La Bible et l'occident. De la bibliothèque d'Alexandrie à la culture européenne
André Paul
Bayard
Paris
2007
Historien spécialiste de la Bible, André Paul donne une suite aux deux remarquables ouvrages qu’il a consacrés aux origines de la tradition biblique : Et l’homme créa la Bible. D’Hérodote à Flavius Josèphe, publié en 2000 et La Bible avant la Bible. La grande révélation des manuscrits de la Mer Morte publié en 2005. Sous-titré De la Bibliothèque d’Alexandrie à la culture européenne, le dernier livre de sa trilogie nous rappelle comment l’Occident latin a « construit » la Bible en mettant en forme l’héritage littéraire qui constituait la Loi des Juifs traduite en grec à Alexandrie – dans le cadre de la politique culturelle voulue par les Ptolémées – pour donner naissance à la fameuse Bible des Septante. Ce n’est qu’ensuite, à l’issue d’une longue évolution, que la « Bible » prit la forme et le contenu que nous lui connaissons aujourd’hui, dans la mesure où la liste des livres qui la composent n’impliquait pas naturellement l’existence physique d’un recueil correspondant. C’est l’adoption précoce par les Chrétiens du cahier à pages d’invention récente, le codex appelé à devenir notre livre, qui permit le rassemblement de plusieurs écrits en un même recueil. A la fin du IVe siècle, les Eglises grecques d’Egypte, de Palestine ou d’ailleurs surent rassembler en un seul recueil la majorité des livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. L’Eglise latine ne suivait pas alors cette voie et il faut attendre le VIe siècle pour que Cassiodore atteste l’usage d’un corpus de livres saints réunis dans un volume unique, en un temps où il n’existait pas encore de mot pour désigner la chose. On employait les termes de « Livres saints », « Ecriture » ou « Ecriture sainte » au singulier ou au pluriel. Issu du latin biblia, le mot « Bible » n’apparaîtra qu’au XIIe siècle et s’imposera dans l’espace chrétien alors que l’inspiration biblique originale donnera, dans l’espace juif, naissance à la Torah, « charte divine du peuple initial » selon l’auteur. C’est à une enquête approfondie et particulièrement éclairante que nous convie André Paul tout au long des quatre cents pages de son ouvrage. Il nous rappelle tout d’abord dans quelles conditions se constitua le recueil hébraïque des « vingt quatre » livres et comment il fut « normalisé » avant d’évaluer l’importance que revêtit la réalisation de la « Bible des Septante ». Il nous explique comment les chrétiens de la grande cité hellénistique d’Egypte ont reconnu dans cette Bible des Septante l’expression de la « vérité inspirée ». Après avoir évoqué la postérité biblique de cette traduction dans les diverses églises d’Orient, il nous montre comment la tradition chrétienne en formation assure la transition des deux « alliances » mythiques aux deux « testaments », l’Occident latin devenant bientôt – notamment à travers les œuvres respectives de saint Jérôme et de saint Augustin – le moteur principal de l’intégration des héritages juif et chrétien dans le « Canon des Ecritures ». Un parcours qui nous conduit ensuite jusqu’au XIIIe, puis au XVIe siècle qui voit s’effectuer la révolution de l’imprimerie et les traductions du grec et de l’hébreu rivaliser désormais avec celle de la Vulgate. C’est aussi le temps du concile de Trente qui, dans son entreprise de réforme de l’Eglise catholique, fixe une fois pour toutes la liste canonique des livres saints.