L’auteur s’est imposé depuis près de trente ans, et notamment avec la publication, en 1978, de son ouvrage Le Sel et la Fortune de Venise, comme l’un des meilleurs spécialistes de l’histoire économique de la cité des Doges. Engagé sur les traces des grands pionniers que furent Philippe Wolff pour Toulouse, Yves Renouard pour les marchands italiens ou Michel Mollat du Jourdain pour le commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge, Jean-Claude Hocquet s’est consacré à l’étude approfondie du commerce du sel (Chioggia, capitale del sale nel Medioevo,1991), au négoce maritime vénitien (Denaro, navi e mercanti a Venezia, 1999) et, de manière plus générale, à la Venise médiévale avec l’excellent Venise au Moyen Âge publié aux Belles- Lettres en 2003. L’ouvrage qu’il nous propose aujourd’hui évoque, pour le grand public cultivé, les relations entre Venise et la mer du XIe au XVIIIe siècle, le point de départ de l’étude correspondant à la période durant laquelle les documents commencent à être suffisamment abondants pour être significatifs alors que sa limite finale renvoie à la décision du général Bonaparte de mettre fin à l’indépendance millénaire de la cité de la lagune. L’auteur nous explique qu’il a regroupé diverses études, des articles et des communications présentées lors de colloques pour en faire un tout cohérent permettant d’éclairer les destinées de la « fiancée de la mer ». Le lecteur est ainsi invité à découvrir successivement les hommes qui font la fortune de la ville, cette puissante oligarchie qui parviendra à traverser les siècles, puis le tableau d’ensemble du commerce vénitien, les destinations des navires et les marchandises échangées. La construction des navires, l’évolution des flottes et la condition des marins sont abordées tour à tour, de même que les caractéristiques du port, voué au trafic du sel ou du bois, port de pêche, puissant emporium tourné vers la redistribution dans l’arrière-pays ou lieu d’embarquement pour les passagers en route pour les côtes adriatiques ou les horizons orientaux. L’évocation de l’Empire vénitien et de sa destruction est utile mais classique alors que l’étude des relations de Venise avec Ibiza apparaît en revanche très nouvelle, de même que le portrait de Giacomo Badoer, « marchand vénitien d’outre-mer ». Tableaux, cartes et graphiques facilitent la lecture de cet ouvrage savant dans lequel l’auteur sait marier une érudition sans faille et l’aisance d’une écriture parfaitement maîtrisée.