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Lire et écrire à Babylone
Lire et écrire à Babylone
Dominique Charpin
PUF
Paris
2008
Au moment où l’exposition Babylone présentée au Louvre rencontre un succès aussi considérable qu’inattendu, il faut se féliciter que les Presses Universitaires de France aient pris l’initiative de publier l’ouvrage que Dominique Charpin, professeur d’Histoire de la Mésopotamie à la Sorbonne et directeur de la Revue d’assyriologie, consacre à l’écriture cunéiforme. L’ouvrage pourrait présenter les pesanteurs propres aux travaux d’érudition, à propos d’un domaine dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est guère familier au grand public cultivé mais le défi est brillamment relevé et sa lecture se révèle passionnante de bout en bout. Domnique Charpin s’efforce tout d’abord de présenter l’écriture inventée à la fin du IVème millénaire avant J-C par les Sumériens, d’analyser son évolution, de rendre compte des étapes de son déchiffrement moderne, de rappeler quelles sont les différentes langues ainsi transcrites, du sumérien, analogue à aucune autre, aux langues sémitiques tels que l’akkadien ou le babylonien, sans oublier le hittite, langue indo-européenne différente des précédentes… L’auteur s’interroge ensuite sur la place de l’écriture dans la société mésopotamienne, en montrant notamment qu’elle n’est pas, comme en Egypte, le monopole d’une caste spécialisée de scribes. La capacité d’écrire se diffusa rapidement au delà de la sphère des spécialistes, ce qui explique l’existence de correspondances échangées entre des particuliers. L’étude des écrits mésopotamiens permet également de montrer comment se sont progressivement établies les fonctions attribuées aux archives, notamment aux correspondances échangées entre les souverains du temps, ainsi de la lettre adressée par le roi hittite Hattusil III au roi de Babylone Kadasman-Enlil II : « A cette époque là, mon frère était un enfant et ils ne t’ont pas lu les tablettes ; à présent, les scribes de cette époque là ne sont plus en vie, et les tablettes n’avaient même pas été archivées pour qu’on puisse te lire maintenant ces tablettes là… » Ce qui confirme l’apparition de l’idée que l’écrit permet, non seulement de communiquer à travers l’espace, mais aussi de le faire à travers le temps. Au fur et à mesure que s’affirma la stabilité du monde babylonien, la mémoire collective se révéla insuffisante pour garantir le droit des individus et le recours à l’écrit s’imposa d’autant plus que le temps s’écoulait, et ce qui valut sur le terrain juridique pour la vie quotidienne de la société mésopotamienne va s’imposer également dans les relations diplomatiques, avec l’apparition de véritables traités. Au fur et à mesure que se déroule l’Histoire du Proche Orient ancien, l’écriture cunéiforme va se voir concurrencer, à partir de la fin du IIème millénaire, par les écritures alphabétiques, notamment celle utilisée pour transcrire l’araméen. L’écriture mésopotamienne sert alors beaucoup moins à communiquer, comme cela avait été le cas au cours des siècles antérieurs, qu’à transmettre un savoir ésotérique que l’on fait remonter aux sages antérieurs au Déluge, ce dont Bérose de fait l’écho au IIIème siècle avant J-C, quand il dédie au roi séleucide Antiochos Ier son ouvrage intitulé Babyloniaca qui nous rapporte que l’écriture fut à l’origine donnée aux hommes par Oannès, un être hybride à corps de poisson et tête humaine…
 
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