Logo Clio
Jésus
Jésus
Jean-Christian Petitfils
Fayard
Paris
2011
Spécialiste des XVIIe et XVIIIe siècles, Jean-Christian Petitfils, qui nous a donné ces dernières années des biographies renouvelées de Louis XIV, Louis XVI et Louis XIII, mais aussi des études remarquées sur le « Masque de Fer » et l’assassinat de Henri IV, a abandonné la période qui lui est la plus familière pour relever avec succès le défi que constitue la réalisation d’une biographie de Jésus. Prés d’un demi-siècle après Renan, il aborde le sujet en historien soucieux de distinguer le savoir de la foi et nous propose ainsi une synthèse ambitieuse de près de cinq cents pages qui, complétée par d’importantes annexes et enrichie d’un appareil de notes très complet, prend en compte les derniers développements de la recherche.

Fondateur, il y a deux mille ans, d’une religion dont se réclament aujourd’hui plus d’un tiers de l’Humanité, le Jésus de l’Histoire demeure largement méconnu. Les sources documentaires se résument aux quatre évangiles canoniques de Matthieu, Marc, Luc et Jean, aux épitres apostoliques, aux évangiles apocryphes et à de rares passages d’auteurs non chrétiens tels que l’historien juif Flavius Josèphe. La figure de Jésus a été largement formée, chez ses premiers fidèles et dans les représentations ultérieures, par la prédication postpascale qui a fait de lui le Ressuscité toujours vivant et présent au milieu des siens. Soumise à la critique fondée sur le rationalisme des Lumières, la vie de Jésus a fait l’objet de lectures très diverses. Certains sont allés jusqu’à mettre en cause son existence historique. D’autres ont vu en lui un maître de sagesse porteur d’un message de justice et d’amour. Il a pu aussi être présenté comme un agitateur politique doublé d’un prophète eschatologique, une sorte de révolutionnaire avant l’heure. Les adversaires de l’Eglise institutionnelle n’ont pas manqué de dénoncer sa  « récupération » par le pouvoir clérical ultérieurement mis en place… Les tenants d’élucubrations fondées sur un ésotérisme de bazar ont enfin imaginé des histoires « parallèles » dont Dan Brown a donné un exemple à succès avec son Da Vinci Code

Depuis la publication, en 1863, de la Vie de Jésus d’Ernest Renan, un travail scientifique considérable a été accompli par les éxégètes, les historiens et les archéologues pour cerner au plus près ce qu’avait été l’existence de celui qui se présentait comme le fils de Dieu. Outre l’œuvre pionnière du Père Lagrange, fondateur de l’Ecole Biblique de Jérusalem, les recherches allemandes, anglo-saxonnes et françaises ont permis de reconstituer l’environnement dans lequel est apparu le Jésus de l’Histoire. La découverte en Egypte de la bibliothèque gnostique de Nag Hammadi puis, à Qumrân, celle des manuscrits de la Mer Morte ont constitué autant d’étapes majeures dans la redécouverte de la prédication du Crucifié. La chronologie - y compris à partir des données astronomiques - a pu être précisée. L’auteur entend cependant fixer des limites à son entreprise. Il nous rappelle que l’on ne connaît, au mieux, de Jésus que les trois années et quelques mois de sa vie publique et qu’il serait illusoire de chercher à compléter ce tableau en s’appuyant sur les pieux récits apocryphes des IIe et IIIe siècles de notre ère. Selon lui, « l’artisan de Nazareth demeurera toujours dissimulé dans l’ombre de ses années cachées. Demeurant dans sa discipline, dont l'objet est la vérité des faits, l’historien n’a pas à énoncer des affirmations de foi… Encore lui faut-il se libérer des a priori de l’utopie rationaliste et des conceptionsn positivistes et scientistes qui ont longtemps prévalu. Cela suppose - tout particulièrement pour la vie de Jésus - de rester ouvert au mystère et au surnaturel… ».

Soucieux de se tenir tout autant à distance d’un fondamentalisme obsolète que d’un militantisme antireligieux, l’auteur, se référant au pape Benoît XVI, entend rechercher, à travers les traces qu’il a laissées, la cohérence intime de l’être de Jésus et de son message, la « marque spécifique de sa singularité ». Considérant qu’il a retenu un choix d’hypothèses - celles qui présentent en l’état de la recherche le plus haut degré de vraisemblance et qui permettent, en les poussant à leur terme, une reconstitution logique - Jean-Christian Petitfils assume la part de choix personnel dans les options qu’il a retenues mais n’a guère de peine à emporter la conviction de son lecteur. Il distingue dans les sources les évangiles synoptiques, qui ont intégré la mémoire des témoins de la première génération chrétienne, et l’évangile de Jean qui constitue selon lui la source la plus précieuse en ce qu’il est le plus « historique » ; comme l’avait pressenti Renan et comme l’avait montré, dès 1968, A.M. Hunter dans son Saint Jean, témoin du Jésus de l’Histoire. Un jugement partagé par Marie-Françoise Baslez, l’une de nos meilleures spécialistes des premiers siècles chrétiens. Outre les textes ou les informations que nous procure la recherche archéologique - qui a connu, en Terre Sainte, des développements spectaculaires - Jean-Christian Petitfils, qui pointe les limites de la datation au radiocarbone, accorde une place importante à trois reliques de la Passion - le linceul de Turin, le suaire d’Oviedo et la tunique d’Argenteuil - qui résistent, selon lui, à la critique historique et scientifique. Sans jamais se départir de la démarche critique indispensable à l’historien, l’auteur n’en réserve pas moins au mystère la part qui lui revient et insiste sur les effets opérés chez les disciples du Ressuscité par son retour parmi eux, dans l’éblouissement pascal. « Comment croire, écrit-il, qu’ils aient été de banals affabulateurs, des mythomanes victimes d’hallucinations? Il y a là un phénomène unique que l’historien, armé de sa seule science, ne peut pénétrer. De ce point de vue, le Jésus de l’Histoire demeure une énigme. »
 
Mentions légales Conditions de vente Comment s'inscrire Vos assurances Qui sommes-nous ? Clio recrute Nous contacter ou nous visiter