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Dictionnaire de la peinture par les peintres
Dictionnaire de la peinture par les peintres
Pascal Bonafoux
Perrin
Paris
2012
Silence de la peinture et discours des peintres
De Léonard de Vinci qui proclama que "La peinture est une poésie muette" à Salvador Dali qui ordonnait "Peins donc et tais-toi !" , les peintres s'accordent sur leur droit au silence et même sur leur devoir de se taire. Cependant de légendes en histoires de l'art, de conférences en traités, de lettres en autobiographies, de mémoires en interviews, de pamphlets en thèse universitaires, ils nous ont laissé un immense corpus dans lequel Pascal Bonafoux a eu l'idée originale de puiser pour composer ce "Dictionnaire de la peinture par les peintres".
Son érudition d'historien de l'art et sa familiarité avec les préoccupations de ses amis peintres d'aujourd'hui le désignait pour tirer de la parole des artistes sur leur métier ce feu d'artifice aussi éblouissant qu'éclairant sur les séductions éternelles de la peinture.

L'Histoire de l'art par les artistes
On connaît les positions de l'auteur sur les notions d'école ou de mouvement et ces classifications vaines qui s'oppose au contact direct avec la réalité des tableaux : "Le suffixe -isme ne dit jamais ce qu'est la singularité d'une œuvre". C'est donc avec jubilation qu'il nous donne à entendre de leur bouche même les protestations éloquentes de tous les réalistes, idéalistes, naturalistes, symbolistes, fauves, cubistes ou expressionnistes, qui ont rué dans ces brancards que les critiques voulaient leur imposer ! Objectera-t-on qu'il se trouve une entrée "Impressionnisme" dans son propre dictionnaire ? C'est qu'il ne pouvait nous priver d'une mise au point salutaire sur la légende que les membres de ce groupe insaisissable ont contribué eux-mêmes à forger pour mieux s'en distinguer !
C'est à travers les réflexions croisées de Karel van Mander, Rothko, Renoir, Picasso et bien d'autres, académiciens de France ou francs-tireurs inclassables de la figuration libre, qu'il nous amène à considérer d'un œil neuf les débats classiques ou contemporains. Primauté du dessin ou de la couleur ? On sait ce qu'en pensaient "rubénistes" et "poussinistes" mais il est intéressant d'entendre Pierre Soulages se mettre à l'unisson de Vasari, Pissarro, Giacometti et Dali pour affirmer : "Ce qu'il faut dire, ce que je crois, c'est que, qu'il s'agisse de peinture ou de sculpture, il n'y a que le dessin qui compte. Il faut s'accrocher uniquement, exclusivement au dessin. Si l'on dominait un peu le dessin tout le reste serait possible". Et si la petite phrase de Ingres selon laquelle "Le dessin est la probité de la peinture" fut si décriée en son temps c'est, nous dit-il, davantage parce que la "probité" comme la morale n'ont guère à voir avec l'art que parce que le dessin, fût-ce "au pinceau, dans la peinture" aurait pu être sérieusement mis en cause !
L'article sur le Noir nous offre le plus étonnant morceau de bravoure en mêlant des considérations émerveillées de van Gogh sur les tableaux de Frans Hals, une hallucinante anecdote sur la rencontre du jeune Renoir et du peintre Narcisse Diaz en forêt de Fontainebleau et un dialogue historique entre Renoir et Matisse.

Exercices d'admiration
Les peintres ne sont pas des anges. Ils ne dédaignent ni la bagarre, ni les déclarations au vitriol. Cependant par-delà les inimitiés de circonstance et les jugements expéditifs ce que montre Pascal Bonafoux c'est l'extraordinaire compréhension commune de leur métier qui unit à travers les siècles les personnalités les plus diverses. Et cette solidarité réduit à néant les oppositions entre tradition et avant-garde, classicisme et modernité, figuration et abstraction, réalisme et poésie..En même temps que l'affirmation de l'exigence constante d'innovation dans la pratique picturale depuis l'antiquité, il nous fait entendre mille exemples d'hommages rendus par les avant-gardistes d'une époque aux maîtres des générations précédentes : souvent aussi fervents qu'inattendus et toujours dans un langage savoureux, avec les mots de leur sensibilité propre.
Courbet inspire à Nicolas de Staël cet éloge : "C'est un immense bonhomme […] je dis immense parce que sans esthétique, sans pompiérisme, sans préambule, il descend à jet continu des tableaux uniques avec la même sûreté qu'un fleuve qui coule vers la mer, dense, radiant à large sonorité et toujours sobre […] et il peint presque toujours différemment d'un tableau à l'autre. Toujours inattendu […] Quelle merveille. Peindre comme cela vient."
Odilon Redon, l'onirique, glisse à propos du réaliste Courbet : "Il fut un sensitif, un délicat regardeur de choses, un joyeux amusé des changeantes fééries de la lumière externe, pour lui, incontestablement l'art de peindre fut de la délectation, et comme il ne peignit toujours que par amour et par volupté, il fut impeccable."

"Volupté", "Amour" : les grands mots sont lâchés ! Il était inévitable qu'en donnant la parole aux peintres la grande histoire de la sensualité en peinture ne s'esquisse à travers leurs propos. Pascal Bonafoux se délecte du célèbre "L'art n'est jamais chaste de Picasso" et on le sent trop à l'étroit dans les limites de ce dictionnaire pour ne pas imaginer que son esquisse sur ce thème n'aboutisse bientôt à un "tableau terminé".

Escapades dans les villes d'art avec Pascal Bonafoux
Pascal Bonafoux
Ecrivain et critique d'art. Professeur émérite des universités Lire l'article
 
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