Présentée comme le modèle d'une colonisation réussie à l'époque où la France cherchait à justifier sa présence au sud de la Méditerranée, l'Afrique romaine a été l'objet de nombreuses études mais il manquait à ce sujet une synthèse récente et le travail réalisé par Yann Le Bohec, professeur d'histoire romaine à Paris IV, vient heureusement combler cette lacune. L'ouvrage longtemps classique de Charles-André Julien péchait par une certaine confusion et privilégiait l'histoire événementielle. A l'inverse, la belle synthèse de Gilbert-Charles Picard portait sur les faits de civilisation mais négligeait la période du Bas Empire. Il était donc nécessaire de présenter comme un tout une histoire entamée en 146 avant J.-C. par la conquête de Carthage et terminée en 439 de l'ère chrétienne avec la prise de cette même ville par les Vandales. Tout en adoptant une démarche chronologique, l'auteur nous présente les grandes tendances des évolutions économiques, sociale et culturelle. Le culte du « Saturne africain », l'essor du christianisme mais aussi la survie du « paganisme » fournissent la matière de pages particulièrement éclairantes. Certaines questions controversées – la réalité de la « résistance africaine » à Rome, les limites de la romanisation, la permanence du fonds libyco-berbère ou la belle prospérité du IVe siècle – font l'objet d'approches mesurées. Chargé depuis 1986 de la rédaction d'une bibliographie annuelle de l'Afrique romaine, Yann Le Bohec, dont la thèse portait sur la IIIe Légion Auguste, a su exploiter les résultats des travaux les plus récents et peut ainsi nous proposer une synthèse dont on peut penser qu'elle s'imposera pour longtemps comme la référence sur cette question.