Professeur au Collège de France, Henry Laurens s’est imposé depuis de nombreuses années comme le meilleur spécialiste français de l’histoire du Proche-Orient contemporain. Historien de la campagne d’Egypte de Bonaparte, replacée dans une perspective résolument nouvelle, il a ensuite, au fil des spasmes d’une actualité chaotique, régulièrement affiné ses analyses de l’évolution de cette région à hauts risques, en pointant notamment les contradictions des Occidentaux vis-à-vis d’un monde arabo-musulman où les conséquences de la politique américaine ont contribué au développement de l’islamisme radical.

Le troisième volume de sa monumentale Histoire de la « Question de Palestine » vient donc à point nommé pour éclairer une situation généralement méconnue. Après avoir rappelé dans les deux volumes précédents ce qu’ont été la Palestine ottomane et les premières entreprises sionistes, puis la période du mandat britannique, il aborde les événements décisifs de 1947-1948, les affrontements entre nationalistes palestiniens et notables acquis à l’Hachémite Abdallah de Jordanie, les opérations menées par les futurs fondateurs d’Israël pour s’assurer par la violence de la maîtrise du territoire et la guerre qui se déclenche dès la proclamation de l’Etat juif, au lendemain du retrait britannique. L’auteur sait se garder de tout manichéisme et met bien en lumière les responsabilités des deux camps. Le refus des Etats arabes d’admettre la décision de partage de la Palestine prise par L’ONU en 1947 engage fatalement un conflit qu’ils s’estimaient en mesure de gagner aisément mais leur défaite, sanctionnée par l’armistice de Rhodes au début de 1949, ne fait que renforcer leur hostilité à l’Etat juif, perçu comme un ultime avatar de l’expansion coloniale européenne du siècle précédent. Henry Laurens développe ensuite l’histoire des vingt années qui conduisent jusqu’à la Guerre des Six Jours de 1967, avec le souci de faire comprendre et d’exposer les raisons qui commandent les attitudes et les réactions des différents protagonistes. Il nous livre ainsi un maître livre d’histoire, sur une question le plus souvent obscurcie par les passions et les préjugés.