Bismarck. De la Prusse à l'Allemagne
Jean-Paul Bled
Alvik
Paris
2005
Jean Paul Bled, professeur à la Sorbonne où il est titulaire de la chaire d’histoire de l’Allemagne contemporaine et des mondes germaniques, était le spécialiste le mieux à même de retracer le parcours d’Otto von Bismarck, le fondateur de l’Empire allemand, trop méconnu en France où il fut longtemps considéré, après la défaite de 1870-1871, comme la figure par excellence de l’ennemi. Né en 1815, le futur chancelier est issu d’une vieille famille noble du Brandebourg et, après avoir servi quelque temps l’Etat prussien, il se transforme en un grand propriétaire terrien soucieux de la prospérité de ses domaines. C’est la révolution de 1848 qui décide de sa véritable entrée en politique. Elu député en 1849, il représente la Prusse en 1851 à la Diète confédérale de Francfort. Conservateur et initialement austrophile, il comprend rapidement que la réalisation de l’unité allemande doit conduire le royaume des Hohenzollern à écarter de cet enjeu l’Empire multinational des Habsbourgs. Ambassadeur à Saint Petersbourg puis à Paris, il devient chancelier en 1862 et entreprend la mise en oeuvre du grand projet unitaire. La victoire remportée sur les Autrichiens à Sadowa en 1866 et celle obtenue contre la France en 1870-1871 lui permettent de parvenir à ses fins avec la proclamation de l’Empire allemand le 18 janvier 1871, dans la Galerie des Glaces de Versailles. Demeuré chancelier jusqu’en 1890, date à laquelle il est écarté par le jeune empereur Guillaume II, il se préoccupe de maintenir un statu quo européen qu’il juge favorable au nouvel Etat allemand et il y parvient à travers « l’alliance des trois empereurs » (allemand, russe et autrichien), remise en cause après son départ quand surviendra l’étonnant rapprochement de la République française et de l’empire des tsars. A l’intérieur, il lutte contre l’opposition catholique et entreprend de conjurer les menaces révolutionnaires que risque d’engendrer le développement rapide d’une classe ouvrière dont le poids grandissant témoigne de la bonne santé industrielle du Reich, devenu première puissance du continent européen au moment où le vieux chancelier se retire. Le junker prussien s’était transformé en champion de l’Allemagne unifiée et le conservateur, partisan de la manière forte en 1848, avait su anticiper sur l’évolution de la société industrielle en donnant au monde ouvrier des avantages qui, en ce domaine, feront pour longtemps de son pays un modèle.