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Vélasquez
Vélasquez
Bartolomé Bennassar
Editions de Fallois
Paris
2010
Diego Rodriguez de Silva y Velasquez compte aujourd’hui parmi les artistes majeurs qui peuplent notre musée imaginaire, mais il fallut attendre le XIXe siècle pour qu’il fût vraiment découvert. D’abord par les Anglais, qui tirèrent là un dividende inattendu de leur intervention en Espagne lors des guerres napoléoniennes, puis par les Français à la suite de Manet qui s’extasia lors de son voyage madrilène devant des œuvres conservées dans les collections royales et demeurées de ce fait longtemps inconnues du public. De nombreuses études et monographies ont été depuis consacrées au peintre sévillan – dont les plus récentes, celles de Jonathan Brown et d’Yves Bottineau, font, à coup sûr, référence –, mais il s’agissait alors de travaux d’historiens de l’art et si la centaine d’œuvres attribuées au maître apparaît aujourd’hui parfaitement identifiée et documentée, la vie du peintre des Ménines demeure paradoxalement assez mal connue. C’est donc un véritable défi qu’a relevé avec succès Baratolomé Bennassar dans son dernier ouvrage, qui éclaire le parcours de ce contemporain du Siècle d’or espagnol auquel notre auteur a consacré les nombreux et admirables travaux que l’on sait. Faute d’une documentation suffisante, il a dû s’appuyer sur des pièces notariales – actes de mariage, composition de la dot de Juana, l’épouse du peintre, testaments et inventaires des successions –, des témoignages dispersés, des correspondances échangées entre Velasquez et son beau-père Francisco Pacheco ou entre le roi et certains de ses représentants en Italie, pour mener une véritable enquête dont les résultats, confrontés à ce que l’on connaît de l’Espagne du temps, des mentalités et des représentations de l’époque ou des pratiques de la société de cour, permettent mieux cerner la personnalité de l’artiste, même si de nombreuses zones d’ombre demeurent. Né en 1599 à Séville dans une famille modeste – mais qu’il fera accéder à la noblesse à l’issue d’un procès incertain en hidalgueria qui lui ouvrira les portes de l’ordre de Santiago –, Velasquez entre à dix ans, pour quelques mois, dans l’atelier de Francisco de Herrera qu’il quitte pour rejoindre celui de Francisco Pacheco. Accueilli en 1617 dans la corporation des peintres de Séville, le jeune homme réalise alors des bodegones – des scènes de la vie populaire inspirées du caravagisme – et épouse dès 1618 la fille de son maître. Le portrait de la mère Jeronima de la Fuente exprime l’inspiration religieuse qui s’inscrit dans le contexte de la Contre-Réforme triomphante, mais l’arrivée aux affaires du comte et bientôt duc d’Olivares, favori du jeune roi Philippe IV, lui vaut d’être appelé à Madrid où il reçoit, dès octobre 1623, le titre de « peintre du roi ». En 1627, il remporte aisément le concours ouvert par le monarque pour une représentation de l’expulsion des Morisques décidée par son père Philippe III, ce qui lui vaut une charge de « huissier de la Chambre ». Dès cette époque, il est considéré dans les cours européennes « comme le peintre le plus célèbre d’Espagne ». Séjournant à Madrid en 1628, Pierre Paul Rubens conseille au jeune homme d’effectuer le pèlerinage d’Italie, autorisé par le roi qui lui paye le célèbre Triomphe de Bacchus (Los borrachos, Les Ivrognes) qui mêle, de manière tout à fait originale, scène mythologique et verdeur populaire. Absent de Madrid d’août 1629 à janvier 1631, le peintre réalise en Italie sa célèbre Forge de Vulcain. Devenu en 1634 « valet de la Garde-Robe », il peint de nombreux portraits du monarque et de sa famille, ainsi que la fameuse Reddition de Bréda. Nommé « valet de chambre du Roi » en 1643, il se voit chargé quatre ans plus tard des achats d’œuvres d’art destinées au palais royal. C’est à ce titre qu’il effectue, de 1649 à 1651, un second séjour en Italie d’où il tarde à revenir, sans doute en raison d’une liaison qui aurait entraîné la naissance d’un fils. La faveur royale ne se dément pas pour autant puisqu’il est élevé au rang d’aposentador de Palacio, la charge la plus haute à laquelle il ait accédé, mais dont les responsabilités qu’elle impliquait ont, sans nul doute, limité son activité de peintre, même s’il réalise en 1656 le chef-d’œuvre que constituent Les Ménines. En 1658, il mobilise cent quarante-huit témoins pour affirmer sa limpieza de sangre et la nobleza de sa famille, nécessaire pour être admis, grâce à l’intervention royale, au sein de l’ordre de Santiago. L’an 1660 le voit partir pour Fontarrabie où doit avoir lieu la cérémonie – qu’il est chargé d’organiser – de la rencontre de l’infante Marie-Thérèse et de son fiancé, le jeune Louis XIV. Il en revient épuisé et malade à Madrid, pour y mourir le 6 août 1660, quelques jours avant la disparition de Juana, sa veuve. On connaissait mal jusque là ce que pouvaient être les goûts personnels et les préoccupations du peintre ; l’analyse qu’effectue Bartolomé Bennassar des ouvrages composant sa bibliothèque est, sur ce point, très éclairante, au même titre que la description qu’il nous donne de la Séville des premières décennies du XVIIe siècle, des solidarités familiales ou des réseaux d’amitié qui ont accompagné la promotion du peintre royal. Les remarques formulées à propos de l’amitié supposée entre Philippe IV et l’aposentador mayor relativisent également les idées généralement avancées sur ce point particulier. Autant dire que l’ouvrage de Bartolomé Bennassar contribue à l’élaboration d’une connaissance plus intime d’un artiste dont la personnalité s’effaçait derrière une œuvre plébiscitée depuis un siècle et demi, mais aussi, et plus largement, à une découverte plus approfondie du prodigieux Siècle d’or espagnol."
 
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