Neuvième volume d'une collection qui propose au voyageur une découverte originale de l'histoire et du patrimoine des villes ou des pays qu'elle visite. La Toscane de Jean-Joël Brégeon va bien au-delà de ce que nous apprennent généralement les guides « touristiques ». L'auteur nous entraîne, certes, sous les voûtes du Duomo de Sainte-Marie-aux-Fleurs, vers les hauteurs d'où l'on peut contempler, depuis San Miniato al Monte, le superbe panorama qu'offrent le cours de l'Arno et la cité des Médicis, vers le Campo Santo de Pise ou la place du Palais civique de Sienne, mais il établit surtout, dans la longue durée, les continuités historiques et culturelles qui ont façonné, au fil des siècles, l'identité si particulière de la Toscane.

Ce sont les Etrusques (les Tusci) qui ont donné à cette région leur nom, et le retour sur cette mystérieuse civilisation – qui rayonna sur toute l'Italie centrale au cours du premier millénaire avant J.-C. – révèle bien des surprises, de l'histoire des découvertes archéologiques à la question controversée des origines de ce peuple dont on mesure mieux aujourd'hui ce qu'il a apporté à la Rome ultérieure. L'auteur ne s'étend pas sur la période romaine, mais privilégie le temps des communes et des principautés qui se partagent la Toscane du XI^e au XVI^e siècle, en s'affrontant pour y établir leur hégémonie, dans le contexte plus large des luttes opposant dans la péninsule les Guelfes favorables à la papauté et les Gibelins attachés à la cause impériale. Des époques troublées propices à l'ascension des condottieri et à la mise en place de tyrannies urbaines qui inspireront à Machiavel les réflexions fondatrices de la science politique.

Des temps bien rudes au cours desquels Florence réussit à s'imposer face à Pise et Sienne, ses rivales, mais qui voient Lorenzetti exalter dans ses fresques le « bon gouvernement », alors que Nicola Pisano, Masaccio et Piero della Francesca inaugurent un langage plastique résolument nouveau. Devenue la « Nouvelle Athènes » dans le dernier tiers du Quattrocento, Florence, déjà illustrée précédemment par Dante et Boccace, apparaît comme la matrice du nouveau monde né de la « Renaissance », ce souffle nouveau qui s'exprime à travers les fresques de Fra Angelico, le faste des Médicis, le Printemps de Botticelli et, a contrario, le « bûcher des vanités » dressé à l'appel de Savonarole.

Le déferlement des « Barbares » – Français, Espagnols ou Impériaux – va condamner la Toscane, comme toute l'Italie, à demeurer pendant de longs siècles l'objet des convoitises et des rivalités des grandes puissances du temps, mais la vitalité culturelle du duché perdure, illustrée au XVII^e siècle par Galilée ou les sculptures fantastiques de Bomarzo et, au temps des Lumières, par l'Académie du grand-duc Léopold.

Rattachée en 1860 au tout jeune royaume créé au profit de la dynastie de Savoie, la Toscane sera la terre d'élection des Macchiaioli, les peintres qui exprimeront le mieux, au XIX^e siècle, la permanence du génie pictural italien. Riches d'un patrimoine historique et monumental exceptionnel, les terres qui entourent Florence ou Sienne séduisent aussi par l'allure de leurs collines, la qualité de leurs vignobles et l'élégance de leurs vastes demeures rurales. De quoi ravir tous ceux qui découvrent ce pays, appelés à s'inscrire dans la longue liste de ces voyageurs et écrivains qui, de Stendhal à André Suarés et de Madame de Staël à Camus, ont découvert là les chemins qui conduisent à la Beauté.