Ce onzième volume de la collection « Culture-Guides » est consacré à Naples et aux régions qui l'entourent : Campanie, Calabre, Abruzzes, Pouilles, Basilicate et Molise.

Réalisé par un professeur de lettres classiques passionnée par les auteurs anciens et par l'œuvre de Stendhal, l'ouvrage retrace l'histoire de la partie méridionale de la botte italienne mais évoque aussi ce qui fait, dans la longue durée, l'identité si particulière d'un espace où se sont succédées plusieurs civilisations diverses, des temps lointains de la colonisation grecque à l'intervention des Normands ou des Espagnols. Elle dégage ce qui a contribué à la genèse d'un art de vivre original et à la floraison d'un patrimoine qui réunit les temples grecs et les sanctuaires gothiques ou baroques d'une capitale qui fut, un temps, la ville la plus peuplée d'Europe.

Terre d'exception qui voit la violence et la misère côtoyer l'éclat de la beauté et les souffle de la foi, l'Italie méridionale a su conserver, malgré les difficultés économiques et sociales structurelles, des capacités de séduction qui attirent toujours vers elle les voyageurs qui viennent y chercher cette « différence » qui mêle les ruines de Pompéi, la péninsule de Sorrente ou les étendues sauvages du massif de la Sila renvoient à un imaginaire nourri de références antiques et d'images mêlant les paysages de la baie de Naples aux aventures des carbonari et à l'épopée garibaldienne.

Les colères du Vésuve, les manifestations infernales des Champs Phlégréens ou les violents séismes qui affectent régulièrement la région en disent long sur la complexité d'un environnement naturel qui voit coexister le « rivages très féconds de Campanie » évoqués par Tacite avec les hauteurs orgueilleuses et désolées des Abruzzes, le découpage somptueux des côtes calabraises avec la plaine apulienne dominée par les hauteurs du Gargano où Saint Michel est venu prendre le relais des antiques divinités.

Comme la Sicile voisine, cette terre suscita très tôt l'intérêt des hardis colons grecs venus implanter l'hellénisme sur les marges occidentales de son espace d'origine. Cumes, Crotone, Tarente, Thourioi et Néapolis virent ainsi éclore certaines des fleurs les plus remarquables de la civilisation grecque, illustrée par Pythagore à Crotone, Parménide à Elée ou par les imposants sanctuaires de Poseidonia-Paestum. Longtemps voisine des périphéries méridionales du monde étrusque cette « Grande Grèce » d'Occident a dû ensuite compter avec Rome qui, victorieuse des Samnites puis de Pyrrhus parvient à imposer sa loi sur le sud de la péninsule où, pour reprendre la formule fameuse d'Horace, « la Grèce vaincue a conquis », sur le plan culturel tout du moins, son farouche vainqueur, ce que résume le transport massif vers le nouveau centre du monde méditerranéen des œuvres grecques parmi les plus belles, dont les deux magnifiques colosses de bronze de Riace, tirés des eaux voici une trentaine d 'années au large de la Calabre. La domination romaine va de pair avec l'essor, sur les terres de la côte campanienne fertilisées par les dépôts volcaniques issus du Vésuve, des brillantes cités de Herculanum, Pompéi ou Stabies, ravagées comme on le sait par l'éruption cataclysmique survenue en 79. L'occasion pour les premiers archéologues de dégager des cendres, dix-sept siècles plus tard, une ville antique admirablement conservée qui constitue toujours une destination incontournable pour tous les amoureux de l'Antiquité.

Un temps byzantine, occupée en certains points par les envahisseurs sarrazins, la région entame une ère nouvelle de son histoire avec l'installation des princes normands, qui réunissent dans un même Etat Naples et la Sicile. Les hasards de la politique matrimoniale, qui voient une héritière normande de Sicile épouser l'empereur allemand Henri VI, font de la région le royaume de Frédéric II de Hohenstaufen, dont le souvenir demeure dans l'impressionnant château apulien de Castel del Monte. Après le temps de la dynastie angevine, ce sont les Aragonais, rapidement relayés par la puissance espagnole, qui s'installent à Naples où les Bourbons issus de Louis XIV perpétuent au XVIII^e siècle cette tradition ibérique. Souverains éclairés, ils seront à l'origine des fouilles de Pompéi et de la construction de l'opéra de San Carlo, appelé à faire longtemps référence en Italie et en Europe en matière d'art lyrique.

La région n'est pas épargnée par les troubles révolutionnaires mais l'éphémère république parthénopéenne, le royaume de Joseph Bonaparte puis de Joachim et Caroline Murat ne seront que des séquences passagères mais, après 1815, la légitimité restaurée des Bourbons est vite contestée par les carbonari ou les officiers libéraux qui déclenchent la malheureuse insurrection de 1820. La lutte sera longue pour aboutir au renversement de l'absolutisme et au rattachement du royaume des Deux-Siciles au nouvel Etat italien né de la crise de 1859-1860. Les Mille de Garibaldi donneront une dimension d'épopée romantique à l'épisode mais l'unité ainsi réalisée sera plus formelle que réelle et, longtemps encore, les bandits d'honneur identiques au Matteo Falcone de Mérimée continueront à défier l'autorité. Cette terre troublée apparaît dans le même temps comme celle des splendeurs baroques de Lecce ou des grandeurs toutes versaillaises du palais de Caserte, Stendhal peut s'extasier devant le théâtre San Carlo et Alexandre Dumas, séduit par la cause italienne, peut se passionner un temps pour l'histoire du défunt royaume. Le temps s'est écoulé et, une fois révolus les grands drames du passé, on a voulu résumer aux retards économiques et sociaux la question du « Mezzogiorno » mais cette Italie ne peut se réduire à des analyses et des choix technocratiques qui ne pourront jamais rendre compte de la fascination qu'exercent toujours les ruines de Paestum et de Pompéi ou du mystère qui entoure encore le sang sacré de Saint Janvier.