Le « miracle » économique chinois trouve son origine dans le pragmatisme dont a su faire preuve Deng Xiao Ping dans la mise en œuvre d’un modèle, développement déjà expérimenté avec succès par le Japon et par les « dragons » taïwanais ou sud-coréen. Une croissance réalisée, cette fois, à l’échelle d’un Etat-continent pesant, en terme démographique, près du quart de l’humanité. Deuxième puissance économique du monde depuis 2008, disposant des premières réserves financières et perçue désormais comme le compétiteur le plus redoutable du géant américain, la Chine s’affirme déjà comme l’une des superpuissances du début du XXIe siècle, même si le vieillissement de sa population, annoncé pour l’horizon 2030, paraît susceptible de lui poser un problème majeur, face à une Inde dont le nombre d’habitants dépassera alors le sien.
L’évolution rapide qu’a connue ce pays intervenue après la longue éclipse politique commencée avec la guerre de l’opium de 1842, poursuivie avec la longue et humiliante période du « break up of China » et aggravée par la guerre civile et l’isolement maoïste – conduit naturellement à s’interroger sur les raisons des mutations en cours et sur les perspectives d’avenir qu’elles ouvrent au nouvel Empire du Milieu.
C’est tout le mérite de l’ouvrage de Denis Lambert, un scientifique passé à l’analyse géostratégique, de nous fournir les clés permettant l’intelligence d’un monde par ailleurs analysé par des spécialistes qui, de Marcel Granet à François Jullien, se sont consacrés, depuis plus d’un siècle, à l’étude d’une civilisation dont les codes et les valeurs, marqués par la tradition confucéenne, différent sensiblement de ceux qui ont contribué à la construction de la tradition européenne et occidentale.
Denis Lambert nous permet tout d’abord de décrypter – au-delà de l’analyse des contraintes géographiques et des réalités du paysage humain la représentation du monde qui commande la vision qu’ont eue les Chinois d’eux-mêmes et de la place qu’ils s’attribuent en Asie comme centre de gravité régional de tout l’espace extrême-oriental. Il insiste également sur la place que tient aujourd’hui, dans la mémoire chinoise, le siècle et demi de décadence et de sujétion qui a correspondu à l’agonie de la dynastie mandchoue, une vision qui va de pair avec la conscience d’avoir créé l’une des civilisations les plus anciennes et les plus brillantes du monde, ce qu’a magnifiquement exprimé, en août 2008, la superbe cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques de Pékin.
Une fois rappelés ces fondamentaux, l’auteur peut aborder les grands défis géopolitiques que doit affronter la Chine d’aujourd’hui : la question tibétaine, « l’Alsace-Lorraine » taïwanaise, les minorités ouïghoure du Xin Jiang et musulmane du Yunnan, les relations avec les Etats de la périphérie, l’antagonisme historique avec le Japon, la volonté de jouer un rôle mondial naturellement inscrit dans le développement du pays et les liens que ses progrès industriels l’ont amené à nouer avec l’Australie, l’Afrique, l’Amérique latine et, bien sûr, le Proche-Orient pétrolier…
Auteur d’une Géopolitique de l’Inde. Védisme, laïcité et puissance nucléaire publiée également chez Ellipses, l’auteur nous fournit ainsi une riche matière à réflexion, sur un pays dont le rôle est prééminent dans l'évolution de l'ensemble du monde contemporain.