Spécialiste du monde scandinave, Jean-François Battail, qui a enseigné à la Sorbonne et exerce aujourd’hui en Estonie, nous propose une lecture originale de l’évolution de la Norvège au cours des deux derniers siècles. Un travail bien utile à propos d’un pays proche mais qui demeure sans doute le plus mal connu des quatre qui forment l’Europe septentrionale. Après une longue période d’hégémonie danoise, la Norvège s’en émancipe à l’issue des guerres napoléoniennes... mais c’est pour tomber sous la domination suédoise. Débute alors un processus de reconquête identitaire qui s’inscrit dans les réveils « populaires » (au sens ethnique du terme) qu’a connus l’époque romantique et qui devaient rencontrer l’écho que l’on sait lors du « printemps des peuples » de 1848. C’est un long combat que mènent, d’Ibsen à Knut Hamsun, écrivains et artistes pour rendre aux Norvégiens une identité spécifique qui leur permet d’affirmer leur différence et leur personnalité par rapport aux voisins danois et suédois. Alors que la Norvège prend, avec Nansen et Amundsen, une part décisive à l’épopée exaltante que fut, dans l’Arctique et l’Antarctique, l’aventure de la découverte des zones polaires, l’évolution des esprits et l’affirmation de la conscience nationale conduisent naturellement à la fin de l’union avec la Suède, obtenue pacifiquement en 1905. Pauvre et surpeuplée au début du XXe siècle, longtemps demeurée une terre d’émigration vers l‘Amérique du nord, la Norvège parvient pourtant à se doter ensuite d’un Etat-providence qui fera longtemps, comme celui du voisin suédois, figure de modèle. La justice sociale, le souci de la paix et les grands engagements humanitaires dessinent les traits du pays, à travers les figures de philanthropes célèbres tels qu’Alfred Nobel ou Fridtjof Nansen, l’un des héros de l’exploration polaire reconverti dans l’aide aux réfugiés après la première guerre mondiale ou à travers la mise en oeuvre d’une gestion social-démocrate sage et efficace qui fait bientôt du pays l’un des plus prospères d’Europe. Le pétrole de la Mer du nord est venu confirmer le bilan de cet heureux XXe siècle, assombri seulement, au cours de la seconde guerre mondiale, par cinq années d’occupation allemande. Un dicton nous affirme « que les peuples heureux n’ont pas d’histoire » mais l’ouvrage de Jean-François Battail tend à nous prouver le contraire…