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Histoire de l'Arménie. Des origines à nos jours
Histoire de l'Arménie. Des origines à nos jours
Annie et Jean-Pierre Mahé
Perrin
Paris
2012
Alors que la région du Caucase – située au contact des mondes turc, russe et iranien – apparaît comme une zone d'instabilité géopolitique durable, la synthèse monumentale que proposent Annie et Jean-Pierre Mahé met à notre disposition un outil aussi précieux qu'indispensable pour partir à la découverte d'une nation durement malmenée par l'Histoire, mais demeurée porteuse d'une identité préservée depuis plus de deux millénaires. Jean-Pierre Mahé était, sans aucun doute, le spécialiste français le mieux à même de conduire à son terme une entreprise aussi ambitieuse. Auteur de nombreux ouvrages, membre de l'Institut de France, professeur d'arménien à l'Institut national des Langues et des Civilisations orientales jusqu'en 1988, directeur de la Revue d'études arméniennes jusqu'en 2010, il est aujourd'hui directeur d'études de philologie et d'historiographie du Caucase chrétien à l'Ecole pratique des hautes études. Au delà de l'érudition éblouissante, cette Histoire de l'Arménie – complétée de seize cartes, d'un appareil de notes, d'une chronologie et d'une bibliographie des plus utiles – révèle la puissante empathie que manifeste l'auteur pour son sujet, l'intérêt qu'il porte aux destinées de ce peuple original, si souvent victime, mais toujours présent dans la vaste symphonie des grandes cultures humaines. C'était la condition nécessaire pour être en mesure de raconter l'histoire de ce pays placé « à la lisière de plusieurs mondes », assyrien et indo-européen, byzantin et perse, chrétien et musulman, turc et russe...

La difficulté de l'entreprise résidait toutefois dans l'extrême variabilité des frontières d'un Etat à l'existence incertaine, dont la base territoriale a constamment évolué en fonction des victoires ou des défaites qui ont marqué son histoire, dans les errances d'un peuple dont une partie importante se trouve aujourd'hui dispersée en Europe, en Amérique du Nord ou au Proche-Orient, une diaspora qui n'a pas moins gardé une haute conscience de son identité originelle. Ces obstacles sont cependant surmontés par l'importance d'une tradition écrite remontant au Ve siècle de notre ère et par l'abondance des sources étrangères à partir de l'époque moderne, le tout complété par les nombreux travaux qu'a suscités le « réveil national » qui s'est affirmé, comme chez tant d'autres peuples européens, à partir du XIXe siècle.

Dans un premier chapitre intitulé « Genèse », Jean-Pierre Mahé fait le point à propos des « origines » arméniennes, non sans avoir précédemment décrit le cadre naturel qui a vu se dérouler cette histoire particulière. Etendu sur 300 000 kilomètres carrés et plus élevé que ses voisins anatolien et iranien, le plateau arménien, dominé par les sommets du massif de l'Ararat, se caractérise par son accès difficile, son climat rigoureux et le morcellement d'un territoire au relief très accidenté. Au IXe et VIIIe siècles avant J.-C., le royaume d'Urartu, né dans les régions où l'Euphrate et l'Araxe prennent leurs sources, apparaît comme l'ancêtre de la future Arménie, confronté régulièrement à la menace assyrienne. L’archéologie a ressuscité – à Teishebani (Karmir Blur) et à Erebouni (Erevan), non loin du lac Sevan – cette civilisation de tradition hourrite qui dut faire face, non sans difficultés, à la menace assyrienne, à l'époque où les souverains de Ninive avaient atteint l'apogée de leur puissance. C'est une autre séquence historique qui commence avec l'apparition des Arméniens, des Indo-Européens que l'auteur fait venir de l'Ouest, en mettant en lumière les rapprochements qu'il est possible d'opérer entre leur langue d'une part, le grec et le thrace de l'autre. Passée un temps sous la domination du Grand Roi perse achéménide, l'Arménie est ensuite disputée, au cours de l'époque hellénistique et romaine, entre les diverses puissances qui se partagent alors le Proche-Orient, le royaume séleucide, les légions de Pompée qu'affronte le roi Tigrane, les Parthes Arsacides et, plus tard, la Perse sassanide. Présent dès la fin du Ier siècle, le christianisme s'impose au début du IVe siècle, marqué par la figure de Grégoire l'Illuminateur dont la vie est mise par écrit un siècle plus tard. Confrontée à la menace perse, l'Arménie maintient une indépendance fragile vis-à-vis de Byzance, mais la vague musulmane se révèle rapidement irrésistible au milieu du VIIe siècle. L'Arménie n'en survit pas moins, malgré la répression qui la frappe à chacune de ses révoltes, et affirme même un particularisme religieux, mais la prise d'Ani par les Byzantins, puis par les Seldjoukides, bientôt suivie de celle de Kars, fait que la région passe un temps sous le contrôle de la Géorgie, avant que la conquête mongole ne vienne rebattre les cartes régionales. De ces époques troublées datent les débuts de la diaspora arménienne, déjà présente en Crimée, en Hongrie ou sur les rives de la Volga, pendant que se constitue, au sud-est de l'Asie Mineure, un brillant royaume arménien de Cilicie. L'Arménie est ensuite un enjeu dans la lutte qui oppose Turcs ottomans et Perses safavides, avant que les Russes ne viennent, au début du XIXe siècle, écarter les deux puissances rivales...

Jean-Pierre Mahé se penche longuement sur la question du « génocide » perpétré par les Turcs à l'occasion de la première guerre mondiale et analyse de manière impartiale la nature des crimes commis et les responsabilités des différents acteurs, sans épargner l'Allemagne alliée des Ottomans, dont les dirigeants n'adoptèrent pas tous l'attitude courageuse du pasteur Johannes Lepsius ou de l'écrivain Armin Wegner qui dénoncèrent les massacres devant l'opinion publique. L'auteur met également en lumière, dans son dernier chapitre, le lien étroit qui unit, dans le contexte du conflit arméno-azéri du Karabagh, Erevan et Moscou. Outre les lumières qu'il nous apporte à propos de la longue histoire arménienne, l'ouvrage de Jean-Pierre Mahé nous permet aussi d'évaluer les enjeux du présent et les défis que doit relever une petite nation caucasienne qui constitue une avant-garde « européenne » aux portes d'un Orient dont l'instabilité apparaît porteuse de lourdes menaces.
Pour découvrir l'Arménie avec Jean-Pierre Mahé et Clio
AGE 31 - 13 jours

Au cœur du Caucase, l’Arménie et la Géorgie constituent deux centres majeurs de civilisation. En effet, depuis l’Antiquité, ces régions privilégiées, enserrées dans un écrin de montagnes et de désert, ... Découvrir ce voyage
 
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