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Art et archéologie du Champa. Une ancienne civilisation du Viet Nam
Art et archéologie du Champa. Une ancienne civilisation du Viet Nam
Emmanuel Guillon
Picard
Paris
2011
Révélé par les découvertes effectuées à la fin du XIXe et au début du XXe siècle par les archéologues de l'Ecole française d'Extrême-Orient, l'ancien royaume du Champa fut jadis l'objet des brillantes synthèses réalisées par Henri Parmentier, Georges Maspero et Jean Boisselier, mais il n'en est pas moins demeuré le parent pauvre de la recherche historique en ces régions de la péninsule indochinoise, dans la mesure où l'intérêt des chercheurs s'est prioritairement orienté vers Angkor, dans le Cambodge voisin. Les guerres française et américaine, qui se sont déroulées de 1946 à 1954 puis de 1962 à 1975, ont évidemment compromis les fouilles et les recherches portant sur cette civilisation oubliée et il faut attendre le début des années quatre-vingt pour que la région concernée soit de nouveau méthodiquement explorée par les archéologues.

C'est tout l'intérêt du superbe album – très richement illustré – réalisé par Emmanuel Guillon, spécialiste de la Birmanie et du Viêt Nam et président de la Société des amis du Champa ancien, de faire le point des recherches engagées au cours des dernières décennies et de nous fournir ainsi un tableau très complet de l'histoire, de l'art et du patrimoine monumental de cette région demeurée pendant un millénaire à la périphérie orientale de la « Cosmopolis sanskrite », un foyer de culture indienne finalement submergé au début du XVe siècle par le Dai Viet, son puissant voisin du Nord.

Plus qu'un royaume unitaire dont l'édification aurait été compliquée par le cloisonnement des plaines littorales qui s'étendent de la porte d'Annam au nord à la région de Phan Thiêt au sud, le Champa nous apparaît comme un espace de civilisation original réunissant plusieurs petites principautés plus ou moins étendues et puissantes dans les régions de Quang Tri, Quang-Nam, Binh Dinh, Khanh Hoa et Binh Thuan. Apparemment confiné dans les vallées côtières, centrées sur elles-mêmes, du centre du Viêt Nam, le Champa aurait pu avoir tendance à déborder naturellement vers les deux grandes vallées d'estuaire qui le bornaient au nord (celle du fleuve Rouge) et au sud (celle du Mékong), ce qui expliquerait les guerres d'expansion engagées au nord – contre la puissance chinoise d'abord puis contre l'ennemi vietnamien après la constitution du Dai Viet, à la fin du Xe siècle – et au sud contre les Khmers.

Les petites plaines côtières du Vietnam central étendues du 11e au 18e parallèle sont barrées à l'ouest par des chaînes de montagnes aux versants orientaux abrupts et qui s'élèvent jusqu'à 1 700 mètres d'altitude. Une telle disposition ne pouvait favoriser la constitution d'un empire centralisé et, au fil des siècles, la puissance cham va se déployer autour de plusieurs centres de gravité successifs. Le climat – humide en cette Asie tropicale des moussons – a fait que les hommes ont disposé d'eau en abondance et mis très tôt en place des systèmes d'irrigation, mais aucun vestige archéologique ou document épigraphique n'atteste l'existence d'un pouvoir qui aurait organisé l'espace en installant un réseau hydraulique unifié comme ce fut le cas dans le Cambodge angkorien. En fait, le Champa se présente comme une sorte « d'archipel de plaines » potentiellement riche et cultivable, irrigable, dont le sous-sol recelait des métaux tels que l'or, le cuivre, le fer ou l'étain. Il faut ajouter des montagnes fournissant des bois précieux comme le santal à l'origine d'un commerce actif avec la Chine.

La présence de la mer et de nombreux ports favorisait enfin les échanges commerciaux et culturels (c'est par là que sont arrivés les commerçants et les brahmanes indiens), mais constituait aussi une menace puisque les raids des pirates chinois et javanais étaient lancés depuis le large...

Après avoir présenté le cadre géographique, l'auteur rappelle les grands traits d'une histoire qui, entamée vers la fin du IVe siècle de notre ère – l'époque des premières inscriptions sanskrites connues dans la région, celle qui voit également l'édification à My Son d'un sanctuaire dédié à Shiva Bhadresvara – s'est prolongée jusqu'au milieu du XVe, quand la capitale cham de l'époque, Vijaya, est tombée aux mains des Vietnamiens. Les recherches les plus récentes permettent de reconstituer les principales phases de l'évolution de la région durant la période préhistorique, des premières industries néolithiques à l'apparition de la céramique et de la riziculture, de l'utilisation du bronze à partir de 1500 avant J.-C. à celle du fer un millénaire plus tard. Les nécropoles de la culture de Sa Huynh correspondent, avec leurs jarres funéraires caractéristiques, à une phase ultérieure où des contacts semblent établis avec les Philippines. Cette culture dure environ huit siècles, entre 600 avant J.-C. et 200 après, au moment où se crée, selon les sources chinoises, un royaume du Lin Yi, qui précède immédiatement le Champa. Outre ces sources chinoises, son histoire est connue par les stèles et les inscriptions qu'il nous a laissées et qui témoignent de l'hindouisation réalisée progressivement du IVe au VIIIe siècle.

Le roi Sambuvharman doit cependant prêter allégeance à l'empereur Tang chinois et la seconde moitié du VIIe siècle voit la construction des premiers monuments du site de My Son. Au milieu du VIIIe siècle, le centre de gravité du Champa se déplace vers le sud : la région de My Son et de Tra-kieu (qui correspond à la province cham d'Amaravati) voit son importance décliner au profit du Huangwaang (la province cham de Kauthâra, ou plaine de Nha Trang). C'est l'époque qui voit l'apogée du sanctuaire de Po Nagar, mais il faut compter avec la menace des pirates javanais. On constate, au IXe siècle, l'installation du bouddhisme dans une partie de l'espace cham, alors qu’Indrapura, dans la province d'Amaravati, devient capitale, avant d'être détruite en 982 par les Vietnamiens.

En l'an mil, la pression vietnamienne contraint les Chams à abandonner définitivement le nord de leur territoire et à se déplacer vers le sud, dans l'actuel Binh Dinh, pour y établir leur capitale à Vijaya. Les siècles qui suivent voient le reflux régulier des Chams et l'établissement inéluctable de l'hégémonie du Dai Viet, au moment où la menace khmère persiste. Le roi cambodgien Suryavarman II prend Vijaya en 1145, mais, en 1177, les Chams obtiennent leur grande revanche en s'emparant d'Angkor et en faisant périr le souverain khmer. Ce n'est qu'un répit puisqu'en 1220 les terres chams deviennent une province khmère. Affaibli en termes de puissance, le Champa n'en connaît pas moins une belle floraison artistique au cours des derniers siècles de son existence, ce que résume le style dit de « Binh-Dinh ».

Longtemps négligé, ce monde englouti dans les tumultes de l'Histoire ressuscite aujourd'hui au rythme des découvertes archéologiques et l'ouvrage d'Emmanuel Guillon constitue une brillante introduction à cette séquence de l'histoire asiatique, en même temps qu'une ouverture originale sur des monuments et des œuvres qui ont toute leur place dans le vaste musée imaginaire des arts de l'Extrême-Orient.
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