Les Étrusques
Jean-Paul Thuillier
Éditions du Chêne
Paris
2006
Le souvenir des Tarquins et les somptueux décors des tombes de Cerveteri, de Tarquinia ou deVulci – qui enthousiasmèrent tant D. H. Lawrence – constituent toujours les points de repère ordinaires de toute personne cultivée quand ils s’agit des Etrusques, dont on se rappelle également qu’ils ont transmis à Rome la science augurale. Si l’on excepte ces quelques réminiscences des anciennes formations classiques, les Tusci – qui donnèrent leur nom à l’une des plus belles régions d’Italie – apparaissent bien oubliés du grand public, rejetés dans l’ombre par les grandeurs de Rome qui entama en rejetant leur domination son irrésistible ascension. Un mystère des origines continue de planer sur ce monde étrusque disparu depuis vingt-cinq siècles dont la civilisation serait originaire, par certains de ses traits caractéristiques, de l’Asie mineure phrygienne. Porteurs d’une langue originale étrangère à la koiné indo-européenne, les Etrusques ont failli réaliser – durant la période d’apogée de leurs cités, entre les VIIe et Ve siècles avant notre ère – l’unité de l’Italie. Ouverts sur le monde des colonies grecques installées dans le sud de la péninsule mais aussi sur les espaces septentrionaux de la plaine du Pô, des Alpes, de l’Europe centrale et des régions où fleurit alors la civilisation celtique de Halstatt, ils ont développé un brillant artisanat et multiplié les échanges commerciaux avec leurs voisins. A l’inverse, alors que Rome n’en était encore qu’aux époques semi-légendaires de son histoire, ils ont été incapables de bâtir une puissance politique à la mesure du degré supérieur de civilisation auquel ils étaient parvenus. Moins réceptifs que leurs rivaux du Latium aux innovations venues d’ailleurs, privés d’une véritable volonté de puissance, ils ont reproduit un modèle culturel resté très traditionnel, aussi bien dans le domaine religieux que dans leurs formes d’expression artistique. La découverte de ce monde étrange – que nous révèlent les scènes de banquet funéraire découvertes en si grand nombre dans les tombes toscanes fouillées et pillées depuis le XIXe siècle – nous montre également les limites d’une civilisation qui, tout ouverte qu’elle fût aux influences helléniques, demeura tout au long de sa durée foncièrement conservatrice, se privant peut-être ainsi de l’opportunité de jouer dans le concert méditerranéen le rôle qui revint finalement à la cité des bords du Tibre. Spécialiste de la question et directeur du département des sciences de l’Antiquité à l’Ecole Normale Supérieure, Jean-Paul Thuillier était l’historien le mieux à même d’offrir au grand public cultivé une synthèse accessible, enrichie de plus d’une très copieuse iconographie.