Les éditions du CNRS ont pris l’heureuse initiative de rééditer en un seul volume les trois tomes de l’ouvrage de Henry Laurens publiés en 2004. Il est inutile de présenter longuement l’auteur, professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire d’Histoire de l’Orient contemporain. Auteur d’un ouvrage fondateur à propos de l’expédition d’Egypte de Bonaparte – premier contact entre l’Occident issu des Lumières et la civilisation traditionnelle arabo-musulmane – Henry Laurens a entrepris plus récemment la réalisation d’une monumentale Histoire de la Palestine mais il a également publié de nombreux autres travaux relatifs à la poudrière proche-orientale, notamment au rôle joué en ce domaine par le sionisme et l’Etat d’Israël comme par les Etats-Unis. Les études regroupées dans Orientales nous ramènent plusieurs décennies, voire deux siècles en arrière et l’observateur des développements les plus récents peut s’étonner de ce retour vers un passé devenu bien lointain mais la lecture de l’ouvrage nous révèle au contraire à quel point il est nécessaire d’envisager la longue durée des deux derniers siècles pour analyser précisément et avec la justesse nécessaire les situations actuelles. Les pages consacrées à la violence structurelle qui commande les systèmes politiques des différents Etats concernés, l’évocation de la politique anglaise en Egypte, la relecture des engagements français au Levant ou le retour, au-delà du mythe et de l’épopée, sur l’aventure de Lawrence d’Arabie sont autant d’occasions de mieux comprendre à quel point les blocages actuels trouvent leur origine dans « la décennie (1914-1923) qui ébranla le Proche-Orient » pour reprendre le titre de l’ouvrage majeur de Nadine Picaudou. Les réflexions consacrées aux provinces arabes de l’Empire ottoman au cours du XIXe siècle et l’étude de la présence française en Orient durant cette même période permettent de mieux évaluer les préoccupations affirmées aujourd’hui aussi bien à Ankara qu’à Paris… On retiendra également l’analyse de l’évolution de l’Egypte sous Nasser et Sadate, principalement dans ses relations ambiguës avec l’URSS d’alors, mais l’un des textes les plus originaux demeure sans doute l’étude de la politique vaticane à propos de la question palestinienne, un sujet d’une brûlante actualité au moment où semble se négocier un éventuel voyage du pape Benoït XVI en Terre Sainte. Un ouvrage d’une exceptionnelle richesse, bien nécessaire pour éclairer les réalités de « l’Orient compliqué ».