Les tableaux de Botticelli n'ont jamais cessé – depuis la véritable « redécouverte » effectuée au début du siècle dernier par l'historien anglais Herbert Percy Horne - de susciter des lectures successives et contradictoires et ils ont ainsi engendré une foule d'interprétations, privilégiant l'une ou l'autre des nombreuses sources d'inspiration supposées de l'artiste.
Cette recherche des « clès » dont on imagine qu'elles ont commandé la réalisation de l'œuvre et l'immense succès rencontré auprès du public par
Le Printemps ou
La Naissance de Vénus ont quelque peu occulté ce que nous apprend l'ensemble d'une production étendue sur les trente dernières années du Quattrocento. Il est donc fort heureux qu'une spécialiste telle que Cristina Acidini Luchinat vienne nous proposer une lecture - certes érudite, mais en même temps claire et cohérente - du parcours effectué par le peintre protégé des Médicis.
Née à Florence où elle est actuellement surintendante du Patrimoine artistique et historique, l'auteure était on ne peut mieux placée pour rendre compte des acquis obtenus au cours des dernières années par les chercheurs qui se sont penchés sur la carrière de l'artiste et se sont attachés à l'analyse de ses œuvres. Elle met ainsi en lumière combien Alessandro Filipepi, connu sous le nom de Sandro Botticelli (1445-1510), est aujourd'hui celui qui, mieux que tout autre, a exprimé dans ses peintures l'image de la Florence renaissante et de ses splendeurs inquiètes. Il lui revient en effet de fixer dans des compositions d'une originalité saisissante – et parfois absolument uniques - les idéaux moraux, culturels et esthétiques de son temps. Il ne faut pas pour autant le réduire à la figure de l'artiste « solitaire et retiré » imaginée par les auteurs romantiques qui l'ont redécouvert.
Etroitement lié aux Médicis et à la riche clientèle gravitant autour d'eux, il se montra en effet très actif - aussi bien dans le domaine des productions sacrées que dans celui des œuvres profanes - et dut pour cette raison mobiliser des assistants qui lui permirent de mettre sur pied un atelier efficace produisant des peintures sur bois et sur toile mais aussi des fresques murales, des miniatures, des étoffes peintes, des dessins et divers autres objets d'art. Peintre jusque là très renommé - ce dont témoigne Vasari - Sandro vit son activité très réduite durant les dix dernières années de sa vie, qui correspondent aux dix premières du Cinquecento, et il tomba dans l'oubli après sa mort, au point que des tableaux aussi célèbres que les « fables mythologiques » de la Galerie des Offices furent relégués pendant trois siècles dans les espaces secondaires des résidences et des musées médicéens. Avant que les artistes et les auteurs anglais contemporains des préraphaélites n'assurent au peintre florentin une gloire qui a fait de son œuvre l'une des manifestations majeures de le Renaissance européenne.
Originaire du borgo Ognissanti, fils d'un tanneur, apprenti chez un orfèvre, élève de Fra Filippo Lippi, protégé des Vespusci qui appartiennent à la clientèle des Médicis, le jeune Sandro s'impose quand il atteint la trentaine, en réalisant notamment les célèbres « fables mythologiques » qui constituent aujourd'hui ses tableaux les plus connus et les plus admirés. Il réalise bientôt, après l'échec de la conjuration des Pazzi, les œuvres commandées par les Médicis pour exalter leur victoire mais c'est au nom de l'apaisement entre les maîtres de Florence et le pape Sixte IV - qui avait encouragé les comploteurs - que le pontife le fait venir à Rome pour lui confier la décoration de la Chapelle Sixtine.
L'artiste s'inspire alors du néoplatonisme professé par Marsile Ficin et ses disciples, ce dont témoignent les réminiscences d'Ovide et d'Horace aisément décelables dans
Le Printemps ou celles d'Hésiode présentes dans
La Naissance de Vénus. Après 1490, la crise spirituelle qui affecte l'artiste ne fait que refléter celle que connaît alors la cité de l'Arno. Sensible à la prédication du frère Jérôme Savonarole – qui entend réaliser la purification des Florentins – il est de ceux qui viennent jeter dans le « bûcher des vanités » livres et œuvres d'art dont, sans doute, nombre de ses peintures. On sait ce qu'il advint de la « rénovation de l'Eglise » appelée de ses vœux par le célèbre moine dominicain mais Botticelli, qui s'était compté parmi ses partisans - les piagnoni - ne retrouva jamais son inspiration antérieure et disparut en 1510, âgé de soixante-trois ans, à un moment où une nouvelle génération de peintres était sur le point de s'imposer et où le centre de gravité de la production artistique était en train de passer de Florence à Rome.
Par la fluidité des formes qu'il a figurées, par la délicatesse du dessin, les rythmes de la composition et la douceur qui émane de ses œuvres Botticelli a été l'artiste qui, selon l'historien d'art Bernard Berenson, a réalisé des tableaux « qui sont à la représentation ce que la musique est à la parole. »
Découvrir Florence avec Clio
IT 33 - 7 jours
Avec l'émergence du pouvoir communal, les fières cités de Toscane rivalisent dès le XIIe siècle sur les champs de bataille, mais aussi par des programmes artistiques ambitieux dans lesquels s'identifient ...
Découvrir ce voyage