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La réforme grégorienne. De la lutte pour le sacré à la sécularisation du monde
La réforme grégorienne. De la lutte pour le sacré à la sécularisation du monde
Sylvain Gouguenheim
Editions du Temps présent
Paris
2010
Sylvain Gouggenheim, auteur également d'Aristote au mont Saint-Michel et de passionnants Regards sur le Moyen Age. Quarante histoires médiévales (Tallandier), nous propose aujourd’hui, aux éditions du Temps présent, une Réforme grégorienne sous-titrée De la lutte pour le sacré à la sécularisation du monde qui fera date. Sylvain Gouggenheim se présente déjà, après ses excellents travaux consacrés à Hildegarde de Bingen et aux chevaliers Teutoniques, comme l’un des meilleurs médiévistes de sa génération. Il s’agit de présenter au grand public une matière généralement réservée aux érudits et qui n’offre aucune des séductions propres à la biographie ou à l’Histoire anecdotique. Le résultat n’en est pas moins remarquable, dans la mesure où l’auteur met à la portée de non spécialistes, en s’appuyant sur une érudition sans faille mais parfaitement maîtrisée, une présentation de la réforme grégorienne – assimilée jadis dans le Malet Isaac de la classe de cinquième, en un temps où l’on apprenait encore l’Histoire dans nos établissements secondaires, à la querelle des Investitures qui n’en fut, en réalité, que l’un des aspects – aussi complète qu’accessible. La richesse et la diversité des sources utilisées – qui ne se limitent pas au corpus de rigueur puisque Sylvain Gouguenheim convoque, pour approfondir sa réflexion, aussi bien Roger Caillois que Rudolf Otto, Mircea Eliade que Marcel Gauchet – la densité et la clarté du texte, la limpidité des analyses et des interprétations proposées, font de cet ouvrage un maître livre qui marquera sans aucun doute l’historiographie d’un domaine guère exploré depuis la lecture fondatrice qu’en a donnée, en son temps déjà lointain, Augustin Fliche. Afin d’écarter tout anachronisme et de clarifier les termes du débat, l’auteur entreprend tout d’abord de préciser certaines définitions et de conjurer certains contresens. Ainsi en va-t-il du mot « réforme » dont la signification n’a, au XIe siècle, que peu à voir avec celle que nous lui accordons aujourd’hui. Il choisit ensuite de nous présenter la situation qui prévalait, pour l’Eglise, la papauté, les évêques et les monarques avant ce tournant des XIe-XIIe siècles qui voit s’engager une « réforme » qu’il ne limite pas au seul pontificat de Grégoire VII, mais inscrit dans une période qui va de 1058, date du pontificat d’Etienne IX, à 1122, qui voit la conclusion de la « paix » de Worms appelée, pour un temps, à mettre fin à la crise opposant le Sacerdoce et l’Empire. Le récit du conflit, éclairé par la présentation du cadre général de l’époque, vaut, entre autres, par les diverses lectures qui sont proposées de l’épisode de Canossa, dont on sait l’importance qu’il revêtit ultérieurement dans l’Histoire allemande. Il est complété par une magistrale analyse des « hommes et des réseaux » qui ont porté la réforme, dont le projet prend naissance dès le Xe siècle dans des milieux monastiques bien identifiés, en Lotharingie et en Italie. Pour conclure cette approche, l’auteur nous présente également les moyens auxquels ont eu recours les partisans de la papauté, habiles à gérer la polémique et à utiliser le genre pamphlétaire pour conquérir ce qu’il n’hésite pas à identifier comme « l’opinion publique » du temps. La dernière partie apparaît comme une tentative de bilan et il convient de louer la prudence de l’auteur qui, s’il met bien en lumière les effets de la réforme morale du clergé, notamment la fin de la simonie et du nicolaïsme, ainsi que l’autorité que s’attribue désormais le siège romain, nuance l’ampleur du recul de la puissance impériale, la conception germanique du pouvoir, fondée sur le sacre royal, assurant à l’empereur – outre sa puissance temporelle et le contrôle qu’il exerce toujours sur l’Eglise – le moyen de s’opposer au détenteur du siège apostolique. Les démêlés ultérieurs des pontifes romains avec Frédéric II, leur impuissance à imposer leurs volontés à un souverain aussi chrétien que saint Louis, pour ne rien dire du conflit entre Philippe le Bel et Boniface VIII, montrent les limites du succès obtenu par un Grégoire VII, dont il convient de rappeler qu’il est mort isolé à Salerne en 1085, après avoir vu Rome ravagée par les Normands de Robert Guiscard qu’il avait lui-même appelés à son secours pour s’opposer à Henri IV, humilié huit ans plus tôt à Canossa… Moment décisif pour la définition du rapport entre le sacré et le politique, la réforme grégorienne a établi une distinction fondatrice pour l’Histoire ultérieure de l’Occident, et Sylvain Gouguenheim compte même, parmi les « filles de la réforme » l’essor de la scolastique, née des écrits polémiques rédigés en cette circonstance dans les écoles de Constance, Bamberg et Trèves, et la croisade, dont l’initiative revient en 1095 à Urbain II, qui mobilise les croyants sans aucune référence au pouvoir politique. Bénéficiant des acquis de l’historiographie la plus récente, cet ouvrage – dont la clarté fera le bonheur des étudiants, des passionnés d’Histoire médiévale et du grand public cultivé – renouvelle largement la question abordée et ouvre des perspectives éclairantes sur les origines médiévales de la culture européenne.
Une conférence de Sylvain Gouguenheim sur la réforme grégorienne
La réforme grégorienne
par Sylvain Gouguenheim le mercredi 19 mai 2010 à 13h00

Au XIe siècle, sur fond de lutte acharnée entre le Pape et l'Empereur, l'Occident connaît une révolution qui bouleversera à jamais son visage : c'est la réforme grégorienne, inspirée du nom du pape Gr... Accéder à la conférence
 
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