Fous de Tibet.
Six découvreurs du toit du monde - 1889 -1895
Chantal Edel
Editions des Riaux
Paris
2007
Après avoir réuni les récits de quelques hardis voyageurs aventurés dans les solitudes patagones, Chantal Edel nous entraîne cette fois vers les hauteurs himalayennes, au coeur de ce Tibet demeuré si longtemps « interdit », où seuls quelques explorateurs un peu fous prirent le risque de s’aventurer jusqu’au début du siècle dernier, avant que les Anglais ne viennent imposer leur loi à Lhassa, dans la ville sainte où bat le coeur de la civilisation lamaïque. Dans la préface qu’il a donnée à l’ouvrage, Sylvain Tesson, qui a eu l’occasion de se frotter aux grands espaces himalayens et sibériens, nous fait justement remarquer que l’on n'a pas assez étudié « le rapport entre la position géographique d’une région et sa charge symbolique. C’est-à-dire l’ensemble des causes naturelles qui confèrent à un lieu une énergie et une valeur culturelle puissantes. Or, les forces de la nature se sont liguées pour faire du Tibet une terre exceptionnelle, tenant à la fois du bastion féodal et du temple mythique… » C’est bien à une véritable quête, analogue à celles des anciens âges, que se sont consacrés les quelques voyageurs désireux d’aller découvrir le « Toit du Monde ». Première « Européenne à Lhassa », Alexandra David Neel est certainement la plus connue et ses aventures ont fourni, outre ses propres récits, la matière d’une abondante bibliographie. Moins familiers au grand public, les auteurs des textes donnés à la revue Le Tour du Monde et réunis par Chantal Edel n’en ont pas moins connu des aventures exceptionnelles, après avoir affronté des conditions naturelles particulièrement hostiles. Accompagné du prince Henri d‘Orléans (1867-1901), Gabriel Bonvalot (1853-1933) fut le premier Français à pénétrer au Tibet après les pères Huc et Gabet venus de Chine quelques décennies auparavant. Partis en 1889, les deux hommes explorèrent le nord du plateau tibétain et découvrirent le lac Tengri Nor, le « Lac du Ciel », mais ne purent gagner Lhassa. Jules Dutreuil de Rhins sera moins heureux en 1894 puisqu’il sera tué dans une embuscade et c’est son compagnon, le sinologue Fernand Grenard, qui terminera cette mission d’exploration du Tibet occidental et septentrional. A la solde de l’agent russe et faux lama Agouan Dordjieff, le Bouriate Ovché Narzounov a réalisé pour sa part plusieurs missions au Tibet dont il sera le premier à ramener, en 1899, des photographies de Lhassa. Dans Le Tibet dévoilé, le Suédois Sven Hedin raconte le voyage qu’il effectua dans ces régions inhospitalières, sans aller jusqu’à Lhassa, en 1906-1908. C’est ce géographe, par ailleurs un habile dessinateur et remarquable cartographe, qui découvre le mythique mont Kaïlash, l’un des lieux de pèlerinage les plus impressionnants du monde himalayen. Il est aussi le premier à reconnaître les sources du Brahmapoutre et de la Sutlej, l’un des principaux affluents de l’Indus, non sans avoir accompli de véritables exploits en matière d’endurance, dans des conditions climatiques le plus souvent extrêmes.