Après Venise, l’Egypte et Rome, la collection « Culture-Guide » née de la collaboration de Clio et des Presses Universitaires de France s’enrichit du quatrième volume consacré à la Russie, réalisé par Jean-Pierre Arrignon, médiéviste spécialiste de Byzance et du Moyen Age russe.
Comprendre la Russie, c’est d’abord savoir que son Histoire n’a commencé ni en 1917, ni même avec l’occidentalisation réalisée à marche forcée, pour le meilleur et pour le pire, par Pierre le Grand ou les impératrices éclairées du XVIIIème siècle. Il convient en effet de remonter beaucoup plus loin, au tournant du premier millénaire, quand naquit - de la rencontre entre les Varègues scandinaves, les tribus slaves et Byzance – la première Russie de Kiev, balayée trois siècles plus tard par le cataclysme mongol. Née de la subtile alchimie qui marie les Slaves de l’Est aux paysages de steppe et de forêt étendus de la Mer noire à la Mer blanche et des marais du Pripet au cours de la Volga et à la barrière de l’Oural, la Russie médiévale s’affirme face aux Suédois, aux Teutoniques et aux Tatars et la victoire remportée par Dimitri Donskoï a Kulikovo fait écho à celle obtenue sur les eaux gelées du lac Peïpous par Alexandre Nevski. Une fois les steppes du sud perdues au profit des nomades asiatiques, c’est dans la « Mésopotamie » formée entre Volga et Oka, que se forge le coeur du futur Etat russe, dont il est bon de rappeler qu’il atteignit les rivages de la Caspienne avant ceux de la Baltique ou de la Mer Noire et qu’il conquit la Sibérie avant que le tsar Pierre ne l’oriente résolument vers l’Occident.

Ce souci de la longue durée, seule à même de rendre compte de l’identité russe, n’est pas la moindre des qualités du livre de Jean-Pierre Arrignon, qui mêle heureusement l’Histoire proprement dite à la présentation des particularités religieuses et de l’héritage culturel d’un pays qui renaît aujourd’hui. L’évocation des lieux et des monuments les plus marquants – des églises de Novgorod ou de Irasolavl à celles du Kremlin, du palais de Peterhof à la cathédrale Saint Isaac de Saint Petersbourg, permet au voyageur d’arriver en terrain connu alors que les textes consacrés à l’hésychasme, à Dostsoievski ou à Soljenytsine l’entraînent dans les profondeurs d’une âme russe si étrangère aux logiques occidentales. L’ambassadeur allemand Herberstein, le mousquetaire français Margeret, Elizabeth Vigée-Lebrun, Germaine de Staël, Astolphe de Custine, Anatole Leroy Beaulieu ou Théophile Gautier comptent parmi les compagnons de route que Jean-Pierre Arrignon a associés avec bonheur à cette découverte de la Russie, cet Etat-continent partagé entre les tentations européistes et les perspectives sibériennes et eurasiennes.