaire aux fouilles ou au transport des pièces les plus monumentales.
En 1816, il gagne Louxor, puis Philae et la seconde cataracte. L'année suivante, il entreprend le désensablement du grand temple d'Abou Simbel et découvre, dans la vallée des Rois, les tombes de Ramsès Ier et de Séthi Ier. A Giza, il pénètre en 1818 dans la pyramide de Chéphren. Reparti pour Louxor, il reconnaît la route joignant l'ancienne Thèbes à la cité de Bérénice établie sur les rives de la mer Rouge avant de transporter, l'année suivante, l'obélisque de Philae jusqu'au Caire. L'hostilité de Salt, qui entend se réserver la gloire des trouvailles effectuées, encourage pourtant le « Titan de Padoue » à regagner l'Europe pour y présenter les dessins figurant le décor de la tombe de Séthi Ier. Le succès rencontré à Londres et à Paris le conduit à se fixer un nouvel objectif : la découverte des sources du Niger. Mais arrivé sur les côtes africaines, l'aventurier succombe à la dysenterie en décembre 1823, à l'âge de quarante-cinq ans.