Don Juan d'Autriche
Jean-Pierre Bois
Tallandier
Paris
2008
Né en 1547 à Ratisbonne des amours passagères entre Charles Quint et la belle Barbara Blomberg, celui qui deviendra don Juan de Austria sera d’abord élevé clandestinement en Espagne et ce n’est qu’à l’ouverture du testament de son père, retiré pour y mourir dans le monastère de Yuste, que son existence sera révélée au grand jour, douze ans après sa naissance.
C’est sous le nom de don Juan d’Autriche que cet enfant bâtard – un statut qui n’a rien, à l’époque, de dévalorisant – va jouer les premiers rôles dans l’Histoire de son temps. Il fréquente dès lors ses deux neveux, qui ont à peu près le même âge que lui, le fils de Philippe II, don Carlos, et Alexandre Farnèse, fils de Marguerite de Parme, elle-même enfant illégitime de l’empereur défunt. Etudiant à Alcala de Hénares, il se voit promettre le chapeau de cardinal mais, heureusement pour lui et pour l’Espagne, les disputes opposant Philippe II au pape Pie IV retardent les choses de telle sorte qu’il se consacrera finalement à la carrière des armes.
En 1565, Il arrive trop tard pour s’embarquer et se porter au secours de Malte menacée par les Turcs. Ce n’est que partie remise puisqu’un chroniqueur du temps le juge « sans égal pour l’équitation, les joutes, l’escrime et les tournois où il se montre infatigable ». La folie et la mort en prison de don Carlos font de lui un successeur possible de son demi-frère, mais il songe alors surtout à acquérir la gloire que procure le métier militaire. C’est ainsi qu’il participe à la « deuxième guerre de Grenade », qui voit les forces espagnoles affronter les Morisques rebelles. Le succès est acquis au bout de dix-huit mois d’un conflit sanglant à l’issue duquel le prince regrette les déportations massives des vaincus vers les plateaux de la Nouvelle-Castille et de l’Extremadure.
D’autres combats l’appellent bientôt. Chypre est tombée en 1570 aux mains des Turcs, et le sultan de Constantinople se prépare à lancer une puissante offensive navale en Méditerranée occidentale. Pour conjurer le danger, l’Espagne, la papauté et toutes les principautés italiennes, notamment Venise, s’unissent pour former la Sainte Ligue et c’est don Juan qui reçoit le commandement de la flotte chargée de refouler les envahisseurs. En octobre 1571, c’est à lui que revient la gloire de l’immense victoire remportée à Lépante. Il s’empare de Tunis en 1573, mais ce succès est éphémère. Chargé un temps de commander en Italie aux deux vice-rois de Naples et de Sicile, il est envoyé ensuite aux Pays-Bas car Philippe II craint ce chef de guerre qui n’a pas trente ans mais dispose déjà d’un immense prestige. La situation est quasiment désespérée pour les Espagnols quand don Juan arrive en Flandre et il doit composer avec Guillaume d’Orange, le chef des protestants révoltés. Le champion du combat contre les Turcs se trouve mal à l’aise dans ce conflit qui oppose catholiques et réformés et il souhaite même son rappel. L’intervention de son neveu Alexandre Farnèse lui permet cependant de renverser le cours des événements et de reconquérir les Pays-Bas catholiques. Une victoire qu’il n’aura guère le temps d’exploiter puisque, tombé malade au début de l’été 1578, il meurt le 1er octobre. Le roi Philippe II fera rapatrier le corps de son demi-frère et décidera de son inhumation dans le palais monastère de l’Escorial où il repose toujours au côté de leur père Charles Quint.
Demeuré à bien des égards l’héritier de la tradition chevaleresque bourguignonne, don Juan, emporté à trente et un ans, reste pour ses contemporains le vainqueur de Lépante, la figure héroïque d’une Espagne qu’il ne convient pas de résumer au seul roi-moine de l’Escorial. Spécialiste d’Histoire militaire, auteur d’un Maurice de Saxe et d’un Dumouriez qui font désormais référence, Jean-Pierre Bois signe, avec ce Don Juan d’Autriche, une biographie qui réintroduit un personnage majeur de l’imaginaire espagnol et catholique dans la complexité des réalités de son temps.