Après le Siam et le Cambodge des Khmers, la collection des Guides Belles Lettres des Civilisations se devait de compléter avec le Vietnam son approche de l’Asie du sud-est. Le livre que l’historienne Valérie Schweyer, épigraphiste spécialisée dans les inscriptions médiévales du Champa, a consacré aux régions qui s’étendent du delta du Mékong à celui du Fleuve Rouge, apparaît comme une véritable révélation pour un public français peu familiarisé avec les grandes cultures extrême-orientales. La nouveauté majeure de l’ouvrage réside dans la mise en lumière de la coexistence de deux cultures bien différentes sur un espace géographique qui nous apparaît d’autant plus naturellement unifié que l’imaginaire colonial de l’Indochine française a rassemblé dans un cadre commun des civilisations et des peuples fort divers. Installés dans le delta du Fleuve Rouge et porteurs d’une culture guerrière, les Viet qui subissaient l’influence de la Chine, puissance occupante de la région jusqu’au Xe siècle, ont établi un pouvoir centralisé qui réussit à réunir au fil des siècles autour de lui l’ensemble des terres formant l’actuel Vietnam. A l’inverse, les Cham ont longtemps occupé le centre et le sud du pays, organisés en petites unités politiques, rassemblées à certains moments de leur histoire par un souverain dont le pouvoir avait surtout une dimension religieuse. A l’opposé de leurs voisins du nord, qui finiront par les subjuguer, les Cham apparaissent comme une avant-garde orientale de la civilisation indienne. L’histoire évènementielle, la vie quotidienne, la religion, les arts, l’organisation économique et sociale, tous ces aspects de la vie des deux civilisations sont minutieusement analysés pour nous présenter un tableau complet des différentes composantes de l’identité de ce Vietnam que les Européens, notamment les Français, découvriront beaucoup plus tard, à la fin du XVIIIe siècle, au temps de l’empire de Gialong.