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Trésors impériaux - Van Eyck, Gossaert, Bruegel
Chefs-d’œuvre du Kunsthistorisches Museum de Vienne
Du 5 octobre 2011 au 15 janvier 2012, à Bruges
La Gemäldegalerie du Kunsthistorische Museum de Vienne possède l’une des plus importantes collections au monde de maîtres anciens, des œuvres réunies au fil des siècles par les empereurs ou les archiducs autrichiens de la Maison de Habsbourg. Depuis la fin du XVe siècle qui vit, en 1477, le mariage de Marie de Bourgogne, l’héritière du Téméraire, avec l’empereur Maximilien d’Autriche, des liens étroits se sont noués entre les Pays-Bas et la dynastie habsbourgeoise. Le plus beau domaine de l’héritage bourguignon vit en effet ces rapports privilégiés se confirmer ensuite. C’est à Gand qu’est né le futur Charles-Quint, avant que les terres néerlandaises ne reviennent à Philippe II dans le partage effectué lors de l’abdication du grand empereur. Les Habsbourgs de Vienne récupèrent au début du XVIIe siècle les Pays-Bas méridionaux, quand un Bourbon s’installe sur le trône de Madrid. Les souverains qui régnaient à Vienne ou à Prague manifestèrent très tôt, dès le règne de Rodolphe II, un intérêt passionné pour la peinture et c’est l’archiduc Léopold-Guillaume (1614-1662), frère de l’Empereur Ferdinand III, qui fait figure de père fondateur de la pinacothèque de Vienne. Comme presque toutes les collections princières du XVIIe siècle, sa galerie doit sa naissance à un double penchant, l’intérêt suscité par les œuvres des peintres contemporains, mais aussi le culte porté au œuvres des grands maîtres du passé, appréciés en dehors de toute considération historique. D’où l’intérêt pour les précurseurs spirituels de la grande peinture, illustré par la présence du Portrait du cardinal Albergati de van Eyck, qui figure à l’inventaire de la collection avec la mention « van Eyck, premier inventeur de la peinture à l’huile » et par celle d’autres œuvres de peintres flamands, perçus comme les fondateurs d’une tradition bien particulière.

Le Kunsthistorische Museum a donc consenti le prêt au Musee Groeninge de Bruges d’une sélection de cinquante quatre chefs-d’œuvre des XVe et XVIe siècles, originaires des Pays-Bas du sud. Parmi eux des tableaux de van Eyck, Hugo van der Goes, Hans Memling, Gérard David, Jean de Flandres, Joachim Patinir, Pieter Brueghel l’Ancien, Jan Gossaert ou Joos van Cleve - et une moisson impressionnante d’œuvres majeures, parmi lesquelles on retiendra une Madone de Ian Gossaert, un Paysage de montagnes de Joos de Momper, un Portrait de Mary, sœur d’Henri VIII, réalisé par Michiel Sittow…

Quelques tableaux méritent cependant une attention particulière. Parmi eux, Le Martyre de Sainte Catherine de Patinir, pour l’étonnant paysage qui en constitue le fond. Mais aussi le Portrait de Jan de Leeuw réalisé par Van Eyck en 1436. Il s’agit d’un orfèvre ami du peintre et doyen de la guilde de son art en 1441, né, comme l’indique l’inscription gravée dans le cadre, le jour de la Sainte Ursule. Il regarde au delà du tableau, les yeux fixés sur le spectateur, et tient un anneau d’or enrichi d’un rubis dans lesquels se reflète la lumière. On ne sait comment ce portrait est arrivé dans les collections viennoises, si ce n’est qu’il s’y trouvait déjà à la fin du XVIIIe siècle. La représentation par Hugo van der Goes du Paradis et d’Adam et Eve composant l’une des pièces du Diptyque du Péché originel et de la Rédemption est l’une des œuvres flamandes où transparaît le plus nettement la ferveur religieuse qui animait le peintre, soucieux de faire participer le spectateur à l’Histoire sacrée, avec la figure du monstre reptilien à tête humaine tout à fait originale qui observe Eve cueillant la pomme fatale. Le Portement de Croix de Jérôme Bosch ne manquera pas d’attirer les regards des visiteurs. A son revers le peintre a encadré dans un cercle une scène inattendue figurant l’Enfant Jésus jouant avec un moulinet, alors que la scène de la Passion nous montre le Christ, chaussé de sandales hérissées d’épines, trébuchant sous le faix de la Croix, incapable de fixer sa marche sur l’allure précipitée de la foule qui l’entoure, une foule dont les visages pressés et mauvais trahissent la cruauté. L’insigne au crapaud qui apparaît à la droite de la scène nous apprend que le Fils de Dieu est confronté à l’armée de Satan.

On sait que le Kunsthistorische Museum de Vienne possède la plus importante collection des chefs-d’œuvre de Pieter Brueghel l’Ancien – Les Chasseurs dans la neige ou La Noce paysanne, mais aussi Les jeux des enfants, La Conversion de Saint Paul, La Journée sombre, Le Retour des troupeaux, La danse des paysans, la Tour de Babel ou La Tempête. Il ne pouvait être question de les déplacer – déjà la grande exposition Brueghel présentée à Bruxelles en 1981 avait dû s’en passer – mais l’institution viennoise a prêté Le Suicide de Saül, un tableau de 33,5 cm sur 55, réalisé en 1562, dont le sujet s’inspire du récit biblique nous racontant comment Saül, sur le point d’être capturé par les Philistins, après la déroute de l’armée d’Israël, préfère de donner la mort. On y retrouve un thème étrangement obsessionnel : celui de la citadelle sur son rocher. Historiquement sa source est banale puisque toutes les cités du temps vivaient à l’ombre du château et que les lieux fortifiés étaient omniprésents dans les paysages. Mais le regretté Claude Mettra expliquait que, symboliquement, le thème revêtait une grande richesse puisque l’on peut voir dans ces grandes demeures solitaires qui tendent leurs tours vers le ciel l’image même du Temple, de la maison ouverte au seul initié, où peuvent s’accomplir, loin du trouble des rassemblements humains, les travaux de l’art alchimique. Pour Brueghel, la Tour est en effet le royaume de ceux qui veillent, dans l’attente de la connaissance. Elle renvoie à la chute de Babel, dont les constructeurs pensaient pouvoir enfermer en ses murs l’ensemble des savoirs humains, et si les forteresses apparaissent si nombreuses dans l’œuvre du peintre, c’est sans doute parce qu’il a voulu figurer ces temples de la connaissance qui lui semblaient la demeure possible de l’homme.
 
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