Oasis égyptiennes. Les îles des Bienheureux
Françoise Dunand et Roger Lichtenberg
Actes Sud
Arles
2008
Ancien membre de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire, professeur émérite d’histoire des religions à l’Université Marc Bloch de Strasbourg, Françoise Dunand - qui a accompagné à de nombreuses reprises les voyageurs partis découvrir avec Clio la civilisation pharaonique - était la spécialiste toute désignée pour présenter les oasis du désert occidental égyptien. Elle étudie en effet depuis un quart de siècle, avec le docteur Lichtenberg, les nécropoles d’époque ptolémaïque et romaine de l’oasis de Kharga ainsi que les sites voisins de Douch et El Deir.
Les oasis du désertlibyque constituent un monde bien différent de celui de la vallée du Nil. Située au nord-ouest, non loin de la frontière libyenne, Siwa présente des caractéristiques originales, au confluent des influences égyptiennes, libyennes et grecques, puisque, dès le VIIe siècle avant J.-C, les colons venus de Théra se sont installés à Cyrène. C’est là qu’Alexandre, devenu le maître de l'Égypte, viendra consulter l’oracle d’Amon avant de partir à la conquête de l’Orient.
Échelonnées plus à l’est, du nord au sud, les oasis de Bahariya, Farafra, Dakhla et Kharga constituent autant d’espaces de vie au milieu des étendues hostiles du désert, que les anciens Égyptiens considéraient comme le domaine de Seth, le meurtrier d’Osiris. Ces modestes espaces de verdure formant un chapelet parallèle au Nil témoignent de la présence, aux lointaines époques où le Sahara était vert, d’un ancien fleuve disparu depuis des temps immémoriaux. Ces avant-postes de la vallée du Nil ont livré des traces d’occupation remontant aux époques préhistoriques et sont apparues très tôt au pouvoir pharaonique comme les éléments d’une ligne de défense indispensable face aux menaces que faisaient peser sur la vallée les nomades pillards du désert en même temps que le moyen de contrôler les routes caravanières par lesquelles transitaient vers le nord les produits venus de l’Afrique noire.
L’ouvrage de Françoise Dunand et de Roger Lichtenberg nous propose une vision globale – géographique, historique et archéologique - de ce monde original qui, loin des foules attirées par les sites les plus célèbres de la vallée du Nil, s’ouvre depuis une quinzaine d’années à un tourisme culturel de haut de gamme.
L’un des chapitres les plus passionnants du livre nous rapporte l’histoire de la découverte de ces lieux, depuis les simples mentions de Strabon aux récits des voyageurs arabes tels que Ibvn Hawqal et Makrisi, en passant par Poncet, Browne, Hornemann, Cailliaud, Rohlfs et Ball pour arriver aux travaux pionniers d’Ahmed Fakry et aux recherches entamées à l’initiative de Serge Sauneron, directeur dans les années 1970, de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire.
Plus récemment, ce sont les fouilles de Françoise Dunand et de Zahi Hawass qui ont permis d’approfondir notre connaissance de ces régions, notamment aux époques ptolémaïque et romaine. Le chapitre consacré aux vestiges laissés par les religions qui se sont succédé en ces lieux, des croyances de l’ancienne Egypte - illustrées par les superbes décors de la tombe de Pétosiris dans l’oasis de Dakhla - au christianisme qui nous a laissé l’impressionnante nécropole de Bagahwat et à l’islam dont on retiendra, à Siwa, l’étrange minaret de la mosquée d’Aghourmi, résume admirablement plusieurs millénaires d’évolution spirituelle. C’est donc à la découverte d’une autre Égypte que nous convie ce superbe album, qui se veut aussi une invitation au voyage.