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Pétra et les Nabatéens
Pétra et les Nabatéens
Marie-Jeanne Roche
Belles Lettres
Paris
2015
« Le seul site en Orient où ce que l'on a lu est en deçà de la réalité » nous dit un archéologue américain à propos de Pétra, la prodigieuse « ville rose » qui, abritée dans un site exceptionnel, fut découverte en 1812 par l'explorateur suisse Johann Ludwig Burckhardt. Les magnifiques monuments aménagés dans le rocher et les falaises de grès abruptes dominant les lieux ont séduit depuis les milliers de voyageurs qui ont eu le privilège de découvrir les vestiges de ce qui fut la capitale du royaume nabatéen. L'admiration que suscitent la façade de la Khazna, le Tombeau aux obélisques ou les restes des grands monuments publics de l'ancien centre urbain dispense trop souvent de toute question relative à la civilisation tout à fait originale qui a permis l'apparition, au cœur du désert, d'un centre majeur du commerce caravanier reliant l'ancien royaume de Saba aux terres syriennes. On ne peut donc que se féliciter de l'initiative prise par les Editions des Belles Lettres de consacrer l'un des volumes de leur excellente collection « Guide des civilisations » que dirige Jean-Noël Robert, à Pétra et, plus largement, aux Nabatéens. C'est Marie-Jeanne Roche qui relève avec bonheur le défi consistant à nous présenter d'une manière à la fois complète et accessible un monde disparu depuis des siècles et demeuré longtemps méconnu des historiens et des archélogues.
L'origine des Nabatéens demeure obscure. On les voit progressivement émerger au cours de l'Histoire orientale, à la faveur des luttes opposant entre eux les royaumes hellénistiques des Ptolémées d'Egypte et des Seleucides de Syrie. Il s'agit de nomades issus de la péninsule arabique, dont la fortune s'est établie à partir des échanges qu'ils effectuaient entre les marges opposées du désert qui s'étend des bords de la mer Rouge aux rives de l'Euphrate. Les Nabatéens ne sont pas pour autant les premiers habitants de la région de Pétra ; ils y ont été précédés par des populations néolithiques pratiquant l'agriculture et l'élevage, et un royaume édomite s'est établi là vers les VIIIe-VIIe siècles avant J.-C. La domination perse entraîna la disparition de ce petit royaume dont les habitants se regroupèrent au sud de la Judée pour y former l'Idumée.
C'est de la péninsule arabique que viennent alors les Nabatéens, mais le débat demeure ouvert pour savoir s'ils sont originaires des régions situées à l'ouest du Golfe Persique ou de celles d'Arabie du Sud. Reprenant l'historien Agatharchide de Cnide, Diodore de Sicile présente les Nabatéens du IVe siècle avant J.-C. comme de riches nomades faisant le commerce des aromates, et le récit qu'il nous fait de leurs luttes contre les souverains hellénistiques le conduit à mentionner l'existence d'un lieu à la fois entrepôt et centre religieux - qui a été identifié à Pétra.
Au IIIème siècle avant J.-C. les Nabatéens apparaissent pleinement indépendants des deux royaumes lagide et séleucide et étendent leur pouvoir jusqu'à la péninsule du Sinaï. C'est peu après que le roi séleucide Antiochos XII est vaincu et tué dans le combat qui l'oppose au souverain nabatéen Obodas Ier. Son fils Arétas, qui se fait surnommer le Philhellène, favorise la sédentarisation de son peuple, à un moment qui voit l'écriture nabatéenne acquérir sa forme caractéristique, mais il doit compter désormais avec l'irruption de Rome en Orient. Confirmée par Strabon, la richesse de Pétra suscite les convoitises des nouveaux venus, mais les souverains de la cité parviennent à préserver leur indépendance jusqu'au premier siècle de notre ère, qui voit l'apogée de la ville et la construction de ses monuments les plus remarquables. Elle doit compter cependant avec la concurrence de Bosra qui la supplantera bientôt.
La Nabatène est finalement annexée en 106 après J.-C., apparemment sans combat, mais sa civilisation perdure sous la domination romaine. L'empereur Hadrien se rend à Pétra en 130-131, visite immortalisée par la frappe d'une monnaie commémorant l'événement. Désormais, la lignée des empereurs est honorée dans l'enceinte même du Qasr al Bint, le grand temple de Pétra.
Ce n'est qu'au début du Ve siècle que le moine syrien Barsauma met fin aux cultes païens alors que l'arabe s'est progressivement substitué à l'araméen auparavant pratiqué.
La culture nabatéenne survit cependant jusqu'à l'arrivée, en 631, des conquérants musulmans. Marie-Jeanne Roche, fidèle à l'esprit de la collection « Guide des civilisations » ne se contente pas de reconstituer l'Histoire de la Nabatène, elle nous présente également ce qu'étaient la vie quotidienne, les croyances et les activités économiques de ses habitants, et vient ainsi combler un vide qui laissait jusque-là sur leur faim les visiteurs de Pétra, en réintroduisant les hommes dans ce qui n'était qu'un paysage archéologique, aussi somptueux fût-il.
 
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