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Grande-Bretagne
Grande-Bretagne
Gérard Hocmard
PUF
Paris
2013
Il faut bien constater qu'en en nos temps d'union européenne et de mondialisation, un «mystère anglais» demeure. Passés du statut «d'ennemis héréditaires» - qui se virent longtemps reprocher la mort de Jeanne d'Arc, l'exil de Napoléon à Sainte Hélène et l'humiliation de Fachoda, pour ne rien dire de l'agression de Mers el Kébir - à celui d'alliés ou de pacifiques adversaires sur les terrains de rugby, nos voisins insulaires ont longtemps suscité, de ce côté-ci de la Manche, davantage d'hostilité ou de méfiance que de véritable curiosité. Dans le même temps, les sentiments éprouvés par les sujets de Sa Gracieuse Majesté à l'égard des «mangeurs de grenouilles» n'ont pas toujours été marqués du sceau d'une extrême aménité. On pouvait penser que certains malentendus nés d'une Histoire conflictuelle avaient vocation à se dissiper au fil du temps et de l'établissement d'un nouvel ordre mondial condamnant les Européens à d'inéluctables rapprochements mais l'hégémonie linguistique anglo-américaine et son global english propice au développement des échanges et de l'économie ne peuvent faire illusion et il faut bien constater, malgré la facilité que revêt désormais le voyage à Londres, l'extrême ignorance dans laquelle demeurent les Français à propos de la Grande-Bretagne et de ses habitants. L'intérêt de l'ouvrage réalisé par Gérard Hocmard n'en apparaît donc que plus évident. Quatorzième volume de la collection «Culture-Guides» réalisée par les Presses Universitaires de France et l'agence Clio, cette Grande-Bretagne vaut par sa qualité didactique, la densité et la clarté de l'information qu'elle nous propose mais aussi par les talents d'écriture d'un auteur qui, maîtrisant une parfaite érudition, sait nous faire partager sa passion pour nos «étranges voisins». Agrégé d'anglais et professeur honoraire de khâgne, Gérard Hocmard est aussi délégué général de l'Association France Grande-Bretagne et fait bénéficier de ses conférences les voyageurs de Clio qu'il accompagne outre-Manche. Autant dire qu'il était à tous égards l'homme de la situation et le résultat est à la mesure des attentes des nombreux fidèles de la collection, impatients de voir abordé un pays dont le passé et l'héritage littéraire ou artistique ne sont guère plus enseignés mais dont le public sent confusément qu'il représente un élément irremplaçable du concert culturel européen..
Le retour sur l'Histoire constitue la trame principale de l'ouvrage, .une Histoire qui s'inscrit dans la longue durée, celle qui remonte aux temps lointains d'une protohistoire encore mystérieuse, résumée par l'impressionnant ensemble mégalithique de Stonehenge. Le temps de la «Bretagne» romaine voit se dessiner l'espace de la future «Angleterre», distincte des contrées demeurées «barbares» de la Calédonie au nord (l'Ecosse à venir), et du Pays de Galles à l'ouest. Les invasions des Angles et des Saxons, l'affrontement avec les Bretons magnifié ultérieurement par la légende arthurienne, l'éphémère royaume anglo-danois de Knut le Grand, l'irruption des Norvégiens et, enfin, celle des Normands de Guillaume le Bâtard réalisent, au fil des siècles du premier Moyen Age, la synthèse ethnique d'où sortira la nation anglaise. Intégrée à un «empire» Plantagenet étendu des frontières écossaises aux Pyrénées et englobant Normandie, Anjou, Maine, Poitou et Aquitaine, l'Angleterre va ensuite sortir, avec son expulsion du continent correspondant à la fin de la Guerre de Cent Ans, de la confusion féodale pour se confondre avec un espace insulaire appelé à constituer le cadre territorial de son histoire ultérieure. En faisant précocement, du fait de sa situation géographique, le choix de privilégier la puissance maritime, elle entame avec Henri VII un développement naval et commercial qui fera sa fortune. La rupture avec Rome, la victoire remportée sur l'Armada espagnole et l'avènement douloureux – au siècle suivant - d'un régime politique parlementaire tout à fait original contribuent à la création d'une identité bien particulière dans l'Europe du XVIIIème siècle. Foyer originel de la révolution industrielle, principale bénéficiaire de l'expansion maritime européenne, l'Angleterre peut l'emporter dans l'affrontement séculaire qui l'oppose à la France pour la prépondérance dans le concert européen. Soucieuse du maintien d'un «équilibre» garant de la division de ses rivaux continentaux, elle établit, après l'avoir emporté sur Napoléon et quand «Britannia rule on the waves» la première hégémonie globale de l'Histoire. Appuyée sur ce qui est devenu l'Empire britannique et sur la capacité de projection de force que lui procure la Royal Navy, l'Angleterre apparaît, tout au long du XIXème siècle, comme le premier pôle de puissance et de modernité, avant que les tragédies du XXème ne la condamnent au rang de second derrière la nouvelle hégémonie états-unienne. Ce qui ne préjuge en rien des possibilités que lui laissent pour l'avenir ses ressources en matière de savoir ou d'innovations techniques ou sociales, les civilisations capables de maintenir leur originalité conservant toujours les potentialités nécessaires à leur continuité ou à leur éventuelle renaissance.
Outre un survol complet de la prodigieuse aventure historique qui fut celle de l'Angleterre, de l'Ecosse et du Pays de Galles, le livre de Gérard Hocmard nous propose - selon la formule retenue pour la collection - de nombreux encadrés fournissant des éclairages particuliers ou inattendus sur divers aspects du passé, de la mémoire et du patrimoine britanniques. Le lecteur découvrira ainsi ce que furent la révolte antiromaine de la reine Boudicca, qui fait écho outre-Manche à celle de notre Vercingétorix, la légende de Robin des Bois, le personnage de Marie Tudor «la Sanglante», le Complot des Poudres,les élucubrations égalitaristes des Levellers et autres Diggers durant la révolution du XVIIème siècle et le Grand Incendie de Londres raconté par Samuel Pepys... Il revivra les mésaventures des rebelles jacobites avec Bonnie Prince Charlie, le vaincu de Culloden, comprendra comment la prédication méthodiste de Wesley a mis fin à la «vieille et joyeuse Angleterre» de Hogarth et de Fielding pour engendrer le puritanisme victorien, avant d'aborder l'affrontement du Welfare State d'après-guerre et de la révolution libérale thatchérienne. Les grands moments de la culture britannique - de Shakespeare aux Préraphaélites en passant par Haendel, Constable et Walter Scott - ne sont pas oubliés mais, plus généralement, ce sont aussi certains «marqueurs» propres à ce monde original qui sont abordés, du whisky au gentleman, du sport à la cuisine... Ne manquent que les Beatles et les Rolling Stones mais ce sont des lacunes que l'on pardonnera aisément à l'auteur, qui nous donne ici beaucoup plus qu'un simple guide, un trousseau de clefs pour nous familiariser avec une Grande-Bretagne qu'il ne sera plus possible de réduire à de simples clichés.
 
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